Rapport d'information n° 700 (2013-2014) de Mme Patricia SCHILLINGER , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 8 juillet 2014

Disponible au format PDF (33 Moctets)


N° 700

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif aux collectivités territoriales et à la petite enfance ,

Par Mme Patricia SCHILLINGER,

Sénateur.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau, Alain Richard et Jean-Pierre Vial.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Cour des comptes a publié, en novembre 2013, un rapport public thématique consacré à « l'accueil des enfants de moins de 3 ans ».

Bien qu'aucune collectivité territoriale n'ait de compétence explicite en ce domaine, il a semblé opportun à la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de faire le point sur les responsabilités qu'elles assument néanmoins pour soutenir les familles souhaitant faire garder leurs enfants en bas âge.

Dans cette perspective, les représentants des principales associations d'élus (Assemblée des départements de France, Association des maires ruraux de France, Association des maires de France), des familles (Union nationale des associations familiales - UNAF), des assistantes maternelles, ainsi que le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ont été consultés.

Quelques chiffres permettant de mesurer l'ampleur de la tâche : au 1 er janvier 2012 (derniers chiffres disponibles), il y avait en France 2,5 millions d'enfants de moins de trois ans, dont 1,27 million étaient gardés par d'autres personnes que leurs parents.

Le coût global de cet accueil s'élevait, en 2011, à la somme considérable de 14 milliards d'euros , qui représente 0,7 % du PIB de cette année . 73 % du total était à la charge de la branche famille de la Sécurité sociale, 17 % à la charge des collectivités territoriales et 10 % à celle de l'Etat.

Cet important effort vise un triple objectif :

- familial, de soutien à la natalité ;

- socio-économique, d'encouragement au travail des femmes ;

- socio-éducatif, de développement de l'enfant.

Si l'Etat en fixe les orientations générales, le financement de cette politique est en grande partie assuré par la branche famille de la Sécurité sociale, et sa mise en oeuvre relève principalement des collectivités territoriales .

Or il apparaît clairement - et cela a également été souligné par la Cour des comptes - que ces dernières n'ont qu'un rôle marginal dans la prise de décision, qui est essentiellement assurée par l'Etat et la Sécurité sociale.

Le présent rapport vise donc d'abord à dresser un tableau synthétique des différents modes d'accueil des jeunes enfants, et de leur répartition sur le territoire métropolitain. Puis il expose les positions des différents acteurs de terrain sur les atouts et les points faibles de chacun des modes de garde, avant de développer la vision des élus sur les évolutions souhaitables en ce domaine.

I. UNE OFFRE TERRITORIALE TRÈS DISPARATE, ASSURÉE PAR DES MODES DE GARDE DIVERSIFIÉS

La France dispose d'une offre importante en matière d'accueil de jeunes enfants, pour la période précédant l'entrée en école maternelle (en majorité, jusqu'à 3 ans). Il s'agit là d'un atout propre à notre pays , qui le distingue de la plupart de ses voisins européens.

Cependant, cette offre est marquée par une inégale répartition sur le territoire : les zones urbaines les plus denses sont mieux dotées que les zones rurales peu peuplées.

A. UNE OFFRE D'ACCUEIL MARQUÉE PAR UNE GRANDE DISPARITÉ TERRITORIALE

En moyenne nationale, il existait en 2011 (derniers chiffres disponibles) un potentiel de 52 places de garde pour 100 enfants de moins de 3 ans . Cette moyenne recouvre de fortes disparités, car les capacités d'accueil varient, selon les départements de France métropolitaine, de 1 à 3 .

Les départements les mieux dotés se situent dans l'ouest de la France et dans les zones urbaines disposant d'un fort potentiel fiscal (Paris, Hauts-de-Seine,...). À l'inverse, ce sont dans les départements ruraux situés sur un axe allant de l'Eure aux Ardennes, et les zones urbaines défavorisées (Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise,...) qu'on constate les offres les plus réduites.

Ces inégalités sont le résultat de facteurs multiples et complexes : difficultés pour les familles démunies socialement et financièrement de recourir à un mode de garde extérieur, dispersion de l'habitat dans les zones rurales, manque de personnels qualifiés,...

Selon la Cour des comptes, « l'accès des familles à un mode de garde reste largement dépendant du niveau de leurs revenus. Ainsi, 64 % des ménages les plus aisés font garder leur enfant, contre 8 % pour les familles les plus modestes ».

La carte ci-après retrace le taux d'accueil par département.

L'inégalité se constate, quel que soit le mode de garde.

Les établissements d'accueil des jeunes enfants (EAJE), c'est-à-dire les crèches, offraient, en 2011, 13 places en moyenne nationale pour 100 enfants de moins de 3 ans. Ce taux varie, selon les départements, de 4 à 34 places.

Ce sont les départements les plus urbains (Paris et sa petite couronne, sud de la France) qui sont les mieux dotés. Cependant, si la région parisienne bénéficie d'une forte densité en accueil collectif, avec 37 places pour 100 enfants, elle est déficitaire en assistantes maternelles, dont le taux varie entre 5 et 20 pour 100 enfants .

L'offre d'accueil était estimée, en 2011, dans l'ensemble de la France métropolitaine, à :

- 362 000 places en accueil collectif ;

- 300 000 assistantes maternelles, pouvant accueillir jusqu'à 855 000 enfants ;

- 109 000 enfants de 2 ans accueillis en école maternelle (- 10 % par rapport à 2009).

Une enquête, réalisée en 2012 par la CNAF, souligne que les parents gardant leur enfant sont deux fois plus nombreux que ceux à l'avoir expressément souhaité . La CNAF a donc intégré, dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) qu'elle a conclue avec l'Etat pour la période 2013-2017, la nécessité de « cibler les dépenses sur les territoires prioritaires au sein des bassins de vie 1 ( * ) ». L'INSEE définit le « bassin de vie » comme : « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants ». 120 millions d'euros seront ainsi affectés aux crèches situées dans les territoires prioritaires.

Par ailleurs, les trois-quarts des 100 000 nouvelles solutions d'accueil prévues par la CNAF seront créés dans les territoires où la tension entre l'offre et la demande est forte.

Il faut relever que la capacité d'accueil des jeunes enfants, même si elle reste insuffisante, a été notablement renforcée de 2006 à 2011, avec une offre supplémentaire de 132 000 places . Ainsi, les enfants de moins de 3 ans bénéficiant d'une place d'accueil sont passés, durant cette période, de 48 % à 52 %. Cette croissance de l'offre est prioritairement passée par l'accroissement des assistantes maternelles (+ 160 000) et des crèches (+ 53 000). En revanche, la préscolarisation en école maternelle des enfants de deux ans a régressé.

B. DES MODES DE GARDE DIVERSIFIÉS

L'accueil collectif est assuré dans les établissements tels que les crèches, les micro-crèches, les haltes garderies, les structures multi-accueil ou encore les jardins d'enfants .

Ces établissements sont soumis au respect d'une réglementation et font l'objet d'un avis ou d'une autorisation de fonctionnement délivrée par le président du conseil général , après avis des services de la protection maternelle et infantile (PMI).

L'accueil peut également être confié à une assistante maternelle qui, pour être autorisée à accueillir des enfants à son domicile, doit être titulaire d'un agrément délivré par le président du conseil général .

Il est également possible de faire garder un ou plusieurs enfants au domicile des parents , éventuellement en garde partagée, avec une professionnelle employée par ceux-ci ou par l'intermédiaire d'un organisme agréé par l'Etat.

Parmi les 2,5 millions d'enfants de moins de 3 ans présents en France métropolitaine au 1 er janvier 2012, 1,27 million bénéficiaient d'un mode d'accueil, dont 60 % par des assistantes maternelles, 30 % en crèche, les 10 % restant étant préscolarisés ou gardés au domicile des parents, pour un coût global de 14 milliards d'euros.

Mais l'affectation de cette somme ne permet pas de répondre pleinement aux demandes des parents. En effet, la Cour des comptes relève que « quelle que soit la tranche de revenu de la famille, le taux d'effort et le reste à charge sont toujours moins élevés en établissement d'accueil collectif (EAJE : établissement d'accueil des jeunes enfants), alors qu'il est le plus coûteux pour la collectivité, le moins coûteux étant l'accueil par les assistantes maternelles ».

Cette distorsion entre les coûts pesant sur les familles et ceux pesant sur la collectivité est préoccupante . Les causes en sont connues : elles découlent des fortes exigences requises pour les personnels travaillant dans les crèches. Ce haut niveau de qualité explique que le choix prioritaire des familles se porte sur ce type d'accueil , mais qu'il ne peut être satisfait que pour une minorité de demandes, et selon des critères qui ne sont pas toujours transparents.

L'accueil collectif peut être assuré par des crèches collectives, familiales, parentales et par les micro-crèches . Mais ce sont les assistantes maternelles qui assurent le plus fort taux d'accueil, avec 60 % du total .

Le détail des modes de garde est décrit dans le tableau suivant.

Chiffres clés 2011 - Extraits du PLFSS 2014

Offre totale : près d'1,27 million de solutions de garde

Total enfants de moins 3 enfants : 2,5 millions

Un enfant sur deux de moins de 3 ans bénéficie d'un mode de garde

52 places pour 100 enfants, soit : 30 avec assistantes maternelles (6 places sur 10) ; 16 en EAJE (3 places sur 10), 2 salariés à domicile et micro-crèches et 4 en maternelle


EAJE en 2011 (11 300 établissements) :

381 000 places, dont :

- plus de 330 000 en accueil collectif (dont plus de 7 200 en crèches de personnel), soit 87 % ;

- plus de 40 000 en crèches familiales, soit 11 % ;

- plus de 2 400 en crèches parentales ;

- plus de 8 200 en micro-crèches.


Assistantes maternelles en 2011 :

735 400 places pour les moins de 3 ans ;

310 000 assistantes maternelles pour les particuliers (sur 450 000 assistantes maternelles agréées) - salaire moyen de 860 euros.


Salariées à domicile en 2011 :

48 400 enfants accueillis


Ecole maternelle en 2011 :

94 600 enfants


• COG 2 ( * ) 2009-2012 : 95 000 places créées (56 000 places et 39 800 optimisations)


• COG 2013-2017 : 200 000 places


• 100 000 solutions d'accueil supplémentaires, dont 10 % réservées aux enfants de familles pauvres :

- 80 000 places nouvelles ;

- 20 000 places par l'optimisation des places existantes en solde net (33 000 moins 13 000 suppressions de places).


• 100 000 solutions d'accueil individuel :

1 RAM 3 ( * ) pour 100 à 1 RAM pour 70 professionnels prévus en fin de COG

Prime à l'installation pour les assistantes maternelles nouvellement agréées.


• 75 % des nouvelles solutions d'accueil seront sur les territoires où la tension offre/demande est forte

Source : CNAF

Les relais assistantes maternelles

Les relais assistantes maternelles (RAM) sont des lieux d'information, de rencontre et d'échange au service des parents, des assistantes maternelles et des professionnels de la petite enfance.

Le gestionnaire peut être une collectivité territoriale (commune, communauté de communes), un centre communal ou intercommunal d'action sociale, une association ou une mutuelle.

Les RAM sont animés par une professionnelle de la petite enfance.

Les parents et futurs parents peuvent y recevoir gratuitement des conseils et des informations sur l'ensemble des modes d'accueil.

Les RAM apportent aux assistantes maternelles un soutien et un accompagnement dans leur pratique quotidienne en leur donnant la possibilité de se rencontrer et d'échanger leurs expériences.

Les ateliers éducatifs (musique, activités manuelles, etc.) proposés par les RAM constituent des temps d'éveil et de socialisation pour les enfants accueillis par des assistantes maternelles.

La Caisse d'allocations familiales et, le cas échéant, la Caisse de mutualité sociale agricole participent au financement des RAM en versant au gestionnaire une aide destinée à couvrir une partie des frais de fonctionnement.

Source : CNAF

II. LA POSITION DES DIFFÉRENTS ACTEURS : FAMILLES, ASSISTANTES MATERNELLES ET CNAF

A. LES FAMILLES

L'Union nationale des associations familiales (UNAF) fait valoir que la famille reste le premier mode de garde des enfants : ainsi, 62 % des parents ont recours au congé parental .

Cependant, une offre d'accueil de qualité pour des jeunes enfants est un élément majeur d'incitation à l'emploi. Or, l'objectif de la politique de libre choix des familles n'est pas atteint du fait que l'accueil en crèche, premier choix des parents, ne peut répondre à toutes les demandes. La qualité de cet accueil a un coût élevé, estimé à 14 000 euros par enfant et par an.

Le recours à une assistante maternelle est donc, souvent, un choix par défaut, même s'il constitue le premier mode de garde en nombre.

Cette solution présente des difficultés conjoncturelles et structurelles :

- le manque de professionnelles qualifiées est particulièrement aigu en milieu rural, alors que les zones urbaines sont parfois en surcapacité ;

- un grand nombre d'entre elles approchent de l'âge de la retraite, et la relève est diversement assurée ;

- ce métier est souvent exercé comme une opportunité momentanée ; il est assuré pour 40 % par des femmes qui sont elles-mêmes mères de jeunes enfants, et qui cessent de l'exercer quand ceux-ci ont grandi ;

- les familles issues de milieux défavorisés hésitent à y faire appel, car cela les contraint à assurer le statut d'employeur auquel elles sont peu préparées.

D'autres modes de garde peuvent être proposés aux familles : crèches familiales, haltes garderies (mais on constate leur diminution progressive), crèches d'entreprise.

Mais l'offre d'accueil pâtit surtout du tarissement des initiatives de terrain. Le modèle des années 1980, avec des initiatives prises par le secteur associatif, constitué de familles partageant les mêmes besoins, qui était le premier promoteur des modes de garde et trouvait des relais auprès des municipalités, s'est essoufflé. Les familles sont découragées par la rigidité croissante des réglementations, et les collectivités territoriales sont, pour la même raison, plus hésitantes . L'évolution jugée « technocratique et gestionnaire » de la CNAF a produit des effets pervers. Ainsi, les familles se voient aujourd'hui proposer majoritairement un accueil à temps complet, alors que leurs besoins seraient mieux satisfaits par un temps partiel plus personnalisé.

De même, un nombre croissant de collectivités territoriales déplorent que les contrats passés avec les CAF ne leur permettent plus d'avoir une vision claire des résultats concrets de leurs engagements dans l'offre d'accueil.

Par ailleurs, le renforcement, souhaité par le gouvernement, de scolariser en plus grand nombre les enfants de 2-3 ans semble plus répondre, selon l'UNAF, à la volonté de pérenniser des postes d'enseignants qu'à celle de prendre en compte les besoins des enfants.

De plus, une place en école maternelle peut se révéler, in fine , plus coûteuse qu'une place de crèche si l'on considère l'ensemble des coûts : salaire, cantine, garderie.

Les micro-crèches

Ces structures d'accueil peuvent accueillir collectivement au maximum dix enfants. Leur ouverture est subordonnée à un avis ou une autorisation de fonctionnement délivrés par le président du conseil général après avis des services de protection maternelle et infantile (PMI).

Elles peuvent être gérées par une collectivité territoriale (commune, intercommunalité, conseil général), un centre communal ou intercommunal d'action sociale, une association ou une entreprise.

Le fonctionnement d'une micro-crèche est, en grande partie, soumis aux mêmes règles que les établissements d'accueil collectif. Les locaux respectent les normes de sécurité exigées pour les établissements recevant du public et sont aménagés de façon à favoriser l'éveil des enfants.

Elles bénéficient cependant de conditions particulières s'agissant notamment de la fonction de direction et des modalités d'encadrement des enfants. Ces spécificités leur confèrent une relative souplesse de fonctionnement, notamment en termes d'horaires d'ouverture, tout en offrant un accueil de qualité.

La Caisse d'allocations familiales et, le cas échéant, la Caisse de mutualité sociale agricole, participent au financement des micro-crèches :

- soit en versant directement aux parents le complément de libre choix du mode de garde (CMG) dans le cadre de la PAJE : la participation financière des familles est calculée selon des modalités propres à chaque gestionnaire ;

- soit en versant au gestionnaire une aide destinée à couvrir une partie des frais de fonctionnement de la micro-crèche : le gestionnaire s'engage à calculer la participation financière des familles à partir d'un barème tenant compte de leurs ressources et de la composition de la famille. Ce barème (établi par la Caisse nationale des allocations familiales) est identique sur l'ensemble du territoire métropolitain.

C'est le gestionnaire qui effectue le choix du mode de financement. Pour une même micro-crèche, il ne peut y avoir de cumul entre les deux modes de financement précités.

Source : CNAF

B. LES ASSISTANTES MATERNELLES

L'expérience tirée du travail dans le secteur de la petite enfance permet à leurs représentantes de formuler des propositions d'économie concrètes sur les différents modes de garde des jeunes enfants :

- il peut exister une rivalité entre collectivités territoriales pour la construction de bâtiments excédant parfois les besoins inhérents aux crèches . Or, celles-ci ne requièrent pas de locaux « luxueux », mais fonctionnels, facilitant les déplacements et les échanges. S'en tenir à ce seul critère permettrait de réduire notablement les coûts de construction ;

- les normes d'hygiène régissant l'accueil des enfants n'ont cessé de croître en exigence, encadrant de façon excessive tous les gestes des personnels : ainsi est-il aujourd'hui requis, pour donner un biberon, de porter un masque. Le retour au simple bon sens permettrait de fortes économies sur tous les matériels jetables ;

- l'obligation de fourniture des couches induit la conclusion de gros marchés, qui devraient être passés par un pôle de gestion commun à plusieurs établissements, sur un territoire à définir. Ces commandes groupées permettraient de réduire les coûts ;

- la large amplitude horaire , de 7 h à 19 h, proposée par les crèches, excède souvent les besoins des parents, qui se portent majoritairement sur une ouverture de 7 h 30 à 18 h 30. Cette réduction d'une heure permettrait de réduire notablement les coûts de personnel. L'adaptation de l'offre aux besoins prévalant sur un territoire devrait constituer une priorité , en se donnant les outils de leur connaissance ;

- des leçons sont à tirer de la performance économique des entreprises proposant des projets de crèches « clés en main » , avec des coûts plus bas (environ 10 000 euros par enfant et par an) que ceux du secteur non marchand (qui avoisinent 14 000 euros), leur permettant néanmoins de dégager des bénéfices. Ces résultats sont obtenus grâce à une conception d'ensemble, de l'organisation des locaux jusqu'au choix de personnels de qualité. D'importantes économies d'échelle sont induites par la taille des marchés.

L'extension de ce modèle économique permettrait sans doute de réduire les inégalités constatées entre la qualité des offres d'accueil proposées par les collectivités territoriales ;

- une distinction devrait être faite entre les métiers de gestion et d'accueil . À l'heure actuelle, ce sont les personnels pédagogiques ayant le plus d'ancienneté qui accèdent aux fonctions de gestion. Or, il s'agit de deux filières réclamant une formation et des aptitudes bien distinctes. Il conviendrait donc de mutualiser la gestion de plusieurs établissements en la confiant à un professionnel de ce secteur, seul à même de rationaliser les coûts de fonctionnement des structures d'accueil. Ceci permettrait également de globaliser les marchés de fourniture.

S'agissant du statut des assistantes maternelles, le Syndicat professionnel des assistantes maternelles et assistants familiaux (SPAMAF), qui regroupe une dizaine de milliers d'adhérents, dont des associations et des relais d'assistantes maternelles, sur un total de près de 350 000, en dresse un tableau nuancé.

Cette fonction se professionnalise, notamment grâce aux 120 heures de formation obligatoire payées par les départements, depuis la conclusion d'une convention collective en 2005. Les nouvelles générations considèrent ce travail comme un vrai métier. Cependant, les difficultés économiques actuelles induisent un chômage croissant au sein des familles, qui les pousse à garder elles-mêmes leurs enfants, ou à recourir à des gardes non déclarées.

La majorité des assistantes maternelles agréées exercent en crèches familiales, en Maison d'assistantes maternelles, ou à leur domicile.

Le regroupement des assistantes au sens des Maisons d'assistantes maternelles (4 au maximum) a des aspects positifs pour celles-ci (locaux spécifiques, partage des tâches et de l'expérience), mais leur organisation est parfois défaillante, faute de définition initiale claire d'éléments concrets, comme le paiement des assurances ou la répartition des charges ménagères.

Maison d'assistante maternelle : MAM

La loi du 9 juin 2010 portant création des Maisons d'assistantes maternelles dispose que, dans le cadre de la politique d'accueil de la petite enfance, une assistante maternelle peut accueillir des mineurs dans un local tiers, en dehors de son domicile. Elle doit au préalable signer une convention avec le conseil général, la Caisse d'allocations familiales ou, le cas échéant, la Mutualité sociale agricole (MSA).

Quatre assistantes maternelles, au maximum, peuvent travailler au sein du même local. Celles-ci doivent être agréées par le président du conseil général.


• Quelles sont les démarches à effectuer ?

- évaluer l'offre et la demande sur le terrain ;

- prendre contact avec la CAF, la mairie et la PMI afin de bénéficier de conseil technique ;

- rechercher un local (loué, acquis ou prêté) ;

- élaborer un règlement de fonctionnement ;

- déposer le dossier auprès du président du conseil général du département ;

- attendre l'autorisation du conseil général et de la CAF.

Après accord du président du conseil général ainsi que de la CAF et/ou de la MSA, il est procédé à la signature de la convention.


• Où exercer ?

L'accueil des enfants se fait dans un local qui doit garantir la santé et la sécurité des mineurs. Les assistantes maternelles peuvent obtenir des informations concernant les normes de sécurité et d'accessibilité des locaux à respecter auprès de leur mairie.

Les assistantes maternelles s'engagent à fournir à la CAF et/ou la MSA ainsi qu'au conseil général un document précisant les modalités principales et collectives de gestion du local dans le délai de quinze jours calendaires suivant la signature de la convention.

Les assistantes maternelles qui bénéficient de la délégation d'accueil devront s'assurer pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d'une période où l'accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes.

Cette obligation fait l'objet d'un engagement écrit des intéressés lorsque la demande d'agrément est formulée auprès du président du conseil général.

Les rapports entre salariés et employeurs continuent d'être régis par un contrat de travail.


• Les avantages offerts par les Maisons d'assistantes maternelles aux professionnels et aux parents :

- de la souplesse : la délégation d'accueil, qui permet à une assistante maternelle de déléguer temporairement, avec l'accord des parents, l'accueil d'un enfant à une autre assistante travaillant dans la même maison ;

- des horaires d'accueil mieux adaptés : le travail en commun permet aux assistantes maternelles de répondre à la demande des parents qui ont des horaires de travail atypiques et ne disposent pas de revenus suffisants pour employer un salarié à domicile ;

- de coût raisonnable : payées directement par les parents, les assistantes maternelles qui se regroupent ne sont financièrement pas à la charge des communes ;

- un accroissement de l'offre d'accueil : la création des maisons d'assistantes maternelles augmente le volume de l'offre de garde, en permettant aux personnes dont le logement est exigu ou non conforme aux critères pour être agréé par les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou bien encore situé dans une zone où la demande est faible, d'exercer le métier d'assistante maternelle en dehors de leur domicile.

Source : www.assistante-maternelle.biz

Les conditions de garde des enfants au domicile des assistantes maternelles suscitent chez ces dernières certaines interrogations portant sur :

- l'hétérogénéité, selon les départements, des pratiques des services de PMI en matière de délivrance des agréments ;

- l'interprétation du référentiel national 4 ( * ) définissant les modalités concrètes d'accueil des enfants. Certains départements en durcissent le contenu et y ajoutent des contraintes supplémentaires (par exemple, interdiction du recours, pour la sieste, au « lit parapluie », lit d'appoint pliable qui est pourtant mentionné sur le site de la CNAF « mon-enfant.fr) » ;

- les commissions départementales d'accueil des jeunes enfants (CDAJE), créées par un décret de 2002 et qui réunissent des représentants de toutes les parties impliquées dans la garde des enfants (conseil général, CAF, MSA, services déconcentrés de l'Etat, collectivités territoriales, associations familiales, représentants des professionnels de l'enfance), n'ont pas été mises en place dans tous les départements. Or, elles constituent un lieu de nécessaire concertation, même si la Cour des comptes juge que peu d'entre elles ont un fonctionnement « permanent et pertinent ».

Il faut souligner que ces critiques ont été entendues, car elles ont été remplacées, depuis février 2014, par les « commissions départementales des services aux familles 5 ( * ) ».

C. LA CNAF

Les CAF disposent de deux modes d'action complémentaires pour permettre aux familles de disposer d'un mode d'accueil :

- l'apport direct d'une subvention d'investissement ou de fonctionnement aux établissements d'accueil de jeunes enfants au titre de l'action sociale des CAF (2,9 milliards en 2013, soit 20 % des dépenses consacrées à la petite enfance) ;

- le versement de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) : 80 % des dépenses consacrées à la petite enfance le sont au titre de prestations familiales, afin de compenser les charges salariales résultant de l'emploi d'une assistante maternelle ou d'une garde à domicile.

Les dépenses relatives à l'accueil du jeune enfant sont passées de 212,8 millions d'euros en 1987 à 2,9 milliards d'euros en 2012, ce qui marque une évolution considérable, retracée dans le tableau suivant.

Evolution des dépenses d'accueil du jeune enfant
entre 1987 et 2012 ( en milliers d'euros courants )

Exercice

(en milliers d'euros)

Exercice

(en milliers d'euros)

1987

212 819

2001

982 440

1990

292 397

2002

1 205 387

1991

345 449

2003

1 245 184

1992

411 917

2004

1 545 199

1993

439 968

2005

1 849 541

1994

484 361

2006

1 874 214

1995

547 552

2007

1 933 674

1996

626 029

2008

1 995 782

1997

671 074

2009

2 062 602

1998

753 859

2010

2 216 578

1999

864 756

2011

2 421 299

2000

921 333

2012

2 897 266

Source : CNAF - Ventilation fonctionnelle des dépenses d'action sociale

L'aide au fonctionnement est dénommée « Prestation de service unique » (PSU) et vise à :

- inciter à une bonne gestion par la prise en compte du prix de revient, dans la limite d'un plafond ;

- inciter à la mixité sociale par le lien établi entre les ressources des familles et leur participation financière ; le montant de leur contribution est ainsi neutre pour le gestionnaire.

La PSU est donc une subvention d'exploitation, dont le barème est proportionnel aux revenus des familles. Cette prestation différentielle assure la mixité sociale, qui relève donc des CAF, et non des collectivités territoriales , alors que ces dernières gèrent près de 70 % des crèches.

Pour la CNAF, la recommandation de la Cour des comptes visant à « déplafonner le barème national des participations familiales », c'est-à-dire à accroître la contribution demandée aux familles les plus aisées, aurait des effets pervers sur la mixité sociale. Ces familles font déjà, en majorité, le choix de faire garder leurs enfants à domicile, et se détourneraient encore plus de l'accueil en crèche.

L'objectif d'harmonisation de la PSU sur l'ensemble du territoire métropolitain d'ici 2017 bénéficiera de 737 millions d'euros, dont 178 millions affectés à l'investissement (amélioration des locaux), et 559 millions à la réévaluation des plafonds de la PSU.

S'agissant des relations entre crèches et collectivités territoriales, la CNAF estime que les CAF ont trop d'interlocuteurs locaux, ce qui nuit à la cohérence et à l'efficacité de leur action.

Le territoire le plus pertinent serait le bassin de vie, l'INSEE en a identifié 1 600, qui seraient appelés à se substituer, dans un schéma idéal, aux 36 000 communes.

Une meilleure connaissance de la demande d'accueil , au regard de l'offre, est un objectif majeur mais difficile à atteindre.

Le recours croissant des familles au site « mon-enfant.fr », mis en place par la CNAF, et l'insertion depuis septembre 2013 d'une rubrique permettant aux familles de formuler leur besoin d'accueil constitue un premier pas . La demande est transmise à la commune ou à l'intercommunalité dont relève la famille, à charge pour elle d'y répondre.

Cette rubrique ne fonctionne, à l'heure actuelle, que dans quelques communes volontaires, et doit être progressivement étendue.

Par ailleurs, les coordonnées des assistantes maternelles ayant donné leur accord sont en ligne dans 90 départements, soit directement (83 départements), soit au moyen d'un lien avec un site développé par le conseil général (7 départements). 182 605 assistantes maternelles sont recensées sur le site, soit 60 % de ceux en activité.

La CNAF a pris également plusieurs initiatives pour valoriser le métier d'assistante maternelle. Ainsi, la durée de formation (financée par le département) est passée de 60 heures à 120 heures, et un module consacré aux spécificités de l'organisation de l'accueil collectif y a été introduit.

Il semblerait cependant que de fortes disparités existent entre départements, notamment sur la longueur des délais entre l'obtention de l'agrément et l'entrée en formation préalable à l'accueil d'un premier enfant.

Deux aides ont été instaurées pour renforcer l'attractivité du métier : la création d'un prêt à taux zéro et le versement d'une prime à l'installation.


Le prêt à taux zéro pour les assistantes maternelles :

Les assistantes maternelles peuvent bénéficier d'un Prêt à l'amélioration du lieu d'accueil (PALA), qu'ils exercent leur activité à domicile ou au sein d'une maison d'assistantes maternelles.

Il s'agit d'un prêt sans intérêt d'un montant maximum de 10 000 euros (plafonné à 80 % des dépenses engagées), avec un délai de remboursement maximal de 120 mois. Le budget des PALA se monte à 0,5 % des prestations familiales payées au cours des douze mois précédant le 30 décembre de l'année antérieure (163 millions d'euros pour 2009).

Après l'octroi de seulement 219 offres de prêt en 2010, le dispositif est rapidement monté en charge. Au 31 décembre 2012, 1 795 prêts ont été versés, pour un montant de 11 480 137 euros.

Pour les assistantes maternelles exerçant à leur domicile, les volumes de prêts restent toutefois assez faibles si on les compare à l'augmentation des effectifs d'assistantes maternelles en activité (supérieure à 10 000 par an en moyenne ces dernières années).


Le versement d'une prime à l'installation :

Ces primes, allant de 300 à 500 euros, sont versées par les CAF lors d'une première installation.

Au 31 décembre 2012, 6,2 millions d'euros de primes ont été versés (6 millions d'euros en 2011) à environ 17 000 assistantes maternelles. 56 % des assistantes maternelles nouvellement agréées ont obtenu la prime d'installation en 2010 et 2011.

III. MIEUX FAIRE RECONNAÎTRE LE RÔLE ASSURÉ PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LA GARDE DES JEUNES ENFANTS

Les objectifs et les modalités de la garde des jeunes enfants relèvent sans conteste de l'Etat , seul à même de les définir pour l'ensemble du territoire, ainsi que de déterminer et fournir le financement de base de cette politique.

Cette évidence ne doit cependant pas conduire à méconnaître le rôle important assuré par les collectivités territoriales, en l'occurrence les départements et le bloc communal , dans l'application de cette politique. Ceci est d'autant plus crucial que de nombreuses améliorations des modes d'accueil pourraient être réalisées par une approche pragmatique issue des territoires , comme le constate le rapport de la Cour des comptes . Celui-ci souligne, en effet, que : « l'éclatement des compétences entre la CAF, le département et le niveau communal en matière d'initiative, d'autorisations, d'agréments et de financement des projets nuit à leur cohérence, et la coordination des différents acteurs est insuffisante » .

A. LE DÉPARTEMENT

L'accueil de la petite enfance est une politique multi-partenariale, et les départements y occupent, aux côtés de la CNAF, une large place. Il serait donc particulièrement souhaitable que les départements soient associés à la définition des objectifs de la CNAF, ce qu'ils suggèrent de longue date, sans succès.

La Cour des comptes estime que « le niveau départemental apparaît être l'échelon pertinent pour analyser les besoins en matière d'accueil de la petite enfance ».

S'agissant des principales recommandations faites par la Cour, la première d'entre elles vise à corriger les inégalités sociales et cible les modalités d'admission en établissement d'accueil. Plusieurs difficultés sont évoquées sur les modalités d'attribution des places , rarement collégiale ni même formalisée, le défaut de lisibilité des critères d'attribution (quand ils existent et ne se limitent pas à la date de la demande et à l'adresse du domicile des parents), les tarifs hétérogènes , alors qu'il faudrait tenir compte du profil des familles, de leurs besoins et de leurs ressources pour mieux appréhender les besoins d'accueil (horaires atypiques, handicap, temps partiel) et s'adresser prioritairement à ceux qui en ont le plus besoin (familles monoparentales, faibles ressources) sur le territoire d'implantation.

La Cour souligne également l'écart entre les « bonnes intentions sociales » de l'ensemble des acteurs institutionnels, et les contraintes impérieuses auxquelles sont soumis les gestionnaires d'établissements pour assurer l'équilibre financier de leur structure, et bénéficier des subventions de fonctionnement de la CAF.

1. Améliorer le travail en commun entre les conseils généraux et les CAF pour l'accueil de la petite enfance

La Cour recommande également de renforcer la coordination entre les conseils généraux et les CAF , dans leurs compétences respectives et partagées, recommandation à laquelle l'Assemblée des départements de France souscrit totalement .

En effet, les orientations en matière de petite enfance sont fixées par l'Etat lors de la signature de la Convention d'objectifs et de gestion (COG) Etat/CNAF, sans concertation avec les collectivités territoriales. Ces orientations sont ensuite appliquées uniformément sur le territoire, indépendamment des « réalités de terrain » exprimées tant en termes d'offre que de besoin.

Or, cette coordination existe de longue date au plan local, comme en témoigne le bilan sur l'évolution des modes d'accueil. L'amélioration considérable de l'offre d'accueil, tous modes confondus (+ 132 000 places supplémentaires de 2006 à 2011), est le fruit de politiques locales dynamiques et innovantes, et d'une coordination active entre les acteurs locaux qui définissent les projets, et les CAF qui les financent.

2. Permettre ainsi la clarification des informations destinées aux familles

Des progrès peuvent être faits dans le service aux familles par une meilleure information sur les modes d'accueil disponibles à l'échelle d'un territoire, la gestion des places disponibles, une amélioration des modalités d'inscription vers plus de clarté et un meilleur regroupement, une appréhension plus fine des besoins spécifiques, comme les horaires atypiques, et une rationalisation des coûts des modes d'accueil.

Une coordination entre les CAF et les départements permettrait de mutualiser leurs moyens et leurs compétences au service du renforcement et du contrôle de la qualité de l'accueil des enfants. Les départements disposent de compétences spécifiques grâce à leurs services de PMI et à leur rôle à l'égard des assistantes maternelles.

Ainsi, l'optimisation de l'offre d'accueil passe par une amélioration de la capacité d'accueil en EAJE, par des procédures d'admission transparentes, comme par la lutte contre les inégalités sociales d'accès aux structures.

Les constats opérés par la Cour des comptes décrivent les effets induits, et pas toujours positifs, des importantes réformes mises en oeuvre par la CNAF (contrat enfance jeunesse, prestation de service unique...) qui ont permis le développement, la rationalisation, et l'augmentation des taux d'occupation des EAJE.

Ceci démontre que la politique nationale en faveur de l'accueil de la petite enfance ne peut se limiter à l'application d'une logique gestionnaire, et à une appréciation quantitative des besoins.

Les études récentes réalisées par le CNAF elle-même 6 ( * ) démontrent les limites d'une logique de gestionnaire dans le fonctionnement des EAJE et dans la qualité des conditions d'accueil des enfants au sein de ces établissements : défaut d'ancrage dans les territoires, gestion administrative de l'accueil, perte de l'innovation et du dynamisme, ainsi qu'une certaine démotivation des professionnels.

Dans le cadre de la Modernisation de l'action publique (MAP), le gouvernement a récemment modifié le schéma de gouvernance de l'accueil de la petite enfance en confiant aux préfets plutôt qu'aux élus, le soin d'organiser la concertation locale. Ce sont donc les préfets qui présideront les « commissions départementales des services aux familles », appelées à se substituer aux commissions départementales d'accueil du jeune enfant (CDAJE).

3. Définir avec une plus grande précision les priorités de la politique familiale

Aux effets directs de la crise économique, qui entraînent un ralentissement des recettes, s'ajoute une augmentation des dépenses de la branche « famille » les plus sensibles à la conjoncture, comme les allocations logement et le poids des droits familiaux de retraite.

De ce fait, la branche famille n'a plus assez de réserves financières pour engager une réforme des prestations sans réduire le montant de celles qui sont actuellement versées.

Il est donc impératif d'engager une réflexion sur le sens à donner à la politique familiale, sur les objectifs jugés prioritaires, que ce soit la garde d'enfants, la solidarité vis-à-vis des familles en difficulté ou la conciliation des vies familiale et professionnelle.

La Convention d'objectifs et de gestion 2009-2012 prévoyait une augmentation de 7,5 % par an des crédits du Fonds national d'action sociale pour les quatre années 7 ( * ) .

Elle faisait de la conciliation des vies familiale et professionnelle la priorité pour 2012, et prévoyait une augmentation de 10,1 % des crédits consacrés à la petite enfance.

Le fonds d'action sociale de la CNAF avait ainsi été doté à cet effet de 1,25 milliard d'euros supplémentaires sur quatre ans pour satisfaire les priorités suivantes :

- 7 ème plan crèche inscrit dans la COG 2009-2012 entre l'Etat et la CNAF ;

- le plan métiers de la petite enfance lancé en 2008 visait à pallier la pénurie de professionnels, du fait d'un manque d'attractivité de la profession et de départs massifs à la retraite à anticiper ;

il prévoyait le recrutement, de 2008 à 2012, de 60 000 professionnels de la petite enfance, dont 45 000 agréments d'assistantes maternelles, la création de 200 000 places supplémentaires, dont 100 000 en accueil individuel, et 6 millions d'euros pour augmenter le nombre de relais assistantes maternelles ;

- plan Espoir Banlieues pour favoriser l'accueil dans les zones urbaines sensibles (ZUS), favorisant la création de places à horaires étendus au profit des démarches d'insertion des femmes, l'accès aux métiers de la petite enfance et l'aide aux familles monoparentales. Les premiers crédits ont été débloqués en juillet 2010, mais peu de projets ont été finalisés.

Pour autant, le taux de couverture des besoins reste insuffisant. Il faudrait, pour y remédier, développer des solutions qui répondent aux besoins des parents, besoins liés aux contraintes du marché du travail (horaires atypiques, périscolaire,...) et tenant compte de leurs ressources.

Le 7 ème plan crèche

Il est décrit synthétiquement dans la réponse apportée, le 17 août 2010, par le secrétariat d'Etat chargé de la Famille et de la Solidarité, à une question écrite de M. Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère :

La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) peut accorder à ses partenaires (communes, communautés de communes, associations, entreprises, mutuelles) des aides à l'investissement pour contribuer au financement de projets qui s'inscrivent dans son champ de compétence.

Il peut s'agir de subventions sur les fonds propres de son budget d'action sociale, suivant les modalités et les crédits votés chaque année par son conseil d'administration ou sur des dispositifs nationaux dédiés à la création de places petite enfance suivant la réglementation en cours lors de l'élaboration du projet tel que le septième plan crèche pluriannuel d'investissement (PCPI).

Afin de développer l'offre d'accueil du jeune enfant et d'offrir 386 000 places sur l'ensemble du territoire, il est prévu, en complément des places déjà financées par un plan crèche, la mise en place d'un fonds d'investissement pluriannuel.

Ce plan crèche pluriannuel d'investissement (PCPI) est prévu pour permettre l'ouverture de 60 000 places nouvelles entre 2009 et 2016. Jusqu'en 2012, l'objectif est d'atteindre la création de 30 000 places nouvelles, pour un montant de 330 millions d'euros, le même nombre étant prévu jusqu'en 2016.

Pour être éligibles au PCPI, les établissements d'accueil devront respecter au moins une des conditions suivantes : bénéficier de la prestation de service unique (PSU) ou de la prestation de service accueil temporaire (PSAT), donc appliquer le barème institutionnel des participations familiales ; accueillir uniquement des enfants pour lesquels les parents perçoivent le complément mode de garde « structure » de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), possibilité ouverte uniquement pour les micro-crèches et les services d'accueil familiaux lorsque ces derniers sont gérés par une association ou une entreprise.

Le PCPI étant réservé aux établissements d'accueils collectifs gérés par des personnes morales, les assistantes maternelles exerçant en regroupement ne pourront pas bénéficier d'une aide de ce type. Ils pourront obtenir une aide à l'installation lorsqu'ils seront nouvellement agréés. Néanmoins, pour la création de nouveaux Relais d'assistantes maternelles (RAM), éligibles au PCPI, le financement se fera à hauteur de 80 % du coût total du projet, afin de favoriser le développement et la qualité de l'accueil individuel.

La CNAF précise également que les structures et les équipements dont la conception, la réalisation et les modalités de fonctionnement ne permettent pas l'accueil d'enfant handicapé sont exclus du bénéfice du plan (lieux d'accueil enfants-parents, accueils de loisirs, équipements relatifs à l'accueil périscolaire, jardins d'éveil). La répartition des enveloppes de ce 7 ème plan crèche s'appuie sur les besoins exprimés par les CAF. Les fonds seront attribués prioritairement aux projets implantés sur des communes ou intercommunalités peu couvertes en modes d'accueil individuels ou collectifs.

Dans le cas de création de places nouvelles, cette aide peut être bonifiée en fonction de trois critères : pour un projet implanté dans une zone dont le taux de couverture est insuffisant (800 euros de complément) ; pour une place créée ou fonctionnant en intercommunalité (bonus de 800 euros par place nouvelle) ; en fonction des ressources de la commune d'implantation (bonus supplémentaire de 1 000 à 5 000 euros accordé en fonction de la richesse du territoire). Le montant du financement des projets peut aller de 7 400 à 14 000 euros par place nouvellement créée. Les projets de transplantation, de rénovation ou d'aménagement doivent quant à eux obligatoirement s'accompagner d'une progression de 10 % minimum de la capacité d'accueil. »

Ainsi, 63 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés à titre principal par leurs parents, 4 % par leurs grands-parents ou un autre membre de leur famille, 19 % par une assistante maternelle, 10 % en crèche, 2 % par une nourrice à domicile, et 3 % par d'autres modes de garde.

L'offre de garde a certes augmenté, mais pas à la mesure de la dynamique démographique.

4. Renforcer les capacités d'accueil des jeunes enfants

Cette croissance de l'offre passe par l'extension des capacités des établissements d'accueil collectif, comme par celles des assistantes maternelles.

La création, en 2010, des Maisons d'assistantes maternelles (MAM), a permis à celles-ci de se regrouper dans un local spécifique, pour y garder collectivement jusqu'à 16 enfants.

Ces maisons comportent de nombreux avantages : elles répondent à un souhait de nombreuses assistantes maternelles d'accueillir des enfants hors de leur domicile et de partager leurs expériences, et permettent d'apporter des services très demandés par les familles en matière d'accueil : horaires souples et accueil d'enfants légèrement souffrants, ce qui évite à l'un des deux parents de devoir s'absenter de son travail.

L'agrément en maison d'assistantes maternelles, et l'appui à leur création relèvent de la responsabilité des départements.

Repères quantitatifs sur les MAM


• 235 MAM en fonctionnement recensées dans 66 départements, soit 2,4 MAM en moyenne : 66 % des départements ont entre 1 et 7 MAM ; 32 % n'en ont pas ; 3 départements en comptent 21, 26 et 34 ;


• 384 MAM en projet dans 79 départements ;


• des MAM principalement implantées en zone rurale ;


• une capacité d'accueil de 10 à 12 enfants pour 3 assistantes maternelles dans la moitié des cas ; 10 % des MAM qui atteignent la capacité maximale (16 enfants, 4 assistantes maternelles) ;


• une amplitude horaire souvent similaire aux amplitudes pratiquées en accueil à domicile ;


• mise en place de la délégation d'accueil dans 91 % des départements comptant des MAM, avec une utilisation et une formalisation différentes d'un département à l'autre ;


• le statut associatif choisi comme support juridique de la MAM dans 93 % des cas ;


• location du local dans la majorité des MAM ;


• des candidats à l'agrément ayant souvent une expérience professionnelle dans le secteur de la petite enfance et/ou déjà un agrément à domicile ;


• le double agrément (en MAM et à domicile) pratiqué dans 12 départements.

Source : ADF

Les difficultés de montage constituent un obstacle majeur au développement quantitatif des MAM : difficulté à trouver un local adapté, difficultés de trésorerie pendant la phase de montage doublées d'une incertitude quant à l'agrément des candidats non agréés à domicile et à l'autorisation de la MAM.

L'Assemblée des départements de France regrette que le suivi de l'agrément par les départements soit limité par le manque de moyens techniques et humains.

L'enquête auprès des services départementaux de PMI témoigne de la faiblesse de l'outillage statistique utile à la mesure du potentiel théorique d'accueil et du nombre de places effectivement occupées. La majorité des départements n'est pas en mesure d'indiquer la répartition des agréments en fonction du nombre de places agréées.

Les moyens des services départementaux ne permettent que rarement un suivi régulier des personnes agréées. Les services se centrent ainsi sur le renouvellement de l'agrément, le suivi des assistantes maternelles qui en font la demande ou sont signalés par des parents. Il s'agit donc plus d'un contrôle que d'un suivi .

Les départements sont également impliqués dans la formation des assistantes maternelles, puisque ce sont eux qui la financent (60 heures de formation initiale à l'accueil du premier enfant, puis 60 heures de formation continue consacrée notamment à l'organisation de l'accueil collectif).

Les Commissions départementales d'accueil du jeune enfant (CDAJE), créées en 2002 et placées sous l'autorité du président du conseil général, visaient à recueillir les avis de tous les acteurs impliqués : collectivités territoriales, services de l'Etat, CAF, gestionnaires et professionnels de la petite enfance, ainsi que des usagers de ces modes d'accueil. Au total, ces commissions se sont révélées utiles à la confrontation des points de vue, mais n'ont que marginalement joué le rôle d'aide à la décision.

Elles ont été remplacées, le 7 février 2014, par les commissions départementales des services aux familles , réunissant les mêmes acteurs. Ces nouvelles instances ont pour mission de définir les schémas territoriaux des services aux familles , qui ont pour but de définir l'offre et de réduire les inégalités territoriales dans son accès. Ces schémas sont actuellement expérimentés dans 17 départements pilotes 8 ( * ) (16 en métropole, plus La Réunion). Leur achèvement, prévu pour l'été 2014, engagera les départements impliqués pour quatre ans. Ces schémas doivent s'appuyer sur « un diagnostic territorial local », et ont vocation à être généralisés d'ici à la fin 2014.

Cette initiative est doublement opportune , puisqu'elle donne à ces nouvelles commissions départementales une mission et un cadre précis, et conduit à une programmation sur 4 ans. Elle conforte le département dans son rôle de chef de file de la cohésion sociale . Il l'exerce notamment dans la mise en place de maisons d'assistantes maternelles (MAM), locaux où ces personnels accueillent des enfants - y compris ceux qui sont peu gravement malades - à des horaires atypiques.

Le conseil général accorde également les agréments, après avis du maire, aux micro-crèches et aux assistantes maternelles, en fonction des besoins. Mais, en pratique, il est très difficile de refuser cet agrément, même en cas de surcapacités .

Enfin, s'agissant de la scolarisation des enfants à partir de l'âge de 2 ans , l'ADF souligne qu'elle a l'avantage d'offrir un mode d'accueil gratuit à tous les parents, mais que ce service a un coût élevé pour la collectivité , comprenant le salaire des enseignants et, en milieu rural, le coût du transport scolaire. Cette préscolarisation ne cesse d'ailleurs de décroître depuis 2008.

Evolution de la préscolarisation des enfants de moins de trois ans

Rentrée 2008

Rentrée 2009

Rentrée 2010

Rentrée 2011

Rentrée 2012

Evolution cumulée 2008-2012

Effectifs

149 000

123 300

111 700

94 700

90 957

- 58 043

Source : ministère de l'Education nationale - Métropole et DOM (hors Mayotte)

B. LE NIVEAU COMMUNAL

Les communes, particulièrement en milieu rural, sont très impliquées dans l'accueil des jeunes enfants, qui est un service de proximité immédiate.

La souplesse des modes de garde doit prévaloir, comme le pragmatisme dans leur choix , ce qui n'est pas toujours le cas : on construit parfois une halte-garderie pour 1,5 million d'euros, alors qu'une micro-crèche de 10 places aurait coûté 100 000 euros. Le choix le moins coûteux aurait, certes, été moins visible en termes d' « affichage »...

Les maires ruraux souhaitent aussi doter leur territoire de modes d'accueil diversifiés pour les jeunes enfants, car ils constituent un élément fort d'attractivité pour les jeunes couples dont la présence est vivement souhaitée pour dynamiser ces zones.

1. Mieux recenser les offres d'accueil des jeunes enfants grâce aux informations dont disposent les mairies

L'ensemble des maires s'accordent sur la nécessité de recenser les offres d'accueil des jeunes enfants , qui prennent des formes très diverses. Les communes, chargées avec les Centres communaux d'action sociale (CCAS), d'analyser les besoins sociaux de leurs résidents, disposent ainsi d'éléments concrets sur les offres.

De même, le taux d'activité de la population féminine est connu, à un niveau fin, des mairies ou des intercommunalités, qui sont en mesure de juger de l'opportunité d'ouvrir ou non de nouvelles structures.

Ces variations démographiques, difficiles à anticiper, compliquent les prévisions d'investissement des CAF . Celles-ci gagneraient donc à se rapprocher des communes pour obtenir les informations en leur possession, ainsi qu'à axer leurs aides sur la qualité de l'offre d'accueil, plutôt qu'à parfois s'ingérer dans les modes de gouvernance, qui doivent rester l'apanage des élus.

2. Définir les besoins réels des familles

Une approche trop technocratique conduit à méconnaître les réels besoins des familles. C'est ainsi que l'obligation faite aux crèches, depuis 2012, de fournir les repas et les couches - obligation dont les parents s'acquittaient auparavant, à la satisfaction générale - a suscité de nombreux problèmes matériels, et de nouveaux coûts. La fourniture des couches est ainsi évaluée à 165 euros par enfant et par an, somme non négligeable, qui pourrait être réduite si les commandes étaient groupées.

À ce coût financier s'ajoute la nécessité nouvelle de consacrer un local spécifique à leur stockage, qui n'a pas été intégrée dans la conception des crèches existantes.

Les repas (lait et aliments pour jeunes enfants) n'engendrent pas de coûts importants, car ils sont souvent fournis gratuitement par les entreprises spécialisées dans leur production. On peut aisément supposer que leurs motivations ne sont pas uniquement philanthropiques.

Ainsi, une initiative paraissant de prime abord louable, et au bénéfice de l'égalité entre familles, a-t-elle des conséquences concrètes imprévues et parfois néfastes.

La pesanteur croissante de la réglementation technique et financière imposée par les CAF est ainsi mal ressentie et engendre un climat de méfiance parmi les élus, envers ce qui est considéré comme une bureaucratie déresponsabilisante. En réalité, cette « normalisation » est un phénomène qui affecte l'ensemble de notre société, et auquel les CAF ne peuvent échapper.

3. Adapter les amplitudes horaires aux besoins des familles, au lieu de privilégier une logique gestionnaire

Cependant, les CAF privilégient parfois leurs contraintes de gestion au détriment des réalités concrètes. Les crèches doivent ainsi déclarer en début d'année leurs amplitudes horaires, qui ne correspondent pas toujours à celles choisies par les familles ; mais seuls les horaires effectifs sont rémunérés, et non ceux déclarés.

Une vive critique est faite de la tarification à l'heure , imposée par la CNAF aux crèches. En effet, elle fragilise le bien-être des enfants, des parents et des professionnels en suscitant l'existence de crèches s'apparentant à des halls de gare.

Par ailleurs, elle renforce le comportement consumériste des familles , qui respectent de moins en moins les horaires de garde pour lesquels ils s'étaient engagés, ce qui complique la tâche des gestionnaires des crèches. Sur ce point, il semblerait souhaitable que les familles confiant leurs enfants à des crèches, et plus encore à des assistantes maternelles, paient ces services à l'avance , comme cela est aujourd'hui le cas pour les cantines scolaires, après des expériences malheureuses.

La réglementation actuelle de la CNAF ne le permet pas. Cependant, celle-ci fait état d'une expérimentation permettant le paiement par les CAF des assistantes maternelles en tiers-payant pour la part des cotisations qu'elles « remboursent » aux parents.

4. Instaurer un véritable partenariat entre les différents acteurs de la petite enfance

La Cour des comptes estime, en conclusion de son rapport thématique, que « la politique de la petite enfance manque de cohérence, et est insuffisamment coordonnée au plan local ».

Il s'agit là d'un encouragement adressé à la CNAF et au ministère des Affaires sociales à associer plus étroitement les communes à la gestion de la petite enfance.

Les objectifs ambitieux de la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la CNAF pour la période 2013-2017 visent, notamment, à créer 100 000 solutions d'accueil collectif supplémentaires. La moitié d'entre elles reposent sur l'initiative des communes, dont les capacités financières vont être réduites dans les années à venir, pour de multiples raisons (baisse de la Dotation globale de fonctionnement, stagnation des recettes tirées des droits de mutation, dépenses inhérentes à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires).

Le transfert, parfois évoqué, de la responsabilité de l'accueil de la petite enfance aux intercommunalités est possible, et même souhaitable dans le monde rural. En effet, elle est de nature à en renforcer les moyens, dans des zones qui souhaitent dynamiser leur population par l'arrivée de jeunes couples.

En revanche, cette orientation ne semble guère pertinente en milieu urbain, où les communes disposent de plus de ressources en personnels et en finances.

IL importe, avant tout, que le maire garde sa liberté en ce domaine, que ce soit vis-à-vis de l'Etat ou de la CNAF.

L'Association des maires de France déplore qu'en dépit du rôle majeur joué par les communes dans l'accueil des jeunes enfants, elle n'ait jamais été associée à l'élaboration des COG successives, alors que les mairies sont les mieux placées pour répondre, au plus près, aux attentes de la population.

Des contacts réguliers existent cependant, avec l'Etat et la CNAF, au sein d'un comité partenarial « petite enfance ». Mais l'association qui devait initialement prévaloir, en amont des décisions, se borne aujourd'hui à l'exposé de décisions déjà prises, alors que l'AMF souhaite être reconnue comme un acteur à part entière de l'accueil de la petite enfance, dont elle assure 70 % du financement.

Les deux principaux motifs d'inquiétude des maires sont, pour les années à venir :

- un grand nombre d'assistantes maternelles vont partir en retraite à compter de 2015. Leur renouvellement devrait être assuré par une véritable filière de formation, qu'on ne voit pas émerger. Le CAP « petite enfance » ne semble pas, en effet, à la hauteur des enjeux ;

- la préscolarisation à 2-3 ans peut être une solution positive pour les familles très défavorisées, à condition qu'elle soit assurée par du personnel spécialisé dans la petite enfance, et non pas issu de l'Education nationale. De surcroît, le plan « petite enfance » de la ministre Dominique Bertinotti évoquait 75 000 places de préscolarisation, dont le financement reposerait sur les communes, qui n'auraient pu y faire face.

CONCLUSION

Les auditions successives auxquelles a procédé votre rapporteure ont mis en lumière plusieurs éléments de réflexion :

1. Il est tout d'abord apparu combien s'est accrue, ces dernières années, l'incompréhension et même la méfiance entre les acteurs nationaux (Etat, CNAF) et locaux (départements, communes) de la petite enfance.

Ces dernières déplorent une confusion des rôles et des priorités, et s'alarment du devoir de se conformer à des directives sur lesquelles elles n'ont pas même été informées, et d'être contraintes de financer des innovations qui ne leur semblent pas toujours pertinentes ;

2. L'ensemble des acteurs de la petite enfance s'accordent sur la nécessité de créer une vraie filière de formation des assistantes maternelles, qui fait encore défaut ; le statut de celles actuellement en activité présente de nombreux éléments de fragilité ;

3. Un meilleur service aux familles passe par un renforcement quantitatif et qualitatif de la connaissance de la demande et de l'offre en matière d'accueil des jeunes enfants.

Il faut souligner, pour terminer, que si le modèle français d'accueil des jeunes enfants est perfectible, il est globalement de grande qualité, et nous est envié par de nombreux pays développés.

* *

*

RECOMMANDATIONS

1. Associer les élus locaux (maires et présidents de conseil général) à la mise en oeuvre de la politique définie par l'Etat et la CNAF en matière d'accueil de la petite enfance.

Si la définition relève bien du niveau étatique, sa mise en oeuvre gagnerait beaucoup en efficacité en prenant en compte les connaissances du terrain que possèdent les élus qui ressentent avec regret et une certaine amertume que leur rôle soit souvent réduit à l'exécution, voire au financement, de décisions qui ne leur semblent pas toujours adaptées

2. Distinguer fonctions administratives et pédagogiques au sein des crèches, et mutualiser les premières au sein des intercommunalités .

En effet, autant l'accueil et le suivi des enfants, doivent relever de chaque établissement, autant la gestion administrative et financière pourrait utilement relever d'une personne spécifiquement formée, en mesure de mutualiser et d'harmoniser les modes de gestion des différents établissements d'accueil, aujourd'hui disparates.

Ce gestionnaire unique permettrait notamment de globaliser les achats et d'en réduire le coût.

3. Décentraliser le plus possible l'offre d'accueil, dont la gestion concrète dépend des territoires de vie.

4. Renforcer la formation des assistantes maternelles, qui est financée par les conseils généraux, pour valoriser leurs fonctions et en faire un vrai métier.

5. Instaurer le paiement à l'avance par les parents des frais liés à l'accueil de leurs enfants.

Faire verser directement aux assistantes maternelles, en cas de nécessité, les aides versées aux parents.

* *

*

ANNEXE 1 : EXAMEN DU RAPPORT EN RÉUNION DE DÉLÉGATION (8 JUILLET 2014)

Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Madame la Présidente, mes chers collègues, la Cour des comptes a publié, en novembre 2013, un rapport public thématique consacré à « l'accueil des enfants de moins de 3 ans ». Bien qu'aucune collectivité territoriale n'ait de compétence explicite en ce domaine, il m'a semblé opportun de faire le point sur les responsabilités qu'elles assument néanmoins pour soutenir les familles souhaitant faire garder leurs enfants en bas âge.

La Délégation a bien voulu me confier, au mois de janvier 2014, la réalisation d'un rapport sur ce sujet, dont je vous présente aujourd'hui les conclusions.

Pour y parvenir, j'ai consulté des représentants des principales associations d'élus : Assemblée des départements de France, Association des maires de France, Association des maires ruraux de France. J'ai aussi consulté des représentants de l'Union nationale des associations familiales, des assistants maternels, une ancienne responsable de la petite enfance ayant exercé en région Alsace, et le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

Vous trouverez dans mon rapport une description détaillée des différents modes de garde des jeunes enfants. Ceux-ci étaient en France au nombre de 2,5 millions au 1 er janvier 2012, dont 1,27 million étaient confiés, pour 60 %, à des assistantes maternelles, pour 30 % à des crèches, les 10 % restant étant préscolarisés ou gardés au domicile des parents.

Le coût global de cet accueil s'élevait, en 2011, à la somme considérable de 14 milliards d'euros, qui représente 0,7 % du PIB de l'année 2011. 73 % de ce total était à la charge de la branche famille de la Sécurité sociale, 17 % à la charge des collectivités territoriales et 10 % à celle de l'Etat.

Cet important effort vise un triple objectif : de soutien à la natalité, d'encouragement au travail des femmes, et de développement de l'enfant.

Si l'Etat en fixe les orientations générales, le financement de cette politique est en grande partie assuré par la branche famille de la Sécurité sociale, et sa mise en oeuvre relève principalement des collectivités territoriales. Or il apparaît clairement - et cela a également été souligné par la Cour des comptes - que ces dernières sont réduites à un rôle marginal dans la prise de décision, qui est essentiellement assurée par l'Etat et la Sécurité sociale.

Par ailleurs, le service offert aux familles est perfectible, car les besoins de ces dernières ne sont pas clairement connus.

De plus, les gestionnaires d'établissements d'accueil collectif rencontrent des difficultés croissantes à recruter du personnel qualifié alors que, dans le même temps, le vivier des assistantes maternelles peine à se renouveler.

L'offre de modes de garde est très disparate selon les territoires. Au total, et en moyenne nationale, il existe un potentiel de 52 places de garde pour 100 enfants de moins de 3 ans. Cette moyenne recouvre cependant de fortes disparités, car les capacités d'accueil varient, selon les départements de France métropolitaine, de 1 à 3. Les départements les mieux dotés se situent dans l'ouest de la France et dans les zones urbaines disposant d'un fort potentiel fiscal, comme Paris ou les Hauts-de-Seine. À l'inverse, les départements ruraux situés sur un axe allant de l'Eure aux Ardennes, et les zones urbaines défavorisées, comme la Seine-Saint-Denis ou le Val-d'Oise, disposent des offres les plus réduites. Ces inégalités sont le résultat de facteurs multiples et complexes : difficultés pour les familles démunies socialement et financièrement de recourir à un mode de garde extérieur, dispersion de l'habitat dans les zones rurales ou manque de personnels qualifiés.

Selon la Cour des comptes, « l'accès des familles à un mode de garde reste largement dépendant du niveau de leurs revenus. Ainsi, 64 % des ménages les plus aisés font garder leur enfant, contre 8 % pour les familles les plus modestes ».

Une enquête réalisée en 2012 par la CNAF souligne que les parents gardant leur enfant sont deux fois plus nombreux que ceux à l'avoir expressément souhaité. La CNAF a donc intégré, dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) qu'elle a conclue avec l'Etat pour la période 2013-2017, la nécessité de « cibler les dépenses sur les territoires prioritaires au sein des bassins de vie ». Vous savez que l'INSEE définit le « bassin de vie » comme : « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants ». Ce sont ainsi 120 millions d'euros qui seront affectés aux crèches situées dans les territoires prioritaires.

Par ailleurs, les trois-quarts des 100 000 nouvelles solutions d'accueil seront créés dans les territoires où la tension entre l'offre et la demande est forte.

Il faut relever que la capacité d'accueil des jeunes enfants, même si elle reste insuffisante, a été notablement renforcée de 2006 à 2011, avec une offre supplémentaire de 132 000 places. Ainsi, les enfants de moins de 3 ans bénéficiant d'une place d'accueil sont passés, durant cette période, de 48 % à 52 %. Cette croissance de l'offre est prioritairement due à l'accroissement des places offertes par les assistants maternels (+ 160 000) et par les crèches (+ 53 000).

Dans son rapport thématique, la Cour des comptes relève que « quelle que soit la tranche de revenu de la famille, le taux d'effort et le reste à charge sont toujours moins élevés en établissement d'accueil collectif (EAJE : établissement d'accueil des jeunes enfants), alors qu'il est le plus coûteux pour la collectivité, le moins coûteux étant l'accueil par les assistants maternels ».

Cette distorsion entre les coûts pesant sur les familles et ceux pesant sur la collectivité est préoccupante. Ses causes sont connues : elles découlent des fortes exigences requises des personnels qui sont employés dans les crèches.

Ce haut niveau de qualité explique que le choix prioritaire des familles se porte sur ce type d'accueil, mais que ce choix ne peut être satisfait que pour une minorité de demandes, et selon des critères qui ne sont pas toujours transparents. Ainsi, ce sont les assistantes maternelles qui assurent le plus fort taux d'accueil, avec 60 % du total, soit près de 740 000 places. 50 000 enfants sont gardés par des salariés à domicile, et 95 000 vont à l'école maternelle.

Les objectifs et les modalités de la garde des jeunes enfants relèvent sans conteste de l'Etat, seul à même de les définir pour l'ensemble du territoire, ainsi que de déterminer et fournir le financement de cette politique.

Cette évidence ne doit cependant pas conduire à méconnaître le rôle important assuré par les collectivités territoriales, en l'occurrence le bloc communal et les départements, dans son application. Ceci est d'autant plus crucial que de nombreuses améliorations des modes d'accueil pourraient être réalisées par une approche pragmatique issue du territoire, comme le constate le rapport de la Cour des comptes. Celui-ci souligne, en effet, que : « l'éclatement des compétences entre la CAF, le département et le niveau communal en matière d'initiative, d'autorisations, d'agréments et de financement des projets nuit à leur cohérence.

La coordination des différents acteurs est insuffisante, notamment au sein des commissions départementales d'accueil du jeune enfant (CDAJE) ». Ces commissions, créées en 2002 et placées sous l'autorité du président du conseil général, visaient à recueillir les avis de tous les acteurs impliqués : collectivités territoriales, services de l'Etat, CAF, gestionnaires et professionnels de la petite enfance et usagers de ces modes d'accueil.

Au total, ces commissions se sont révélées utiles à la confrontation des points de vue, mais n'ont que marginalement joué le rôle d'aide à la décision. Elles ont été remplacées, le 7 février 2014, par les commissions départementales des services aux familles, réunissant les mêmes acteurs. Ces nouvelles instances ont pour mission de mettre en place les schémas territoriaux des services aux familles, visant à définir l'offre et à réduire les inégalités territoriales dans son accès. Ces schémas sont actuellement expérimentés dans 17 départements pilotes (16 en métropole, plus La Réunion). Leur achèvement, prévu à l'été 2014, engagera les départements impliqués pour 4 ans. Ces schémas doivent s'appuyer sur « un diagnostic territorial local », et ont vocation à être généralisés d'ici à la fin 2014.

Cette initiative est doublement opportune, puisqu'elle donne à ces nouvelles commissions départementales une mission et un cadre précis, et implique une programmation sur 4 ans. Elle conforte le département dans son rôle de chef de file de la cohésion sociale. Il l'exerce notamment dans la mise en place de maisons d'assistantes maternelles (MAM), locaux où ces personnels accueillent des enfants - y compris ceux qui sont peu gravement malades - à des horaires atypiques.

Cette formule comporte de nombreux avantages : elle répond à un souhait de nombreuses assistantes maternelles d'accueillir des enfants hors de leur domicile et de partager leurs expériences. Elle permet également d'apporter des services très demandés par les familles en matière d'accueil : horaires souples et accueil d'enfants légèrement souffrants, ce qui évite à l'un des deux parents de devoir s'absenter de son travail. Le conseil général accorde également les agréments, après avis du maire, aux micro-crèches et aux assistantes maternelles, en fonction des besoins.

Enfin, s'agissant de la scolarisation des enfants à l'âge de 2 ans, les élus locaux soulignent qu'elle a l'avantage d'offrir un mode d'accueil gratuit à tous les parents, mais que ce service a un coût élevé pour la collectivité, comprenant le salaire des enseignants et, en milieu rural, le coût du transport scolaire.

Les représentants des communes rurales ont souligné combien la petite enfance est un service de proximité immédiate, particulièrement pour ses modalités pratiques d'organisation. La souplesse des modes de garde doit prévaloir, comme le pragmatisme dans leur choix. Les maires ruraux sont particulièrement attentifs à la présence sur leur territoire de modes d'accueil diversifiés des enfants, qui constituent un élément fort d'attractivité pour les jeunes couples dont la présence est vivement souhaitée pour dynamiser ces zones.

L'ensemble des maires s'accordent sur la nécessité de recenser les offres d'accueil des jeunes enfants, qui prennent des formes très diverses. Les communes disposent, grâce aux centres communaux d'action sociale (CCAS), d'éléments concrets sur les offres.

De même, le taux d'activité de la population féminine est connu, à un niveau fin, des mairies ou des intercommunalités, qui sont en mesure de juger de l'opportunité d'ouvrir ou non de nouvelles structures.

Les élus émettent une vive crique envers la tarification à l'heure imposée par la CNAF aux crèches. En effet, elle fragilise le bien-être des enfants, des parents et des professionnels en suscitant l'existence de crèches s'apparentant à des « halls de gare », à cause des allers et venues incessantes des parents venant confier ou reprendre leur enfant. Par ailleurs, cette tarification renforce le comportement consumériste des familles, qui respectent de moins en moins les horaires de garde pour lesquels ils s'étaient engagés, ce qui complique la tâche des gestionnaires.

Sur ce point, il me semblerait souhaitable que les familles confiant leurs enfants à des crèches, et plus encore à des assistantes maternelles, paient ces services à l'avance, comme cela s'est imposé pour les cantines scolaires, après des expériences malheureuses. La réglementation de la CNAF ne le permet pas aujourd'hui, mais il m'apparaît nécessaire de la faire évoluer sur ce point : il est choquant que des assistantes maternelles soient conduites à accueillir des enfants sans être payées en temps et en heure. La plupart d'entre elles, en effet, ne refusent pas les enfants, pour ne pas leur porter préjudice. Il conviendrait de responsabiliser les parents défaillants, qui sont loin d'être tous dans des situations financières difficiles. La CNAF m'a d'ailleurs indiqué qu'une expérimentation permettant le paiement en tiers payant d'une fraction de l'aide accordée aux parents allait débuter.

Une meilleure connaissance de l'offre de garde devrait s'accompagner d'une appréciation plus fine de la demande, qui n'est pas toujours formulée, notamment faute de connaissance des modes d'accueil existants.

En conclusion, et avant de vous présenter quelques propositions, je tiens à souligner la qualité du modèle français d'accueil des jeunes enfants, qui est certes perfectible, mais qui nous est envié par nombre de pays voisins.

La première recommandation consisterait à mieux associer les élus locaux (maires et présidents de conseil général) à la mise en oeuvre de la politique définie par l'Etat et la CNAF en matière d'accueil de la petite enfance. Si la définition relève bien du niveau étatique, sa mise en oeuvre gagnerait beaucoup en efficacité en prenant en compte les connaissances de terrain que possèdent les élus, qui ressentent avec regret et une certaine amertume que leur rôle soit souvent réduit à l'exécution, voire au financement, de décisions qui ne leur semblent pas toujours adaptées.

Il conviendrait également de distinguer fonctions administratives et pédagogiques au sein des crèches, et de mutualiser les premières au sein des intercommunalités. En effet, autant l'accueil et le suivi des enfants doivent relever de chaque établissement, autant la gestion administrative et financière pourrait utilement relever d'une personne spécifiquement formée, en mesure de mutualiser et d'harmoniser les modes de gestion des différents établissements d'accueil, aujourd'hui disparates. Ce gestionnaire unique permettrait notamment de globaliser les achats et d'en réduire le coût.

Il faudrait également décentraliser le plus possible l'offre d'accueil, dont la gestion concrète dépend des territoires de vie.

Il apparaît prioritaire de renforcer la formation des assistantes maternelles, qui est financée par les conseils généraux, pour valoriser leurs fonctions et en faire un vrai métier.

Enfin, il faudrait instaurer le paiement à l'avance par les parents des frais liés à l'accueil de leurs enfants, et faire verser directement aux assistantes maternelles, en cas de nécessité, les aides versées aux parents.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie pour ce rapport qui aborde un sujet très concret pour les élus locaux que nous sommes. Je souhaite vous faire part d'une expérience intéressante menée dans ma commune. Nous avons mis en place un partenariat avec une entreprise privée qui a fait construire une crèche pour son personnel. La mairie a pu réserver des berceaux, pour les habitants dans la commune dans cette dernière.

Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Nous avons mené la même expérience dans ma commune. Nous avons acheté 25 places de crèches d'entreprise, ce qui revient beaucoup moins cher à la collectivité, que si nous avions réalisé la crèche nous-mêmes en raison des coûts d'investissement et de gestion que cela représente.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Il est intéressant de rappeler la grande diversité des modes de garde qui fait aussi la richesse de notre système. Ce dernier fonctionne d'ailleurs pas mal du tout.

M. François Grosdidier. - Les conclusions de ce rapport sont pertinentes et pose un diagnostic pragmatique et réaliste. En effet, on peut certes souhaiter, comme Mme Bertinotti, la mise en place d'un grand service universel de la petite enfance mais, dans l'état actuel des finances publiques, cela est inaccessible.

Par ailleurs, je souhaite rappeler que le système est en-deçà de la demande, que ce soit à la ville ou à la campagne. Déjà dans les années 2000, à un moment où la situation budgétaire du pays était meilleure, il apparaissait impossible aux collectivités territoriales de construire un nombre suffisant de places de crèche pour répondre à la demande. Le modèle français a souhaité développer un modèle proche de la perfection avec un infirmier diplômé d'État par structure. Cela a des coûts inabordables. Dans ma ville, nous avons développé 30 places de crèches supplémentaires, ce qui coûte 5000 euros par an et par place, soit plus de 150 000 euros de déficit, même en fermant en juillet et en août.

En ce qui concerne les assistantes maternelles, l'accent doit être mis sur la formation. En outre, pour des raisons de sécurité, notamment parce qu'une assistante maternelle ne peut en permanence surveiller l'enfant, le développement de maisons d'assistantes maternelle (MAM), où plusieurs assistantes maternelles peuvent se retrouver, est intéressant. Initialement, un grand nombre de personnes, notamment la PMI de mon département ainsi que les crèches étaient réservées au développement de ces MAM. Elles voyaient cela comme une forme de concurrence. Mais si le réseau des assistantes maternelles a vocation à se développer, leur formation doit être renforcée. Il existe en effet aujourd'hui un écart trop important entre le niveau qualitatif des structures multi-accueil et les assistantes maternelles. De même, il est nécessaire de prendre des mesures afin de responsabiliser les parents.

À titre personnel, je suis sceptique vis-à-vis du schéma départemental. Autant le département a un rôle dans le niveau qualitatif ainsi que sur une vision d'ensemble de l'accueil de la petite enfance, autant il appartient à chaque commune de définir où doit être installée une crèche. En effet, cette dernière doit répondre à un besoin réel. La mise en oeuvre va dépendre au final du bloc communal.

Enfin, pour revenir sur la scolarisation précoce, nous le faisons en zone urbaine sensible. Or, le critère de la zone d'éducation prioritaire pour scolariser les enfants avant 3 ans est arbitraire. Il y a en effet en zone rurale des familles pour lesquelles la scolarisation précoce de l'enfant apporterait un vrai plus. Peut-être que des structures collectives d'accueil pré-maternel mais qui n'aient pas le coût et taux d'encadrement des crèches multi-accueil peuvent être imaginées, car les maisons d'assistants maternels répondent surtout au besoin des plus petits.

Mme Patricia Schillinger. - Il est urgent de prévoir la relève pour les assistantes maternelles. En effet, beaucoup d'entre elles vont prendre leur retraite. C'est une génération qui est passionnée par leur travail, qui a exercé cette profession tout au long de leur vie. Or, de plus en plus de nouvelles assistantes maternelles exercent maintenant cette profession car elles ont besoin d'un revenu, d'un emploi temporaire, par exemple alors qu'elles ont elles-mêmes leurs jeunes enfants à garder. Il faut leur donner un lieu où elles peuvent se réunir à plusieurs pour échanger et qui soit sécurisé pour les enfants.

M. Georges Labazée - Serait-il possible d'inclure en annexe au rapport la liste des départements qui interviennent financièrement, non pas via des investissements, mais directement dans le fonctionnement des crèches. À titre d'exemple, le conseil général des Hautes-Pyrénées, dont je suis le président, intervenait financièrement dans le fonctionnement des crèches. Il a décidé de supprimer toutes dépenses de fonctionnement, sauf pour les enfants handicapés et les familles très pauvres. Cela a provoqué un tollé. Or cette participation financière du département à la gestion courante de ces structures d'accueil cache leur coût réel.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - La petite enfance fait écho au débat que nous avons eu la semaine dernière en séance publique sur la répartition des compétences. L'État est très présent via les CAF, le département joue un rôle de donneur d'ordre, et ce sont les communes ou intercommunalités qui construisent et gèrent ces structures d'accueil au quotidien. Tous ces étages sont-ils nécessaires ? Faut-il simplifier le système ? Ou au contraire, faut-il le maintenir ainsi car il fonctionne bien ? De même, lorsque l'on entend que le gouvernement va construire 1 000 crèches, on se demande comment va-t-il faire, car au final cela relève des collectivités locales, qui concrètement doivent faire face à de nouvelles dépenses.

M. Georges Labazée. - La CNAF va faire redescendre des financements supplémentaires sur tel ou tel territoire, mais c'est la seule intervention possible.

M. Rachel Mazuir. - Ces annonces ne clarifient pas le débat pour le citoyen. En ce qui concerne les maisons d'assistants maternels, j'en avais une dans mon département, mais cela ne fonctionnait pas bien. Un temps d'adaptation a été nécessaire. Dans tous les cas, dans le domaine social, le département ne demande aucune nouvelle compétence. Les dépenses sociales représentent plus de la moitié du budget du département, et l'annonce de l'augmentation de 2% du RSA se fait sans accorder de financements supplémentaires à cette collectivité.

Mme Patricia Schillinger, rapporteure. - Que pensez-vous de la proposition de faire payer les parents à l'avance ? Cela existe déjà dans certaines cantines scolaires.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Cela ne me choque pas.

M. François Grosdidier.- Nous avons souhaité le faire, mais la CAF nous en a empêché. Or cela permettrait d'avoir une meilleure gestion. Aujourd'hui, nous sommes obligés de faire du « surbooking » car nous savons qu'au final un certain nombre de parents ne mettront pas leurs enfants dans les structures mais, de ce fait, nous risquons de nous retrouver au-dessus du ratio réglementaire.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Chère collègue, je vous remercie pour ce travail.

Le rapport est adopté.

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

25 février 2014 :

• M. René-Paul SAVARY, ADF

8 avril 2014 :

• Mme Marie-Jeanne BÉGUET, présidente de l'Association des maires ruraux de l'Ain (AMRF)

• M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 1 er vice-président de l' AMRF , sénateur du Var

15 avril 2014 :

• Mme Marie FERRÉ, ancienne responsable « petite enfance » de Mulhouse Alsace agglomération

16 avril 2014 :

• Mme Elisabeth LAITHIER, adjointe au maire de Nancy, présidente du groupe de travail « petite enfance » de l' AMF

• Mme Sarah OTHMANN, conseillère technique au département action sociale, éducative, sportive et culturelle de l' AMF

• M. Alexandre TOUZET, chargé de mission relations avec le Parlement

13 mai 2014 :

• M. Alain FERETTI, administrateur de l' UNAF

• Mme Servane MARTIN, chargée de mission

14 mai 2014 :

• Mme Monique DUFOURNY, secrétaire générale du Syndicat professionnel des assistantes maternelles et des assistants familiaux

21 mai 2014 :

• M. Daniel LENOIR, directeur de la CNAF

ANNEXE 3 : LES DÉPARTEMENTS-PILOTES POUR L'EXPÉRIMENTATION DES SCHÉMAS TERRITORIAUX DES SERVICES AUX FAMILLES

Le 7 février 2014, les ministres Marisol Touraine et Dominique Bertinotti ont lancé, dans les départements de La Réunion et du Bas-Rhin, les nouveaux schémas territoriaux des services aux familles.

Venant modifier l'organisation des politiques départementales petite enfance et parentalité, ces schémas doivent permettre de créer, comme promis dans la dernière COG CNAF-Etat, quelque 275 000 solutions d'accueil pour les jeunes enfants et de développer les services de soutien à la parentalité.


• Commission départementale des services aux familles :

Cette nouvelle organisation sera animée par les commissions départementales des services aux familles. Réunissant l'ensemble des acteurs de la petite enfance et de la parentalité sur le département : conseil général, CAF, communes ou intercommunalités, MSA, UDAF, rectorat, familles... elles remplacent les commissions départementales d'accueil du jeune enfant et les coordinations départementales de soutien à la parentalité.


• Schémas territoriaux des services aux familles :

Ils sont définis par les commissions départementales des services aux familles. Dans une démarche basée sur la concertation et la coordination des acteurs, ils auront pour objectif de définir et d'animer l'offre de services aux familles (diagnostic partagé sur les besoins et les services existants), mais aussi pour objectif de réduire les inégalités territoriales dans l'accès à ces services (définition des zones prioritaires de développement des services petite enfance, définition des plans de création de services).

17 départements expérimentent actuellement la mise en place de ces schémas (avant leur généralisation au second semestre 2014), qu'ils devront officiellement signer en juin prochain et qui les engageront pour une durée de quatre ans.

Les schémas s'appuient sur le diagnostic territorial local et les actions se déclinent autour des priorités nationales en matière de petite enfance et de parentalité.


• Petite enfance : les services ciblés pour l'accueil des jeunes enfants :

- la scolarisation 2-3 ans ;

- les relais d'assistantes maternelles ;

- des places spécifiques pour les enfants porteurs de handicap et les familles les plus fragiles ;

- des places en horaires atypiques.


• Soutien à la parentalité : la priorité vise l'information des familles, notamment pour leur permettre de mieux s'orienter dans l'ensemble des services. Le développement des services de soutien à la parentalité est également un enjeu, en particulier les services d'accompagnement au soutien scolaire et la médiation familiale.


• Financements : Les zones prioritaires en matière d'accueil du jeune enfant pourront bénéficier à la signature du schéma du nouveau fonds de rééquilibrage territorial (le fonds s'est vu attribué un budget de 125 millions d'euros sur 5 ans).


• Liste des départements pilotes de l'expérimentation :

01 Ain

13 Bouches-du-Rhône

16 Charente

17 Charente-Maritime

19 Corrèze

22 Côtes-d'Armor

37 Indre-et-Loire

39 Jura

43 Haute-Loire

44 Loire-Atlantique

46 Lot

62 Pas-de-Calais

64 Pyrénées-Atlantiques

67 Bas-Rhin

76 Seine-Maritime

93 Seine-Saint-Denis

974 Réunion

ANNEXE 4 : LETTRE-CIRCULAIRE CNAF N°2013-152 DU 30 OCTOBRE 2013 RELATIVE AU RÉÉQUILIBRAGE TERRITORIAL DE L'OFFRE D'ACCUEIL DU JEUNE ENFANT


* 1 Voir annexe n° 3.

* 2 Convention d'objectifs et de gestion.

* 3 Relais assistantes maternelles.

* 4 Un référentiel de l'agrément des assistantes maternelles à l'usage des services de protection maternelle et infantile (PMI) a été publié par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) le 15 mars 2012. Il est destiné aux professionnels chargés de l'évaluation des demandes d'agrément d'assistantes maternelles afin que leur délivrance soit fondée sur les bases les plus cohérentes, objectives et pertinentes possibles sur l'ensemble du territoire.

* 5 Voir page 30.

* 6 Diversité des opérateurs et gouvernance locale de la petite enfance : quels enjeux pour le développement des territoires, des modes d'organisation des acteurs et la régulation de la qualité ?, oct/nov 2013 .

* 7 La progression de l'offre a été sensible au cours de ces années, puisqu'entre 2006 et 2013, le nombre de places d'accueil a augmenté de 128 900, soit un taux théorique de couverture passé de 48,9% à 53,3% des enfants de moins de 3 ans, pour la seule métropole. Pour la France entière, les chiffres correspondants sont respectivement de 131 600, soit une progression de 47,7% à 52,2%.

* 8 Voir annexe 3.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page