V. QUALITÉ ET RAPIDITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE, DEUX SOEURS ENNEMIES A RÉCONCILIER

La rapidité est indéniablement un enjeu majeur pour répondre aux priorités politiques du moment, autant qu'une garantie de bonne application des textes. En effet, pour être efficace et rester en phase avec les exigences du moment, une loi doit être rapidement mise en oeuvre, à défaut de quoi elle risque d'être frappée d'une sorte d'obsolescence de fait avant même d'avoir trouvé à s'appliquer.

On en trouve le parfait contre-exemple dans le stock des lois promulguées sous les législatures antérieures et plus ou moins vouées à la péremption par suite des changements de contextes intervenus depuis lors, à commencer par les changements de Gouvernement et les changements de priorités politiques liées aux alternances.

L'actuel Gouvernement, dans la continuité du travail déjà accompli par celui de Jean Marc Ayrault dans le cadre de la politique de modernisation de l'action publique, s'attache donc à rénover et à limiter la durée du processus d'élaboration des normes afin de lui assurer un maximum d'efficience.

Parmi les impératifs à prendre en compte, il importe de trouver un équilibre entre la qualité des normes -qui peut plaider pour un allongement du processus normatif- et la rapidité de leur mise en application, quitte à alléger quelque peu les procédures préalables.

Une des voies dans cette direction consiste à rationaliser l'intervention des différentes commissions administratives susceptibles d'être consultées dans le cadre des procédures d'élaboration des mesures d'application des lois. Une autre voie, qui permettrait d'appréciables progrès dans ce domaine, serait d'accélérer la phase des discussions interministérielles sur les projets de textes intéressant plusieurs ministères.

A. LA RÉDUCTION DU NOMBRE DE COMMISSIONS ADMINISTRATIVES À CARACTÈRE CONSULTATIF

Comme le relevait le rapport de l'année dernière, le « circuit normatif » ressemble parfois à une sorte de parcours du combattant » ... On en prend une bonne mesure en consultant la procédure-type d'élaboration d'un projet de décret en Conseil d'état, qui ne comporte pas moins de 13 phases successives dont certaines se déroulent d'ailleurs en plusieurs séquences qui complexifient d'autant le cheminement du décret. C'est le cas, en particulier, de la phase n° 5, dite de « saisine des instances consultatives obligatoirement consultées ».

De fait, la rédaction des décrets, qu'ils soient autonomes ou d'application des lois, inclut très souvent la consultation de commissions dédiées à cette fonction. Ces commissions administratives à caractère consultatif délivrent au terme d'une procédure fixée, selon le cas, soit par le décret générique n° 2006-672 du 8 juin 2006, soit par leur texte constitutif, une décision d'avis conforme ou non. Ces consultations ont pour principal objet d'améliorer la qualité des textes soumis à leur examen, même si le Gouvernement n'est pas tenu de suivre les avis qui lui sont donnés.

Mais si l'apport réel de certaines de ces commissions paraît assez limité, les délais de leur consultation ne le sont pas... et s'ajoutent aux étapes des discussions préparatoires des projets de texte, notamment avec les représentants des différentes catégories socio-professionnelles concernées.

Au final, la phase consultative peut se révéler source de lenteurs inutiles, voire de précarité juridique dans la procédure d'élaboration des textes pour peu que le Gouvernement viendrait à les court-circuiter. En effet, même si l'avis recueilli ne lie pas le Gouvernement, l'ensemble des conditions et des délais régissant la consultation des organismes consultatifs doit être respecté, à peine d'entacher d'illégalité le texte qui s'en serait affranchi 11 ( * ) .

La démarche de modernisation de l'action publique passe donc aussi par la rationalisation du recours à ces commissions consultatives. Ce mouvement a notamment été engagé suite à la publication de la circulaire n°5618/SG de Jean Marc Ayrault en date du 30 novembre 2012, qui s'articule sur deux axes : réduire le nombre des commissions consultatives en supprimant ou en fusionnant celles dont l'utilité n'est plus démontrée, et rénover autant que possible la procédure de consultation.

1. La suppression ou la fusion de commissions dont la consultation n'apparaît plus indispensable

Le premier axe consiste tout d'abord à supprimer ou à fusionner certaines commissions consultatives identifiées par les deux comités interministériels pour la modernisation de l'action publique intervenus le 18 décembre 2012 (CIMAP 1) et le 17 juillet 2013 (CIMAP 3).

A ainsi été décidée la suppression de 168 commissions, soit une réduction d'environ 25% du nombre total des structures existantes, au nombre d'environ 600. À cette fin, deux décrets supprimant des commissions consultatives ont été pris par le Gouvernement. Le plus récent d'entre eux, en date du 17 février 2014, a supprimé 33 commissions, portant ainsi à 128 le nombre de structures effectivement effacées du paysage administratif depuis la circulaire du 30 novembre 2012 ( cf. annexe).

Par ailleurs, pour éviter à l'avenir que prolifèrent de nouvelles structures, la création d'une commission consultative devra désormais s'accompagner de la suppression simultanée d'un autre de ces organismes (déclinaison aux organes consultatifs de la règle générale du « un pour un »).

2. Des modalités de consultation rénovées

Le second axe de ce mouvement de rationalisation tend à rénover les modalités de consultation, sur la base de trois principes :

- l'élaboration d'une « cartographie consultative » faisant apparaître la stratégie de consultation, les instances qui y contribuent, la logique de leur coexistence et les regroupements envisageables ;

- l'essor de procédés nouveaux et moins formels, comme les consultations ouvertes 12 ( * ) ou les consultations à caractère informel ou ponctuel ;

- un allégement du fonctionnement des organismes consultatifs, moyennant le recours à des techniques nouvelles comme les espaces collaboratifs, la vision-conférence, etc...

S'il est encore beaucoup trop tôt pour porter une appréciation d'ensemble sur cette ambitieuse réforme, le mouvement de rationalisation des commissions consultatives semble donc aujourd'hui bien engagé puisque 78% des suppressions prévues par les CIMAP sont d'ores et déjà effectives. De plus, il est encore envisagé la suppression de la trentaine de commissions « peu utiles » subsistantes, ce qui permettrait au Gouvernement de remplir pleinement ses objectifs initiaux.


* 11 À titre d'illustration, la consultation peut être jugée irrégulière lorsque les membres de l'organisme ont été saisis d'un document sur lequel il leur a été demandé de faire part individuellement de leurs observations sans qu'ils aient été mis à même d'en débattre collégialement... (CE, 17 mai 1999, Société Smithkline Beecham).

* 12 L'article 16 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit dispose que « lorsqu'une autorité administrative est tenue de procéder à la consultation d'une commission consultative préalablement à l'édiction d'un acte réglementaire, à l'exclusion des mesures nominatives, elle peut décider d'organiser une consultation ouverte permettant de recueillir, sur un site internet, les observations des personnes concernées. L'autorité administrative fait connaître par tout moyen les modalités de la consultation ».

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