C. L'ACCÈS DU VIETNAM À LA CATÉGORIE DES PAYS À REVENU INTERMÉDAIRE ET SES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE D'APD

1. L'accès du Vietnam à la catégorie des pays à revenu intermédiaire

Les pays pouvant bénéficier d'aide publique au développement, selon les critères de l'OCDE, sont répartis en différentes catégories selon leur revenu national brut par habitant, conformément au tableau ci-dessous.

Répartition par catégorie des bénéficiaires d'APD en fonction du revenu

(en dollars par habitant)

Catégorie

Pays les moins avancés

Pays à faible revenu

Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure

Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure

Tranches de revenu

inférieur à 900 1 ( * )

entre 901 et 1 005

entre 1 006 et 3 975

entre 3 976 et 12 275

Nombre de pays

54

5

40

49

Source : commission des finances à partir de données OCDE

C'est ainsi que le dynamisme économique du Vietnam lui a permis de passer, en 2010, de la catégorie des « pays les moins avancés » à celle des « pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ».

Or ce changement de catégorie emporte plusieurs conséquences en termes d'aide publique au développement, en fonction des règles propres à chaque bailleur : une baisse de la concessionnalité des financements, un risque de désengagement de certains bailleurs et d'une réduction du montant global de l'aide, mais aussi une nécessité de réorienter l'aide vers le secteur privé et de modifier les outils mobilisés.

2. Des conséquences en matière d'aide publique au développement
a) Une présence des différents bailleurs internationaux qui reste importante

Le changement de catégorie du Vietnam a entrainé le désengagement de plusieurs bailleurs . Il s'agit notamment du Royaume-Uni, dont le départ sera effectif en 2016, mais aussi de la Suède, du Luxembourg et du Danemark.

Les grands acteurs multilatéraux - Banque mondiale et Banque asiatique de développement notamment - ont maintenu leur présence et accordent des prêts très concessionnels, les taux pouvant atteindre 0,25 %.

Le Japon demeure l'acteur bilatéral prépondérant, avec 2 milliards de dollars par an depuis 2011, à des conditions également très concessionnelles (autour de 1 %).

Quant à la Corée, elle a supplanté la France depuis 2007 en termes d'engagements annuels, avec un montant d'environ 200 millions de dollars.

L'Allemagne est également très présente et a même devancé la France en termes d'engagements en 2010 et en 2011. Elle a choisi de se concentrer sur trois secteurs : l'énergie, le changement climatique et la formation professionnelle, domaines dans lesquels elle dispose d'une offre dont la qualité est reconnue.

L'Allemagne développe une stratégie « d'aides programmes », qui vise à véritablement influencer une politique publique dans son ensemble, en conjuguant des « aides-projets », des aides budgétaires et surtout une impressionnante assistance technique, qui rend d'autant plus criante la faiblesse de notre propre dispositif de coopération technique.

b) Une évolution progressive vers une aide moins concessionnelle

Les conséquences du changement de catégorie du Vietnam sur l'aide dont il bénéficie ne sont pas immédiates et les effets se feront sentir progressivement.

Votre rapporteur spécial s'en est notamment entretenu avec les différents bailleurs internationaux, avec le vice-ministre du plan et de l'investissement, avec le vice-ministre des ressources naturelles et de l'environnement, ainsi qu'avec des fonctionnaires du ministère des finances et de celui du développement.

Il en ressort que, pour l'instant et contrairement aux craintes du pays, l'aide globale dont bénéficie le Vietnam n'a pas diminué . Au contraire, en 2013, le ministère du plan et de l'investissement prévoit une augmentation de l'APD totale (estimée à 7 milliards d'euros). Le pays doit néanmoins se préparer à une baisse, celle-ci étant déjà constatée dans certains secteurs, comme l'agriculture.

Par ailleurs, la concessionnalité a elle déjà commencé à diminuer, bien que la situation soit variable selon les bailleurs. Ainsi, Keiko Sato, directrice des opérations pour la Banque mondiale au Vietnam, a indiqué à votre rapporteur spécial que le Vietnam continuerait à avoir accès aux prêts très concessionnels de l'Agence internationale de développement (AID), son guichet concessionnel, pendant encore trois ans.

À l'inverse, dès 2011, l'AFD est intervenue aux conditions qu'elle accorde aux pays à revenu intermédiaire, c'est-à-dire moins concessionnelles. Cette transition s'est cependant révélée indolore pour le Vietnam, grâce à la réduction concomitante du taux de refinancement de l'AFD, du fait des conditions de marché actuelles particulièrement favorables. La baisse de la concessionnalité a été en quelque sorte « absorbée » par la baisse des taux d'intérêt , ou, en d'autres termes, la concessionnalité des prêts a diminué sans que le taux d'intérêt acquitté par le Vietnam n'augmente.

Mais la situation de taux historiquement bas que nous connaissons actuellement ne durera pas éternellement. Or, la remontée des taux d'intérêt impliquerait pour le Vietnam une hausse de son coût de financement, qui sera d'autant plus douloureuse qu'elle risque de se conjuguer à une baisse de la concessionnalité , toutes choses égales par ailleurs.

L'AFD est le bailleur international qui propose l'offre de prêt la moins intéressante, ce qui tient à ses conditions de refinancement, dans la mesure où, contrairement à d'autres bailleurs, elle ne bénéficie pas de la garantie de l'État sur ses emprunts.

La baisse de la concessionnalité des bailleurs internationaux notamment de la Banque mondiale aura donc un effet positif quant à la compétitivité de notre offre. De même, le renchérissement des prêts devrait inciter les autorités vietnamiennes à être plus rapides dans la mise en oeuvre des projets.

Enfin, le changement de catégorie du Vietnam devrait avoir pour effet d'accroître la part de prêts par rapport aux dons dans l'aide dont il bénéficiera. Telle sera notamment l'évolution de l'aide japonaise, comme l'a exposé à votre rapporteur spécial Mutsuya Mori, Directeur pays de la JICA.

c) Une présence française qui reste justifiée

Votre rapporteur spécial est bien conscient que l'aide française aux pays qui ont déjà accédé à un certain niveau de développement est parfois critiquée. Néanmoins, il considère que le maintien d'une aide française au Vietnam est nécessaire , au vu des défis qui l'attendent encore et des liens historiques qui unissent nos deux pays.

Par ailleurs, la présence d'une agence de l'AFD est d'autant plus justifiée que, comme on l'a vu, ses coûts sont « amortis » par les intérêts des prêts qu'elle accorde.

Enfin, on ne peut réduire l'activité de l'AFD à des données bancaires : elle participe à notre diplomatie.

S'agissant du Vietnam, votre rapporteur spécial a pu constater que l'AFD exerce en particulier un rôle central en matière de diplomatie climatique, pour sensibiliser ce pays à cette problématique, dans la perspective de la COP 21 2 ( * ) l'an prochain à Paris.

L'AFD joue également un rôle d'influence en matière économique, au profit de nos entreprises, dans un pays en plein développement et grâce à une équipe soucieuse de promouvoir le développement du pays, tout en défendant les intérêts de la France.


* 1 Le revenu par habitant n'est pas le seul critère à partir duquel un pays est classé parmi les pays les moins avancés. Interviennent également l'indice de développement humain et la « vulnérabilité économique ».

* 2 Conférence Paris Climat 2015 ( Conference of the Parties - COP).

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