E. UN POIDS ÉCONOMIQUE DEMAIN COMPARABLE À CELUI DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Des émergents qui pèsent de plus en plus lourd
a) Singapour : un « hub » mondial pour son port, sa place financière, son rôle régional et sa place dans l'économie de la connaissance

Plateforme commerciale mondiale, Singapour est une économie très ouverte (les échanges représentent 2,8 fois le PIB 34 ( * ) ) caractérisée par le poids des réexportations (la moitié des exportations totales).

Ses échanges sont en apparence très ancrés en Asie, qui représente les 2/3 de ses exportations, mais le pays n'en reste pas moins toujours dépendant de la demande finale des pays de l'OCDE (qui représentent aussi un tiers de ses débouchés directs).

L'économie repose sur trois piliers : l'industrie manufacturière et la construction (23,6% du PIB), les activités de commerce , de logistique et de communication (26,8% du PIB) et les activités financières et les services aux entreprises (24,8% du PIB). Ils sont soutenus par un système financier moderne (3 ème marché mondial du change et 1 ère place financière d'ASEAN), une dynamique commerciale étroitement liée à la fonction prééminente du port (2 ème mondial derrière Shanghai en termes de transbordement de containeurs) et un cadre réglementaire exemplaire.

La cité-Etat a ainsi été classée au 1 er rang mondial par la Banque mondiale pour la facilité à faire des affaires et serait le 5 ème pays le moins corrompu selon Transparency International. Singapour a été de nouveau distingué en septembre 2013 comme le 2 ème pays le plus compétitif au monde par le World Economic Forum .

Dans un contexte de démographie vieillissante et de plein emploi (taux de chômage de 1,8% au 4 ème trimestre 2012), les autorités ont de nouveau réitéré, par la publication d'un « Livre blanc », la priorité donnée au rehaussement de la productivité du travail, avec un objectif de croissance annuelle de cet indicateur de 2% à 3% d'ici 2020, contre 1% par an sur la décennie écoulée. Elles souhaitent de plus renforcer le niveau de qualification de l'ensemble de la population active, internationaliser le tissu entrepreneurial local et confirmer le rôle de « hub » international de la cité-Etat.

Outre la réaffirmation des orientations stratégiques de sa politique économique (création de valeur fondée sur une expansion à l'extérieur des frontières, en particulier en Asie, positionnement comme pôle d'excellence pour les services financiers et non financiers), Singapour parie aussi sur une montée en gamme de son secteur manufacturier et sur une diversification de son tissu économique . D'importants investissements ont lieu dans les secteurs pharmaceutique, chimique ou biomédical, avec des efforts importants en recherche et développement (2,3% du PIB en 2011) et ressources humaines.

Acteur influent en Asie, Singapour joue un rôle actif au sein de l'ASEAN, mais s'inscrit aussi dans une perspective mondiale en adoptant un rôle de médiateur. Fervent partisan du système commercial multilatéral à travers des enceintes mondiales (OMC) ou régionales (ASEAN, APEC), Singapour conduit une ambitieuse politique de négociation d'accords bilatéraux et régionaux de libre échange (18 accords de libre-échange signés). Singapour a ainsi signé un accord de libre-échange avec l'Union européenne conférant aux entreprises de cette dernière d'importantes concessions en matière d'abolition des barrières non tarifaires, de protection des droits de propriété intellectuelle et des appellations géographiques et d'ouverture des marchés publics. Singapour participe également activement aux négociations pour le Trans-Pacific Partnership avec les Etats-Unis ainsi qu'à plusieurs négociations multilatérales avec le Japon et l'Inde (sur le volet services et investissements) et a engagé des négociations pour des accords de libre-échange avec le Canada, le Mexique, l'Ukraine et le Pakistan.

b) L'Indonésie, un géant en devenir

Géant de la région, l'Indonésie est, sur le plan démographique, le quatrième Etat le plus peuplé du monde, et le premier pour l'importance de sa population musulmane.

L'économie indonésienne est en plein essor : on compare souvent l'Indonésie à une « mini Chine », façon de signifier à la fois sa taille et la rapidité et l'ampleur de son émergence sur le plan économique.

Après un relatif fléchissement en 2009, qui a eu des effets négatifs sur l'emploi et la lutte contre la pauvreté, la croissance a repris pour s'établir à 6,5% en 2011 et 6,2% en 2012.

Classée au 16 ème rang mondial avec un PIB de 906 milliards de dollars, l'économie indonésienne est tirée par sa demande intérieure, qui représente 60% du PIB. Outre ce principal moteur de la croissance, les exportations et l'investissement y participent désormais pour une plus grande part.

Les exportations indonésiennes continuent d'augmenter, à 201,5 milliards de dollars (elles ont doublé depuis 2006), quoique moins rapidement. Le pays dispose de considérables ressources agricoles (huile de palme, caoutchouc naturel, cacao, café), énergétiques et minières (pétrole, gaz naturel liquéfié). Les matières premières représentent près de la moitié des exportations, portées par la demande des pays émergents. Viennent ensuite les produits de l'industrie manufacturière (biens intermédiaires et biens de consommation). L'Indonésie réalise près de 20% de ses exportations avec les pays de l'ASEAN et 10% avec l'Union européenne.

Les importations augmentent également (176,1 milliards de dollars) et l'excédent commercial est en hausse, à 25,4 milliards de dollars. Le premier poste d'importation, les hydrocarbures, a connu en 2011 une très forte augmentation (+47%, à 40,1 milliards de dollars), alimentée en particulier par l'existence de subventions au prix des carburants (19% des dépenses du budget national en 2011). Les importations de produits manufacturés (appareils électriques, optique, produits métalliques) et de matériels de transport viennent ensuite. Les pays de l'ASEAN représentent environ 33% des importations indonésiennes, l'Union européenne 7%.

Un vaste programme de développement des infrastructures a été décidé par les autorités, qui comptent sur l'apport, indispensable, des investisseurs privés. L'Indonésie s'est vue accorder l'« investment grade » à la fin 2011, reconnaissance des progrès réalisés, même si subsistent de réels problèmes de gouvernance : l'Indonésie est classée au 129 e rang (sur 183) pour la « Facilité à faire des affaires » et au 100 e rang (sur 183) par Transparency International , s'agissant de la corruption, en dépit de la volonté réaffirmée du gouvernement de faire de la lutte contre ce phénomène une priorité.

Une centaine d'entreprises françaises (150) sont implantées en Indonésie, pour la plupart de grands groupes (Total, Alstom, Schneider Electric, France Télécom, Aventis, Suez, Lafarge...). Des implantations plus récentes sont à noter dans le tourisme (Accor), l'agro-alimentaire (Danone), la chimie (Air Liquide), ou les assurances (AXA).

Si le contexte en Indonésie est très attractif compte tenu du fort potentiel de cette économie en plein décollage, on constate une tendance au protectionnisme, ou au « nationalisme » économique, potentiel frein au développement des sociétés étrangères, particulièrement dans le secteur des matières premières et de l'énergie .

L'Indonésie, compte tenu de son fort potentiel, figure parmi les toutes premières priorités pour notre diplomatie économique.

UN COMMERCE FRANCO-INDONÉSIEN EN HAUSSE DE 20%

En 2012 et sur les premiers mois de 2013, les relations économiques franco-indonésiennes s'améliorent, bien qu'elles restent encore marginales dans le paysage économique des deux pays. Nos échanges commerciaux avec l'Indonésie progressent favorablement, montrant une réduction du déficit commercial à 401 millions d'euros, son niveau de 2009, grâce à une forte progression de nos exportations (+28%) et à un léger affaissement des importations de près de 3%. Les ventes d'Airbus sont le principal moteur de cette croissance, les aéronefs et engins spatiaux représentant 42% de nos flux vers l'archipel. L'Indonésie est notre 44 ème client sur l'ensemble des transactions 2012 et devient notre 42 ème fournisseur d'après les données de la douane française. Si nos investissements directs diminuent en flux, ils restent positifs et alimentent le stock d'investissement français, 3 ème européen en 2011.

D'après les douanes françaises, les échanges commerciaux avec l'Indonésie progressent favorablement sur les trois premiers trimestres 2013, bénéficiant du dynamisme des ventes du secteur « matériel de transport » qui progressent de 282% (613 millions d'euros, soit 52% du commerce total). Les exportations françaises totales vers l'Archipel s'accroissent de 78,5% (1,181 milliard d'euros) à l'inverse des importations qui ralentissent de 10,6%, permettant à notre déficit commercial vis-à-vis de l'Indonésie de se réduire.

Le secteur des produits industriels (hors biens d'équipement) connait un ralentissement, (-3,1%) portant à 239,7 millions d'euros les revenus d'exportation du secteur (soit 20% du total). Au second poste des exportations françaises après les aéronefs, les produits chimiques, parfums et cosmétiques souffrent d'une baisse de 6%, atteignant 92,5 millions d'euros. Dans la même catégorie, les exportations de la filière bois, papiers, cartons (principalement de la pâte à papier) vers l'Indonésie progresse de 4,6% (56 millions d'euros). En hausse de 30% les produits pharmaceutiques s'exportent bien.

En progression depuis 2009, les exportations de biens d'équipement profitent davantage de cette dynamique (+30%), représentant 17% des ventes à destination de l'Archipel. Nos exportations de produits informatiques et biens d'équipements électriques se portent bien (respectivement à +65,5% et +9,8%) et celles de machines industrielles et agricoles progressent de 31,3% avec 106 millions d'euros, soit la moitié de nos exportations de biens d'équipement sur les trois premiers trimestres.

Les produits issus de l'industrie agro-alimentaire française se maintiennent (+0,2%) à 89,6 millions d'euros et demeurent au 3 ème poste d'exportation vers l'Archipel (7,6% du total). Principale composante de ce secteur, les exports de produits laitiers et fromages souffrent davantage du ralentissement de la croissance indonésienne avec 40 millions d'euros de revenus (-8%).

Source : Direction générale du Trésor, service économique régional de Singapour

c) La Malaisie, un partenaire de plus en plus central

Comme le montre la récente visite du président Obama, la Malaisie est un pays de plus en plus courtisé pour sa stabilité politique, sa situation économique saine et dynamique, et la clarté de sa vision à moyen terme pour son développement et celui de la région.

La Malaisie est un partenaire privilégié de la France au sein de l'ASEAN, et ce depuis de nombreuses années. La relation politique, ancienne et profonde, est nourrie par des contacts réguliers au plus haut niveau et de fréquentes visites ministérielles, dont celle du Premier ministre français en juillet 2013.

Le contexte économique y est très favorable : croissance de 5,6% en 2012, faible inflation, plein emploi, déficit budgétaire maîtrisé, excédent commercial maintenu bien qu'en diminution, endettement faible et bonne résilience à la crise mondiale sont les ingrédients du succès économique malaisien.

Nos relations commerciales avec la Malaisie sont dynamiques, et la coopération en matière de défense et de sécurité est très étroite.

Les échanges franco-malaisiens ont atteint en 2012 un niveau record de 5,3 milliards d'euros , en augmentation de 24,6% par rapport à 2011 (exportations françaises de 3 milliards d'euros et importations de 2,3 milliards d'euros), confirmant la Malaisie comme deuxième partenaire commercial de la France au sein de l'ASEAN, après Singapour (et avant la Thaïlande). La balance commerciale est devenue pour la première fois excédentaire au bénéfice de la France (737 millions d'euros), et devrait le rester pour les années à venir. Les chiffres officiels malaisiens donnent une part de marché française de 2,15% en 2012 (contre 1,4% en 2011). En 2012, la France était le 13 e fournisseur de la Malaisie (deuxième européen), et son 19 e client.

La progression de nos exportations est avant tout le reflet de l'intérêt des grands groupes français pour le marché malaisien (EADS, ST Microelectronics, PSA) et de celui de la Malaisie pour notre matériel aéronautique et spatial et pour les produits électroniques.

La présence française s'est accrue au cours des dernières années : près de 260 entreprises sont aujourd'hui installées dans le pays et la communauté française dépasse les 3 000 personnes .

La perspective de la conclusion prochaine d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne devrait renforcer davantage ces relations, améliorer l'accès de nos entreprises au marché malaisien et diversifier nos échanges.

2. Une dynamique forte d'intégration régionale : la lente et sûre émergence de l'ASEAN
a) La progressive montée en puissance d'une organisation souple à vocation essentiellement économique
(1) Une organisation souple, de plus en plus visible

Créée en 1967, dans le contexte des indépendances et de la guerre froide, l'Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) s'est progressivement élargie, pour regrouper aujourd'hui dix États membres : aux cinq fondateurs (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) sont venu s'ajouter le Brunei (1984), le Vietnam (1995), la Birmanie et le Laos (1997) ainsi que le Cambodge (1999). Timor-Est est candidat.

Après avoir marqué le pas au tournant des années 2000, suite à la crise financière « asiatique » et aux difficultés d'un élargissement à des pays moins avancés économiquement, la dynamique d'intégration régionale a été relancée en 2008 avec l'adoption d'une charte qui renforce les mécanismes institutionnels de l'ASEAN, et d'une feuille de route pour l'établissement d'une « Communauté de l'ASEAN » en 2015, fondée sur trois piliers : communauté politique et de sécurité, communauté économique, et communauté socioculturelle.

Si l'on ne peut comparer l'intégration au sein de l'ASEAN -institution souple à caractère intergouvernemental- à celle qui est réalisée par exemple au sein de l'Union européenne, il faut toutefois se garder de sous-estimer le potentiel d'entraînement de ce processus régional.

(2) Des difficultés à réaliser la « communauté ASEAN 2015 » qui ne doivent pas masquer une réelle montée en puissance de l'organisation

Alors que le projet de « communauté ASEAN » est en apparence ambitieux, les progrès réels dans l'intégration économique régionale restent relativement modestes, compte tenu des engagements limités des Etats membres, des difficultés pratiques de mise en oeuvre ainsi que, sans doute, des influences extérieures, qui sont des facteurs de divergence entre les membres de l'ASEAN.

L'objectif de la communauté ASEAN 2015 est de créer un marché unique, sur le modèle européen. En pratique, il demeure relativement lointain puisque si la libéralisation tarifaire devrait être achevée d'ici 2015 (voire 2018 pour les pays moins avancés), les engagements pris pour la levée des obstacles non tarifaires sont plus flous et sans calendrier précis, et ceux concernant la libéralisation des services sont modestes. Un travail d'harmonisation réglementaire et de facilitation des échanges est toutefois engagé.

Les Etats membres qui ont des systèmes économiques et politiques divers et de grands écarts de développement, sont en réalité faiblement intégrés (25% de commerce inter-régional seulement) et peinent à définir des positions communes. Le mode de prise de décision au sein de l'association nécessite un consensus, les avancées ne se font donc que sur le plus petit dénominateur commun.

Vos rapporteurs ont pu le constater à Jakarta : le Secrétariat général de l'ASEAN demeure une petite structure, qui s'appuie avant tout sur les ressources, variables, des pays en présidence. Les travaux et les avancées de l'association sont donc largement tributaires des moyens et de l'ambition du pays assurant la présidence. Les processus sont intergouvernementaux. Le Secrétariat de l'ASEAN, sans pouvoirs propres et dont le rôle ne peut être comparé ni à celui du secrétariat du Conseil Européen ni à la Commission européenne, a pour seules missions de " faciliter et suivre les progrès dans la mise en place des accords et décisions de l'ASEAN ", d'élaborer les documents préparatoires pour les sommets et rencontres ministérielles, d'assurer le suivi des réunions et de l'organisation, en liaison avec les secrétariats nationaux.

La mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre du projet de Communauté Économique de l'ASEAN est donc progressive : la date de formation de la Communauté a été repoussée à la fin 2015, date qui a été présentée à vos rapporteurs par le secrétariat général de l'ASEAN comme une « étape » dans un « processus ».

Le libre-échange devrait être quasi général d'ici 5 ans entre les pays membres de l'organisation. Mais il ne s'appuie ni sur une union douanière (pas de tarif extérieur commun), ni sur une harmonisation des normes et des procédures, ce qui limite l'intégration des marchés au sein de l'ASEAN. Il reste difficile d'exporter vers un pays de l'ASEAN à partir d'un autre pays (par exemple, dans le cas de Peugeot, de la Malaisie vers la Thaïlande) en raison de barrières non tarifaires, qui reflètent des choix de politique industrielle à l'échelle nationale 35 ( * ) .

Toutefois, sur le moyen terme, la montée en puissance de l'ASEAN, sa « centralité » croissante, ne font guère de doute. Le mouvement initié avec la « communauté ASEAN » sera forcément une étape significative dans l'intégration régionale, et le point de départ d'un processus plus inclusif accélérant le rattrapage des Etats les moins avancés de la région.

b) Un agenda affiché d'union plus politique, entravé par des moyens restreints et des convergences de vues variables

Organisme souple, intergouvernemental, fonctionnant par consensus.... Faut-il pour autant sous-estimer la capacité de l'ASEAN à fédérer, un jour, comme l'ambition en est affichée, les 10 États membres dans une vision commune, plus politique, de leur avenir ? Pour reprendre une terminologie connue, l'ASEAN, géant économique en devenir, sera-t-il toujours aussi -en tant qu'organisation- un nain politique ?

Les avis divergent sur la question. L'impuissance politique de l'ASEAN trouve de nombreuses illustrations, qui vont de l'absence de réponse coordonnée lors du typhon philippin ou lors de la catastrophe du vol MH 370 à l'impossibilité de publier un communiqué commun lors du sommet de l'ASEAN de juillet 2012 sous présidence cambodgienne (soumise à l'influence chinoise sur la question de la mer de Chine du Sud)...

Le pilier politique et de sécurité est certainement le moins avancé des trois piliers de la « feuille de route » pour la communauté ASEAN 2015. Les pays membres disposent de systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels -et d'alliés régionaux- très divers et beaucoup de travail reste à accomplir pour obtenir une politique extérieure commune, d'autant plus qu'aucun des pays concernés ne serait prêt à consentir d'éventuels abandons de souveraineté.

Pour autant, force est de constater que l'ASEAN devient progressivement un élément important de l'architecture de sécurité régionale : le dialogue de sécurité s'est, de facto, plus ou moins structuré autour d'elle.

Il existe une volonté de renforcement institutionnel puisqu'un conseil coordinateur ( Asean Coordinating Council - ACC ) a été mis en place, qui regroupe les ministres des Affaires étrangères des Etats-membres et se réunit au moins deux fois par an.

De la même façon, l'ADMM ( Asean defence ministers meeting ), établi en 2006, qui réunit les ministres de la défense des 10 Etats membres, est progressivement devenu un forum central pour discuter des questions de sécurité dans la sous-région.

3. Une intégration économique croissante : le « bol de nouilles » asiatique
a) Des économies de plus en plus intégrées dans des filières de production verticales

L'intégration économique régionale va croissant.

L'ASEAN profite en effet de la croissance économique de la zone Asie Pacifique en se trouvant intégrée dans les filières de production des grandes firmes multinationales, en particulier asiatiques. En outre, elle constitue, pour l'économie d'Asie de l'Est, une source importante de matières premières (en particulier pour la Corée et le Japon).

L'Asie est ainsi le lieu où se développe de la façon la plus spectaculaire le commerce « sud-sud ». Par rapport à l'Afrique ou à l'Amérique, la part des exportations réalisées vers des pays du sud y est très largement prépondérante : 74%, contre 6% en Afrique et 10% en Amérique du Sud 36 ( * ) .

Cette réalité résulte notamment du modèle de production asiatique et des stratégies des unités de production (japonaises, chinoises, coréennes...) délocalisées à l'étranger. L'accroissement des échanges commerciaux intra-asiatiques s'est accompagnée d'une montée en puissance des produits intermédiaires, et notamment des pièces détachées et des composants 37 ( * ) . Dans les années 1990, les biens intermédiaires expliquent les 3/5 èmes de la croissance du commerce inter-asiatique. Cette interdépendance découle de l'organisation d'un commerce intra-branches vertical (et non pas horizontal comme en Europe), facilement réalisable dans des industries telles que les composants électroniques ou la mécanique de précision.

Après le Japon, la Chine a alimenté la montée en puissance de ce commerce intra-asiatique , en étant bien souvent le dernier maillon du processus de production et la porte de sortie des productions asiatiques vers le reste du monde. Certains économistes analysent d'ailleurs la relation économique entre la Chine et le reste de l'Asie de l'est comme une complémentarité (et non une compétition) dans la mesure où elle importe relativement plus de chez ses voisins immédiats -proportionnellement plus de pièces détachées d'ailleurs que de produits finis-, pour exporter vers le reste du monde -principalement des produits finis-.

Si le taux d'intégration des échanges entre pays de l'ASEAN est passé de 15% à 25% en 20 ans , sur la période récente, la dynamique des échanges avec les autres pays asiatiques (Chine en particulier) est donc restée plus forte que la dynamique interne. L'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange entre la Chine et l'ASEAN, le 1 er janvier 2010, n'a pu qu'accélérer ce mouvement.

b) Le poids des diasporas chinoises a partout un fort effet intégrateur

Le poids économique de la diaspora chinoise en Asie du Sud-Est est une réalité aussi ancienne qu'incontournable. Sans parler de Singapour , de la Thaïlande ou de la Malaisie , qui se distinguent par la présence d'une forte communauté d'origine chinoise, son rôle est très actif même dans tous les pays.

Ainsi, d'après une récente étude, les Indonésiens d'origine chinoise qui représentent environ 5 à 6 millions de personnes, soit environ 3% de la population, qui se distinguent par leur origine ethnique, mais également par leur religion (bouddhiste ou chrétienne en grande majorité), sont particulièrement présents dans le commerce et les affaires.

Les Indonésiens d'origine chinoise contrôleraient environ 70% de l'économie indonésienne alors qu'ils ne forment qu'une très petite minorité de la population ; ainsi, le classement Forbes des 40 plus grandes fortunes d'Indonésie fait apparaître que 34 d'entre elles sont détenues par des Sino-indonésiens.

Cette situation de prédominance s'explique par des facteurs historiques liés en grande partie aux relations établies par les Sino-indonésiens avec les élites au pouvoir, à leur focalisation sur les activités économiques (en raison notamment de leur exclusion traditionnelle des carrières publiques), à des réseaux flexibles et transnationaux ainsi qu'à des facteurs culturels. Si les Chinois d'Indonésie se sentent aujourd'hui en grande majorité Indonésiens et s'engagent de plus en plus dans la vie publique, cette minorité, certes diverse, reste dotée d'une identité forte et de pratiques toujours spécifiques


* 34 Données communiquées par le Service économique régional à Singapour

* 35 Source : entretien de vos rapporteurs avec la Direction générale du Trésor

* 36 Source : Jean-François Di Meglio, « Les acteurs asiatiques face à la crise économique des pays occidentaux », in Asie, mondes émergents, 2012-2013

* 37 Analyse développée par Mme Françoise Nicolas, « Intégration économique, vers la fin de l'exception asiatique », in Asie, mondes émergents, 2012-2013

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