N° 753

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' avenir des préfectures ,

Par Mme Michèle ANDRÉ,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Hervé Marseille, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

I. LE PAYSAGE ADMINISTRATIF TRANSFORMÉ

En l'espace de quelques années, l'administration préfectorale a dû s'adapter et tirer les conclusions de deux modifications très substantielles de son environnement .

La première de ces évolutions lui est extérieure : la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) . Cette réorganisation a induit l'apparition de nouveaux interlocuteurs avec la création de directions régionales et de directions départementales interministérielles (DDI) issues de regroupements de services. Le rôle du préfet de région, assisté du secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), en est devenu prépondérant. Le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 renforce son autorité sur le préfet de département et en tant que pilote des politiques publiques dans la région. De nouvelles méthodes de travail et de nouveaux circuits de circulation de l'information ont été mis en place. L'ambition consiste à sortir d'une logique de dialogues bilatéraux et à privilégier une approche plus collégiale dans l'allocation stratégique des ressources de l'État au niveau régional.

La seconde évolution trouve son origine dans l'émergence d'une nouvelle génération de titres d'identité , dits « sécurisés », reposant sur le recours à la biométrie. Correspondant à une exigence au niveau international et européen, cette nouvelle génération vise à une lutte encore plus efficace contre la fraude documentaire et à une simplification des démarches administratives de la part de l'usager. Ici aussi, l'administration préfectorale a vu apparaître un nouvel acteur avec qui dialoguer : l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Son activité en matière de délivrance de titres en a été profondément affectée : transfert de la mission de délivrance des passeports aux mairies, externalisation vers les professionnels de l'automobile d'une partie de l'activité liée aux cartes grises, entrée en vigueur du nouveau permis de conduire avec le projet « FAETON ».

II. LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

Dans un contexte de lutte contre les déficits publics, les préfectures et les sous-préfectures ont été largement mises à contribution .

L'effort a principalement porté sur la réduction des effectifs sous l'effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Entre 2009 et 2012, 2 582 emplois équivalents temps plein (ETP) ont ainsi été supprimés. Le rythme des suppressions d'emploi s'est en revanche considérablement ralenti au cours des deux exercices suivants (- 46 emplois équivalents temps plein travaillé - ETPT - en 2013 ; - 325 ETPT en 2014).

Les disparitions d'emplois dictées par la RGPP étaient notamment fondées sur le pari de gains de productivité dégagés grâce à la diffusion des nouvelles technologies au travers de l'implantation de la nouvelle génération de titres sécurisés. Ces gains ayant été plus réduits que prévu, les agents des préfectures et des sous-préfectures ont été mis sous tension, les conditions de travail dégradées et la qualité du service public dû à l'usager remise en question.

Pour pallier les insuffisances de personnel, les préfectures ont désormais souvent recours à des personnels vacataires ou contractuels . Ainsi, la RGPP aura eu pour conséquence de transformer des emplois pérennes en emplois précaires. Cette substitution est d'autant plus préjudiciable en termes de qualité du service public que les personnels précaires n'ont ni la même formation professionnelle, ni la même expérience que les personnels qu'ils remplacent.

Malgré les réductions d'effectifs, les dépenses de personnel (titre 2) n'ont pour autant pas été stabilisées et continuent de croître . Elles représentent 88,8 % du budget du programme « Administration territoriale ». Les économies réalisées via les suppressions d'emploi ont en effet été plus que compensées par la dynamique d'autres facteurs de dépense : les mesures catégorielles et, plus encore, la contribution obligatoire au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » (+ 43,2 % entre 2008 et 2014).

Correspondant à la portion congrue de l'enveloppe budgétaire du programme « Administration territoriale » (11,2 %), les dépenses hors titre 2 ont en revanche enregistré une baisse significative. Les crédits de fonctionnement ont chuté de 53,3 % entre 2008 et 2014 et s'établissent à 144,3 millions d'euros cette année. Les crédits d'investissement représentent 49,9 millions d'euros pour 2014 (contre 61,5 millions d'euros en 2008, par exemple).

III. L'ÉVOLUTION DES MISSIONS

Au-delà des difficultés techniques rencontrées à l'occasion de l'entrée en application des nouveaux titres sécurisés (passeport biométrique, nouveau système d'immatriculation des véhicules, permis de conduire « FAETON ») et que les agents des préfectures ont subies, l'administration préfectorale est aujourd'hui traversée par un sentiment diffus de perte de sens . Alors qu'elle a encore démontré au cours de ces dernières années sa capacité d'adaptation à de nouveaux enjeux, elle souffre désormais de ce qu'elle ressent comme une absence de lignes d'horizon claires quant à son avenir, presque une remise en cause.

La modernisation en cours de cette administration ne va pas en effet sans poser question. La première est assurément celle des missions qui doivent dorénavant être celles du préfet en tant que représentant de l'État sur le territoire.

Dans cette perspective, la profonde réforme de la gouvernance territoriale qui s'engage (nouvelle carte des régions et importance croissante des métropoles, notamment) appelle une réponse du côté de l'administration déconcentrée. Avec la montée en puissance des régions, elle peut notamment offrir de nouvelles opportunités à l'administration préfectorale. Le préfet de département peut y trouver matière à se repositionner utilement, tandis que le préfet de région pourrait voir son influence accrue en tant qu'interlocuteur d'entités régionales de plus grande taille.

Reste la question des sous-préfectures . Probablement faut-il d'ailleurs distinguer en la matière l'avenir du sous-préfet et le devenir de la carte sous-préfectorale.

Pâtissant d'un rôle relativement minoré aujourd'hui dans le domaine du contrôle de légalité, le sous-préfet a toutefois vocation à demeurer la porte d'entrée aussi précieuse qu'incontournable des services de l'État dans le département . Dans une société de plus en plus orientée vers les réseaux et mettant l'accent sur la mise en relation au service du développement de nouveaux projets, il peut également capitaliser sur son expérience dans le montage de politiques partenariales.

Souvent décrié comme trop dense, le réseau des sous-préfectures mérite, quant à lui, d'être réévalué avec quelques grands principes en tête : tenir compte des spécificités des territoires (caractéristiques géographiques, démographie, maillage en termes de services publics...), pratiquer la concertation la plus large possible, gager d'éventuelles fusions ou suppressions de sous-préfectures par des contreparties pour les territoires et prévoir un accompagnement social pour les personnels concernés.

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