II. UN ÉTAT DE VULNÉRABILITÉ FINANCIÈRE

Sous l'angle de sa capacité financière, VNF est incontestablement « sous tutelle », ce que traduisent et sa structure de financement et sa capacité à se procurer des ressources.

Cet état de « minorité financière » s'accompagne d'une réelle vulnérabilité qui se décline malheureusement de différentes manières et fragilise les perspectives de la voie d'eau.

À cet égard, la loi sous revue a entrepris de conforter quelques voies susceptibles de dégager des ressources complémentaires propres à VNF. Les solutions adoptées n'ont pas introduit de ruptures, limitant les opportunités nouvelles offertes à VNF. Celui-ci a choisi des modalités d'exploitation de ces opportunités qui suscitent certaines interrogations.

Un niveau élevé de provisions

L'augmentation des provisions passées par VNF est un élément de fragilité financière qu'il ne faut pas négliger. L'exercice 2013 a vu les provisions passées par VNF passer de 8,1 à 20,8 millions d'euros, soit une augmentation préoccupante (+ 12,7 millions d'euros et un accroissement de plus de 2,5).

ÉVOLUTION DES PROVISIONS ENTRE LE 1 ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 2013
(en millions d'euros)

Les provisions pour charges comptent pour 4,8 millions d'euros (le tiers environ) de cette augmentation. Cette dynamique dérive essentiellement de la loi sous revue, puisque les provisions dont d'agit correspondent à des charges futures résultant du régime d'indemnisation des agents publics « transférés » à VNF : comptes épargne-temps, indemnités de fin de carrière.

La dynamique des provisions pour risques est plus notable : + 7,9 millions d'euros, soit 62 % de la hausse générale.

Si les litiges juridiques paraissent à peu près stabilisés autour d'un enjeu de 5,5 millions d'euros, des reprises de provisions passées en écritures pour 2 millions d'euros contribuent fortement à cette situation. Leur traduction concrète sur la situation financière de VNF est toutefois limitée puisque 1,6 million d'euros n'ont pas été consommés à fin 2013.

VNF fait face à de nombreux litiges juridiques, 46 litiges justifiant de doter les provisions pour 2013 à hauteur de 1,18 million d'euros. Par ailleurs, les incidences financières des périodes de chômage, en particulier quand elles ne sont pas correctement maîtrisés, se lisent dans la provision de 500 000 euros passée en 2013 pour le prolongement du chômage de l'écluse du Coudray.

Les litiges sur travaux sont impactés par un contentieux à forts enjeux relatif à la digue de Sète (8,25 millions d'euros).

Il faut redouter une explosion des provisions dans un avenir proche suite aux contentieux relatifs à la taxe hydraulique (voir infra).

Cette affaire va toutefois très au-delà des difficultés de la gestion ordinaire de VNF.

A. UNE AUTONOMIE FINANCIÈRE DES PLUS RESTREINTES

1. Une structure de financement éloquente

VNF gère un actif qui n'engendre que peu de ressources par lui-même de sorte que les moyens propres de l'établissement représentent une portion marginale des ressources qu'il doit mobiliser.

C'est du reste l'un des motifs qui ont conduit à passer du statut d'EPIC à celui d'EPA. Même s'il est souhaitable que VNF développe une attitude entrepreneuriale, il n'était guère logique de qualifier d'industriel et commercial un établissement sans ressources commerciales significatives.

Celles-ci ne sont pas tout à fait inexistantes et le projet de loi a entendu les voir développées. Mais force est de constater qu'elles n'apportent que peu de moyens à VNF et que la perspective d'un essor significatif est à tout le moins très lointaine en l'état de l'économie des transports et des possibilités de valorisation du domaine fluvial accessibles à VNF.

Au total, la structure de financement de VNF traduit sa dépendance à des arbitrages budgétaires indépendants de son activité qui ne sont pas toujours cohérents avec les ambitions pour le transport fluvial dessinés par la loi, ni réellement clairs sur certains points.

La structure de financement de VNF signe la dépendance de l'établissement envers des arbitrages budgétaires qui portent sur des subventions, des cofinancements ou la fiscalité affectée ; l'établissement n'a que fort peu de ressources réellement propres et encore moins de produits d'exploitation.

Cette situation ne devrait pas changer fondamentalement dans un avenir prévisible et, quoi qu'il en soit, une éventuelle évolution dépend de décisions qui ne relèvent pas de VNF mais bien davantage de la politique générale appliquée aux infrastructures de transports.

Dernière année avant le « transfert » des personnels prévu par la loi sous revue, 2012 , où VNF enregistrait 342 millions d'euros de ressources, n'avait vu l'établissement dégager qu'environ 50 millions d'euros de ressources autonomes (14,2 % des ressources totales ).

Celles-ci étaient composées de produits des péages (13,4 millions d'euros), de redevances domaniales (25,3 millions), d'« autres recettes » (10,1 millions) et de « cessions d'actifs et autres ressources » (1,2 million d'euros).

En 2013 , année où le transfert des personnels est intervenu et s'est trouvé accompagné d'une mise à niveau de la subvention pour charges de service public, ces recettes n'ont que peu évoluer : péages (14 millions d'euros), ressources domaniales (26,3 millions), »autres recettes (9,2 millions) et produits de cessions et autres ressources (934 000 euros). Elles totalisent 50,4 millions d'euros et sont quasiment stables par rapport à 2012. L'inscription au budget de VNF d'une subvention pour charges de service public correspondant mieux à la réalité des coûts des personnels engagés dans les missions de VNF a en revanche eu pour effet de permettre de mieux mesurer sa dépendance envers des ressources autres que celles que l'établissement tire de la gestion du domaine fluvial .

De fait, plus de 90 % des ressources de l'établissement ne dépendent aucunement de son activité.

2. Les effets pervers de l'absence de capacité d'endettement propre

VNF accomplit des missions à caractère hautement capitalistique qu'il s'agisse d'entretenir et développer des voies navigables pour le transport fluvial ou de procéder à des opérations de conservation ou de gestion du patrimoine.

La structure des dépenses de VNF traduit en partie cette caractéristique avec une part des dépenses d'investissement s'élevant à 35,5 % du total.

Ces dépenses à la rentabilité marchande incertaine correspondent en toute hypothèse à des opérations dont le rendement économique et social ne peut être immédiat.

Dans ces conditions, un principe d'équité intergénérationnelle voudrait que leur financement ne repose pas sur les seules générations actuelles.

Il faudrait ouvrir à VNF la faculté d'emprunter pour les financer. Or, cette faculté lui a été ôtée pour des raisons déjà mentionnées (voir le chapitre II du présent rapport).

Outre le problème d'équité que soulève cette option, elle entraîne également des difficultés plus pratiques qui viennent de la dépendance de VNF envers des ressources budgétaires soumises à des aléas pouvant aller jusqu'à remettre en cause leur disponibilité même. Par ailleurs, elle crée des incitations peu optimales.

Globalement, l'incertitude sur la programmation des investissements affectent les perspectives des acteurs du fluvial ; elle réduit notamment la propension des usagers potentiels à s'orienter vers cette solution de transport.

De façon plus microéconomique, le défaut de capacité de lisser les aléas « conjoncturels » de recettes peut entraîner des surcoûts financiers, en particulier dans le contexte d'une inflation des coûts de construction lorsqu'il faut reporter les investissements.

Enfin, à défaut d'avoir accès à l'emprunt, il est tentant d'externaliser des projets afin de trouver des financements de substitution.

Cette hypothèse n'est pas théorique. Elle se trouve vérifiée dans les contrats de partenariat envisagés ou engagés par VNF avec à la clef des bilans financiers pour le moins incertains.

Dans ces opérations, VNF, à défaut d'emprunter, se trouve lié par des engagements financiers à long terme dont la dimension, pour n'être pas exclusivement financière - une partie de ces engagements correspond à des tarifs de prestations - l'est dans des proportions plus que significatives.

Autrement dit, l'interdiction d'emprunt imposée à VNF peut le conduire à contracter des engagements financiers plus lourds en l'invitant à recourir à une intermédiation financière en quelque sorte déléguée à un partenaire supportant une charge supplémentaire de taux d'intérêt.

Cette interdiction de recourir à l'emprunt impacte également les conditions de valorisation des emprises foncières de l'établissement.

VNF est conduit à inscrire cette activité souhaitée par le législateur dans des montages complexes. Ceux-ci sont mis en place avec l'intervention d'apporteurs de financements, VNF réalisant de son côté des apports en nature, de caractère foncier. Ces partenariats « obligés » soulèvent des problèmes d'optimalité abordés plus bas.

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