Rapport d'information n° 345 (2014-2015) de M. Hervé MAUREY , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 17 mars 2015

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N° 345

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 mars 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur le financement des lieux de culte ,

Par M. Hervé MAUREY,

Sénateur.

(1) La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; MM. Rémy Pointereau, Marc Daunis, Christian Favier, François Grosdidier, Charles Guené, Joël Labbé, Antoine Lefèvre, Jacques Mézard, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. René Vandierendonck, v ice-présidents ; Mme Caroline Cayeux, MM. Philippe Dallier et Georges Labazée, secrétaires ; MM. François Calvet, Luc Carvounas, Michel Delebarre , Éric Doligé, Vincent Eblé, Mmes Françoise Gatel, Éliane Giraud, MM. Jean-François Husson, Pierre Jarlier, Dominique de Legge, Michel Le Scouarnec, Christian Manable, Jean Louis Masson, Hervé Maurey, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Louis Pinton, Alain Richard, Mmes Patricia Schillinger, Nelly Tocqueville, Catherine Troendlé et M. Jean-Pierre Vial.

AVANT-PROPOS

Le 22 janvier 2013, votre délégation s'engageait dans la réalisation d'un rapport d'information sur le financement des lieux de culte par les collectivités territoriales. Ces dernières, au premier rang desquelles les communes, sont au quotidien les premières interlocutrices des religions dans notre pays . Bien que la France soit une « République laïque » et que le principe de laïcité possède une valeur constitutionnelle 1 ( * ) , cela ne signifie pas pour autant que les pouvoirs publics, en l'occurrence locaux, se désintéressent totalement des cultes, composantes de la vie sociale et enjeu de la consolidation du vivre-ensemble. Un vivre-ensemble aujourd'hui mis à l'épreuve par les tentations communautaristes et les intégrismes religieux.

L'actualité dramatique de ce début d'année et les tensions communautaires qui traversent aujourd'hui la société française nous rappellent, plus que jamais, que le politique ne peut ignorer la question de la bonne insertion des cultes dans la République. En février dernier, le Président du Sénat, Gérard Larcher, a d'ailleurs accepté, à la demande du Président de la République, de conduire une réflexion sur la manière de renforcer le sentiment d'appartenance républicaine. Votre délégation est convaincue qu'au-delà des différences sociales, religieuses et ethniques, l'appartenance citoyenne se traduit par une adhésion à des valeurs et à des symboles qui fondent notre nation .

Or, depuis 1905 et la fameuse loi de séparation des Églises et de l'État, le visage de notre nation a changé. Le paysage religieux français, notamment, a fortement évolué . De nouvelles religions sont apparues et se sont enracinées dans notre pays. La diversité religieuse et celle des pratiques se sont accrues. Dans ce contexte, les questions liées à la laïcité et à la gestion des cultes dans l'espace public sont devenues plus difficiles à gérer pour nombre d'élus de la République. Si les problématiques des lieux de culte varient selon les territoires et les religions concernés 2 ( * ) , la question de leur financement est devenue un enjeu fort pour nos concitoyens, en particulier pour les communautés récemment installées dans notre pays et qui doivent faire face à un manque crucial de lieux de prière. Soulignant le rôle capital des élus locaux, en première ligne dans les relations entre les pouvoirs publics et les cultes, le Haut Conseil à l'intégration relevait déjà, dans un rapport de novembre 2000, que « les ajustements nécessaires dans le cadre de la loi [...] relèvent de l'imagination, de la bonne volonté et de la force de conviction des acteurs locaux 3 ( * ) ».

Votre délégation a donc voulu examiner la situation des collectivités territoriales au regard de leur implication dans le financement des lieux de culte , et formuler des propositions afin d'aider les élus locaux à mieux appréhender un sujet au coeur du vivre-ensemble. Votre rapporteur s'est interrogé sur la nécessité ou non d'adapter la législation actuelle, renouvelée par la jurisprudence ces dernières années, et s'il fallait pour cela réformer la loi de 1905 . À l'issue de ses travaux, sa conviction est claire : le cadre qu'elle fixe doit être préservé . Pour s'en convaincre, il a pris le temps de la réflexion en auditionnant tous les acteurs et en recueillant leurs points de vue et leurs opinions : représentants de l'État, collectivités territoriales, membres des juridictions administratives, responsables des cultes, personnalités universitaires et du monde associatif. Son souhait était de répondre à ces enjeux sereinement et sans esprit partisan, conscient que ce sujet est au coeur du pacte républicain et, plus largement, du pacte social .

Votre rapporteur a également souhaité associer à sa réflexion les élus locaux . Inspiré par la consultation des maires menée dans le cadre des États généraux de la démocratie territoriale d'octobre 2012, il a souhaité qu'une étude 4 ( * ) , confiée à un institut de sondage, permette de recueillir les opinions et d'évaluer l'expérience des élus communaux sur cette problématique. Les maires sollicités ont largement répondu à cette consultation. L'étude quantitative, dont les enseignements ont été très riches, a d'ailleurs été accompagnée d'une étude qualitative 5 ( * ) qui a permis de recueillir le témoignage direct, sous forme d'entretiens individualisés, d'une vingtaine de maires volontaires pour s'exprimer sur la problématique du financement des édifices religieux dans leur commune. Votre rapporteur se félicite de l'implication des élus locaux et de leur retour d'expérience .

Votre rapporteur a également pu bénéficier de l'expertise de la division de la Législation comparée du Sénat, qui s'est livrée à une étude particulièrement riche d'enseignements 6 ( * ) , sur cette problématique du financement des lieux de culte en Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni et Turquie.

Le présent rapport revient d'abord sur la situation des cultes en France en proposant un état des lieux des religions. Il envisage, à cet égard, les dynamiques et les problématiques propres à certains cultes et à certains territoires de la République. Il analyse ensuite les modalités théoriques et les conséquences pratiques qui résultent du principe général d'interdiction du financement public des lieux de culte dans notre pays, avant d'envisager les exceptions qui autorisent les collectivités territoriales à endosser un rôle éminent à l'égard du financement des édifices cultuels. Il formule dans ce cadre des propositions concrètes afin d'améliorer l'information , faciliter le dialogue et renforcer le contrôle .

I. LA PRÉSENCE INÉGALE DES LIEUX DE CULTE DANS LES TERRITOIRES DE LA RÉPUBLIQUE ET LES BESOINS DE FINANCEMENT SONT DUS À DES DYNAMIQUES HISTORIQUES ET DÉMOGRAPHIQUES DIFFÉRENTES

Votre délégation a souhaité identifier de façon précise ce qui relève du « culte » afin d'éviter toute confusion . Si l'on trouve de nombreuses définitions, comme celle de Léon Duguit selon laquelle « le culte est l'accomplissement de certains rites, de certaines pratiques qui, aux yeux des croyants, les mettent en communication avec une puissance surnaturelle 7 ( * ) », le Conseil d'État livre une définition jurisprudentielle du culte, qui doit être entendu comme « la célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques 8 ( * ) ».

Le culte réunit donc deux éléments : un élément subjectif , la croyance en une foi ou une divinité ; un élément objectif , la communauté qui se réunit lors des cérémonies. Les activités des organisations cultuelles ne se limitent donc pas à la pratique du culte mais s'étendent également à des actions sociales, culturelles et humanitaires. C'est cette ouverture sur la société qui permet aux communautés religieuses, dans la mesure où un intérêt public s'exprime à travers leurs actions, de bénéficier de subventions publiques.

Les statistiques officielles relatives à l'affiliation religieuse sont interdites en France (le dernier recensement officiel date de 1872) . Le ministère de l'Intérieur indique qu'« il n'existe pas de statistiques publiques recensant l'appartenance religieuse ». Philippe Portier, directeur d'étude à l'École pratique des Hautes études, précise que « le gouvernement français a, sous le Second Empire et jusqu'en 1872, introduit dans ses recensements périodiques une rubrique relative aux cultes » . Cette pratique, abandonnée sous la III e République, a été formellement interdite en 1978 par la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés , en vertu de laquelle « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci » 9 ( * ) . Les données concernant le nombre de fidèles des différents cultes sont donc établies à partir d'estimations, de sondages et de statistiques fournies par les communautés religieuses elles-mêmes.

La première observation qui ressort de l'examen de la situation des religions et de leurs édifices respectifs sur le territoire, est que la France est un pays où la diversité religieuse est très affirmée . Il s'agit en effet du pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de bouddhistes , selon les indications fournies à votre délégation par les représentants des religions.

À côté des cultes les plus anciennement établis, l'installation de nouvelles religions plus récentes a conduit à une redéfinition du paysage religieux . C'est ce qui explique que les besoins en termes d'immobilier cultuel varient selon les religions concernées .

Selon différents recensements 10 ( * ) , la France compterait près de 100 000 édifices religieux dont 90 000 catholiques . Si la religion catholique dispose, pour des raisons historiques évidentes, de nombreux lieux de culte, les communautés musulmanes, bouddhistes, orthodoxes et protestantes évangéliques sont aujourd'hui en recherche de lieux de culte , soit à construire lorsqu'elles en ont les moyens, soit par la location de salles. Les représentants de ces religions ont, à plusieurs reprises, attiré l'attention de votre rapporteur sur le manque d'informations relatives aux possibilités de financement des lieux de culte par les collectivités, et sur les refus trop souvent systématiques des élus en termes de mise à disposition de locaux pour exercer le culte.

L'asymétrie entre religions en France s'explique aussi par la propriété des édifices cultuels : 90 % des édifices du culte catholique sont la propriété des communes, alors que ce chiffre ne représente que 12 % pour le culte protestant, 3 % pour le culte juif, et 0 % pour le culte bouddhiste et le culte musulman.

Malgré la sécularisation de la société et la baisse de la pratique religieuse, des édifices cultuels continuent pourtant de se construire dans notre pays , essentiellement par le biais de fonds privés . Leur coût varie de 500 000 euros, pour les plus petits édifices, à 2 à 3 millions d'euros, et jusqu'à 7 à 8 millions d'euros pour les plus grands édifices. Parallèlement, au-delà de la question de la construction, se pose celle de l'entretien des édifices religieux . Selon l'Observatoire du patrimoine religieux, 10 % des édifices seraient dans un état grave et nécessiteraient des travaux d'urgence, et plus de 30 % seraient dans un état préoccupant et nécessiteraient des travaux à moyen terme .

Afin de disposer de la vision la plus proche possible des réalités de terrain, votre rapporteur a souhaité que , dans le cadre de l'étude menée par TNS Sofres à la demande de votre délégation 11 ( * ) , soit abordée la question des besoins de financement des édifices religieux . Les élus locaux ont donc été sollicités pour répondre à cette question. Il ressort des résultats que les demandes de financement de lieux de culte concernent très majoritairement le culte catholique (48 %) et finalement très peu les autres religions : musulmane (3 %), protestante (3 %), évangélique (1 %), juive (1 %). Cela s'explique, de façon logique, par la très forte présence dans nos territoires d'édifices du culte catholique . On constate, inversement, que lorsqu'une commune possède au moins un lieu de culte musulman, la proportion des demandes de financement de mosquée augmente (33 %). Par ailleurs, les demandes de financement, qui concernent essentiellement le culte catholique, sont exclusivement tournées vers la rénovation, l'entretien et l'aménagement de lieux de culte existants (77 %), plutôt que vers l'édification de nouveaux lieux de culte (0 %). Dans les communes de 5 000 habitants et plus, lorsque les demandes émanent de la religion musulmane par exemple, elles concernent surtout l'édification de nouveaux lieux de culte (21 %) et quasiment pas la rénovation de lieux de culte existants (4 %).

Votre délégation observe que les enjeux de l'immobilier cultuel diffèrent donc selon les religions . Les catholiques ont surtout besoin d'entretenir un patrimoine existant et vieillissant, alors que les religions nouvelles éprouvent davantage de besoins en termes d'édification de nouveaux lieux de prière. C'est sur cette base qu' une géographie des cultes et des besoins de financement peut être établie .

Votre délégation s'est également montrée très intéressée par les résultats de l'enquête de TNS Sofres s'agissant des réactions de nos concitoyens sur le terrain . Là encore, contrairement à une idée reçue, les interventions des communes dans le financement des lieux de culte et des équipements existants s'opèrent de façon consensuelle (82 % des cas), et très rarement de façon polémique (5 %) ou conflictuelle (1 %). Votre délégation remarque, en revanche, que s'agissant du financement de nouveaux lieux de culte, il y a eu très peu de réponses de la part des élus sur les réactions des administrés (88 % sans réponse). Et, lorsque les administrés ont réagi, c'était de façon consensuelle dans 5 % des cas, et résiduellement de façon conflictuelle (4 %) ou polémique (3 %). Sur ce point, une lecture fine des résultats de l'enquête montre que les réactions les plus défavorables des administrés concernent majoritairement le financement de lieux de culte musulmans , réactions qui restent toutefois très minoritaires eu égard à l'ensemble de l'échantillon considéré. Le financement de l'immobilier catholique bénéficie donc d'une plus grande adhésion des administrés , qui le perçoivent comme une charge raisonnable. Votre délégation observe d'ailleurs que les interventions financières des communes en faveur du financement des lieux de culte ne suscitent quasiment pas de situation contentieuse devant l'administration ou les juridictions. Globalement, s'il ressort que le niveau de conflictualité en matière de financement est très faible en général , il diffère toutefois légèrement selon les religions , avec une conflictualité plus forte pour les lieux de culte musulmans et évangéliques , et plus faible pour les lieux de culte catholiques et protestants. En revanche, s'agissant de l'implantation de nouveaux lieux de culte , l'enquête de TNS Sofres met en lumière une conflictualité moyenne plus forte à l'égard des religions musulmane et catholique, devant les religions évangélique et protestante.

De façon globale, les élus locaux considèrent dans leur immense majorité (84 %) que le principe de laïcité, s'agissant particulièrement de la question du subventionnement public aux lieux de culte, s'articule de manière satisfaisante avec le principe de libre-administration des collectivités territoriales .

A. LES RELIGIONS HISTORIQUEMENT PRÉSENTES EN FRANCE NE RENCONTRENT PAS DE PROBLÈMES MAJEURS D'IMPLANTATION DE LEURS LIEUX DE CULTE DANS LES TERRITOIRES

1. Les lieux de culte catholiques, qui disposent d'un ancrage historique fort et représentent le plus grand nombre d'édifices religieux en France, connaissent essentiellement des problèmes d'entretien

La France compte aujourd'hui 26,5 millions de catholiques déclarés et 3,2 millions de catholiques pratiquants 12 ( * ) . La religion catholique demeure aujourd'hui majoritaire, malgré un net recul ces dernières décennies. En effet, selon un sondage de l'institut CSA publié en mars 2013, 56 % des Français se déclaraient catholiques, alors que cette proportion était de 80 % au début des années 1970 et de 90 % en 1905 13 ( * ) . Cependant, si les catholiques sont moins nombreux, « leur identité s'est affermie » affirme Jean-Pierre Machelon, et comme en témoigne l'émergence de communautés nouvelles et de mouvements charismatiques. Depuis 1966, l'Église catholique est représentée par la Conférence des évêques de France, auditionnée par votre délégation. Le culte catholique s'organise via des associations diocésaines.

La grande majorité des édifices du culte en France est catholique , soit 95 % selon l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR). Le ministère de l'Intérieur en recense environ 45 000, dont 40 000 églises qui appartiennent aux communes et 5 000 aux diocèses. Par ailleurs, 87 cathédrales sont propriété de l'État. Ce recensement n'inclut toutefois pas les lieux de culte au sein des hôpitaux, des prisons et des écoles. Leur prise en compte augmenterait encore le nombre total de lieux de culte. Ce patrimoine immobilier est très important par rapport à la pratique religieuse actuelle. Les trois quarts des églises paroissiales seraient ainsi fermées toute l'année, selon l'OPR, celles-ci ne servant qu'exceptionnellement pour les mariages, les baptêmes et les funérailles.

Mais ces édifices religieux constituent surtout, pour nombre de nos territoires, un patrimoine culturel à préserver . Le ministère de la Culture indique que « les bâtiments religieux, dont les églises paroissiales catholiques représentent la plus grosse part, forment 34 % du patrimoine immobilier protégé au titre des monuments historiques en France, soit plus de 14 000 édifices, ou parties d'édifices, classés ou inscrits 14 ( * ) ». De son coté, Monseigneur Pontier, président de la Conférence des évêques de France, rappelait devant votre délégation, le caractère symbolique de l'église communale : « l'argument économique ne peut résumer à lui-seul la question de l'entretien des édifices cultuels, car l'église est un patrimoine structurant dans le temps - les sonneries de cloches - et dans l'espace - un repère dans le paysage » .

À l'inverse de représentants de certains autres cultes, Monseigneur Pontier ne fait pas état de difficultés particulières pour obtenir auprès des communes les permis de construire et les autorisations administratives pour la construction de lieux de culte catholiques. Selon lui, les constructions d'édifices cultuels sont perçues comme « des facteurs de paix sociale » et il remarque que la jurisprudence a été, tout au long du XX e siècle, « bienveillante à l'égard de la construction de lieux de culte catholiques ». Environ 2 500 églises auraient ainsi été construites depuis 1905.

Si la construction d'églises se poursuit, notamment en Ile-de-France, le phénomène reste toutefois marginal, comme l'illustrent les fameux « Chantiers du Cardinal 15 ( * ) ». L'OPR indiquait à votre délégation que 8 églises sont actuellement en construction en région parisienne 16 ( * ) dans le cadre de ces chantiers. À l'occasion de la construction, sur un terrain cédé par la mairie, de l'Église Saint-Paul de la Plaine, à la Plaine Saint-Denis, Bruno Keller, directeur général des chantiers du Cardinal, se félicitait ainsi : « construire des églises va à l'encontre de ce qui se dit sur la désaffection pour la pratique religieuse ». Selon lui, « bâtir en banlieue parisienne est un projet audacieux à l'heure où des lieux de culte sont détruits ou désacralisés à travers la France 17 ( * ) ».

Les besoins en termes de construction d'édifices catholiques aujourd'hui concernent surtout les communautés chrétiennes d'Orient en provenance d'Irak, du Liban, ou d'Arménie, qui ne sont pas de rite latin mais assyro-chaldéen. Le ministère de l'Intérieur relève que « dans leur majorité, les diocèses n'ont pas d'édifices cultuels en chantier actuellement ». Pour le reste, la construction d'églises nouvelles ne compense pas les désaffectations annuelles . Comme le relèvent les représentants du ministère de l'Intérieur, les églises construites après 1905 posent aux associations propriétaires « de réels soucis financiers et sont souvent peu fréquentées » , dans la mesure où « les nouvelles zones urbaines pour lesquelles elles avaient été édifiées accueillent, depuis, une population plutôt musulmane ou évangélique ».

L'exemple de la Ville de Paris est emblématique car, au-delà de l'aspect religieux, le patrimoine cultuel de la capitale est un enjeu patrimonial et touristique fort (voir encadré ci-dessous) . La Ville de Paris est en effet à la tête d'un patrimoine cultuel considérable, dont de nombreux bâtiments classés 18 ( * ) . Or, l'immense majorité de ces lieux est ancienne et se dégrade chaque année. Des associations ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur le délabrement de nombreuses églises parisiennes, en dépit de leur protection au titre des monuments historiques.

Le patrimoine cultuel parisien : un enjeu patrimonial et touristique

La Ville de Paris est actuellement propriétaire de 96 édifices cultuels, soit 85 églises, 9 temples protestants et 2 synagogues, dont elle doit assurer l'entretien. Des associations de défense du patrimoine (comme SOS Paris, le World Monument Fund ou encore l'Observatoire du Patrimoine Religieux) expriment leurs préoccupations face la dégradation de ces lieux de culte anciens, en mauvais état et coûteux à entretenir, tels les églises de la Madeleine, Saint-Eustache, Saint-Sulpice, Notre-Dame-de-Lorette, Saint-Merri, Saint-Séverin, ou encore le temple protestant des Billettes ou la synagogue de la rue de la Victoire.

La municipalité consacre environ 70 millions d'euros par an à l'entretien de ses églises et indique avoir engagé 151 millions d'euros pour la restauration des édifices cultuels depuis 2001. Pourtant, des associations, comme SOS Paris, jugent que 500 millions d'euros seraient nécessaires dans les 15 prochaines années pour restaurer les 85 églises dont la ville est propriétaire. L'enjeu est de taille, car le patrimoine religieux parisien est incontournable pour les trente millions de touristes qui visitent la capitale chaque année.

Des solutions alternatives aux financements publics existent. Des fondations et associations , par exemple la Sauvegarde de l'art français 19 ( * ) , permettent ainsi d'organiser les dons et le mécénat . Le diocèse de Paris est également actif et a créé la fondation « Avenir du patrimoine à Paris » afin de collecter des dons via internet, des fondations familiales ou des entreprises. La fondation a pour objectif de récolter sept millions d'euros d'ici à 2017. Les bâches publicitaires sont un autre mode de financement et sont autorisées sur les monuments historiques depuis 2007 20 ( * ) . La restauration de l'église de Saint-Germain-des-Prés est un exemple de coopération réussie entre les financements publics et privés. En effet, depuis 2011, cette église a réussi à récolter des fonds à la fois par les dons des visiteurs, par la mobilisation de mécènes et par l'aide d'une fondation américaine. La collecte s'élève à deux millions d'euros. La mairie de Paris va prendre en charge une partie des travaux préalables (fouilles, assainissement), et les fonds privés vont financer la rénovation des décors intérieurs et des fresques.

Le cas de l'immobilier cultuel parisien est certes emblématique, mais votre délégation relève que des actions privées de préservation du patrimoine sont engagées dans d'autres villes sur le territoire . Monseigneur Pontier indiquait ainsi à votre délégation qu'à Marseille, ville dont il est archevêque, « des entreprises et des banques s'associent pour mener des actions de mécénat afin de préserver les édifices cultuels ».

De manière générale, le patrimoine cultuel immobilier représente donc un atout économique et touristique . Selon l'Organisation mondiale du tourisme, les aspects religieux et spirituels représentent 44 % du tourisme culturel en France, et 20 millions de visiteurs étrangers ont un attrait pour la thématique spirituelle et religieuse 21 ( * ) .

En réalité, le principal enjeu pour les édifices du culte catholique concerne donc moins leur construction que leur entretien et leur usage , qui représentent une charge à la fois pour l'Église, les communes et l'État . Votre délégation est consciente que cette réalité pose un défi aux pouvoirs publics qui doivent, dans certains cas, affronter la critique d'une distorsion de traitement entre cette religion et les autres . Elle constate toutefois que les communes font, malgré un contexte budgétaire des plus contraints, des efforts très importants pour l'entretien et la restauration de leurs églises qui constituent, bien souvent, le seul élément patrimonial notable de la commune.

2. Les protestants expriment un besoin de lieux de culte supplémentaires, en particulier parmi les évangéliques dont la démographie est en croissance rapide

Les protestants comptent 1,6 million de fidèles en France selon le ministère de l'Intérieur, et 1,7 à 2 millions selon les représentants du culte protestant. Cette communauté religieuse représente donc entre 2,5 et 3 % de la population française .

Plusieurs courants composent le protestantisme 22 ( * ) français.

Les courants luthérien et réformé sont les plus anciens et rassemblent près de 60 % des fidèles, soit entre 1 et 1,2 million de personnes, selon les données transmises par la Fédération protestante de France 23 ( * ) (FPF).

Le courant évangélique , dans ses différentes expressions (baptiste, pentecôtiste, méthodiste, adventiste ou encore mennonite) rassemble quant à lui 600 000 fidèles (dont 100 000 en outre-mer) contre 50 000 en 1950. Cette croissance s'explique essentiellement par « les conversions », selon les représentants du Conseil national des évangéliques de France 24 ( * ) (CNEF) auditionnés par votre délégation. Si, en termes de fidèles déclarés, les évangéliques représentent entre un quart et un tiers des protestants, ils constituent, d'après le CNEF, près de 75 % des pratiquants réguliers. Ainsi, sur les 600 000 protestants pratiquants réguliers, on compte 460 000 évangéliques et 140 000 luthériens et réformés. Selon la FPF, les protestants évangéliques ont « un engagement personnel plus militant dans la communauté et dans la société que les luthériens et les réformés » . Toutefois, les évangéliques eux-mêmes reconnaissent être « peu connus du grand public et des élus » .

Le protestantisme français se caractérise par une grande diversité et un grand dynamisme . Aurélien Fauches relève : « le protestantisme français au début du XXI e siècle révèle des centaines de sigles et un foisonnement déroutant de formes organisationnelles » 25 ( * ) . La FPF fait ainsi valoir que sur les 4 000 associations cultuelles recensées en France, entre 2 000 et 2 500 sont des associations cultuelles protestantes .

Dans la pratique, ces associations fonctionnent avec un budget total compris entre 65 et 70 millions d'euros, selon les informations transmises à votre rapporteur par la FPF. Si on tient compte des budgets des divers mouvements, oeuvres et communautés protestants, le montant serait beaucoup plus élevé.

Le pasteur Laurent Schlumberger, président de l'Église protestante unie de France, soulignait devant votre délégation que la question immobilière représente « un enjeu fondamental et parfois même une vraie angoisse pour les fidèles ». Le pasteur François Clavairoly, président de la FPF, relève quant à lui « la complexité de la réalité juridique relative à la construction de lieux de culte ». Quant au CNEF, il se prononce pour « une meilleure application des possibilités de soutien des collectivités aux cultes ».

La Fondation du protestantisme : une forme de mécénat religieux

Cet établissement, présidé par Pierre Joxe et reconnu d'utilité publique par le décret du 31 juillet 2001 26 ( * ) , a la capacité d'intervenir par deux moyens spécifiques sur le financement des lieux de culte : en créant lui-même des fondations ou en soutenant des organismes d'intérêt général. La Fondation peut délivrer à ses donateurs un reçu fiscal ouvrant droit pour ces derniers à des avantages fiscaux. Les donateurs personnes physiques bénéficient donc d'une réduction de l'impôt sur le revenu égale à 66 % du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Les entreprises donatrices bénéficient quant à elles d'une réduction de l'impôt sur les sociétés égale à 60 % du versement, dans la limite de 5 %o du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise. Dans la limite de 50 000 euros par an, les personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune peuvent déduire de cette imposition une somme égale à 75 % du don.

En tant que fondation reconnue d'utilité publique, la Fondation est exonérée de l'impôt sur les revenus du patrimoine immobilier et mobilier. En dépit de l'existence de ces outils juridiques, les représentants de la Fédération protestante de France reconnaissent que « le mécénat reste une source limitée de financement des lieux de culte » .

On compte environ 4 000 lieux de culte protestants en France. Parmi ceux-ci, le ministère de l'Intérieur en dénombre 1 400 se rattachant aux Églises luthériennes et réformées, et 2 600 affiliés aux Églises évangéliques. Le CNEF avance un chiffre précis de 2 354 lieux de culte évangéliques sur tout le territoire, contre 769 dans les années 1970. Enfin, selon la FPF, environ 450 temples protestants appartiennent aux communes en France métropolitaine hors Alsace et Moselle.

Les Églises évangéliques possèdent 60 % de leurs lieux de culte . Pour le reste, 20 % des lieux de culte sont occupés de façon stable avec un bail durable, et enfin 20 % sont occupés de façon précaire et sont fréquentés par des communautés récentes principalement issues de l'immigration.

Selon la FPF, « les Églises luthériennes et réformées connaissent une phase d'expansion modérée mais régulière ». Pour ces deux courants, elle juge nécessaire d'une part le développement rapide de nouveaux lieux de culte et, d'autre part, un redéploiement des lieux de culte existants depuis les zones rurales, où l'implantation immobilière ne correspond plus aux besoins de populations désormais trop peu nombreuses, vers les zones urbaines.

Aujourd'hui, en effet, le nombre des évangéliques progresse rapidement sur tout le territoire , notamment en Ile-de-France. Les protestants évangéliques constatent une augmentation de la fréquentation des édifices existants dans les zones urbaines mais regrettent un « manque de place » et expriment « un fort besoin de mise à disposition de nouveaux lieux de culte ». Ils déplorent « les difficultés à obtenir des permis de construire de la part des maires » et les « tracasseries administratives » auxquelles ils sont confrontés. Malgré ces obstacles à l'implantation, les évangéliques reconnaissent qu'« une église locale naît tous les dix jours, soit environ 35 églises supplémentaires par an » 27 ( * ) et envisagent de tripler le nombre de leurs lieux de culte dans les trente à quarante prochaines années. Leur objectif affiché est d'atteindre le ratio d' « un lieu de culte pour 10 000 habitants, alors qu'il est actuellement de un pour 30 000 habitants » . Les évangéliques entendent « assurer un maillage territorial efficace » et, compte tenu des spécificités de leur pratique, préfèrent disposer dans une grande ville de trois à cinq lieux de culte « de proximité » plutôt que d'un seul grand temple. Pour eux, « la vocation d'un lieu de culte est avant tout fonctionnelle ».

Du point de vue financier, la plupart des communautés évangéliques sont autonomes , grâce à des emprunts réalisés sur 15 à 20 ans pour édifier leurs lieux de culte . Comme l'indiquent les représentants évangéliques à votre délégation, « dans les faits, les communautés dépourvues de moyens pratiquent souvent leur religion dans des locaux privés, parfois en mauvais état ». Cela peut parfois conduire à des accidents, comme le 8 avril 2012, lorsque le plancher d'un local transformé en lieu de culte évangélique s'est effondré à Stains, en Seine-Saint-Denis, causant la mort d'un enfant et faisant plus de 30 blessés.

3. La communauté juive a stabilisé le nombre de ses lieux de culte et se préoccupe désormais de la préservation de son patrimoine immobilier et de la sécurisation de ses édifices cultuels

La France compte, selon les estimations des représentants de la communauté juive, entre 500 000 et 600 000 juifs , dont 60 % vivraient en Ile-de-France.

Elle est représentée, pour son versant religieux, par le Consistoire central israélite de France 28 ( * ) , le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), créé en 1944, assurant quant à lui la représentation politique et laïque de la communauté.

La France abrite le plus grand patrimoine synagogal d'Europe . Le ministère de l'Intérieur recense 424 synagogues sur le territoire, dont la moitié en Ile-de-France, le reste se répartissant essentiellement entre les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, ainsi que dans les grandes villes. Selon le Consistoire central, il existe environ 600 édifices cultuels juifs consistoriaux , c'est-à-dire propriété des consistoires départementaux, principalement en Alsace et à Paris, la capitale en comptant une centaine. Certaines synagogues appartiennent aux communes , à l'image des trois synagogues appartenant à la Ville de Paris (synagogue de la Victoire, synagogue des Tournelles, et synagogue de la Place des Vosges). Le Consistoire central relève également l'existence d'environ 200 lieux de culte autonomes qui n'appartiennent ni aux communes ni aux consistoires . Dans le XIX e arrondissement de Paris, par exemple, il n'existe qu'une synagogue consistoriale pour une quarantaine de lieux de culte juifs autonomes.

Les représentants français du judaïsme indiquent : « le financement des synagogues est essentiellement privé et assumé par la communauté des fidèles elle-même » . Sauf quelques cas marginaux, la communauté juive ne recevrait aucun financement étranger et, au contraire, « les juifs de France sont plutôt sollicités pour certains projets en Israël » . Les aides publiques qui ont pu exister via des projets culturels ou des baux emphytéotiques, par exemple pour le siège du Consistoire central, sont demeurées faibles comparées à l'ampleur du patrimoine immobilier du culte juif. Selon eux : « il serait donc aujourd'hui inéquitable d'autoriser le financement public de la construction de nouveaux lieux de culte, quel que soit le culte concerné, alors que la communauté juive a financé l'essentiel de son patrimoine par elle-même ». Pour le CRIF, il n'est pas nécessaire de revenir sur la législation actuelle , en particulier la loi de 1905, qui « garantit le vivre-ensemble, a fait ses preuves et est adaptée à la situation actuelle du point de vue de la communauté juive » .

La Fondation du patrimoine juif : une forme de mécénat religieux

Cet organisme a été créé en 2008 au sein du Consistoire central. Un de ses objectifs est de collecter des fonds afin de sauvegarder le patrimoine cultuel juif. Selon Joël Mergui, président du Consistoire central, la Fondation a réussi à collecter plus de 6 millions d'euros à ce jour. Les dons permettent de financer des programmes répondant aux objectifs suivants : la sauvegarde du patrimoine juif ; la promotion de l'éducation juive ; la formation des futurs rabbins ; le soutien à de petites communautés en péril.

Même si, depuis quelques années, « un fort mouvement de renouveau de l'identité, des études et de la pratique marque le judaïsme français » 29 ( * ) , les enjeux actuels pour la communauté juive sont d'une part la préservation de son patrimoine immobilier et, d'autre part, la sécurisation de ses lieux de culte . Si aujourd'hui des synagogues continuent à être édifiées sur le territoire national, Joël Mergui, président du Consistoire central, reconnait que « l'époque n'est plus au développement mais surtout à la préservation du patrimoine » . En effet, c'est surtout après 1945 et à la suite du rapatriement des juifs d'Afrique du Nord que les besoins en nouveaux lieux de culte s'étaient exprimés et s'étaient traduits par la construction de synagogues au sein ou à l'extérieur des consistoires. Aujourd'hui, environ 200 synagogues seraient ainsi menacées par manque d'entretien. Les migrations internes expliquent en grande partie ce phénomène, car elles provoquent des abandons de synagogues dans certains territoires, comme par exemple à Lunéville ou au Havre. C'est également le cas dans certains territoires de l'Est de la France, notamment l'Alsace, particulièrement exposés à l'abandon des synagogues en raison de l'extinction des communautés juives de ces régions durement exposées aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Joël Mergui relève ainsi que « lorsque la communauté locale est trop réduite, elle se réunit dans un lieu privé, par exemple au domicile d'un fidèle ».

Pour l'avenir, le Consistoire anticipe surtout des difficultés d'entretien des lieux de culte dans les localités où la communauté est vieillissante . Son président souligne ainsi qu' «une synagogue qui ferme, c'est une remise en cause du patrimoine de la communauté juive, alors que la fermeture d'une église ne représente pas la même perte pour les catholiques, compte tenu du nombre de leurs lieux de culte ». De son côté, Olivier Kaufmann, directeur de l'École rabbinique de Paris, fait valoir l'importance de la synagogue dans la vie sociale de la communauté : « la synagogue n'est pas seulement un lieu de culte, beaucoup ne s'y rendent pas pour prier. Tout juif, même non pratiquant, aura à un moment ou un autre de sa vie un lien avec la synagogue ».

S'agissant du problème de la sécurisation des lieux de culte juifs, la communauté s'appuie sur le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) composé de professionnels et de bénévoles qui travaillent en coopération avec le ministère de l'Intérieur. Son financement est assuré par les fidèles, à la différence du programme de protection des synagogues. Ce dernier, qui dépend du ministère de l'Intérieur et qui est financé par le budget de l'État , a été renforcé à la suite des attentats de janvier 2015.

B. LES RELIGIONS ÉMERGENTES QUI ONT CONNU DANS NOTRE PAYS DES DIFFICULTÉS D'IMPLANTATION DE LEURS LIEUX DE CULTE SONT DÉSORMAIS EN VOIE D'ENRACINEMENT DANS LES TERRITOIRES

1. Le dynamisme démographique de la communauté orthodoxe nécessite de nouveaux lieux de culte, malgré des moyens financiers limités

Les chrétiens orthodoxes 30 ( * ) , installés en France depuis le XIX e siècle, représentent environ 500 000 fidèles . La communauté orthodoxe est institutionnellement représentée par l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF), instance créée en 1997. Selon le ministère de l'Intérieur, on dénombre 130 lieux de culte orthodoxes sur le territoire national . Monseigneur Nestor Sirotenko, évêque de Chersonèse, représentant en France de l'Église orthodoxe russe, fait état devant votre délégation de « 150 et 200 églises orthodoxes, financées essentiellement sur fonds propres à travers les dons des fidèles » . Depuis une quarantaine d'années, la religion orthodoxe connait une croissance dans notre pays en raison de l'immigration de populations en provenance de pays à majorité orthodoxe. Ce dynamisme démographique se ressent en particulier dans les grandes villes comme en Ile-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Monseigneur Nestor Sirotenko souligne un « besoin urgent de nouveaux lieux de culte » et déplore le fait que « les demandes de mise à disposition de lieux pour pratiquer le culte orthodoxe aboutissent encore trop souvent à des réponses négatives de la part des collectivités territoriales sollicitées ». Il fait également état d'une « situation dramatique en matière de financement des lieux de culte » et regrette « l'absence de soutien financier des collectivités territoriales en faveur des édifices cultuels orthodoxes ».

C'est pourquoi il serait, selon lui, important que les églises orthodoxes puissent bénéficier d'un soutien plus actif des collectivités territoriales , par exemple par la mise à disposition de salles communales ou de terrains à bâtir à des tarifs attractifs . Il affirme que l'implantation de davantage de lieux de culte orthodoxes sur le territoire favoriserait l'intégration, car « le culte est une activité essentielle au renforcement du lien social 31 ( * ) ».

Les financements étrangers au bénéfice d'églises orthodoxes

Dans le cas du culte orthodoxe, des États étrangers, la Russie surtout et la Roumanie dans une moindre mesure, sont ponctuellement impliqués dans des projets immobiliers d'envergure. L'État russe est par exemple propriétaire de l'église orthodoxe de Nice et a racheté en 2010, pour 70 millions d'euros, une parcelle de 8 400 m² qui abritait les bâtiments du siège de Météo France, en bordure de Seine. L'État russe finance actuellement, pour un coût global estimé à 100 millions d'euros, un centre spirituel et culturel orthodoxe qui sera achevé en 2016. L'ensemble comprendra un centre paroissial, une école bilingue franco-russe, un centre culturel et une église. La Russie est maître d'ouvrage du projet et agit pour le compte d'une institution religieuse, le patriarcat de Moscou. Le représentant de l'Église orthodoxe russe en France confiait toutefois à votre délégation qu'il « serait préférable que la Russie s'engage sur des projets plus modestes, plus fonctionnels mais plus nombreux, et finalement plus utiles à la communauté française ».

2. L'islam connaît une phase de rattrapage dans la constitution d'un patrimoine immobilier cultuel correspondant à ses besoins, et de moins en moins de difficultés d'implantation au niveau local

Selon les estimations, la France compte entre 2,1 millions 32 ( * ) et 5 millions de personnes 33 ( * ) se réclamant de l'islam , faisant de cette religion la deuxième de notre pays. Le ministère de l'Intérieur, sans donner de statistique officielle, estime, tout comme les représentants de l'islam, à environ 2 millions le nombre de pratiquants , et souligne que la communauté musulmane est issue de « populations variées », principalement issues du Maghreb, de l'Afrique noire et de la Turquie. Les musulmans de France se réclament à 98 % d'un islam sunnite 34 ( * ) .

Depuis une dizaine d'années, les pouvoirs publics se sont impliqués dans la constitution d'organisations représentatives du culte musulman. Cette démarche a abouti en 2003 à la création du Conseil français du culte musulman (CFCM), association régie par la loi du 1 er juillet 1901. Au niveau local, 25 conseils régionaux du culte musulman (CRCM) gèrent les affaires de la communauté à leur échelon géographique, en accord avec les principes définis par le CFCM 35 ( * ) .

Votre délégation a pu constater la progression rapide du nombre de lieux de culte musulmans sur notre territoire . L'Observatoire du patrimoine religieux (OPR) donne une moyenne de vingt à trente mosquées par département. Si la France comptait 1 600 mosquées en 2004, elle en compte aujourd'hui 2 450 « surtout situées dans les grands bassins de population et majoritairement en région parisienne (459 mosquées), puis en région lyonnaise (319) et autour de Marseille (218) », selon les données du ministère de l'Intérieur, confirmées par les représentants de l'Islam de France à votre délégation. Pourtant, eu égard aux besoins, il faudrait vraisemblablement davantage de lieux de prière pour cette communauté . Comme l'explique Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM : « si l'on considère qu'il y a 1,5 million de pratiquants, et que chaque pratiquant a besoin d'environ un mètre carré pour prier, il faudrait plus d'un million de mètres carrés de lieux de prière. Or, la France compte seulement 300 000 mètres carrés ».

On peut définir une typologie des lieux de culte musulmans en fonction de leur taille . Les communautés musulmanes s'organisent autour de grandes « mosquées-cathédrales » (plus de 2 000 m²) proposant divers services communautaires, puis de mosquées de taille intermédiaire, et enfin de salles de prière destinées à un culte « de proximité ». Le ministère de l'Intérieur et des cultes confirme d'ailleurs que les édifices cultuels musulmans sont majoritairement des mosquées de quartier . Ainsi, 64 % des lieux de culte auraient une surface inférieure à 150 m² et seulement 8 % une surface supérieure à 500 m². Les mosquées peuvent être la propriété des associations, des fédérations musulmanes, ou encore des groupements d'association.

Les personnes auditionnées par votre délégation ont insisté sur le rôle de la mosquée dans la vie de la communauté musulmane . Pour le ministère de l'Intérieur, la mosquée est « davantage qu'un simple lieu de culte », elle est « un lieu public symbolisant la bonne intégration des musulmans à la société française » . Elle représente, selon Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM, un « lieu de rassemblement communautaire » offrant un cadre et des locaux pour des activités culturelles . Elle remplit également une « fonction éducative » dans la transmission du « patrimoine culturel ». Elle est enfin « un lieu d'échange avec le monde extérieur ».

Un édifice cultuel s'inscrit aussi dans un territoire, et le ministère de l'Intérieur souligne à cet égard que « les architectes qui construisent les nouvelles mosquées se situent tout à fait dans le sens d'une bonne intégration au sein du paysage architectural local ». Il note plus précisément que « les demandes d'autorisation de minarets ne sont pas fréquentes et, quand elles existent, elles sont modestes et en harmonie avec l'environnement ».

Votre délégation s'est donc vue confirmer que, contrairement aux idées reçues, la communauté musulmane n'est pas en demande de visibilité des mosquées dans l'espace public . Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM, explique « nous n'avons pas besoin de mosquées cathédrales 36 ( * ) , qui coûtent très cher et pour lesquelles il est très difficile de mobiliser des financements. Nous plaidons pour la création de mosquées de proximité, qui coûtent moins cher, et dont la taille peut être adaptée à la démographie de la communauté musulmane considérée » .

Dans ce contexte, on observe un développement de la construction de lieux de culte musulmans et un maillage territorial en progression. De ce point de vue, l'islam est bien en phase de rattrapage par rapport aux religions anciennement établies . Comme le soulignait devant votre délégation Okacha Ben Ahmed Daho, secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), « l'islam connaît effectivement un retard historique en matière d'immobilier cultuel » , remarquant immédiatement que « l'enjeu majeur aujourd'hui est davantage celui de la rénovation et de l'entretien des salles de prières que celui de la construction ou de l'acquisition de nouveaux lieux de culte » . En clair, les musulmans doivent surtout gérer leur parc existant en le faisant évoluer pour correspondre aux besoins des fidèles (agrandissement, modernisation, rénovation, mise aux normes de sécurité et d'accessibilité en tant qu'établissements recevant du public...).

Les constructions nouvelles se font surtout dans des zones urbanisées et dans les grandes métropoles . C'est d'ailleurs dans les grandes villes , où le prix du foncier est de plus en plus élevé, que les besoins sont les plus importants . En 2013, 200 projets de mosquées étaient en cours 37 ( * ) . L'OPR évoquait devant votre délégation le cas du département de l'Essonne : on y compterait aujourd'hui 21 mosquées et 22 salles de prière, dont 8 dans des foyers de travailleurs migrants Sonacotra. Une ou deux mosquées se construiraient dans le département chaque année, remplaçant autant de salles de prière. Le ministère de l'Intérieur confirme donc l'analyse des représentants du culte musulman en remarquant que « le patrimoine immobilier du culte musulman se développe malgré les difficultés qui peuvent subsister localement ». Votre délégation y voit là le signe que la France est accueillante envers la deuxième religion du pays .

Aux termes des auditions des représentants de l'islam en France, ainsi que des pouvoirs publics, il apparaît que les principales difficultés de développement de l'immobilier musulman sont surtout d'ordres structurel, géographique et politique.

Sur le plan structurel , la communauté musulmane n'utilise pas toutes les ressources juridiques à sa disposition. En effet, les musulmans sont peu constitués en associations cultuelles , statut qui ouvre pourtant droit à des avantages juridiques plus favorables que pour les associations « loi 1901 ». Ce faisant, ils se privent de certaines aides fiscales, ce qui a d'ailleurs été confirmé par Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM. Ensuite, la fragmentation communautaire due aux liens persistants avec les pays d'origine est peu propice à la mutualisation des moyens et à la rationalisation, et fait finalement échec aux outils publics, notamment la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France (FOIF). Cette faible organisation institutionnelle de l'islam de France serait à l'origine de l'absence de stratégie immobilière , notamment au niveau de l'entretien des bâtiments.

La Fondation pour les oeuvres de l'islam de France (FOIF) : un outil pour la construction de lieux de culte musulmans dont le fonctionnement est entravé par des dysfonctionnements

La FOIF a été créée par décret le 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d'utilité publique le 25 juillet 2005 38 ( * ) . Son but est d'améliorer les conditions d'exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission est la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées. La Fondation a été pensée, entre autres, comme un outil de centralisation des moyens financiers destinés à aider le culte musulman. Des représentants de l'administration sont présents au sein de son conseil d'administration, la Caisse des dépôts et consignations est associée au financement, et la Fondation a été dotée à sa création d'un million d'euros. Les entreprises sont elles aussi conviées à contribuer financièrement.

Le Gouvernement, interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, a reconnu que les associations musulmanes n'avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action 39 ( * ) » et qu'elles devaient rester libres d'utiliser ou non cet outil. Après avoir été reçues en décembre 2012 au ministère de l'Intérieur, les organisations musulmanes fondatrices de la FOIF ont décidé de relancer son fonctionnement, qui était paralysé depuis des années du fait de difficultés entre les différents courants de l'islam représentés au conseil d'administration.

Les représentants du Conseil Français du culte musulman (CFCM) soulignaient devant votre délégation « la nécessité de réactiver cet outil majeur, nécessaire au financement des édifices religieux ».

Sur le plan géographique , le ministère de l'Intérieur précise que « le besoin de lieux de culte se fait principalement ressentir à Paris et en région parisienne » et que « le débat sur les prières de rue a été symptomatique à cet égard » . Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM, relève d'ailleurs que « les prières de rue ne sont ni un plaisir, ni une provocation, mais sont une contrainte liée au manque de lieux de culte dans certains territoires ». Votre délégation s'est vu confirmer par Okacha Ben Ahmed Daho, secrétaire général de l'UOIF, que cette problématique a fait l'objet d'un « meilleur accompagnement des pouvoirs publics ces dernières années , qui a permis une sortie progressive de l'islam des caves » et que « désormais, les mairies accompagnent les projets ».

Enfin, les difficultés politiques résulteraient d'une certaine « hostilité locale » même si le phénomène est difficilement quantifiable malgré quelques cas emblématiques à Mulhouse, Nemours, ou encore, plus récemment, à Fréjus. Le ministère de l'Intérieur et le CFCM ont signé en 2010 une convention-cadre 40 ( * ) afin de traiter le problème des actes antimusulmans et notamment les atteintes aux lieux de culte. Comme le reconnait Okacha Ben Ahmed Daho, secrétaire général de l'UOIF, « après avoir connu, dans les années 1980, l'hostilité des élus locaux qui utilisaient tous les outils disponibles (abus dans l'utilisation du droit de préemption, refus de permis de construire) pour s'opposer à l'implantation de mosquées, il y a eu une pacification des relations et le développement d'une confiance réciproque. Nous sommes sortis des années marquées par les litiges juridiques entre les porteurs de projets et les mairies ». Selon la communauté musulmane, les élus locaux seraient aujourd'hui plus confiants à l'égard de l'islam, à l'image Chems-eddine Hafiz, vice-président du CFCM, selon qui « la réalité est que les maires considèrent désormais que l'islam fait partie du paysage religieux de la France et qu'il y a peu de refus dans la mise à disposition de locaux envers les communautés musulmanes ».

Sur le plan financier , le ministère de l'Intérieur relève qu'« une grande partie du financement des mosquées provient des quêtes effectuées au sein de la communauté musulmane de France ». Cela a d'ailleurs été confirmé par les représentants du culte musulman qui ont indiqué à votre délégation que le financement des mosquées (construction ou entretien et rénovation) dépend : des donateurs privés (individuellement ou par le biais d'ONG), de l'entraide entre associations , des prêts (sans usure), et de l'aide des fédérations musulmanes organisées au niveau national 41 ( * ) . Comme le reconnait Okacha Ben Ahmed Daho, secrétaire général de l'UOIF, « les associations cultuelles musulmanes sont fragiles financièrement et doivent faire face à des situations d'insolvabilité ou d'incapacité à rembourser leurs crédits , qui les obligent à arrêter leurs projets de mosquées ». C'est ce qui explique, en partie, les problèmes de financement du culte musulman en France.

Contrairement à une idée reçue, les financements des États étrangers dirigés vers des lieux de culte musulmans en France ne représentent qu'une part minoritaire du financement total des cultes , assurés en majorité par les dons des fidèles 42 ( * ) , ces derniers étant toutefois beaucoup plus difficilement contrôlables, comme l'a confirmé TRACFIN 43 ( * ) à votre délégation. Les financements étatiques portent en général sur des projets d'envergure mais sont ponctuels et officiellement déclarés 44 ( * ) à l'administration française, les principaux cas de financements d'États étrangers proviennent soit des pays d'origine des fidèles (Algérie et Maroc 45 ( * ) pour l'essentiel), soit de la Turquie et des pays du Golfe 46 ( * ) . Les représentants de l'islam de France eux-mêmes, à l'image de Chems-eddine Hafiz vice-président du CFCM, plaident « pour une plus grande transparence dans le financement ».

Le financement des lieux de culte musulmans par des États étrangers

Sur le fondement des informations communiquées par les ambassadeurs d'États étrangers, votre délégation relève des points communs dans la structure des financements accordés aux communautés musulmanes de France. Les ambassadeurs auditionnés par votre délégation font état de financements accordés pour la construction , l'entretien et le fonctionnement des lieux de culte . Les aides sont accordées à la demande des communautés implantées en France , le plus souvent sur une base « nationale », c'est-à-dire aux ressortissants, aux binationaux ou aux fidèles français originaires du pays en question.

Les financements accordés seraient, selon les ambassadeurs, « très modestes comparés à l'ampleur des demandes exprimées par les fidèles en France ». S.E.M. Amar Bendjama, Ambassadeur d'Algérie en France, indique que les États du Maghreb en général « donnent des sommes relativement modestes pour l'édification de mosquées » . Les aides accordées auraient surtout pour buts d'entretenir un lien avec les communautés établies à l'étranger, de marquer un soutien de la part du pays d'origine et d'inciter les communautés locales françaises à effectuer des dons.

Les ambassadeurs auditionnés soulignent d'ailleurs « le caractère essentiel de disposer d'un lieu de culte décent dans l'intégration des communautés concernées ». À cet égard, la question du financement des lieux de culte par les collectivités territoriales est jugée centrale.

Les ambassadeurs de l'Algérie et du Maroc ont précisé à votre délégation agir sur tous ces enjeux en coopération avec le Gouvernement français et souhaitent promouvoir un islam ouvert, tolérant et intégré à la République . Malgré un certain nombre de points communs, le financement du culte musulman en France par ces deux États 47 ( * ) s'organise selon des modalités propres.

Le financement par l'État algérien du culte musulman en France

Selon l'Ambassadeur d'Algérie, la communauté algérienne ou d'origine algérienne représenterait, avec environ trois millions de personnes, la première communauté musulmane de France. Mais « cela ne signifie pas que ces trois millions de personnes sont pratiquantes », précise-t-il.

Le financement par l'Algérie des associations et lieux de culte musulmans en France est indirect , puisqu'il s'effectue dans le cadre d'un accord entre une commission des affaires religieuses en Algérie et la Grande Mosquée de Paris. Les Algériens se déclarent, selon l'Ambassadeur, « très attachés au rôle de la Grande Mosquée de Paris comme symbole de l'islam en France, et pas seulement d'un islam algérien ». Concrètement, le financement s'organise à travers une subvention globale versée par l'Algérie à la Grande Mosquée . Celle-ci en utilise une partie pour son fonctionnement, et répartit les fonds restants, sur demande expresse, aux dizaines d'associations, mosquées et lieux de culte qui lui sont affiliés dans le cadre de la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris. Les associations qui reçoivent les subventions sont très majoritairement, mais pas exclusivement, dirigées par des Franco-Algériens. Ces subventions concernent la construction et le fonctionnement d'institutions religieuses ainsi que le financement de certaines activités cultuelles des Franco-Algériens établis en France. L'Ambassadeur d'Algérie précise qu'« une mosquée n'est jamais entièrement financée par des subventions, qui peuvent être destinées soit à l'achat de mobilier soit, par exemple, à la restauration du toit d'un édifice ou à l'installation d'un système de chauffage, l'argent provenant surtout des dons des fidèles » .

Les aides financières de l'Algérie à destination de la communauté musulmane française se sont élevées à 1,8 million d'euros en 2013 (pour des montants compris entre 20 000 et 49 000 euros par projet), « ce qui reste modeste », selon l'Ambassadeur, « comparé au volume des demandes émanant des fidèles » . Le ministère de l'Intérieur confirmait d'ailleurs à votre délégation que ces financements sont rares et récents. Selon l'Ambassadeur, « des municipalités et des conseils généraux français ont sollicité l'État algérien pour participer au financement de grands édifices religieux, comme à Lyon et à Marseille ».

L'Ambassadeur d'Algérie souligne la coopération de longue date qui existe entre la France et l'Algérie. Il note que l'islam d'Algérie est historiquement bien implanté en France et tient à rappeler que « l'islam en France est l'affaire des musulmans de France » . Il souhaite que « l'islam en France s'intègre au paysage français ».

Le financement par l'État marocain du culte musulman en France

L'Ambassadeur du Maroc, S.E.M. Chakib Benmoussa, indiquait à votre délégation que « les demandes de financements adressées au Maroc émanent toujours d'associations de fidèles et transitent par l'ambassade ou sont déposées directement auprès du ministère marocain des Affaires religieuses ». Ces demandes concernent la construction et la restauration de mosquées ou le soutien au fonctionnement des mosquées. En 2013, L'ensemble des financements de l'État marocain vers la communauté française est d'environ 4 millions d'euros, se répartissant pour environ :

- un tiers par des aides à la construction et à la rénovation de mosquées (par exemple à Saint-Etienne, Strasbourg, Blois, Evry ou encore Mantes-la-Jolie, villes où la communauté marocaine est fortement représentée) ;

- un tiers par des aides aux associations cultuelles ;

- un tiers pour le salaire d'imams et prédicateurs détachés en France à l'occasion du ramadan, période durant laquelle la fréquentation des mosquées augmente et des besoins spécifiques sont exprimés.

Selon l'Ambassadeur du Maroc, « les financements à destination de la communauté française sont largement insuffisants pour répondre à l'ensemble des demandes présentées par les associations en France, même s'ils sont importants ». Le Maroc entend maintenir un lien avec les communautés établies à l'étranger et s'efforce, dans la mesure du possible, de répondre à leurs attentes. La disponibilité de lieux de culte décents pour la communauté musulmane doit permettre d'éviter « les influences néfastes » et « le développement de lieux de prière clandestins ou inappropriés, qui pourraient provoquer un sentiment d'exclusion ». À ce titre, l'Ambassadeur du Maroc confirme également l'importance de la question du financement des lieux de culte par les collectivités territoriales , reconnaissant qu'il peut exister à certains égards une forme de concurrence entre des modèles « nationaux » spécifiques, notamment entre le Maghreb et les pays du Golfe.

3. Le bouddhisme, dont l'implantation en France est récente, reste encore à la recherche de lieux de culte

La France compte aujourd'hui environ 1 million de bouddhistes, dont les deux tiers sont d'origine asiatique 48 ( * ) , comme l'a confirmé à votre délégation Marie-Stella Boussemart, présidente de l'Union bouddhiste de France (UBF). Créée en 1986, l'UBF est une association régie par la loi du 1 er juillet 1901 qui représente l'ensemble de cette communauté religieuse, et tient à faire savoir que « les fidèles bouddhistes apprécient le système laïc français comme garant des libertés fondamentales de pensée et de religion ».

Comme l'indique la présidente de l'UBF « cette communauté a connu en France deux périodes de croissance, dans les années 1960 puis dans les années 1980 et 1990, en raison de vagues d'immigration en provenance de pays du sud-est asiatique comme le Vietnam, le Cambodge et le Laos ». Plus largement, le bouddhisme fédèrerait aujourd'hui en réalité, selon l'UBF, environ 5 millions de « sympathisants » , c'est-à-dire des personnes s'intéressant au culte et assistant à des rencontres autour du bouddhisme mais sans s'en revendiquer.

Le ministère de l'Intérieur évalue actuellement à près de 380 le nombre de pagodes et de lieux de culte bouddhistes sur le territoire national, un chiffre confirmé par l'UBF . Marie-Stella Boussemart relève qu'« en l'absence d'édifices cultuels, les premiers fidèles se réunissaient souvent dans des lieux privés, des salons, ou même des garages ». Aujourd'hui, la situation ne s'est pas véritablement améliorée puisque les bouddhistes sont confrontés à un manque de lieux de culte , notamment à Paris, et se disent victimes de refus de mise à disposition de locaux de la part des collectivités territoriales . L'UBF estime que « si ces refus, liés au climat actuel entourant les problématiques religieuses sont souvent juridiquement infondés, nous n'avons ni les moyens financiers ni la volonté d'engager des actions en justice » .

La présidente de l'UBF a expliqué devant votre délégation que les obstacles rencontrés par les fidèles étaient largement dus « aux craintes des acteurs locaux concernant la solvabilité des associations bouddhistes, leurs relations avec le voisinage, ainsi que les réticences des assureurs à assurer leurs locaux ». Elle cite l'exemple d'un refus de location de salle opposé par la mairie du XII e arrondissement de Paris et reconnait que « pour obtenir des subventions, la communauté doit présenter des montages juridiques basés sur le culturel, pour respecter la législation, alors que les besoins sont avant tout cultuels ». De manière générale, elle déplore « les difficultés juridiques auxquelles les fidèles doivent faire face dans le cadre du financement des lieux de culte ».

C'est dans ce contexte que la communauté bouddhiste de France attend des élus locaux que des solutions alternatives puissent systématiquement être proposées afin que les fidèles disposent de locaux pour pratiquer leur culte . Malgré des difficultés réelles d'implantation, l'UBF souligne les expériences positives dans certains territoires, notamment à Rennes, à Bordeaux ou encore à Évry. En revanche, la situation de la Grande Pagode du bois de Vincennes, propriété de la Ville de Paris et siège du l'UBF, inquiète cette dernière en raison du coût de son entretien et des conditions de son occupation, jugées « de moins en moins attractives pour les fidèles, du fait notamment d'une augmentation du loyer et de charges nouvelles telles que le gardiennage ».

Aujourd'hui, selon l'UBF, le financement des lieux de culte bouddhistes passe essentiellement par les dons des fidèles, les legs aux associations et les emprunts auprès des particuliers . En effet, la solvabilité des associations cultuelles bouddhistes ne leur permet pas d'emprunter auprès des banques. Une situation qui ne va pas s'améliorer dans les années à venir en raison du vieillissement de la communauté, qui fait anticiper un déclin du financement à travers le canal des dons. La présidente de l'UBF remarque à cet égard que « les jeunes générations se sont détachées de la religion et prennent leurs distances par rapport à la vie de la pagode , même si les cérémonies importantes, comme les mariages, restent un aspect essentiel de la vie de la communauté » .

La communauté bouddhiste de France bénéficie également de dons de personnes privées étrangères, mais pas de dons d'États étrangers. Les circuits de financement de l'étranger vers la France sont ainsi fondés sur des liens directs entre communautés . La pagode de Bussy-Saint-Georges, en Seine-et-Marne, qui est actuellement le plus grand édifice cultuel bouddhiste d'Europe et qui a ouvert en juin 2012, a été financée à 80 % par un ordre monastique taïwanais et à 20 % par les dons des fidèles, pour un montant total de 16 millions d'euros. La pagode du Bourget, en Seine-Saint-Denis, a également été financée en partie par les dons de fidèles du sud-est asiatique.

4. L'expansion de certains mouvements religieux reste freinée par une méfiance des administrés et des pouvoirs publics locaux

Votre délégation souhaite que ces courants religieux minoritaires dans nos territoires soient clairement distingués des pratiques sectaires 49 ( * ) .

a) Les mormons de France : une croissance lente mais des ambitions patrimoniales solides

L'Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours 50 ( * ) , ou mormonisme , revendiquent 38 000 membres 51 ( * ) sur le territoire métropolitain et 25 000 en outre-mer. Cette communauté doit aujourd'hui faire face à un « besoin modeste » de lieux de culte dans nos territoires , selon les termes de Dominique Calmels, leur représentant auditionné par votre délégation.

La démographie de cette communauté , qui se revendique « chrétienne sans être catholique, ou protestante 52 ( * ) », a connu un développement relativement lent de 1850, date qui marque l'avènement de la première communauté mormone dans notre pays (soit environ 10 personnes) à nos jours 53 ( * ) . Celle-ci connait en effet une croissance de l'ordre de 500 à 1 000 personnes par an 54 ( * ) . Sa présence est par ailleurs très équilibrée sur l'ensemble du territoire. L'Église répertorie 110 lieux de culte sur le territoire 55 ( * ) , dont les deux tiers sont la propriété de l'Église et un tiers sont loués. Comme l'a indiqué à votre délégation Dominique Calmels « Nous possédons suffisamment de bâtiments en France au regard de la démographie de notre communauté , et on estime qu'une nouvelle église mormone est construite tous les trois ans en moyenne en France 56 ( * ) ».

Si ces églises fonctionnent avec des personnels totalement bénévoles , le financement de la vie de ces institutions (fonctionnement, entretien, restauration, activités culturelles) est assuré par une forme d'impôt : « la loi de la dîme », qui recommande le versement par les fidèles de 10 % de leurs revenus à la communauté. Comme le reconnait Dominique Calmels, « cela offre une autonomie financière considérable à nos églises ». Il en va de même pour les constructions d'églises, « supportées intégralement par les dons des fidèles collectés au niveau régional puis consolidées au niveau national et même mondial pour assurer une forme de péréquation ». Il souligne que « la collecte française est aujourd'hui insuffisante pour assurer le financement des églises sur le territoire, celles-ci étant largement tributaires des fonds excédentaires en provenance des communautés mormones des États-Unis ». Il confirme aussi l'originalité du financement des lieux de culte mormons en France, au moyen d'une société privée basée aux États-Unis et chargée d'assurer la répartition des fonds collectés. Il indique que « c'est cette société américaine qui est aujourd'hui propriétaire des bâtiments consacrés au culte ».

Le représentant de l'Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours a surtout souhaité attirer l'attention de votre délégation sur les difficultés rencontrées par les fidèles dans l'acquisition de terrains ou de locaux pour exercer leur culte . Il relève ainsi : « Nous nous heurtons encore trop souvent à la méfiance des élus locaux lorsque nous souhaitons nous porter acquéreurs d'un bâtiment en toute légalité. Nous regrettons l'attitude de quelques élus municipaux qui s'opposent systématiquement à la présence de notre communauté sur leur territoire, comme ce fut récemment le cas dans la banlieue sud de Paris » .

Votre délégation estime indispensable de rappeler aux élus locaux la nécessité de respecter le cadre législatif républicain et de ne pas placer certains cultes dans une situation discriminatoire. Les mormons n'ont d'ailleurs jamais été considérés comme une secte par les pouvoirs publics 57 ( * ) . L'association qui représente les mormons au niveau national bénéficie du statut d'association cultuelle depuis le 4 juillet 2009 58 ( * ) .

b) Les Témoins de Jéhovah de France souhaitent la construction rapide de nouveaux lieux de culte dans notre pays

Les Témoins de Jéhovah forment eux-aussi un courant religieux se réclamant du christianisme 59 ( * ) . Nés aux États-Unis à la fin du XIX e siècle, ils revendiquent près de 8 millions de membres actifs dans le monde. En France, ils seraient, selon le ministère de l'Intérieur, près de 150 000 . Ils disposeraient, selon leurs propres sources 60 ( * ) , de 1 040 édifices du culte dans notre pays, appelés « Salles du Royaume », dont 109 en Ile-de-France. Selon les informations transmises par leurs responsables, « la première association a été créée dans le Nord en 1906, sous le nom d'Église chrétienne d'Haveluy ».

Le financement des édifices du culte, qu'il s'agisse de construction ou d'entretien, est assuré en totalité par les fidèles , comme l'a confirmé à votre délégation la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah de France : « Il s'inscrit dans le cadre du mécénat privé prévu par la loi française en faveur des associations cultuelles, qui nous permet de bénéficier des dispositions des articles 200 et 238 bis du Code général des impôts. Les associations peuvent ainsi recevoir des legs et des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt pour les donateurs, et nos édifices du culte sont exonérés de la taxe foncière » .

Pour cette communauté religieuse, la construction ou la location de lieux de culte peut se heurter à l'inquiétude, voire à l'hostilité, des riverains , même si, selon ses représentants « en général, la construction d'un nouvel édifice du culte suscite peu de difficultés dans les communes où nous sommes présents et connus depuis longtemps. Nous n'avons enregistré que peu de contentieux ces dernières années ». Et si les contentieux devant les juridictions administratives ou judiciaires restent faibles, la communauté a dû rencontrer une très forte opposition à certains endroits , comme à Deyvillers, dans les Vosges, où le projet de construction d'un nouvel édifice est actuellement interrompu.

Pourtant, là encore, si ce mouvement religieux peut susciter la méfiance ou le rejet de la part de certains de nos concitoyens, les élus locaux ne sauraient faire obstacle à leur pratique , la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH), considérant en effet que « le droit à la liberté de religion [...] exclut toute appréciation de la part de l'État sur la légitimité des croyances religieuses 61 ( * ) ». Si le Conseil d'État a reconnu très tôt le caractère cultuel des associations locales des Témoins de Jéhovah 62 ( * ) , leur statut a toutefois été contesté par les pouvoirs publics. La CEDH relevait par exemple, en 2011, que, « dans le rapport parlementaire intitulé "Les sectes en France", rendu public le 22 décembre 1995 et largement diffusé, les Témoins de Jéhovah furent qualifiés de mouvement sectaire. Ce rapport aurait été suivi, selon [les Témoins de Jéhovah], d'une série de mesures d'exception à l'encontre des mouvements qualifiés de "sectes", aboutissant notamment à une marginalisation des Témoins de Jéhovah dans toutes les couches de la société 63 ( * ) ». Dans sa décision, la Cour reconnaissait ainsi que la France avait porté atteinte à la liberté de religion des Témoins de Jéhovah , avant de condamner l'État à rembourser à l'association « Les Témoins de Jéhovah » la somme de 4,5 millions d'euros indûment perçue à l'issue d'un redressement fiscal 64 ( * ) .

Aucun édifice du culte n'est aujourd'hui la propriété d'une commune, les dépenses étant entièrement assumées par les fidèles . La communauté des témoins de Jéhovah fait état d'environ 200 bâtiments nécessitant des travaux de rénovation plus ou moins importants, voire des agrandissements, et juge « le nombre d'édifices du culte insuffisant ». Selon la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah « La situation a été aggravée par la loi exigeant la mise aux normes pour les personnes handicapées, certains sites n'étant plus adaptés en raison de leur configuration ou du volume de travaux à réaliser » .

Pour les Témoins de Jéhovah, « la construction de nouveaux édifices est une nécessité générale dans les communes à forte densité de population, en particulier à Paris et sa région ». Mais les représentants de la communauté pointent des obstacles : « dans ces communes, les plans locaux d'urbanisme présentent des difficultés techniques au regard du nombre de places de parking exigé pour l'ouverture de nouveaux édifices cultuels ». Selon la Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah « la fréquentation des lieux progressent de 1 à 2 % par an, ce qui signifie qu'il faut augmenter d'autant les surfaces des locaux dédiés au culte » . En pratique, cela représente la construction d'une quinzaine de « Salles du Royaume » chaque année , outre le remplacement de certains édifices devenus vétustes ou exigeant d'importants travaux de rénovation.

5. Les personnes sans religion représentent une large part de nos concitoyens

Votre délégation tient à souligner que la part des personnes se déclarant sans religion atteindrait, selon les estimations 65 ( * ) , 32 %, soit près du tiers de la population française . Selon une étude publiée en octobre 2010 par l'Institut national des études démographiques, 45 % des personnes âgées de 18 à 50 ans se déclaraient agnostiques ou athées 66 ( * ) .

Elle fait toutefois observer que se déclarer sans religion ne signifie pas se désintéresser des questions « spirituelles ».

C. UNE RÉPARTITION DES LIEUX DE CULTE LIÉE AUSSI AUX CARACTÉRISTIQUES DES TERRITOIRES

L'état des lieux des religions dans les territoires fait bien apparaître les dynamiques démographiques et sociales de la diversité cultuelle de notre pays. Mais cette répartition tient aussi à des dynamiques territoriales . La croissance urbaine , la désertification des campagnes ainsi que l'arrivée et la stabilisation de populations immigrées , souvent non catholiques, sont les tendances lourdes de la recomposition territoriale, démographique et religieuse de la France depuis 1905.

Ces constats s'appliquent notamment à la répartition des édifices cultuels sur le territoire national . L'édifice cultuel est un facteur important de l'identité de nos territoires , car il représente un élément de visibilité d'une religion et contribue en ce sens à « l'intégration des minorités religieuses » et à « l'enracinement de populations sur un territoire 67 ( * ) ». Votre délégation constate que les évolutions et les besoins varient en fonction des territoires , comme le démontrent les résultats de l'étude quantitative réalisée à sa demande par TNS Sofres.

1. Les métropoles et les grandes villes sont des territoires d'expansion des cultes, en particulier des cultes minoritaires

Dans les grandes villes, l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR) constate que les cultes minoritaires , notamment musulman et évangélique, sont, d'une part, surreprésentés par rapport à leur poids démographique sur l'ensemble du territoire et, d'autre part, en forte croissance .

Les métropoles concentrent un patrimoine cultuel récent et les constructions s'y poursuivent . Ce constat est valable pour tous les cultes, y compris le culte catholique. Ainsi, huit projets de construction d'églises et douze projets de rénovation sont aujourd'hui en cours, en région parisienne, dans le cadre des Chantiers du Cardinal 68 ( * ) .

2. Les petites et moyennes villes connaissent une prédominance de l'immobilier catholique et un développement lent de l'immobilier musulman

L'étude de TNS Sofres fait apparaitre une très large prédominance des édifices catholiques dans nos communes : 75 % des communes possèdent au moins une église 69 ( * ) , 14 % en comptent deux, et 8 % en comptent trois ou plus. Par ailleurs, dans 73 % des communes au moins, une église est la propriété de la commune. À l'inverse, les autres édifices religieux sont en réalité très peu présents dans nos communes : seulement 5 % possèdent un temple protestant, 3 % une mosquée, 3 % un temple évangélique, 1 % une synagogue, 1 % un temple bouddhiste et 1 % une église orthodoxe.

L'Observatoire du patrimoine religieux (OPR) soulignait devant votre délégation que « si le patrimoine cultuel catholique tient une place prépondérante dans les villes de nos territoires , un patrimoine musulman s'y développe toutefois à un rythme régulier » . L'OPR constate ce phénomène notamment dans l'est du pays et en Bourgogne. D'ailleurs, si les élus locaux consultés 70 ( * ) jugent dans leur immense majorité que le nombre d'édifices religieux, toutes religions confondues, est suffisant dans leur commune , c'est pour la religion musulmane qu'ils sont les plus nombreux à considérer que ce nombre est insuffisant 71 ( * ) .

L'Association des petites villes de France (APVF), quant à elle, relève que dans les villes de 2 000 à 20 000 habitants, les cultes minoritaires rencontrent des difficultés dans la recherche de lieux de culte , alors que ces communautés minoritaires peuvent représenter un groupe important de fidèles. Concrètement, l'APVF remarque que « les mosquées et les temples bouddhistes ne sont pas légion dans nos petites villes, alors qu'il est possible de trouver l'un ou l'autre dans chaque métropole régionale ».

Pourtant et paradoxalement , comme l'indique l'étude TNS Sofres, les élus locaux interrogés, considèrent , dans leur immense majorité (97 %) qu'il n'est pas vraiment nécessaire (21 %) ou même pas du tout nécessaire (76 %) de construire de nouveaux lieux de culte dans leur commune , l'opposition à l'édification de nouveaux lieux de culte étant encore plus forte dans les communes de moins de 1 000 habitants (99 %). Les élus locaux jugent même à 86 % que l'édification de nouveaux édifices religieux est une question secondaire , seulement 3 % considérant qu'elle est importante mais pas prioritaire . Ils confirment à cet égard, qu' ils sont peu ou pas du tout confrontés à des demandes de nouveaux lieux de culte de la part des communautés religieuses , les deux religions les plus concernées étant la religion catholique (10 %) et la religion musulmane (6 %), les demandes pour cette dernière étant surtout en région parisienne et dans les communes les plus peuplées.

3. La France rurale est confrontée au poids des enjeux financiers de l'immobilier catholique

Selon l'OPR, la France rurale est essentiellement marquée par le culte catholique ou même par l'absence de culte . Le cas de l'Alsace et de ses synagogues construites dans les campagnes fait exception. Mais ces synagogues sont presque toutes abandonnées ou transformées, en raison de la diminution constante des communautés juives locales.

Dans les petites communes rurales, aux capacités financières limitées, l'enjeu de l'immobilier cultuel est crucial car l'église représente bien souvent le seul bâtiment public remarquable du village et, en même temps, le premier poste budgétaire . Une situation confirmée par l'étude TNS Sofres, qui montre que les besoins de rénovation ou d'aménagement des lieux de culte concernent principalement les églises (73 %), loin devant les mosquées (52 %), les temples protestants (46 %) et les églises évangéliques (7 %).

Votre délégation a conscience de l'enjeu considérable que représente la sauvegarde du patrimoine cultuel pour nos territoires . En pratique, les élus locaux doivent souvent gérer des églises en mauvais état en arbitrant sur le caractère raisonnable ou non de consacrer plus de la moitié d'un budget municipal à un édifice cultuel, alors que celui-ci est moins utilisé par ses habitants. Les décisions des élus locaux peuvent d'ailleurs susciter de véritables passions locales et, paradoxalement, il peut s'avérer plus simple de mobiliser des fonds pour la restauration d'une église, unique dépense d'envergure de la commune .

Votre délégation observe qu'il n'est pas rare que les habitants s'opposent aux décisions de destructions d'édifices religieux décidées par les conseils municipaux avec l'aval de l'affectataire . Les élus n'ont souvent d'autre choix que de consulter la population locale (cf. encadré ci-dessous), ce que votre délégation ne peut qu'encourager puisque les travaux de restauration représenteront, quoi qu'il arrive, une somme importante qui se traduira soit par des hausses d'impôts, soit par des équipements en moins, et il apparait logique que nos concitoyens puissent se prononcer.

La conservation ou la destruction des églises : une occasion de recourir au référendum local

Selon l'OPR, 200 églises seraient menacées de vente ou de destruction en France métropolitaine, sans compter les milliers d'autres qui attendent une restauration. Dans un contexte de budgets contraints pour les mairies et de baisse de la pratique religieuse, de nombreuses municipalités doivent faire face à de lourdes dépenses excédant leurs capacités pour assumer l'entretien des lieux de culte, principalement les églises. Lorsque les bâtiments ne sont pas classés, les municipalités ne peuvent pas bénéficier de l'intervention de l'État. On remarque qu'en dépit des oppositions politiques locales dans certaines communes, la protection fait le plus souvent consensus parmi les habitants .

Certaines municipalités ont soumis au référendum la question de la conservation ou de la destruction d'une église . Ainsi en est-il de la mairie de Plouagat, dans les Côtes-d'Armor, qui a décidé, avant d'engager de coûteux travaux de restauration de l'église communale, de soumettre la question à l'approbation des 2 016 électeurs de la commune. Ceux-ci ont voté à 80 % pour la restauration, lors d'un scrutin qui a rassemblé un peu de plus de 50 % des électeurs.

Le ministère de la Culture reconnaît que la destruction d'églises représente une perte regrettable du patrimoine des communes . L'OPR, auditionné par votre délégation, redoute de son côté la disparition de 5 000 à 10 000 édifices religieux d'ici 2030.

Votre délégation note que peu d'églises sont désaffectées 72 ( * ) dans les territoires ou sont l'objet de reconversion. Quand elles le sont, c'est le plus souvent pour accueillir des expositions d'art, des concerts ou encore des visites touristiques, à la différence de certains de nos voisins étrangers (Québec, États-Unis, Grande-Bretagne, etc.) où il n'est pas rare que ces lieux, soient vendus pour devenir des logements, des bibliothèques, des commerces, ou encore des salles de sport.

Dans ce contexte, votre délégation se félicite que les parlementaires , élus de terrains, se soucient pleinement de l'avenir de ces lieux faisant partie intégrante de l'identité et de l'histoire de nos territoires 73 ( * ) , à travers la mobilisation de ressources issues de la « réserve parlementaire 74 ( * ) ».

En 2013, la réserve de l'Assemblée nationale était de 90 millions d'euros, soit 130 000 euros par député en moyenne. Les lieux de culte 75 ( * ) ont pu bénéficier de la réserve des députés, le mot « église » apparaissant 379 fois dans la liste publiée par l'Assemblée nationale, soit la deuxième plus forte occurrence en nombre de projets. Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, a pu bénéficier quant à lui en 2013 d'une réserve d'un montant de 54 millions d'euros, soit environ 155 000 euros par sénateur. Là encore, les « églises 76 ( * ) » ont pu bénéficier d'une aide avec 539 subventions accordées directement pour leur entretien, restauration, rénovation, mise aux normes, ou encore aménagement, soit un montant total de 3,3 millions d'euros .

II. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SONT, SAUF EXCEPTION, SOUMISES À UN PRINCIPE LÉGISLATIF D'INTERDICTION DU SUBVENTIONNEMENT DES LIEUX DE CULTE

A. LE PRINCIPE LÉGISLATIF D'INTERDICTION DU FINANCEMENT PUBLIC DES LIEUX DE CULTE

1. Une interdiction à relier au principe constitutionnel de laïcité

Si le terme « laïcité » apparaît dès le XIX e siècle, il ne sera consacré en tant que tel au niveau constitutionnel qu'avec la Constitution du 27 octobre 1946 , qui affirme dans son article 1 er que « La France est une République laïque » . La Constitution du 4 octobre 1958 reprend cette disposition et la complète en affirmant, dans son article 1 er , que la France est une République laïque , qu'elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion, et qu'elle respecte toutes les croyances .

La laïcité a donc aujourd'hui une valeur constitutionnelle, mais elle n'est explicitement définie par aucun texte constitutionnel ou législatif . Le Conseil d'État remarque à cet égard que « peu de concepts ont reçu des interprétations aussi diverses 77 ( * ) ». Lors de son audition devant votre délégation, Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, a estimé que « la laïcité visait au respect, à l'émancipation et à l'égalité entre les citoyens ». À cette occasion, notre collègue Edmond Hervé soulignait pertinemment que la laïcité relevait d'une « démarche de liberté » et ne devait pas être envisagée comme « une posture antireligieuse ».

La laïcité a également été définie par des autorités juridictionnelles et consultatives . Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), « la laïcité constitue un principe fondateur de la République française, conciliant la liberté de conscience, le pluralisme religieux et la neutralité de l'État 78 ( * ) » . En 2005, le Conseil d'État a affirmé que le principe constitutionnel de laïcité impliquait la neutralité de l'État et des collectivités territoriales de la République , ainsi qu'un traitement égal des différents cultes 79 ( * ) .

En 2013, le Conseil constitutionnel s'est prononcé, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur les composantes du principe de laïcité 80 ( * ) . Pour rendre sa décision il s'est principalement fondé 81 ( * ) sur l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sur l'article 1 er de la Constitution de 1958. Les juges constitutionnels ont tout d'abord affirmé que le principe de laïcité « figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ». Ils ont ensuite indiqué qu'il résulte du principe de laïcité « la neutralité de l'État [et le fait] que la République ne reconnaît aucun culte » , et ajouté que « le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances , l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion » et la « garantie par la République du libre exercice des cultes ». Ils ont enfin rappelé que le principe de laïcité « implique que [la République] ne salarie aucun culte ».

Mais votre délégation observe surtout que si les sages ont réaffirmé le fait que la « République ne salarie aucun culte », ils n'ont en revanche pas souhaité donner une valeur constitutionnelle au principe législatif d'interdiction du subventionnement public des cultes .

Comme le relève l'Observatoire de la laïcité 82 ( * ) , « sans méconnaître les difficultés pratiques que peuvent rencontrer les collectivités territoriales dans l'application du principe constitutionnel de laïcité, il incombe aux élus locaux la charge de faire respecter la laïcité ». Votre délégation ne saurait que souscrire à la charte destinée aux élus locaux rappelant que « la laïcité est une des conditions fondamentales du vivre ensemble » et requiert en tant que telle « la lutte constante contre toutes les discriminations économiques, sociales ou urbaines » ; que conformément au principe de neutralité de l'État, elle suppose « que les religions ne s'immiscent pas dans le fonctionnement des pouvoirs publics et que les pouvoirs publics ne s'ingèrent pas dans le fonctionnement des institutions religieuses » ; et que la liberté de culte implique que « la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées par la loi elle-même ».

On comprend donc aisément l'ampleur du rôle des collectivités territoriales, chargées de faire vivre la laïcité sur notre territoire . En effet, celles-ci assument, comme le reconnaissait devant votre délégation Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire : « un triple rôle qu'elles doivent conserver : gardiennes de la laïcité, acteurs de la laïcité et interlocuteurs avec les représentants des religions et nos concitoyens croyants ».

L'interdiction législative du subventionnement public des cultes édictée par la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État doit donc s'appliquer dans le respect du principe constitutionnel de laïcité.

2. L'interdiction législative du subventionnement public des cultes et, par extension, des lieux qui y sont dédiés

La loi du 9 décembre 1905 affirme dès son article 2 que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte, et supprime en conséquence toutes les dépenses relatives aux cultes des budgets de l'État, des départements et des communes . L'interdit ainsi exprimé s'applique tout particulièrement au financement des lieux de culte . Les associations cultuelles instituées par la loi de 1905 pour assurer l'exercice du culte ne peuvent « sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes 83 ( * ) ». Ces dispositions impliquent donc qu'aucune religion ou conviction ne puisse être privilégiée ou discriminée dans notre pays.

Votre délégation souligne à nouveau que ce principe d'interdiction du subventionnement public des cultes n'a pas valeur constitutionnelle . Le Conseil constitutionnel a bien reconnu, dans sa décision précitée du 21 février 2013, qu'en vertu du principe de laïcité, « la République ne salarie aucun culte » mais il n'a pas entendu interdire tout subventionnement des cultes 84 ( * ) . C'est donc le principe du non-salariat qui possède une valeur constitutionnelle, et pas celui du non-subventionnement. Comme le relève Elsa Forey : « l'affirmation d'un principe de non-subventionnement public des cultes comme composante du principe de laïcité aurait en effet pu avoir des conséquences sur un certain nombre de dispositifs législatifs autorisant un financement public des cultes 85 ( * ) ».

La loi du 9 décembre 1905 constitue aujourd'hui le cadre de l'exercice de la libre-administration des collectivités territoriales en matière de financement des cultes . Même si cette loi ne se réfère pas explicitement à la laïcité, elle en constitue indéniablement la « clé de voûte », les collectivités territoriales étant en première ligne, notamment en adoptant à l'égard des cultes une stricte neutralité .

Votre délégation observe d'ailleurs que c'est précisément sur le fondement du principe d'interdiction du subventionnement public des cultes que les juridictions administratives ont annulé certaines dépenses ou interventions des collectivités territoriales en faveur des cultes .

a) L'interdiction de principe, pour les collectivités territoriales, de financer la construction ou l'acquisition d'édifices cultuels

Ainsi, dans le cadre de la construction ou de l'acquisition d'un lieu de culte , le juge a reconnu l'illégalité de dépenses publiques relatives à la construction d'un nouveau lieu de culte par une commune 86 ( * ) , de subventions pour l'acquisition d'un ensemble immobilier au profit d'une association dont l'objet inclut la pratique d'un culte 87 ( * ) , ou encore de la vente d'un bien communal à un prix inférieur à sa valeur vénale à une association dont l'objet principal est de poursuivre des activités cultuelles 88 ( * ) .

b) L'interdiction de principe, pour les collectivités territoriales, de financer des dépenses de fonctionnement courant

Les dépenses de fonctionnement courant d'un lieu de culte telles que le nettoyage, le chauffage ou l'éclairage ne peuvent pas être prises en charge par la collectivité territoriale . L'affectataire doit assumer par exemple les dépenses d'électricité afférentes à l'exercice du culte 89 ( * ) . Les dépenses d'aménagement, d'embellissement, de mise en valeur ou d'amélioration des édifices cultuels non classés sont également prohibées 90 ( * ) .

Votre délégation observe que la réalité pratique dans les territoires est pourtant plus souple , une analyse confirmée par l'Observatoire du patrimoine religieux, qui reconnaît que « certains maires se montrent conciliants et partagent les frais de chauffage, car si cette dépense n'est pas assurée, la toiture tient moins bien ».

c) L'interdiction de principe, pour les collectivités territoriales, de favoriser un culte à travers la mise à disposition de locaux

La mise à disposition de locaux favorisant un culte est également censurée par la jurisprudence . Ainsi en va-t-il de la décote de 50 % sur la valeur locative de locaux communaux mis à disposition d'une association pour la fondation et l'entretien d'une salle de prière 91 ( * ) , de la mise à disposition gratuite d'un lieu public pour exercer un culte si l'occupation de ce lieu est généralement payante 92 ( * ) , ou encore de la location à un ministre du culte d'un terrain ou d'un local à un prix dérisoire 93 ( * ) .

d) L'interdiction de principe, pour les collectivités territoriales, de financer des célébrations religieuses même d'intérêt local

Au-delà du cas des édifices cultuels eux-mêmes, une commune ne peut pas participer directement à l'organisation de célébrations religieuses 94 ( * ) . Le juge administratif a ainsi annulé des subventions se rapportant directement à des cérémonies ou des manifestations cultuelles, alors même que celles-ci auraient acquis au niveau local un caractère traditionnel et un intérêt culturel et touristique 95 ( * ) .

À cet égard, votre délégation relève d'ailleurs une différence d'interprétation entre le juge administratif et les élus locaux concernés. En témoigne l'analyse de notre collègue Marie-Françoise Perol-Dumont, sénatrice du Limousin, qui indiquait devant votre délégation que « la jurisprudence a apporté des ajustements par le haut et par le bas. Dans mon département, on pratique les ostensions qui ont une dimension à la fois religieuse et festive, cultuelle et culturelle. Les gens y participent quelle que soit leur appartenance politique. Depuis toujours, les collectivités locales finançaient ces évènements. Il y a sept ans, cela ne posait aucun problème. Il y a quatre ans, un débat a eu lieu pour savoir s'il s'agissait d'une pratique cultuelle ou culturelle. Les subventions ont été soumises au vote, adoptées ; puis le tribunal administratif a été saisi, et les bénéficiaires ont dû rembourser. La jurisprudence a exacerbé la situation. La prochaine fois, il ne sera plus question de subvention ».

B. LE STATUT JURIDIQUE DES ÉDIFICES CULTUELS EST DÉTERMINÉ PAR LEUR DATE DE CONSTRUCTION ET LEUR PÉRIMÈTRE

La question du financement des lieux de culte par les collectivités territoriales est liée à celle du statut juridique des édifices cultuels . Ce statut est déterminé par la date de construction de l'édifice et par le périmètre que l'on reconnaît au lieu de culte lui-même.

1. Un statut juridique déterminé par la date de construction de l'édifice

Les différences de statut juridique des édifices cultuels en France s'expliquent en grande partie par une distinction chronologique .

La plupart des édifices du culte construits avant 1905 , dont l'immense majorité relève du culte catholique , sont la propriété des communes et appartiennent à leur domaine public . Les édifices du culte acquis ou construits après 1905 sont la propriété de personnes privées , généralement des associations cultuelles ou des associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Malgré un principe et des règles simples en apparence, le Conseil d'État a parfaitement résumé la situation en relevant que « les dispositions législatives du début du siècle dernier définissent [...] un régime de propriété éclaté, hétérogène, variable selon la date de construction de l'édifice considéré et le culte dont il permet la célébration publique 96 ( * ) ».

a) L'état du droit antérieur à la loi du 9 décembre 1905 : un régime marqué par le statut public des cultes

En 1789, les biens ecclésiastiques sont mis à disposition de la Nation , à qui revient la charge de « pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres 97 ( * ) ».

La loi du 18 Germinal an X (8 avril 1802), qui promulgue le Concordat signé en 1801 entre le Saint-Siège et le gouvernement français, définit un régime des cultes « reconnus ». Ces cultes sont : le catholicisme, le protestantisme luthérien et réformé, puis le judaïsme par un décret de 1808. La loi crée des établissements publics du culte pour gérer les biens du culte .

Entre 1802 et 1905, deux types de régime vont coexister pour la construction des édifices du culte : lorsque la construction a lieu sur un terrain communal, l'édifice est intégré au domaine public de la commune ; lorsque la construction a lieu sur un terrain appartenant à un établissement public du culte , ce dernier en devient propriétaire .

Ce régime perdure jusqu'à l'adoption de la loi de séparation des églises et de l'État.

b) Le nouveau régime de propriété institué par la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'État

La loi du 9 décembre 1905 dispose que « sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi 98 ( * ) ».

Plus précisément, le législateur a entendu rompre avec le régime antérieur mais a souhaité tenir compte de l'héritage révolutionnaire en décidant que les édifices mis à disposition de la nation en 1789 sont et demeurent la propriété de l'État, des départements 99 ( * ) et des communes 100 ( * ) . Compte tenu de l'histoire, ces édifices sont, dans leur quasi-totalité, des édifices du culte catholique.

La loi de 1905 supprime également les établissements publics du culte 101 ( * ) . Conformément à l'article 8, leurs biens mobiliers et immobiliers sont transférés aux associations cultuelles formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public du culte. En vertu de l'article 19 « ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte [...] » et « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes » . La loi prévoit également que les édifices affectés à l'exercice public du culte sont laissés gratuitement à la disposition des associations cultuelles 102 ( * ) .

Les protestants et les juifs acceptent ce système et leurs édifices religieux deviennent la propriété des associations cultuelles mises en place. Les catholiques refusent l'application de ce nouveau régime et la création d'associations cultuelles.

c) Le refus des catholiques du nouveau régime de séparation des Églises et de l'État et la persistance de la propriété publique de la majorité des lieux de culte

Deux lois sont successivement votées, en 1907 et 1908, pour répondre au refus des catholiques de constituer des associations cultuelles .

La loi de 1907 prévoit qu'en l'absence d'association cultuelle, les édifices cultuels seront laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte 103 ( * ) et que la jouissance gratuite des édifices pourra être accordée soit à des associations cultuelles, soit à des associations classiques régies par la loi de 1901, soit à des ministres du culte. La question de l'affectation des édifices cultuels est ainsi tranchée en 1907 dans le sens d'une affectation perpétuelle 104 ( * ) , gratuite et exclusive au culte .

Le Conseil d'État admettra en effet que « la loi du 9 décembre 1905 n'a pas rendu aux communes le droit de disposer des églises dont elles sont propriétair es 105 ( * ) ». Il reconnaîtra également que « l'église est juridiquement à la disposition exclusive du desservant, qui a sur elle un droit personnel de jouissance 106 ( * ) ». Seuls les édifices affectés au culte et appartenant, le 9 décembre 1905, à une personne publique jouissent de l'affectation gratuite, exclusive et perpétuelle.

Le législateur décide ensuite, en 1908, que les édifices qui étaient affectés au culte lors de la promulgation de la loi de 1905 deviennent la propriété des communes s'ils n'ont été ni restitués ni revendiqués par une association cultuelle dans un délai d'un an 107 ( * ) . C'est en pratique ce qui va se passer pour les églises catholiques. La propriété des lieux de culte s'accompagnera de la faculté pour « l'État, les départements, les communes (et les établissements publics de coopération intercommunale, depuis la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998) d' « engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi 108 ( * ) » .

En clair, et pour résumer l'évolution intervenue entre 1905 et 1908, les églises qui avaient appartenu aux établissements publics du culte catholique sont devenues communales, alors qu'il avait été prévu qu'elles deviennent propriété d'associations cultuelles , comme cela a été le cas pour les édifices du culte protestant et du culte israélite.

Des accords conclus au début des années 1920 entre le Saint-Siège et le gouvernement français 109 ( * ) aboutissent, pour le culte catholique, à la constitution d'associations diocésaines . Leur fonctionnement diffère de celui des associations cultuelles , puisque leur action se limite aux frais et à l'entretien du culte catholique alors que, pour ces dernières, elles peuvent en plus assurer l'exercice public du culte, une distinction confirmée par le Conseil d'État 110 ( * ) . Ainsi, à chaque diocèse correspond une association diocésaine.

Le Conseil d'État rappelle enfin, dans son rapport public de 2004, qu'une collectivité territoriale peut acquérir à titre gratuit un édifice faisant l'objet d'une donation de la part d'une association cultuelle . Cette opération est en effet possible depuis la loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État. C'est le cas, par exemple, de la Grande synagogue de la Victoire à Paris, dont la ville est propriétaire.

2. Le régime contemporain de la gestion des lieux de culte se caractérise par la définition jurisprudentielle du périmètre du lieu de culte et par l'existence de structures associatives compétentes pour gérer l'exercice du culte
a) L'édifice cultuel est un ensemble immobilier cohérent affecté au culte

Le régime juridique propre à un édifice cultuel dépend de son périmètre . La jurisprudence s'appuie pour cela sur la notion de dépendance d'un édifice du culte en faisant référence à « un édifice cultuel, y compris ses dépendances nécessaires, fonctionnellement indissociables de l'édifice cultuel 111 ( * ) ». Le Conseil d'État considérait dans cette affaire que la toiture d'un édifice cultuel , « en tant qu'elle est nécessaire au bon déroulement des célébrations cultuelles organisées dans l'édifice qu'elle protège, est considérée comme affectée au culte » .

Il en va de même pour la sacristie attenante à l'édifice du culte 112 ( * ) , la chapelle située sous l'église 113 ( * ) ou encore les abords de l'église 114 ( * ) , s'ils sont nécessaires à la tranquillité et à la dignité des célébrations ou s'ils ont toujours été utilisés à des fins cultuelles. Toutes les modalités particulières d'organisation liées à l'utilisation ou à la visite de parties d'édifices affectées au culte requièrent l'accord de l'affectataire 115 ( * ) , d'où l'importance d'un dialogue entre les collectivités territoriales et les représentants religieux .

En revanche, certains équipements ou installations attenants à l'édifice du culte ne sont pas considérés par la jurisprudence comme des dépendances des édifices du culte . Le Conseil d'État a, par exemple, exclu du régime de l'affectation au culte les « aménagements qui, alors même qu'ils sont situés sur le toit de l'édifice cultuel, doivent être regardés compte tenu notamment de leurs caractéristiques propres et de la possibilité d'y accéder sans entrer dans l'édifice cultuel, comme fonctionnellement dissociables de cet édifice 116 ( * ) ». Ainsi en est-il aussi des presbytères attribués aux communes par les lois du 9 décembre 1905 (article 14) et du 2 janvier 1907, (articles 1 er et 2) qui font partie de leur domaine privé 117 ( * ) et ne sont pas considérés comme des dépendances d'édifices affectées au culte.

De nombreux locaux ne sont donc pas aujourd'hui considérés juridiquement comme étant des « lieux de cultes ». Par exemple, comme l'indiquait le Conseil national des Évangéliques de France à votre délégation : « les salles attenantes au lieu de culte et dédiées à l'enseignement religieux des enfants pendant l'office ne sont pas considérées comme affectées au culte ».

En suivant ces interprétations jurisprudentielles, il apparaît, par exemple, qu'une commune propriétaire peut se passer de l'accord du desservant pour organiser l'accès, même payant, des touristes à un toit-terrasse ou à tout autre aménagement d'un édifice religieux touristique , dès lors que cet accès peut se faire sans entrer dans l'édifice cultuel et qu'il n'est pas démontré que les visites perturbent l'exercice du culte.

b) Les édifices cultuels sont gérés par différents types d'associations

Comme le relève à juste titre Jean-Pierre Machelon, le droit français « n'impose pas un cadre juridique unique comme support de l'exercice du culte 118 ( * ) ».

(1) Les associations de droit commun, dites loi du 1er juillet 1901, peuvent exercer des activités cultuelles

Les associations dites « loi 1901 » peuvent avoir pour objet l'exercice d'un culte 119 ( * ) . La loi du 2 janvier 1907 consacre en effet un assouplissement : indépendamment des associations cultuelles, l'exercice public d'un culte peut être assuré tant au moyen d'associations régies par la loi de 1901 que par voies de réunion publiques.

Les associations type « loi 1901 » n'échappent toutefois pas à l'interdiction législative de subventionnement public des cultes . Ce modèle d'association à double visage peut donc s'avérer pénalisante pour un culte. En effet, si ces associations sont autorisées à mener à la fois des activités cultuelles et culturelles, elles se privent néanmoins de dispositions avantageuses (avantages fiscaux notamment) dont bénéficient les associations cultuelles. Elles se privent inversement de financements publics éventuels en raison même de leurs activités cultuelles. Pour cette raison, les communautés religieuses peuvent être amenées à constituer deux associations distinctes, l'une cultuelle et l'autre régie par la loi de 1901, « créant alors un risque accru d'opacité des circuits de financement 120 ( * ) ».

(2) Les associations cultuelles de la loi du 9 décembre 1905 doivent poursuivre un objet exclusivement cultuel

Les associations cultuelles sont à la fois soumises aux dispositions communes à toutes les associations ainsi et à des dispositions spécifiques résultant de la loi de 1905 121 ( * ) . La Cour européenne des Droits de l'Homme a rappelé en 2011 qu'« il n'y a pas de définition de l'association cultuelle, et la reconnaissance ou non du statut d'association cultuelle ne se fait pas au moment de la déclaration mais lorsque l'association obtient une autorisation des pouvoirs publics de bénéficier de certains dispositifs fiscaux ou patrimoniaux 122 ( * ) ».

L'objet d'une association cultuelle est limité et doit porter exclusivement sur l'exercice d'un culte 123 ( * ) . Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une association cultuelle ne peut exercer d'autres activités que la participation aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte 124 ( * ) . Ses recettes ne peuvent être affectées qu'au culte. En tant que propriétaires d'édifices cultuels, les associations cultuelles sont « tenues des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant 125 ( * ) ». La haute juridiction administrative a par ailleurs précisé les critères de reconnaissance des associations cultuelles : avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte , mener exclusivement des activités en relation avec cet objet , respecter l'ordre public 126 ( * ) .

Surtout, les associations cultuelles disposent d'avantages fiscaux plus importants que les associations dites « loi 1901 », (sauf celles reconnues d'utilité publique et celles ayant pour but exclusif la bienfaisance ou l'assistance 127 ( * ) ) puisqu'elles peuvent, outre les dons manuels, recevoir des fonds issus de quêtes et de collectes ainsi que des libéralités.

Elles ne peuvent en revanche recevoir aucune subvention publique, sauf pour les réparations 128 ( * ) , et sont soumises à des obligations de contrôle et de transparence financière et patrimoniale 129 ( * ) . Cette interdiction est la conséquence de la combinaison de deux éléments : la prohibition législative du subventionnement public des cultes et l'objet exclusivement cultuel de l'association . Une exception est toutefois prévue pour la réparation des édifices cultuels appartenant à ces associations, en vertu de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905.

Or, dans les faits, comme cela a été confirmé à votre délégation par les représentants des différentes religions, il existe aujourd'hui un subventionnement public de « centres culturels » (organisés dans le cadre de la législation relative aux associations loi de 1901), alors que la dimension cultuelle est pourtant évidente . Cette « hypocrisie » est dénoncée tant par des élus locaux que par nos concitoyens, qui y voient un détournement de la législation. Il convient d'en finir avec cette situation et c'est pourquoi votre délégation formule des recommandations en ce sens.

(3) Le cas des congrégations religieuses gérant un lieu de culte

Aujourd'hui, « il n'existe pas de définition juridique de la notion de congrégations religieuses » et leur statut demeure « hétéroclite », celles-ci ne pouvant « être assimilées ni aux associations régies par les titres I et II de la loi de 1901, ni aux associations cultuelles créées par la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 130 ( * ) ».

La loi de 1901 fixe toutefois un régime de reconnaissance légale des congrégations 131 ( * ) . La demande est présentée au ministère de l'Intérieur et le décret de reconnaissance ne peut être pris que sur avis conforme du Conseil d'État. Les congrégations reconnues bénéficient de la personnalité juridique. Par ailleurs, la jurisprudence a dégagé une série de critères qui permettent d'identifier une congrégation et de la distinguer de l'association dite « loi 1901 » ainsi que de l'association cultuelle : « engagement et activités des membres inspirés par une foi religieuse, existence de voeux, vie communautaire sous une même règle, autorité d'un supérieur investi de pouvoirs particuliers et relevant lui-même de la hiérarchie propre à la religion dont il se réclame 132 ( * ) ».

Le statut de congrégation peut être reconnu à toute communauté religieuse, quel que soit le culte qu'elle représente 133 ( * ) . En 1989, le Conseil d'État, saisi de la question de savoir si une organisation présentant les caractères d'une congrégation pouvait se placer sous le régime des associations cultuelles prévues par la loi du 9 décembre 1905, a estimé que tel n'était pas le cas 134 ( * ) , et a ainsi opéré une distinction nette entre le régime applicable aux congrégations, d'une part, et celui applicable aux associations, notamment cultuelles, d'autre part.

Les congrégations sont autorisées à recevoir des dons manuels, mais ne peuvent accepter les dons ou legs de meubles et immeubles et l'acquisition ou l'aliénation d'un immeuble que sous réserve d'une autorisation administrative préalable. Elles sont aussi soumises à la taxe foncière, contrairement aux associations cultuelles.

En définitive, si les congrégations religieuses peuvent gérer un lieu de culte, elles demeurent soumises au principe d'interdiction du subventionnement public des cultes et ne bénéficient pas du statut juridique avantageux des associations cultuelles .

C. CERTAINS TERRITOIRES DE LA RÉPUBLIQUE, HORS DU CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI DE 1905, PEUVENT ASSURER UN FINANCEMENT PUBLIC DES LIEUX DE CULTE

La loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État ne s'applique en effet ni en Alsace-Moselle, ni dans certaines collectivités territoriales d'outre-mer.

1. Le régime dérogatoire issu du droit local des cultes en Alsace-Moselle

Le droit local des cultes en Alsace-Moselle, qui autorise le financement des cultes par les collectivités territoriales, est « un élément structurant de l'identité de ces territoires 135 ( * ) ».

a) Le droit local des cultes en Alsace-Moselle est un héritage du concordat et organise un régime public des cultes

Le régime concordataire entré en vigueur en France avec la loi du 8 avril 1802 est resté applicable jusqu'aujourd'hui dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle 136 ( * ) . Les cultes statutaires reconnus (catholique, réformé, luthérien et juif) y sont régis par des statuts spécifiques définissant « un ensemble de droits et obligations qui organisent le régime juridique des institutions de ces cultes, de leurs bâtiments cultuels et de leurs agents 137 ( * ) ».

Le service du culte en Alsace-Moselle est donc un service public . Dès lors, les établissements publics du culte sont sous la tutelle de l'État et gèrent et entretiennent les biens appartenant aux cultes, leurs décisions étant d'ailleurs soumises au contrôle du juge administratif 138 ( * ) .

Des cours d'enseignement religieux, qui ne concernent que les cultes statutaires 139 ( * ) , sont obligatoirement proposés dans les écoles, collèges et lycées publics, mais la présence des élèves y est facultative. En pratique, les possibilités de dispense sont largement utilisées et l'assiduité est faible, en particulier au lycée. En Alsace-Moselle, 1 397 ministres des cultes sont ainsi rémunérés par l'État, sur le budget du ministère de l'Intérieur, pour un montant total de 58 millions d'euros 140 ( * ) .

b) Le régime du financement public des cultes en Alsace-Moselle distingue les cultes reconnus et les cultes non reconnus
(1) Les collectivités territoriales d'Alsace-Moselle ont soit la faculté soit l'obligation de subventionner les cultes statutaires

Les édifices des cultes statutaires appartiennent soit aux communes, soit aux établissements publics du culte . Les communes peuvent en être propriétaires, en application du concordat ou lorsqu'elles les ont elles-mêmes édifiés après 1802. Les établissements publics du culte le sont lorsqu'ils les ont eux-mêmes édifiés. Les temples protestants et les synagogues, par exemple, sont en majorité la propriété des établissements publics du culte. Quel que soit leur propriétaire, les édifices des cultes statutaires appartiennent au domaine public, de même que les presbytères, contrairement au reste du territoire métropolitain 141 ( * ) .

« L'établissement public cultuel doit faire face prioritairement à ses dépenses de fonctionnement et d'investissement 142 ( * ) » ainsi que d'entretien et de reconstruction de l'édifice du culte. Toutefois, en vertu du régime de la domanialité publique, « l'État et les collectivités territoriales sont tenus, dans certaines situations, de participer au financement des cultes statutaires 143 ( * ) ». Les communes ont en effet l'obligation de pallier l'insuffisance des ressources des établissements publics du culte 144 ( * ) . Si elles refusent, la chambre régionale et territoriale des comptes doit être saisie « en vue de la mise en oeuvre de la procédure d'inscription d'office de la dépense au budget de la commune 145 ( * ) », dans les conditions du droit commun budgétaire. La commune est également tenue de procurer aux ministres des cultes statutaires les moyens de se loger 146 ( * ) .

Par ailleurs, de manière facultative cette fois, les collectivités territoriales peuvent subventionner les cultes statutaires au-delà des strictes nécessités de l'équilibre financier . Ce régime autorise donc le subventionnement de la construction d'édifices cultuels . En pratique, la tutelle administrative s'exerce en matière immobilière . La conclusion de baux de longue durée et l'acquisition ou l'aliénation de biens immobiliers par les établissements publics du culte sont donc soumises à l'autorisation de l'administration 147 ( * ) .

(2) Les cultes non statutaires, bien qu'ils ne soient pas reconnus par un texte, peuvent bénéficier de subventions publiques

Les cultes non reconnus relèvent du droit commun local et s'organisent sous la forme d'associations à objet cultuel , selon le statut prévu par le Code civil local 148 ( * ) . La loi de 1905 ne s'appliquant pas en Alsace-Moselle, les collectivités territoriales sont libres en matière de financement des édifices des cultes non statutaires . Elles doivent toutefois agir dans le respect du principe de laïcité, qui implique le respect de l'égalité entre les cultes .

Le président de l'Institut du droit local alsacien-mosellan relève que « ces cultes non statutaires ont des conditions d'exercice dans l'ensemble plus favorables que dans le reste de la France [puisque] leur accès aux subventions est plus large 149 ( * ) ». L'Union bouddhiste de France indiquait ainsi à votre délégation que la Ville de Strasbourg avait financé à hauteur de 10 % la construction de la pagode de Strasbourg. Paul Quin, auditionné par votre délégation au titre de l'Association des maires des grandes villes de France, observait quant à lui que la Ville de Mulhouse, dont il est l'adjoint au maire, subventionnait la location de salles pour la fête musulmane de l'Aïd el-Kébir afin que la communauté locale puisse disposer à cette occasion de locaux appropriés.

Votre délégation tient à souligner que la législation particulière en vigueur dans les territoires d'Alsace-Moselle permet la prise en compte équitable des communautés religieuses .

c) La jurisprudence constitutionnelle a confirmé le droit local des cultes en lui imposant des limites

Le Conseil constitutionnel a considéré qu'il n'existe pas de contradiction entre le principe constitutionnel de laïcité et le droit local des cultes d'Alsace-Moselle . Selon lui, en effet, « en proclamant que la France est une République (...) laïque, la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes 150 ( * ) ».

Le Conseil affirme également, à propos du droit local, que ses dispositions peuvent rester en vigueur « tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles 151 ( * ) ». Si les sages sécurisent ainsi le droit local des cultes, ils ne lui confèrent pas le rang de norme constitutionnelle et ne consacrent pas de droit à son maintien 152 ( * ) . D'ailleurs ils ont jugé que si le législateur ou le pouvoir réglementaire pouvaient maintenir, atténuer ou même supprimer les dispositions du droit local, ils ne pouvaient pas, en revanche, en élargir le champ d'application 153 ( * ) , ce qui signifie que les cultes nouvellement installés sur notre territoire ne pourraient, en Alsace-Moselle, bénéficier du même régime juridique que les cultes reconnus.

Le juge administratif considère de son côté que le pouvoir réglementaire peut modifier les textes allemands adoptés entre 1871 et 1918 , quelle que soit leur nature juridique, dès lors qu'ils appartiennent à des matières relevant du pouvoir réglementaire selon l'article 37 de la Constitution de 1958 154 ( * ) .

Votre délégation a pu constater, lors de ses auditions, une absence de remise en cause du statut local des cultes en Alsace-Moselle . Cette spécificité du droit local en matière de financement des lieux de culte apparait en effet aujourd'hui comme une condition essentielle du vivre ensemble dans ces territoires. Les régimes particuliers propres aux territoires d'outre-mer permettent, pour certains, un financement public des lieux de culte

d) Le régime de séparation des Églises et de l'État est applicable en Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy

Dans ces territoires, l e décret du 6 février 1911 a rendu applicable la loi du 9 décembre 1905 155 ( * ) .

Le principe de non-subventionnement des lieux de culte y est donc en vigueur . Des différences mineures subsistent entre les deux textes, par exemple s'agissant du nombre minimum de membres nécessaires pour constituer une association cultuelle.

e) Dans les autres territoires d'outre-mer, des textes spécifiques régissent les relations entre les pouvoirs publics et les cultes

En Guyane, à Mayotte et dans les autres collectivités territoriales d'outre-mer, la loi de 1905 n'est jamais entrée en vigueur , et des textes spécifiques, principalement un décret-loi dit « décret Mandel 156 ( * ) » de 1939, régissent le financement des lieux de culte.

Les principales dispositions du « décret Mandel » du 16 janvier 1939

Dans les territoires d'outre-mer qui ne sont pas soumis à l'application de la loi du 9 décembre 1905, des missions religieuses assurent l'exercice du culte. Depuis l'entrée en vigueur du décret Mandel, le 16 janvier 1939, ces missions peuvent constituer des conseils d'administration dotés de la personnalité morale et chargés de les représenter dans les actes de la vie civile (articles 1 er et 4). Le choix des membres du conseil d'administration doit être agréé par le préfet (article 2). Contrairement aux associations cultuelles, l'activité des missions religieuses n'est pas exclusivement limitée à l'exercice du culte (articles 4 et 5) puisqu'elles peuvent « acquérir, posséder ou aliéner, au nom et pour le compte de la mission représentée, tous biens meubles et immeubles, tous droits mobiliers et immobiliers et tous intérêts généralement quelconques » (article 4). L'acquisition d'immeubles par les missions, les dons d'immeubles ou de droits immobiliers et les legs faits aux missions sont soumis à l'autorisation préfectorale (articles 7, 8 et 9). Par exception, l'acquisition d'immeubles à usage scolaire ou constituant des établissements d'assistance médicale ou d'assistance sociale ne sont pas soumis à cette formalité (article 7).

Le Conseil d'État rappelle que le décret Mandel prévoit un régime fiscal au moins aussi avantageux que celui prévu par le Code général des impôts pour les associations cultuelles et ne crée donc pas de discrimination.

Aucune disposition du « décret Mandel » ne s'oppose à ce qu'une collectivité territoriale finance, dans le respect du principe d'égalité entre les cultes, des dépenses liées aux cultes .

Ces collectivités territoriales peuvent donc subventionner des activités dépendant des cultes ou des édifices du culte dans le respect du principe de laïcité et à la condition qu'il existe un motif d'intérêt général 157 ( * ) .

(1) En Guyane, seul le culte catholique est reconnu par une ordonnance royale

L'ordonnance royale de 1828, qui régit le culte catholique en Guyane 158 ( * ) , autorise les collectivités publiques à être propriétaires des édifices du culte . En 1939, l'introduction du décret Mandel, applicable à tous les cultes y compris le catholicisme, a autorisé la constitution de missions religieuses. De fait, l'Église catholique est la seule à avoir effectivement choisi ce mode d'organisation 159 ( * ) . La mission catholique de Guyane organise ainsi les activités cultuelles et gère les biens et revenus affectés à l'exercice du culte catholique.

La plupart des églises catholiques de Guyane ont été construites avant 1939 sur des terrains appartenant aux collectivités publiques et sont aujourd'hui la propriété du département ou des communes . Les églises construites ou acquises après 1939 sont la propriété de la mission catholique. Quel qu'en soit leur propriétaire, l'entretien et la réparation des édifices du culte catholique de Guyane sont pris en charge par le département 160 ( * ) . Les 33 ministres du culte catholique de Guyane sont des agents permanents titulaires, rétribués sur le budget départemental après avoir reçu l'agrément de l'autorité préfectorale 161 ( * ) .

En revanche, les cultes non catholiques s'organisent tous sous le régime des associations dites « loi 1901 », bien que le décret Mandel leur ait donné la possibilité de s'organiser en missions religieuses 162 ( * ) . Les associations sont propriétaires des édifices cultuels, en assurent l'entretien et rémunèrent les ministres du culte.

(2) À Mayotte, le changement de statut de la collectivité n'a pas entrainé l'application automatique de la loi du 9 décembre 1905

La collectivité territoriale de Mayotte est devenue, le 31 mars 2011, le 101 e département français. Ce passage à un nouveau statut territorial n'a toutefois pas entraîné l'application automatique de la loi du 9 décembre 1905 et le décret Mandel y reste applicable.

Le culte musulman, qui y est largement majoritaire , est organisé dans le cadre d'associations dites « loi 1901 ». Les chrétiens, catholiques essentiellement, sont peu nombreux. Le culte catholique est pour sa part géré par la mission catholique de Mayotte, dont le conseil d'administration a été agrée par le préfet le 5 mai 1995. La mission prend en charge l'entretien et les réparations des édifices cultuels dont elle est propriétaire ainsi que la rémunération des ministres du culte.

Votre délégation note que les dispositions autorisant le bail emphytéotique administratif sur le domaine public d'une collectivité territoriale n'ont pas été étendues à Mayotte 163 ( * ) , seul le bail emphytéotique sur le domaine privé du département ou des communes étant autorisé par la loi.

(3) La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ne sont pas soumis à la loi du 9 décembre 1905

La loi du 9 décembre 1905 n'a en effet jamais été étendue à ces collectivités, qui sont régies essentiellement par le décret Mandel .

Des missions religieuses peuvent donc être créées afin d'assurer l'exercice du culte, gérer les biens cultuels, entretenir et réparer les édifices du culte et rémunérer les ministres du culte.

Toutefois, des particularités subsistent puisqu'en Polynésie les dépenses d'entretien des édifices du culte protestant sont prises en charge par un conseil de paroisse 164 ( * ) . À Saint-Pierre-et-Miquelon, les édifices du culte appartiennent aux communes, qui assument les réparations extérieures et les travaux de chauffage. Les travaux plus importants sont pris en charge par la mission et les fidèles. Dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, les édifices du culte appartiennent à l'État, qui en assure l'entretien.

2. La position ambigüe des nouveaux cultes au sein des régimes dérogatoires

Les cultes reconnus en Alsace-Moselle et en Guyane se trouvent dans une situation financière privilégiée par rapport aux autres cultes non reconnus .

L'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) reconnaissait ainsi devant votre délégation qu'« en Alsace-Moselle, les collectivités soumises au concordat sont en porte-à-faux vis-à-vis des cultes non reconnus » . Certains cultes devenus importants dans ces territoires, notamment l'islam et le protestantisme évangélique, ne sont pas reconnus alors que dans le même temps la fréquentation des édifices des cultes « traditionnels » a fortement diminué. Votre délégation considère qu'une telle situation présente une difficulté quant au respect de l'égalité entre les cultes . Le représentant de l'AMGVF évoque, à titre d'exemple, la situation des églises de Mulhouse 165 ( * ) . Pour l'AMGVF, « l'idéal serait de trouver un moyen de reconnaître les nouveaux cultes et de les faire accéder à un statut officiel » .

À cet égard, votre délégation s'interroge sur la position du juge, si des revendications des cultes non reconnus en faveur d'un régime plus égalitaire venaient à être portées devant les tribunaux . En Alsace-Moselle, l'extension à tous les cultes des prérogatives accordées aux cultes reconnus est aujourd'hui impossible, le Conseil constitutionnel ayant estimé que le législateur ne pouvait accentuer les spécificités du droit local 166 ( * ) .

En pratique pourtant, comme le faisaient remarquer les représentants de l'AMGVF à votre délégation, « dans les territoires soumis au concordat, le subventionnement des cultes, reconnus ou non, est ancré dans les moeurs et semble faire consensus » . Inversement, comme le note de façon pertinente Frédéric Dieu, membre du Conseil d'Etat, « il n'est pas sûr non plus que les nouveaux cultes, et en premier lieu le culte musulman, soient prêts, pour obtenir les avantages reconnus aux cultes statutaires (quatre en Alsace-Moselle, un en Guyane), à en accepter les contreparties et inconvénients empreints de gallicanisme et caractérisés par un droit de regard et un contrôle de l'État sur la marche des cultes » 167 ( * ) .

III. DES EXCEPTIONS AU PRINCIPE D'INTERDICTION DU SUBVENTIONNEMENT PUBLIC DES LIEUX DE CULTE EXISTENT ET DES FINANCEMENTS PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SONT POSSIBLES

Interrogés dans le cadre de l'étude menée par TNS Sofres à la demande de votre délégation, les élus locaux considèrent que les dépenses en faveur des édifices cultuels représentent une charge de plus en plus lourde dans le budget de leurs communes . S'agissant des lieux de culte existants, 13 % jugent que les dépenses afférentes sont une charge excessive, et 36 % une charge importante. Pour les nouveaux lieux de culte, les dépenses sont toutefois mieux acceptées par les élus locaux qui, pour seulement 11 % d'entre eux, considèrent qu'elles sont excessives.

Les élus locaux se montrent également assez libéraux en matière de financement public des édifices cultuels, puisque 60 % se disent favorables . Votre délégation remarque toutefois que cette générosité est orientée, dans la mesure où les élus locaux sont davantage favorables au financement public de lieux de culte existants qu'au financement de nouveaux lieux de culte , car sur ce point les statistiques s'inversent : 10 % seulement sont favorables au financement public, contre 59 % qui y sont opposés. Et c'est logiquement que les élus locaux ont très majoritairement considéré que la commune ne devait pas assumer les charges liées à la construction de nouveaux lieux de culte (61 %) ou alors les assumer avec d'autres acteurs par un système de co-financement (29 %). Dans cette dernière hypothèse, parmi les co-financeurs envisagés, c'est très largement les organisations religieuses elles-mêmes qui doivent être sollicitées en première position selon les élus locaux (51 %), avant l'État (31 %), les particuliers (8 %), les associations (3 %), l'Union européenne (2 %) et les États étrangers (1 %).

Votre délégation prend note, d'une part de l'avis négatif des élus locaux d'un financement exclusivement public en la matière et, d'autre part, de leur refus de revenir sur le cadre de la loi de 1905 .

A. LE PRINCIPE D'INTERDICTION DU FINANCEMENT PUBLIC DES LIEUX DE CULTE A ÉTÉ AMÉNAGÉ PAR LA LOI ET LA JURISPRUDENCE

1. Le principe d'interdiction du subventionnement public des lieux de cultes connaît des dérogations législatives dès 1905

L'interdiction du subventionnement public des lieux de culte a, depuis l'origine, un caractère relatif . Les premiers aménagements ont été introduits par la loi de 1905 elle-même, puis d'autres dispositions législatives ont étendu le champ des exceptions.

La loi de 1905 autorise ainsi le financement public des aumôneries destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que les lycées, les collèges, les écoles, les hospices, les asiles et les prisons (article 2). Mais surtout, l'article 13 autorise l'État, les départements, les communes (et plus tard les EPCI) à engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la loi de 1905 .

En 1920, le législateur a prévu une autre dérogation, lorsqu'il a souhaité que l'État accorde une subvention de 500 000 francs pour la construction de la mosquée de Paris .

En 1942, l'article 19 de la loi de 1905 est modifié pour prévoir que désormais les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public , qu'ils soient ou non classés monuments historiques, ne sont pas considérées comme des subventions, ce qui autorise leur financement 168 ( * ) .

En 1961, le législateur accorde aux communes et aux départements la faculté de garantir les emprunts contractés par les associations cultuelles ou les groupements locaux pour financer des édifices cultuels dans les agglomérations en développement 169 ( * ) .

En 2006 enfin, une ordonnance est venue autoriser la conclusion de baux emphytéotiques administratifs au profit d'associations cultuelles pour l'édification d'édifices cultuels 170 ( * ) .

Votre délégation observe que l e législateur a donc bien souhaité introduire de nombreuses exceptions au principe d'interdiction du subventionnement public des cultes, que les tribunaux ont ensuite eu la charge de mettre en oeuvre.

2. La jurisprudence a fixé un régime juridique du financement des cultes qui se révèle aujourd'hui complexe

Dès 1905, les juges ont été amenés à interpréter les dispositions législatives relatives au financement des lieux de culte. Mais la jurisprudence ancienne des années qui ont suivi l'adoption de la loi de 1905 ne suffit plus aujourd'hui à répondre à toutes les situations. En effet, ainsi que le font remarquer pertinemment les membres du Conseil d'État auditionnés par votre délégation, « la loi de 1905 fut conçue pour gérer un stock et ne contenait pas de dispositions spécifiques relatives à la construction ». Or, de nombreux groupes religieux, en particulier les plus récemment implantés, sont aujourd'hui confrontés à cette problématique .

Un phénomène expliqué par les représentants du Conseil d'État, qui constatent depuis le milieu des années 2000 « une résurgence des litiges relatifs à la loi de 1905 ». Ainsi, en 2005, le Conseil d'État a jugé que « le principe constitutionnel de laïcité n'interdisait pas l'octroi, dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi, de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes » 171 ( * ) .

Il a également précisé, par cinq arrêts d'assemblée 172 ( * ) rendus en 2011, les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale peut, au regard des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, prendre en charge des dépenses en rapport avec un lieu de culte ou une activité liée au culte. Il ressort de ces décisions que si les collectivités territoriales peuvent financer des projets en rapport avec des pratiques ou des édifices cultuels, elles ne peuvent le faire qu'à certaines conditions :

- que ces projets répondent à un intérêt public local (l'intérêt public local correspond, par exemple, au développement touristique, à l'animation culturelle, à la formation musicale ou encore à la protection de l'hygiène et de la salubrité publiques) ;

- que les collectivités respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité ;

- que les collectivités excluent toute libéralité et, par la suite, toute aide directe à un culte en particulier ;

- et enfin que les financements soient affectés au projet d'intérêt public dans le cadre d'une convention (le juge administratif recommande de garantir, notamment par voie contractuelle, l'affectation exclusive du financement au projet d'intérêt public , toute activité participant de l'exercice direct du culte devant être exclue 173 ( * ) ).

Votre délégation remarque que le juge administratif s'attache donc aujourd'hui à la finalité de la subvention . Le critère organique qui prévalait autrefois et qui consistait à refuser une subvention publique à une association dès lors que celle-ci exerçait des activités cultuelles 174 ( * ) a été abandonné. Seules les associations cultuelles au sens de l'article 19 de la loi de 1905 sont donc soumises à l'interdiction du subventionnement public , exception faite des subventions allouées pour réparations des édifices affectés au culte public 175 ( * ) .

Votre délégation estime que si ces évolutions jurisprudentielles, semblent ouvrir des brèches dans la laïcité en autorisant les collectivités territoriales à financer les cultes, elles traduisent en réalité l'expression d'une laïcité d'ouverture et de reconnaissance, qui ouvre aux élus locaux une relative marge d'interprétation en desserrant l'étau qui pèse sur le financement des cultes.

Toutefois, elle ne peut que constater les difficultés , exprimées par les représentants des cultes et des collectivités territoriales, à appréhender un régime juridique du financement des cultes aujourd'hui complexe et peu lisible . Ceux-ci souhaiteraient notamment plus de pédagogie en la matière ainsi qu'un « message clair du législateur et une harmonisation de la législation applicable » , pour reprendre les termes de l'Association des petites villes de France (APVF). Dans cette perspective, se pose la question de la codification de la jurisprudence applicable au financement des lieux de culte dans la loi. Pour les membres du Conseil d'État auditionnés par votre délégation, « une telle codification aurait le mérite de clarifier le droit pour les acteurs locaux mais ferait peser un risque de rigidification par rapport à la diversité des situations locales » . Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, juge également difficile « la transposition dans la loi d'une jurisprudence variée et forgée à partir de cas concrets » .

Si le droit actuel prévoit des possibilités de financement public des lieux de culte, votre délégation s'est interrogée sur l'opportunité de l'interdire ou non et d'organiser éventuellement un financement exclusivement privé de ceux-ci . Elle souligne que les personnes auditionnées ne se sont pas prononcées en ce sens. Ainsi, les membres du Conseil d'État estiment « qu'il serait politiquement et juridiquement compliqué de revenir sur l'équilibre instauré par la législation depuis plus d'un siècle ». L'Observatoire de la laïcité partage ce constat et reconnait que « le système actuel est équilibré et répond aux critères posés par la laïcité française ». L'APVF constate pour sa part que « le libre exercice du culte s'apparente aujourd'hui plus à un droit-créance impliquant dans certaines circonstances l'intervention de la puissance publique qu'à un droit-liberté synonyme d'abstention de la puissance publique » . Cette analyse est partagée par les représentants du ministère de l'Intérieur, qui reconnaissent que « le libre exercice du culte ne se conçoit pas sans un lieu pour le pratiquer, ce qui peut nécessiter l'intervention des collectivités » Votre délégation estime d'ailleurs que ces positions semblent conformes à celle exprimée par la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui reconnaît l'existence d'obligations positives à la charge des pouvoirs publics pour assurer l'exercice du culte 176 ( * ) .

Votre délégation constate que la législation et la jurisprudence actuelles ouvrent de larges possibilités de financement des lieux de culte pour les collectivités territoriales, permettant de répondre aux besoins locaux.

B. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PARTICIPENT DIRECTEMENT À CERTAINES DÉPENSES LIÉES AUX ÉDIFICES CULTUELS

1. Les collectivités territoriales peuvent financer l'entretien et la conservation des édifices cultuels dont elles sont propriétaires
a) La conservation et l'entretien des édifices cultuels offrent aux collectivités territoriales de larges possibilités d'interventions financières

L'État, les départements et les communes sont autorisés à prendre en charge les dépenses d'entretien et de conservation des édifices du culte dont ils sont demeurés ou devenus propriétaires lors de la séparation des Églises et de l'État en 1905 177 ( * ) .

Le cas des édifices protégés au titre des monuments historiques

L'article 19 de la loi de séparation des Églises et de l'État du 2 décembre 1905 habilite les pouvoirs publics à intervenir également pour l'entretien et la conservation des édifices protégés .

Au titre de la politique globale de protection du patrimoine , le ministère de la Culture peut donc subventionner les travaux (entretien, réparation, restauration) portant sur les édifices religieux dès lors que ceux-ci sont protégés au titre des monuments historiques . Ainsi, l'État ne finance pas les édifices parce qu'ils sont religieux mais bien parce qu'ils bénéficient d'une protection 178 ( * ) au titre des monuments historiques, selon des critères stricts d'éligibilité 179 ( * ) définis par le Code du patrimoine. Ces édifices classés ou inscrits , peuvent être propriété de l'État, des collectivités ou même des particuliers.

Par ailleurs, tous les types de patrimoine religieux (églises, mosquées, synagogues, temples, cathédrales, chapelles, couvents, monastères, prieurés, abbayes, croix, calvaires, temples, collégiales, baptistères etc.) peuvent être protégés au titre des monuments historiques s'ils remplissent les critères définis par la loi, ce qui couvre un champ très large. La protection concerne aussi les objets mobiliers (orgues, patrimoine campanaire, croix, orfèvrerie, statuaire, autels, trésors, textiles, etc.), les critères applicables étant les mêmes que pour les édifices.

Comme l'a indiqué le ministère de la Culture à votre délégation : « le financement des travaux sur les édifices religieux protégés au titre des monuments historiques est assuré en totalité par l'État pour les édifices dont il est propriétaire (87 cathédrales et 2 églises) ou pour ceux remis en dotation à ses établissements publics (églises désaffectées, couvents, monastères, abbayes, calvaires,...). L'État et ses établissements publics financent dans ce cadre à 100 % les travaux d'entretien, de réparation et de restauration » .

Les autres édifices religieux protégés propriété des communes et d'autres collectivités publiques ou des propriétaires privés sont financés à titre principal par les propriétaires, avec éventuellement une aide de l'État sous forme de subventions pour les travaux d'entretien, de réparation ou de restauration, et des participations des autres collectivités territoriales intéressées.

Selon les données transmises par le ministère de la Culture, au 31 décembre 2012, le nombre total d'immeubles protégés au titre des monuments historiques s'élevait à 43 196. Plus de la moitié de ces immeubles appartiennent à des propriétaires publics, principalement les communes (50,2%) et l'État (3,6%). Parmi eux, 34,6% sont des édifices religieux . En 2012, le ministère évalue à près de 75 millions d'euros (soit 41,6 % des crédits monuments historiques) le montant des crédits de paiement alloués aux travaux d'entretien de réparation et de restauration du patrimoine religieux.

Cette faculté de financement des dépenses d'entretien et de conservation des édifices du culte est aujourd'hui reconnue aux établissements publics de coopération intercommunale qui ont choisi d'exercer la compétence en matière d'édifices du culte 180 ( * ) . L'entretien et la conservation des édifices cultuels situés sur le domaine public sont considérés comme des travaux publics 181 ( * ) mais ne font pas partie des dépenses obligatoires des collectivités territoriales 182 ( * ) .

La loi n'indiquant pas précisément quels types de dépenses peuvent être engagées au titre de l'entretien et de la conservation, la jurisprudence a progressivement fixé les principes en la matière . Ainsi, la conservation et l'entretien correspondent à des travaux de gros oeuvre 183 ( * ) visant à préserver des éléments de structure de l'édifice tels que les murs, la toiture, la charpente ou encore les sols. Elles comprennent également la peinture, l'installation d'un système d'électricité 184 ( * ) ou encore des dépenses de chauffage dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à la conservation de l'édifice, à la sécurité des visiteurs et ne constituent pas un simple agrément visant à assurer le confort des fidèles 185 ( * ) . Ainsi que l'indique à juste titre Anne Fornerod 186 ( * ) « il ne semble pas que la jurisprudence ait donné un contenu précis à une distinction entre l'entretien et la conservation, se référant soit à l'un 187 ( * ) soit à l'autre 188 ( * ) ».

La jurisprudence a donc interprété de façon large les notions de conservation et d'entretien, autorisant les collectivités territoriales à intervenir largement pour préserver les édifices cultuels dont elles sont propriétaires. La réfection partielle d'un édifice cultuel est ainsi considérée comme une dépense de conservation 189 ( * ) . Une collectivité territoriale propriétaire peut financer la reconstruction d'un édifice cultuel tombé en ruine à la suite d'un sinistre ou d'un défaut d'entretien 190 ( * ) . En cas de sinistre affectant l'édifice cultuel, les indemnités d'assurance doivent obligatoirement servir aux réparations ou à la reconstruction de l'édifice 191 ( * ) . La construction d'un nouvel édifice cultuel est même autorisée, mais uniquement dans le cas où les dépenses publiques alors engagées n'excèdent pas celles qui auraient été nécessaires à la restauration d'un édifice préexistant 192 ( * ) . La réparation des édifices assimilables à des monuments, tels que les statues ou les croix, édifiés antérieurement à la loi de 1905, peut être financée par la commune 193 ( * ) .

Lorsque la collectivité propriétaire refuse d'engager les dépenses nécessaires à la conservation d'un édifice cultuel dégradé, les fidèles peuvent offrir un concours financier en vue de réaliser les travaux , la collectivité territoriale ne pouvant pas s'opposer à cette démarche dès lors que les sommes nécessaires sont réunies 194 ( * ) . Mais les représentants du culte et les fidèles ne peuvent en aucun cas prendre l'initiative des travaux si le propriétaire n'a pas décidé lui-même de les engager 195 ( * ) .

Si les communes sont les principales collectivités territoriales concernées par l'entretien et la conservation des édifices du culte, les départements peuvent également avoir un rôle à jouer. Ils disposent en effet de crédits leur permettant de soutenir l'entretien du patrimoine rural non protégé 196 ( * ) . Celui-ci « est constitué par les édifices, publics ou privés, qui présentent un intérêt du point de vue de la mémoire attachée au cadre bâti des territoires ruraux ou de la préservation de savoir-faire ou qui abritent des objets ou décors protégés au titre des monuments historiques, situés dans des communes rurales et des zones urbaines de faible densité 197 ( * ) » . À cet égard, les représentants du ministère de l'Intérieur ont rappelé à votre délégation que le ministère de la Culture a établi une liste (la base Mérimée ) de plus de 25 000 églises d'intérêt patrimonial.

Malgré des efforts pédagogiques des juridictions administratives et du ministère de l'Intérieur, l'Association des petites villes de France (APVF) déplore les difficultés pour les élus à identifier les dépenses correspondant à l'entretien et à la conservation des édifices cultuels . Anne Fornerod constate, pour sa part, qu'« il subsiste une ambigüité entre les termes de la loi et la répartition des tâches telle qu'elle s'opère en pratique : entre l'entretien permettant de prévenir les dégradations [...] qui incombent au propriétaire et l'entretien courant - balayage, nettoyage - qui revient à l'affectataire, il y a une marge qui n'est pas régie par la loi 198 ( * ) ». L'APVF considère que les interrogations à ce sujet ne contribuent pas « à rassurer les maires sur la sécurité juridique de leur action » et qu'il conviendrait que « la notion d'entretien soit précisée et mieux circonscrite par la loi ».

C'est pourquoi votre délégation propose, dans un souci de sécurité juridique accrue, de préciser par voie de circulaire du ministère de l'intérieur à l'attention des préfets, interlocuteurs privilégiés des maires dans les territoires, quels types de dépenses peuvent être engagés au titre de la conservation et de l'entretien des édifices du culte propriété des communes. Dans cette perspective, il apparaitrait judicieux de reprendre la définition que la jurisprudence administrative donne actuellement de ces dépenses, envisagées comme « les travaux de gros oeuvre visant à préserver des éléments de structure de l'édifice tels que les murs, la toiture, la charpente ou encore les sols ; la peinture, l'installation d'un système d'électricité ; les dépenses de chauffage dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à la conservation de l'édifice, à la sécurité des visiteurs et ne constituent pas un simple agrément visant à assurer le confort des fidèles ».

Recommandation n° 1 : Préciser par voie de circulaire du ministère de l'Intérieur, dans un souci de sécurité juridique accrue, les types de dépenses pouvant être engagées au titre de la conservation et de l'entretien des édifices du culte propriété des communes.

b) Le poids des enjeux financiers liés à l'entretien et à la conservation des édifices cultuels est un sujet de préoccupation pour les collectivités territoriales

L'Observatoire du Patrimoine Religieux estime à quelques milliers d'euros par an les dépenses d'entretien d'un édifice cultuel , alors que les travaux de structure importants dépasseraient régulièrement le million d'euros . L'OPR souligne qu'un « entretien régulier demeure bien moins coûteux sur le long terme que des travaux urgents et massifs qui auraient été trop longtemps négligés » .

Votre délégation estime que l'intérêt financier d'une commune - dans la mesure où celle-ci souhaite conserver son patrimoine cultuel - justifierait donc de consacrer chaque année une partie du budget à l'entretien de l'église communale . Toutefois, elle reste consciente , comme l'Observatoire de la laïcité l'a souligné à juste titre, des contraintes financières qui pèsent sur les collectivités territoriales et qui placent les élus dans une situation difficile au regard de la gestion des édifices cultuels dont elles sont propriétaires.

Certaines petites communes éprouvent ainsi de grandes difficultés à financer les travaux sur leur patrimoine religieux même avec l'aide de l'État ou d'autres collectivités. Le problème se pose surtout pour les édifices non protégés au titre des monuments historiques, notamment en milieu rural alors qu'ils contribuent à l'image du village et peuvent abriter des vestiges plus anciens.

Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, relevait ainsi, lors de son audition, que cette question se posait notamment pour les grands édifices. Notre collègue Antoine Lefèvre, maire de Laon, évoquait à ce titre le cas spécifique de la cathédrale de cette ville, propriété de la commune. Il soulignait que « l'entretien de l'édifice représentait une lourde charge financière, notamment les six millions d'euros nécessaires pour restaurer la toiture, même si l'État et des associations de défense du patrimoine peuvent apporter des aides ». Selon Jean-Louis Bianco, « la réponse à la problématique de l'entretien des édifices cultuels n'est pas seulement juridique et la bonne volonté, y compris des non-croyants, a un rôle à jouer ». Il a rappelé à cet égard les différentes solutions qui pouvaient exister : l'entretien des petits édifices est possible à travers les financements des communes ou les dons des fidèles ; le rachat de l'édifice par les croyants peut même se concevoir à condition que ceux-ci en aient à la fois le désir et les moyens. La Fondation du patrimoine peut également apporter des soutiens utiles 199 ( * ) , tout comme d'autres fondations d'entreprises 200 ( * ) au titre du mécénat privé. On relèvera aussi le développement des plateformes 201 ( * ) de financement participatif (de type « crowdfunding »).

Votre délégation a également noté avec intérêt le développement d'un mode de financement original des lieux de culte, à la fois public et privé, fondé sur le développement des énergies renouvelables . En effet, depuis quelques années, certaines communes saisissent l'opportunité de la rénovation du toit de leur église pour y installer des panneaux photovoltaïques. Dans chaque projet, l'installation se fait à la fois par des financements publics, notamment des subventions du conseil régional atteignant parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros, et des financements privés via des emprunts bancaires, puis la vente à EDF de l'électricité produite. Cette vente permet à la fois de rembourser les emprunts contractés et de financer les diverses rénovations et réparations des édifices. Face aux difficultés d'entretien des édifices cultuels, nombre d'élus locaux soulignent que ces investissements sont à la fois écologiques et rentables à long terme. Ces projets se développent tant dans les territoires où s'applique la loi de 1905 202 ( * ) que dans les territoires concordataires d'Alsace-Moselle 203 ( * ) . L'accord de l'affectataire reste toutefois indispensable, le toit de l'édifice étant considéré par la jurisprudence comme affecté au culte au même titre que le bâti.

2. Les collectivités territoriales sont soumises à des contraintes liées à la mise aux normes des édifices cultuels dont elles sont propriétaires

Les édifices du culte ouverts au public appartiennent à la catégorie des établissements recevant du public (ERP) 204 ( * ) . À ce titre, les collectivités territoriales doivent respecter certaines normes en termes de sécurité et d'accessibilité des édifices.

a) La collectivité territoriale est soumise à des obligations de sécurité soit en tant que propriétaire d'un édifice cultuel, soit en tant qu'autorité de police

Les édifices cultuels doivent répondre à des exigences de sécurité liées à la protection contre les risques d'incendie et de panique 205 ( * ) . Par exemple, un édifice cultuel ouvert au public doit disposer de deux sorties (article R. 123-7) et d'un éclairage électrique (article R. 123-8). Le préfet peut décider, après avis conforme de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), d'accorder des dérogations à ces obligations, eu égard « à la conception ou à la disposition particulière » du bâtiment. Des mesures spéciales, prises après avis de la CCDSA, peuvent venir compenser les dérogations aux normes de sécurité 206 ( * ) .

La sécurité d'un édifice cultuel relève de la responsabilité de son propriétaire, qu'il soit une personne publique ou privée . Les propriétaires sont le plus souvent les communes. La Cour de cassation a considéré que le desservant « n'assume aucune obligation de caractère matériel, telle qu'une obligation de sécurité qui tendrait à l'assimiler à l'exploitant d'un lieu ouvert au public ou à une collectivité publique 207 ( * ) ». C'est donc la collectivité territoriale propriétaire mise en cause pour un dommage aux biens ou aux personnes dû à un défaut d'entretien de l'édifice cultuel qui sera présumée responsable. Pour être exonérée de sa responsabilité, elle devra prouver un entretien normal et régulier de l'édifice 208 ( * ) ou établir que les dommages sont survenus par une faute, une négligence ou une imprudence du ministre du Culte 209 ( * ) .

Enfin, le maire, en tant qu'autorité de police, assure la police des édifices menaçant ruine 210 ( * ) . À ce titre, il peut engager d'office des travaux aux frais du propriétaire. Il peut procéder à la fermeture d'un édifice cultuel si une circonstance exceptionnelle le justifie 211 ( * ) , par exemple lorsque l'édifice risque de s'effondrer 212 ( * ) . Le Conseil national des évangéliques de France a fait remarquer devant votre délégation que la fermeture d'un lieu de culte peut parfois se révéler infondée, mentionnant le cas d'une fermeture d'un lieu de culte exigée par un maire alors qu'un contrôle avait auparavant certifié que toutes les normes de sécurité étaient respectées.

Votre délégation appelle les élus à adopter des positions équilibrées et conformes à la loi . Ceux-ci ne sauraient en effet aller à l'encontre du libre exercice du culte en détournant les exigences de sécurité. Inversement, elle appelle les maires à se montrer vigilants car, en cas de carence dans l'exercice de leur mission de police, leur responsabilité peut être engagée 213 ( * ) .

Le cas particulier du gardiennage dans le cadre de la sécurisation des lieux de culte.

Le gardiennage des édifices cultuels relève des prestations facultatives que la collectivité territoriale peut prendre en charge afin de protéger son patrimoine. Le gardiennage ne fait pas partie des activités liées à l'exercice du culte et peut être confié au ministre du Culte 214 ( * ) . La rémunération d'un ministre du Culte est en effet légale si elle correspond à un service rendu 215 ( * ) . L'installation de moyens de protection modernes de même nature que des frais de gardiennage, par exemple une alarme électronique, relève des frais de gardiennage et n'est pas illégale.

b) Les édifices cultuels doivent être accessibles aux personnes handicapées

L'autre volet de la mise aux normes concerne l'accessibilité des édifices cultuels aux personnes handicapées . Les établissements recevant du public (ERP) situés dans un cadre bâti existant, qu'ils soient la propriété de personnes publiques ou privées, doivent en effet être aménagés de telle sorte que « toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public 216 ( * ) ». L'article 41 de la loi du 11 février 2005 a fixé à l'article L111-7-3 du Code de la construction et de l'habitation, un délai maximum de dix ans, à compter de sa publication, pour mettre en oeuvre ces mesures d'accessibilité. Les propriétaires ou exploitants d'ERP ne répondant pas à ces exigences au 31 décembre 2014 doivent élaborer un agenda d'accessibilité programmée 217 ( * ) . Celui-ci détermine le programme et le calendrier des travaux. Le projet d'agenda d'accessibilité programmée doit être déposé dans les douze mois suivant la publication de l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014. « Ce délai peut être prorogé, pour une durée maximale de trois ans, dans le cas où les difficultés techniques ou financières liées à l'évaluation ou à la programmation des travaux l'imposent ou en cas de rejet d'un premier agenda 218 ( * ) ».

Sur ce point, votre délégation attire l'attention des élus locaux sur la mise en oeuvre de l'obligation d'accessibilité posée par la loi du 11 février 2005 et réaffirmée par la loi du 10 juillet 2014 219 ( * ) . La responsabilité des propriétaires d'ERP peut désormais être engagée, et tout retard dans le dépôt du projet d'agenda peut être sanctionné. Dans certains cas prévus par l'article L111-7-8 du Code de la construction et de l'habitation, une prorogation de la mise en oeuvre de l'agenda peut toutefois être demandée. Par ailleurs des dérogations exceptionnelles peuvent être accordées par le préfet, après avis conforme de la Commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité, et uniquement en cas d'impossibilité technique, de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural ou lorsqu'il y a disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences.

c) La mise aux normes des édifices cultuels impose aux collectivités territoriales des contraintes architecturales et financières

La mise aux normes des lieux de culte doit se concilier avec la nécessité de préserver l'intégrité architecturale d'édifices souvent anciens et classés . En effet, selon l'OPR, environ 15 000 bâtiments religieux sont protégés au titre des monuments historiques. Toute restauration, réparation ou modification de ces édifices est soumise à l'obtention par le propriétaire d'une autorisation du préfet de région, ou du ministre de la Culture qui peut se saisir du dossier 220 ( * ) . Les travaux concernés sont les opérations « de quelque nature que ce soit, qui sont de nature soit à affecter la consistance ou l'aspect de la partie classée de l'immeuble, soit à compromettre la conservation de cet immeuble ». Toutefois, votre délégation note que de simples travaux d'entretien sur les édifices classés ne sont pas soumis à autorisation 221 ( * ) .

Le président de l'Observatoire de la laïcité soulignait devant votre délégation la prise de conscience par les élus de la problématique de la mise aux normes . Il remarquait notamment que « les règles qui y sont relatives étaient souvent décidées d'en haut, alors que les conséquences financières devaient être assumées par les collectivités territoriales ». Les associations d'élus anticipent à cet égard une aggravation des charges dans les années à venir.

De leur côté, certains représentants des cultes ont également fait part à votre délégation des difficultés liées à la mise aux normes des édifices cultuels. Le Conseil national des évangéliques de France souligne, par exemple, « l'importance des coûts supportés par les associations » et insiste particulièrement sur les dépenses d'accessibilité des lieux de culte. Les représentants du judaïsme évoquent, quant à eux, des « exigences draconiennes, qui posent des problèmes financiers à certaines communautés » et indiquent que « la communauté juive parisienne a ainsi investi dix millions d'euros sur les sept dernières années pour mettre ses édifices cultuels aux normes ».

3. Les collectivités territoriales peuvent financer les réparations des édifices appartenant aux associations cultuelles

L'État, les départements et les communes ont la faculté de participer aux dépenses de réparation des édifices dont elles ne sont pas propriétaires et appartenant aux associations cultuelles 222 ( * ) . Le ministère de l'Intérieur rappelait que « seules les associations cultuelles constituées conformément aux dispositions de la loi de 1905 sont éligibles à ce type de financements publics ». Les associations dites « loi 1901 » ou les autres groupements sont donc exclus du bénéfice de ces dispositions 223 ( * ) .

Les représentants de la Fédération protestante de France relevaient toutefois que « la loi ne précise pas ce qu'incluent les " réparations " » ». Le ministère de l'Intérieur indique seulement que cette notion concerne « les travaux nécessaires à la conservation de l'édifice, comme par exemple le maintien hors d'eau 224 ( * ) ou les travaux de mise en sécurité 225 ( * ) » . L'OPR estime à plusieurs centaines de milliers d'euros le coût des travaux pour une restauration d'envergure.

Les représentants des cultes ont souhaité attirer l'attention de votre délégation sur le fait que les collectivités territoriales ne sont pas toujours bien informées des possibilités de contribution aux réparations des édifices du culte appartenant aux associations cultuelles . Sur le terrain, la commune n'étant pas responsable du mauvais entretien d'un bien appartenant à une association cultuelle, elle est en effet souvent moins incitée à financer des travaux. Les représentants des cultes déplorent à cet égard une « ignorance réciproque entre les cultes et les élus 226 ( * ) » . De même, les élus locaux ne savent pas toujours qu' il n'est pas interdit de mettre à la disposition d'associations cultuelles des locaux communaux pour l'exercice d'un culte .

C'est pourquoi votre délégation suggère, là encore, d'améliorer l'information des maires en demandant au ministère de l'Intérieur et des Cultes de préciser, par voie de circulaire à l'attention des préfets, les possibilités d'aides financières des communes pour des réparations d'édifices cultuels appartenant à des associations cultuelles 227 ( * ) .

Recommandation n° 2 : Préciser par voie de circulaire du ministère de l'Intérieur, afin de mieux informer les maires, les possibilités d'aides financières des communes pour des réparations d'édifices cultuels appartenant aux associations cultuelles, ainsi que les conditions de mise à disposition de locaux au bénéfice de ces dernières.

4. La vente ou la destruction d'un lieu de culte, décision prise conjointement par le propriétaire et l'affectataire, est un phénomène qui se développe et résulte la plupart du temps d'un manque de moyens financiers

Face aux charges que représentent l'entretien et la conservation d'un lieu de culte, la collectivité territoriale propriétaire peut décider de vendre ou de détruire l'édifice. Avant une telle opération, le lieu de culte doit être désaffecté par arrêté préfectoral, à l a demande du conseil municipal lorsque la commune est propriétaire , en plus du consentement écrit 228 ( * ) de l'autorité ayant qualité pour représenter le culte affectataire. Tant que l'édifice du culte n'est pas désaffecté, les pouvoirs des autorités de police se limitent à la prescription et à l'exécution de mesures indispensables pour assurer la sécurité publique 229 ( * ) . Si la désaffectation de l'édifice cultuel peut être partielle, la Conférence des évêques de France indique à votre délégation que, pour sa part, elle n'est pas favorable à ce procédé.

Selon l'Observatoire du patrimoine religieux, la vente de lieux de culte est « un phénomène marginal mais en forte croissance » . Le ministère de l'Intérieur indiquait à votre délégation que, depuis 2008, « une soixantaine d'églises ont perdu officiellement leur vocation cultuelle via la procédure de désaffectation, soit le quart du total comptabilisé depuis 1905 » . L'OPR dénombre chaque année plusieurs dizaines d'édifices cultuels transformés en habitations, en hôtels, en restaurants, en ateliers d'art ou encore en salles d'exposition. En 2011, l'OPR indiquait qu'« environ vingt bâtiments cultuels, tous catholiques, étaient à vendre en France » .

La désaffectation et la reconversion des édifices cultuels

Votre délégation a déjà eu l'occasion d'expliquer l'affectation légale au culte, des édifices servant en 1905 à l'exercice public du culte. Elle rappelle qu'ils doivent être utilisés à des fins cultuelles, que leur propriétaire soit une association ou une collectivité publique. Inversement, pour reconvertir les édifices et en user à des fins non cultuelles , ceux-ci doivent être désaffectés selon une procédure régie par deux textes :

1/ L'article 13 de la loi de 1905 énonce les cas dans lesquels la désaffectation de l'édifice cultuel peut être prononcée par décret en Conseil d'État :

« 1° Si l'association bénéficiaire est dissoute ;

2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d'être célébré pendant plus de six mois consécutifs ;

3° Si la conservation de l'édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l'article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d'entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet ;

4° Si l'association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;

5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l'article 6 230 ( * ) ou [de l'avant-dernier] paragraphe du présent article 231 ( * ) , soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques ».

L'article 13 précise qu'en dehors de ces cas, la désaffectation ne peut être prononcée que par une loi.

2/ Le décret du 17 mars 1970 232 ( * ) a instauré une procédure de désaffectation des édifices cultuels communaux par arrêté préfectoral dans les cas prévus à l'article 13 précité. Cette procédure ne concernant que les communes, la désaffectation d'un édifice appartenant à une autre collectivité publique ou à une association doit résulter d'un décret en Conseil d'État.

Votre délégation note toutefois que l'édifice cultuel désaffecté appartenant à une association cultuelle doit continuer à servir à l'exercice du culte, puisque ce type d'associations doit avoir exclusivement pour objet l'exercice du culte.

Votre délégation remarque que le juge administratif, attentif à une désaffectation effective, a annulé la délibération d'une commune prévoyant la transformation en salle polyvalente d'un édifice cultuel qui, bien que le culte n'y ait pas été célébré depuis dix années, était toujours affecté au culte 233 ( * ) .

Une fois l'édifice cultuel désaffecté, la collectivité propriétaire peut envisager deux solutions :

- maintenir l'édifice cultuel dans le domaine public mais lui attribuer alors un usage non cultuel . En effet, pour continuer d'appartenir au domaine public, l'édifice doit répondre aux conditions fixées aux articles 2111-1 234 ( * ) et 2111-2 235 ( * ) du Code général de la propriété des personnes publiques, or l'exercice du culte n'est pas un service public ;

- déclasser l'édifice afin de le faire sortir de son domaine public et l'intégrer à son domaine privé 236 ( * ) . La collectivité territoriale pourra alors l'utiliser pour ses besoins propres, l'aliéner ou établir un contrat de location avec une personne privée.

Le ministère de l'Intérieur indiquait à votre délégation que 38 000 édifices cultuels sont toujours légalement affectés au culte, et que les cas de désaffectation sont peu nombreux et concernent des édifices qui ne sont plus utilisés depuis longtemps ou qui menacent ruine.

Votre délégation a relevé des exemples très originaux de reconversion d'édifices cultuels à l'étranger , notamment d'églises transformées en immeuble d'habitations au Québec ou en commerces à New York. Le phénomène est particulièrement prégnant au Royaume-Uni où, face à la baisse de la pratique religieuse et aux coûts d'entretien, les Églises cèdent leurs édifices, reconvertis principalement en lieux de résidence, mais aussi en restaurants, bars, bibliothèques, galeries d'art, supermarchés, centres d'escalade ou même temples sikh. Ainsi, entre 1969 et 2011, l'Église anglicane a fermé 1 872 églises.

Votre délégation a relevé de nombreux exemples de vente et de destruction d'églises dans les territoires . Ainsi, l'église de Bar-sur-Aube, propriété communale, a été mise en vente pour un euro symbolique, la commune ne souhaitant pas investir les quatre millions d'euros nécessaires pour conduire les opérations de restauration d'un édifice fermé depuis 1955. À Airaines, dans la Somme, la commune a cédé l'église à une association de sauvegarde du patrimoine, là encore pour un euro symbolique. L'archevêché de Bordeaux, quant à lui, a mis en vente sur internet deux lieux de culte. Ce choix a été jugé préférable à une restauration coûteuse. À Abbeville, dans la Somme, l'église Saint-Jacques, propriété de la commune et présentée comme insalubre, n'a pas été mise en vente mais a été détruite en 2013. Les décisions de destruction peuvent toutefois susciter des oppositions locales. Ainsi, à Saint-Gemmes-d'Andigné, dans le Maine-et-Loire, la municipalité avait voté en novembre 2010 la destruction de l'église avec l'accord du desservant. Une partie des administrés s'est opposée à cette décision, l'édifice ayant finalement été classé et préservé.

L'OPR indiquait à votre délégation que, depuis le 1 er janvier 2000, 19 églises ont été démolies en France. Celle-ci estime que la vente de l'édifice cultuel représente toujours une alternative préférable à sa destruction, dans une perspective de préservation du patrimoine, analyse à laquelle souscrit pleinement votre délégation.

Votre délégation ne peut que se féliciter de la préservation des édifices , même s'ils ne sont plus affectés au culte. En clair, mieux vaut une désaffectation qu'une destruction , car la première autorise la préservation d'un patrimoine.

C. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PEUVENT SOUTENIR INDIRECTEMENT LA CONSTRUCTION OU L'ACQUISITION D'UN LIEU DESTINÉ À L'EXERCICE DU CULTE OU À DES PRATIQUES CULTUELLES

1. Les collectivités territoriales peuvent octroyer des garanties d'emprunts bancaires dans les agglomérations en développement pour soutenir la construction d'un édifice du culte

Des garanties d'emprunt peuvent être accordées par les communes et les départements pour la construction d'édifices cultuels dans des agglomérations en voie de développement 237 ( * ) . Selon le ministère de l'Intérieur, elles se définissent comme des zones urbanisées 238 ( * ) dont la population augmente significativement. La Fédération protestante de France indiquait à votre délégation que de nombreux lieux de culte protestants avaient bénéficié de ce dispositif entre les années 1960 et 1990, mais que ce type d'interventions était de plus en plus rare. Le président de l'Observatoire de la laïcité citait l'exemple de la mosquée de Reims. La ville de Créteil et le département du Val-de-Marne ont aussi garanti un emprunt à hauteur de 1,5 million d'euros dans le cadre de la construction de la mosquée de Créteil, achevée en 2008.

La garantie d'emprunt pour les édifices cultuels

Lorsqu'une association cultuelle ou un groupement local sollicite un prêt bancaire pour construire un édifice cultuel dans une agglomération en voie de développement, une commune ou un département peut, après délibération de l'assemblée délibérante , s'engager à se substituer à l'emprunteur si celui-ci est défaillant . La collectivité territoriale devra donc, le cas échéant, rembourser l'annuité d'emprunt (capital emprunté + intérêts).

Le CGCT fixe les limites de l'engagement financier de la collectivité territoriale en matière de garanties d'emprunts. Ainsi, une commune ou un département ne peut garantir un emprunt pour plus de 50 % du montant total de ses recettes réelles de fonctionnement 239 ( * ) ; un même emprunteur ne peut bénéficier d'une garantie excédant 10 % de la capacité globale de la collectivité à garantir 240 ( * ) .

Le Conseil d'État relevait, dans son rapport public de 2004, que cette garantie apportée aux groupements cultuels facilitait considérablement leurs recherches de prêts bancaires .

Bernard Poujade reconnaissait devant votre délégation que « l'application des dispositions relatives aux garanties d'emprunt dans les seules agglomérations en voie de développement était pénalisante pour les fidèles qui vivaient sur le reste du territoire et qui ne disposaient pas de lieux de culte ».

C'est pourquoi, afin d'élargir le dispositif existant, votre délégation vous propose de ne plus limiter le système aux seules agglomérations en voie de développement, mais de l'étendre à tout le territoire. Des territoires ruraux peuvent aujourd'hui être pleinement concernés par des demandes de communautés religieuses souhaitant disposer de lieux de culte en adéquation avec leur population de fidèles.

Recommandation n° 3 : Étendre la possibilité d'accorder des garanties d'emprunt pour la construction d'édifices cultuels à l'ensemble du territoire.

2. Le bail emphytéotique conclu avec un groupe religieux pour l'édification d'un édifice cultuel est une pratique privilégiée par les collectivités territoriales
a) Le bail emphytéotique est un contrat de long terme conclu sur le domaine privé ou public de la collectivité territoriale

Deux types de baux emphytéotiques peuvent être conclus entre les collectivités territoriales et les associations cultuelles :

- d'une part, le bail emphytéotique de droit privé portant sur des dépendances du domaine privé 241 ( * ) . Ce type de contrat relève des juridictions judiciaires, même lorsqu'il a pour objet la construction d'un lieu de culte 242 ( * ) ;

- d'autre part, le bail emphytéotique administratif (BEA) cultuel est un contrat administratif portant sur le domaine public et conclu entre une association cultuelle et une collectivité territoriale pour une durée de 18 à 99 ans « en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public 243 ( * ) » . Le régime juridique du bail emphytéotique administratif (BEA) se distingue essentiellement du bail emphytéotique de droit commun par la prérogative reconnue à la collectivité territoriale, dans le cadre du BEA, de résilier le contrat .

Le Conseil d'État a consacré la pratique du BEA cultuel par une décision rendue le 19 juillet 2011. La juridiction administrative a indiqué qu'en autorisant la conclusion d'un bail de longue durée entre une collectivité territoriale et une association cultuelle en vue de l'édification d'un lieu de culte, le législateur avait permis aux collectivités territoriales, par dérogation au principe de non-subventionnement posé en 1905, de mettre à disposition un terrain leur appartenant, en contrepartie d'une redevance modique (en l'espèce un euro symbolique) et de l' intégration de l'édifice dans le patrimoine de la collectivité à l'issue du bail 244 ( * ) . La mise en oeuvre de ce dispositif doit se faire dans le respect du principe de laïcité et donc des principes de neutralité et d'égalité entre les cultes. Dès lors, et sous réserve des contraintes foncières, le rapporteur public a affirmé dans cette affaire que toute collectivité territoriale « qui se lançait dans ce type de dispositif devrait faire droit à d'éventuelles demandes présentées sur le même fondement, ce qui incite évidemment à une certaine prudence 245 ( * ) ».

Au cours du contrat, il revient au preneur du bail , c'est-à-dire à l'association cultuelle gestionnaire de l'édifice , d'assumer financièrement la charge de sa construction et de son entretien . L'économie du BEA n'implique donc aucune intervention de la collectivité publique en faveur du culte.

En revanche, au terme du bail , la collectivité territoriale devient propriétaire de l'édifice cultuel, mais ne peut le laisser gratuitement à la disposition de l'association cultuelle sans contrevenir au principe d'interdiction du subventionnement public des cultes. Elle peut alors « soit mettre l'édifice cultuel à disposition à titre onéreux, y compris pour le culte, soit l'exploiter à des fins économiques 246 ( * ) ».

Votre délégation remarque que l'affectataire qui avait la jouissance du lieu de culte ne bénéficie donc d'aucune garantie sur la continuité de l'affectation cultuelle. Toutefois, les membres du Conseil d'État qu'elle a auditionnés ne constatent pas de nécessité de garantir juridiquement l'affectation cultuelle de l'édifice. En effet, ils soulignent qu'« il est peu probable qu'une collectivité territoriale décide de changer cette affectation en fin de bail ».

b) Le bail emphytéotique est aujourd'hui largement utilisé par les collectivités territoriales mais ses effets à long terme sur les finances locales ne seront pas neutres

La pratique des baux emphytéotiques au profit des cultes a débuté en région parisienne, dans les années 1930, avec les Chantiers du Cardinal. Sur 1 800 églises paroissiales d'Ile-de-France édifiées après 1905, 450 ont eu recours à un bail emphytéotique 247 ( * ) .

Votre délégation observe que cet outil a permis l'édification de nombreux lieux de culte de toutes confessions . Ainsi en est-il, par exemple, des mosquées de Montreuil et de Marseille, du siège du Consistoire de Paris ou encore de la pagode de Strasbourg, dont l'édification a fait l'objet d'un bail avec la commune pour une durée de cinquante ans, comme le rappelait la présidente de l'Union bouddhiste de France.

Le Conseil d'État, dans son rapport de 2004 sur la laïcité, souligne que le BEA est un instrument « efficace et précieux pour les associations souhaitant construire un édifice cultuel 248 ( * ) » . Les membres de la haute juridiction administrative confirmaient devant votre délégation que le « BEA semble l'outil le plus intelligent pour le financement des lieux de culte » . Parmi les avantages du BEA, l'Observatoire de la laïcité souligne de son côté que « la mise à disposition d'un terrain par la collectivité territoriale représente un avantage lorsque le coût du foncier est élevé ». D'ailleurs, en raison de l'économie du contrat, la redevance due à la collectivité doit rester modique compte tenu du fait que le preneur « n'exerce aucune activité à but lucratif » 249 ( * ) .

Le seul inconvénient pour l'association cultuelle réside dans l'incorporation, au terme du bail, des constructions ainsi réalisées dans le patrimoine de la collectivité. Mais cette dimension du contrat représente surtout une contrainte pour la collectivité territoriale en raison des charges d'entretien du bâtiment qui en découlent.

Le président de la Conférence des évêques de France estime d'ailleurs que la pratique des baux emphytéotiques pour l'édification de lieux de culte est une « bombe à retardement ». L'Observatoire du patrimoine religieux évoque, quant à lui, une « aberration », et fait remarquer à votre délégation que l'arrivée à terme de baux emphytéotiques conclus dans les années 1930 va faire entrer dans le patrimoine de la Ville de Paris une trentaine d'églises d'ici vingt à trente ans. Ces bâtiments seront en mauvais état et nécessiteront cinq à dix millions d'euros de travaux, selon l'OPR. Cette charge va s'ajouter à celles que la municipalité supporte déjà pour l'entretien du patrimoine religieux existant. Le représentant de l'OPR affirmait également devant votre délégation que « l'économie de court terme pour les fidèles est en réalité une plaie à long terme pour les finances publiques ». Par exemple, « l'économie pour 20 % de fidèles catholiques, va conduire au bout d'un siècle à faire payer 100 % des citoyens, y compris ceux qui ne sont pas catholiques » . L'OPR constate que « le problème est le même pour les mosquées » et se demande s'il est « pertinent de faire payer l'entretien d'une église à la communauté juive, par exemple, qui entretient déjà ses propres lieux de culte » .

À travers ces exemples concrets, votre délégation constate donc que le bail emphytéotique conclu en vue de la construction d'un édifice cultuel est certes un outil efficace pour résorber les inégalités d'accès aux lieux de culte des différents groupes religieux, mais qu'il faut absolument en anticiper les conséquences pour les finances locales futures . À long terme, en effet, la propriété des édifices cultuels va représenter une charge très lourde d'entretien et de conservation pour les collectivités territoriales qui auront eu recours à ce type de contrats.

C'est pourquoi votre délégation vous propose qu'à l'échéance du bail emphytéotique soit prévue une option d'achat pour l'association cultuelle. Pour cela, il conviendrait de compléter l'article L. 1311-2 du CGCT par une disposition prévoyant la possibilité de conclure un bail emphytéotique administratif cultuel avec option d'achat en fin de bail , comme cela se pratique pour d'autres baux. Une telle proposition doit permettre de transférer aux communautés religieuses la charge future de l'entretien et de la conservation de leurs lieux de culte.

Recommandation n° 4 : Autoriser les collectivités territoires et les associations cultuelles à conclure un bail emphytéotique prévoyant, à l'issue de l'échéance, une option d'achat pour ces dernières, afin d'éviter que les communes en deviennent propriétaires au terme du bail.

3. Une collectivité territoriale peut mettre à disposition des locaux dont elle est propriétaire pour l'exercice de pratiques cultuelles
a) Un local public peut être mis temporairement à disposition pour l'exercice d'un culte

Le Code général des collectivités territoriales n'interdit pas la mise à disposition de locaux communaux à des associations , y compris celles ayant pour objet l'exercice d'un culte 250 ( * ) . La commune peut toutefois refuser une telle demande. Le Conseil d'État, qui encadre les modalités de mise à disposition d'un local, a ainsi validé le refus d'un conseil municipal qui « avait entendu, sauf pendant les campagnes électorales, mettre l'utilisation des locaux appartenant à la commune à l'abri de querelles politiques ou religieuses » . Pour les juges, « une telle mesure n'est pas fondée sur un critère étranger à l'intérêt de la gestion du domaine public communal 251 ( * ) ».

Toutefois, l'évolution de la jurisprudence tend à privilégier l'exercice de la liberté fondamentale de réunion 252 ( * ) . Les représentants du culte protestant ont ainsi relevé devant votre délégation, en s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'État 253 ( * ) , qu' une commune ne pouvait refuser de mettre un local à disposition d'une association au seul motif que la demande serait adressée dans le but d'exercer un culte . Les juges confirment donc qu'une commune peut, dans le respect des principes de neutralité à l'égard des cultes et d'égalité et dans des conditions financières qui excluent toute aide à un culte, permettre l'utilisation d'un local communal pour l'exercice d'un culte 254 ( * ) . Le refus du maire doit être justifié par des motifs tenant à la prévention des troubles à l'ordre public et aux nécessités de l'administration des propriétés communales ou du fonctionnement des services 255 ( * ) .

Des conditions précises régissent toutefois l'utilisation d'un local communal dans cette hypothèse :

- celui-ci ne doit pas être laissé de façon exclusive et pérenne à disposition d'une association pour l'exercice d'un culte afin de ne pas constituer un édifice cultuel 256 ( * ) . La mise à disposition doit donc demeurer provisoire et être ouverte dans les mêmes conditions à tous les cultes qui en font la demande ;

- en outre, les conditions financières doivent exclure toute libéralité et, par suite, toute aide directe à un culte.

Dans une affaire qui opposait la commune de Saint-Gratien et l'association franco-musulmane de la ville, le Conseil d'État a ainsi estimé qu'en demandant la mise à disposition d'un local de réunion une heure par semaine pendant un mois, l'association n'avait pas sollicité une mise à disposition exclusive et pérenne du local. La juridiction a donc jugé que la brièveté et le nombre très limité des périodes d'utilisation sollicitées, ainsi que la modestie de l'avantage accordé, ne permettaient pas de conclure que l'association avait bénéficié d'une libéralité.

À une question sénatoriale, le ministère de l'Intérieur avait souligné à juste titre que « la mise à disposition de locaux au profit d'organismes représentatifs de la population contribuait à la démocratisation de la vie locale et permettait aux communes de favoriser la participation des habitants aux missions d'intérêt général 257 ( * ) » .

Or, les représentants des cultes auditionnés par votre délégation ont fait état de réticences et de refus, prononcés en toute bonne foi, de certaines collectivités territoriales à louer des salles pour l'exercice du culte, même si le Conseil national des évangéliques de France signalait, dans de rares cas, la mise à disposition, en général le dimanche matin, de locaux publics pour l'exercice du culte. Selon les responsables religieux, les élus craindraient en effet d'être submergés par les demandes des cultes auxquelles ils ne pourraient s'opposer sans enfreindre le principe d'égalité, et préfèreraient donc parfois s'en tenir à un refus de principe. Pourtant, comme l'indique à juste titre le Conseil d'État, « la crainte, purement éventuelle, que les salles municipales soient l'objet de sollicitations répétées pour des manifestations à but religieux ne saurait justifier légalement le refus de la ville 258 ( * ) ».

Malgré une jurisprudence dans l'ensemble favorable aux cultes, le Conseil d'État admet que la mise à disposition d'un local représente « tout au plus une solution d'attente » et que « pour la construction d'un édifice cultuel dont une communauté de croyants ressent le besoin » , les garanties d'emprunt et les baux emphytéotiques sont « des réponses de plus long terme 259 ( * ) » . Les membres de la haute juridiction administrative auditionnés par votre délégation reconnaissent d'ailleurs que « la mise à disposition de locaux ne peut être, pour une collectivité, qu'un moyen temporaire, précaire et potentiellement délicat à assumer sur la durée, de résoudre les problèmes de manque de lieux de prière qui existent parfois de façon criante dans certains territoires 260 ( * ) ».

C'est pourquoi votre délégation appelle les élus locaux à placer les cultes dans une situation d'égalité quant à leurs demandes de mise à disposition de locaux. Elle les invite en outre à examiner toutes les solutions alternatives lorsque les fidèles se retrouvent sans lieu pour pratiquer leur culte. Ces recommandations apparaissent d'autant plus fortes que, sur le terrain, rien n'empêche les associations concernées de saisir le juge administratif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, s'il apparait qu'une collectivité refuse de manière illégale de mettre à disposition un local pour y exercer un culte.

b) Un local public peut être aménagé et mis à disposition par la collectivité territoriale pour l'exercice d'une pratique cultuelle en particulier, tel que l'abattage rituel

La mise à disposition d'infrastructures publiques pour les cultes peut se traduire par la construction, l'acquisition ou l'aménagement, par une collectivité territoriale, de locaux permettant l'abattage rituel . Il s'agit d'une situation concrète rencontrée par nombre d'élus locaux, avec laquelle ils ne sont pas toujours très à l'aise et qui est susceptible de créer des incompréhensions, voire des tensions, avec nos concitoyens juifs et musulmans. Il convient pourtant de rappeler que le libre exercice de pratiques à caractère rituel , telles que l'abattage, est garanti par la Cour européenne des Droits de l'Homme 261 ( * ) .

Le Conseil d'État, par un arrêt du 19 juillet 2011 262 ( * ) , a soumis la mise à disposition d'un abattoir rituel à deux conditions :

- la première tient à l'existence d'un intérêt public local tenant notamment au maintien de l'ordre public, de la salubrité et la santé publiques ; dans cette affaire, le Conseil d'État avait précisément relevé l'éloignement de tout abattoir dans lequel le rite aurait pu être pratiqué dans le respect des exigences de salubrité et de santé publiques ;

- la seconde exigence tient à l'existence de conditions d'intervention de la collectivité territoriale, notamment tarifaires, respectueuses du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité . Il est nécessaire que tous les cultes aient un égal accès à l'équipement mis en place. La collectivité ne peut ni mettre gratuitement l'équipement à disposition d'un culte, ni pratiquer des tarifs favorisant un culte.

Dans cette décision, le rapporteur public soulignait que « ce n'est pas parce qu'un équipement à usages multiples est également utilisé à des fins cultuelles qu'il constitue nécessairement une aide au culte » 263 ( * ) . Il ajoute que « la justification de mesures positives destinées à rendre possible ou à faciliter l'exercice de pratiques cultuelles ne peut donc qu'intervenir au cas par cas, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce » .

Mais, malgré des possibilités reconnues par la jurisprudence, l'Observatoire de la laïcité relève dans les territoires certaines difficultés relatives à la gestion de l'abattage rituel, confirmant ainsi le sentiment de votre délégation.

4. Le droit de l'urbanisme permet aux collectivités territoriales de favoriser l'implantation de lieux à dimension « culturelle », alors que l'implantation de lieux de culte peut générer des tensions locales

Une commune peut aujourd'hui protéger dans son PLU un édifice pour des motifs d'ordre culturel et prendre les mesures propres à assurer sa protection 264 ( * ) . Cette disposition peut viser les édifices cultuels , dans la mesure où ceux-ci représentent souvent un patrimoine culturel . C'est en tous cas en ce sens que la jurisprudence administrative a qualifié des édifices culturels et cultuels d'équipement public 265 ( * ) , d'installation d'intérêt général 266 ( * ) ou encore d'équipement d'intérêt général 267 ( * ) . Les juges ont également pu considérer que, dans le cadre du PLU, il est aussi possible d'implanter un lieu de culte dans une zone résidentielle ou commerciale sans en altérer la nature d'ensemble 268 ( * ) .

Malgré ces dispositions et l'interprétation large qu'en fait le juge administratif, votre délégation a constaté lors de ses auditions que les règles de l'urbanisme demeurent un enjeu qui préoccupe les religions dans leur recherche d'un patrimoine immobilier cultuel . Les représentants des cultes ont en effet évoqué « des difficultés liées à une utilisation parfois abusive ou à des interprétations restrictives du droit de l'urbanisme par les collectivités territoriales ». Le ministère de l'Intérieur reconnaît aussi que l'implantation d'un lieu de culte peut être « vecteur de conflictualité », confirmant en ce sens l'analyse de l'Association des petites villes de France (APVF) faisant état de « polémiques parfois violentes au niveau local » . L'Observatoire de la laïcité souligne « dans certaines communes, les problématiques proviennent d'un manque de dialogue entre citoyens lorsque des travaux pour la construction d'un futur lieu de culte sont engagés ». Son président Jean-Louis Bianco évoque le cas de « certains citoyens mécontents [qui] transmettent des pétitions et exercent leur droit d'ester en justice contre les permis de construire ». Il déplore même le fait que « les principales tensions découlent d'intimidations parfois exercées sur une communauté religieuse », notamment par l'inscription de « propos antimusulmans ou antisémites sur la façade de lieux de culte ».

C'est dans cette perspective que votre délégation souhaiterait donner des moyens légaux pour faciliter la vie des élus locaux confrontés aux demandes, souvent légitimes, des communautés religieuses . Le plan local d'urbanisme (PLU), élaboré par la commune ou l'EPCI, pourrait explicitement réserver un terrain pour des motifs « cultuels » et pas seulement culturels. En clair, il s'agirait d'inscrire dans la loi 269 ( * ) le raisonnement déjà opéré par les juges administratifs, autrement dit d'autoriser les communes à prévoir dans les PLU des zones susceptibles d'accueillir l'implantation d'édifices cultuels. A contrario , cela donnera la possibilité aux maires de refuser leur implantation dans certaines zones. Une telle proposition présente l'avantage d'un débat municipal en amont, lors de l'élaboration du PLU, et permet d'éviter les instrumentalisations locales et les réticences des administrés. En clair, cela sécurisera les maires.

Recommandation n° 5 : Permettre aux communes de prévoir, dans le cadre des PLU, des zones susceptibles d'accueillir l'implantation potentielle d'édifices cultuels, afin que les élus locaux aient la maîtrise des lieux d'implantation de ces édifices.

Le cadre plus spécifique de l'utilisation du droit de préemption urbain par les communes peut donner lieu à des conflits. Votre délégation tient à rappeler que la mise en oeuvre de ce droit doit être motivée et ne peut s'exercer que pour un motif d'intérêt général 270 ( * ) . Le juge administratif sanctionne le défaut ou l'insuffisance de motivation d'une décision de préemption prise par la commune 271 ( * ) . Une utilisation inappropriée par l'autorité publique du droit de préemption pour empêcher l'édification d'un lieu de culte est constitutive d'une voie de fait et relève de la compétence du juge judiciaire 272 ( * ) .

Selon les représentants du Conseil national des évangéliques de France auditionnés par votre délégation, des difficultés portent également sur la réglementation liée aux places de stationnement à proximité des lieux de culte . Les juridictions administratives insistent sur la nécessité de prendre en compte les besoins réels en matière de stationnement, et autorisent 273 ( * ) ou annulent 274 ( * ) au cas par cas des permis de construire.

En dépit de ces difficultés, votre délégation s'est vue confirmer à de nombreuses reprises que les cultes sont soucieux d'entretenir de bonnes relations avec les pouvoirs publics et demeurent réticents à engager des actions en justice, même lorsqu'ils estiment être dans leur droit.

Aussi votre délégation appelle-t-elle les élus locaux à une plus grande vigilance dans l'application du droit de l'urbanisme, en évitant les détournements des procédures qui viseraient à empêcher l'implantation d'un lieu de culte.

D. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PEUVENT SUBVENTIONNER DES ÉDIFICES OU DES ÉQUIPEMENTS DISTINCTS DE L'EXERCICE DIRECT DU CULTE MAIS EN LIEN AVEC LES RELIGIONS

Le juge administratif a synthétisé, dans plusieurs décisions récentes, l'état de la jurisprudence en matière de subventions à des activités non cultuelles en lien avec les cultes 275 ( * ) . Les acteurs locaux sont ainsi en mesure d'identifier les projets susceptibles d'être financés par les collectivités territoriales, sur le fondement d'un intérêt public local.

Le Conseil d'État rappelle d'abord l'interdiction de principe de toute subvention publique aux associations cultuelles et à l'exercice du culte . Il affirme que « les collectivités territoriales ne peuvent accorder aucune subvention, à l'exception des concours pour des travaux de réparation d'édifices cultuels, aux associations cultuelles [...] ; il leur est également interdit d'apporter une aide quelconque à une manifestation ou à une activité qui participe de l'exercice d'un culte » .

Il ajoute toutefois que les collectivités territoriales « ne peuvent accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association » .

L'existence d'un intérêt public local est essentielle, dans la mesure où « l'intérêt public devient, en matière d'aides apportées indirectement aux cultes, le standard permettant d'apprécier la légalité des interventions des collectivités territoriales 276 ( * ) ». Les domaines couverts par ces financements publics concernent par exemple la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités territoriales, le subventionnement d'activités para-cultuelles ou encore l'installation d'équipements mixtes dans les lieux de culte.

1. Les collectivités territoriales peuvent subventionner la dimension non cultuelle de projets liés à des activités ou des édifices cultuels
a) Des activités ou des manifestations non cultuelles en rapport avec les cultes peuvent bénéficier de subventions publiques

Les collectivités territoriales peuvent apporter un soutien financier à des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels . Des événements culturels (expositions, concerts, visites, conférences, etc.) peuvent ainsi, avec l'accord de l'affectataire, être organisés directement dans des lieux de culte. L'Observatoire du patrimoine religieux (OPR) note à ce sujet que « des églises, des temples et des synagogues vont être désaffectés dans les années à venir, et des subventions publiques pourront être accordées si un usage social ou culturel est trouvé ». Le président de la Conférence des évêques de France, soulignait devant votre délégation : « aujourd'hui, la construction d'un édifice cultuel est en général adossée à celle d'un édifice culturel ». Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) relevait également l'existence d'un « foisonnement d'activités sociales et éducatives autour du culte » . L'OPR évoque, quant à lui, « une "mode" du développement des activités culturelles - librairies, lieux d'accueil pour les familles et d'éducation religieuse pour les enfants - dans les enceintes cultuelles » et en déduit que « les gens ont besoin de paroisses efficaces avec des services » .

Le juge administratif a adopté une conception large du champ des activités liées aux cultes et qui pourraient faire l'objet d'un subventionnement public. Votre délégation constate, par exemple, que le juge valide les subventions accordées à une association dont les activités ne se rattachent pas directement à l'exercice du culte et qui « a pour objet de favoriser la réflexion spirituelle, doctrinale et culturelle de ses adhérents, notamment en mettant à leur disposition des moyens matériels d'hébergement » et qui « propose la participation à des réunions de réflexion sur des thèmes religieux » 277 ( * ) .

Le Conseil d'État n'a pas non plus considéré comme cultuelles les activités d'une association, même si celle-ci « se réclame d'une confession particulière » et que ses membres, « à l'occasion d'activités associatives sans lien avec le culte, décident de se réunir entre eux pour prier 278 ( * ) ». Dans cette affaire, la haute juridiction administrative a admis la légalité de subventions publiques à une manifestation qui ne comprenait aucune cérémonie cultuelle, mais à laquelle participaient des personnalités religieuses et qui incluait des conférences sur des thèmes en lien avec les religions. Elle a estimé que les subventions accordées par la commune de Lyon, le département du Rhône et la région Rhône-Alpes étaient légales, car positives pour « l'image de marque et le rayonnement » des territoires concernés et susceptibles de contribuer utilement à leur vie économique. En revanche, le Conseil d'État a annulé les subventions accordées par la communauté urbaine de Lyon, dont les statuts ne lui donnaient pas compétence pour intervenir 279 ( * ) .

b) Les cultes bénéficient de subventions publiques pour des projets immobiliers intégrant des aspects cultuels et culturels

Votre délégation constate que les cultes présents en France ont bénéficié, à des degrés divers, de subventionnements publics pour des projets à la fois culturels et cultuels, et en a relevé plusieurs exemples . Les communautés protestantes représenteraient une exception, dans la mesure où la Fédération protestante de France et le Conseil national des évangéliques de France ont déclaré à votre délégation être les seuls à ne solliciter aucune subvention publique et à financer leurs activités exclusivement par les dons des fidèles.

Notre collègue Edmond Hervé a, par exemple, fait part de son expérience en tant que maire de Rennes. Estimant que les élus locaux devaient faciliter la liberté religieuse et être « des animateurs de la laïcité », et face aux déséquilibres constatés, notamment économiques, entre le culte catholique et les autres cultes, il rappelait que la municipalité s'était engagée, dès le début des années 1980, dans le soutien à la construction de deux centres culturels islamiques, d'un centre israélite et d'un centre protestant.

Ces centres culturels abritent également des lieux de culte. La présidente de l'Union bouddhiste de France reconnaissait d'ailleurs devant votre délégation que la commune de Rennes, en 2012, avait mis gratuitement des locaux à disposition du centre culturel bouddhique de la ville et lui avait accordé une subvention annuelle.

Certains projets concernent les lieux de culte catholiques, aujourd'hui fréquentés pour des motifs culturels, ce qui autorise les collectivités à participer à leur financement . Le président de la Conférence des évêques de France évoquait ainsi, lors de son audition, les exemples des communes d'Évry, d'Ivry-sur-Seine, d'Alfortville ou de Saint-Denis. Le cas de la cathédrale d'Évry, construite au début des années 1990, est emblématique : un centre d'art sacré est situé dans l'enceinte de l'édifice. Le conseil régional, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'Évry et le ministère de la Culture ont ainsi été en mesure de subventionner l'ensemble de l'édifice à hauteur de près de 2 millions d'euros, dans le cadre du projet culturel porté par une association « loi 1901 » 280 ( * ) .

La juridiction administrative a été saisie du financement d'une église inachevée acquise gratuitement en 2002 par la communauté d'agglomération de Saint-Etienne. Dans le cadre de sa politique culturelle, l'EPCI a décidé de terminer les travaux et « d'affecter les deux tiers du futur ouvrage, correspondant à la base inachevée de l'édifice, à des activités culturelles et le tiers restant du bâtiment à la partie cultuelle 281 ( * ) ». Le Conseil d'État a validé ce montage financier à la condition que le subventionnement porte exclusivement sur la partie à vocation culturelle de l'édifice . Il a censuré la décision du juge d'appel, qui avait raisonné globalement sans s'interroger sur la destination précise des crédits engagés 282 ( * ) . Le ministère de l'Intérieur a confirmé à votre délégation que « le financement décidé dans ce cadre ne doit pas excéder le montant des travaux afférents à la seule partie culturelle de l'édifice » .

Les exemples des cultes juif et musulman bénéficiant de subventions publiques pour des projets immobiliers intégrant des aspects cultuels et culturels

La communauté juive est également concernée par les aides publiques pour des projets culturels. Elle projette de bâtir un centre européen du judaïsme dans le XVII e arrondissement de Paris, pour un coût total estimé de neuf millions d'euros, les travaux devant s'achever en 2015. Ce projet est caractéristique du soutien apporté par les collectivités territoriales dans un cadre cultuel.

Les représentants de la communauté indiquaient ainsi à votre délégation que la mairie de Paris, propriétaire du terrain, avait conclu avec le Consistoire de Paris un bail emphytéotique pour une redevance annuelle de 50 000 euros. L'ensemble immobilier comprendra une synagogue, un hall d'exposition, des salles de réunion et des bureaux. Le consistoire central souligne que la part culturelle du projet a été identifiée et fait l'objet d'un financement public de l'État.

Le conseil régional d'Ile-de-France subventionne également le projet à hauteur de 700 000 euros. Joël Mergui, président du Consistoire central, estimait ainsi devant votre délégation que « si les collectivités peuvent financer un gymnase, un cinéma ou un lieu de rencontre pour des jeunes par exemple, elles peuvent aussi financer un centre communautaire » . Ces financements publics se justifient car, selon le directeur de l'École rabbinique, il y aurait, au sein même des synagogues, des associations culturelles indépendantes du culte.

Le culte musulman bénéficie lui aussi de financements publics . L'Institut des cultures de l'islam a ainsi été inauguré à Paris en novembre 2013. Le bâtiment abrite à la fois une mosquée, qui s'étend sur 300 m², et des espaces culturels, des bureaux, des salles d'exposition, des salles de formation, un café, un salon de thé et un hammam. Pour construire ce bâtiment, la Ville de Paris a investi 13,5 millions d'euros, puis a vendu, pour un montant 2,2 millions d'euros, le premier étage (où se situe la salle de prière) à l'association propriétaire de la grande mosquée de Paris. Cette association se verra refacturer les charges communes, comme dans n'importe quelle copropriété, ainsi que l'eau, l'électricité, le chauffage. Comme l'indiquait le maire de Paris, « au plan cultuel, [la commune n'a] fait que mettre à disposition des musulmans de Paris des salles de prière qu'ils ont intégralement financées et dont chacun sait qu'ils avaient cruellement besoin » . Votre délégation y voit une application concrète et équilibrée de la jurisprudence administrative autorisant la cohabitation entre le domaine cultuel et le domaine culturel, sans confusion puisque ce qui relève de la culture est porté par la collectivité parisienne et que ce qui relève du culte est financé par des fonds privés. À Créteil, dans le Val-de-Marne, la mairie a financé le volet culturel de la mosquée à hauteur d'un million d'euros et accorde une subvention annuelle de 100 000 euros au bénéfice des activités culturelles.

Votre délégation constate donc, à travers ces différents exemples, que les collectivités territoriales, soutenues dans leurs actions par la jurisprudence, accordent aujourd'hui des subventions à des activités culturelles et des projets immobiliers en lien avec les cultes .

2. Les collectivités territoriales peuvent financer, sous certaines conditions, des équipements intégrés à des édifices cultuels

Un équipement « mixte » se définit par l'usage à la fois cultuel et culturel que son utilisateur peut en faire (exemple : un orgue). D'autres équipements n'ont, en eux-mêmes, aucune utilisation cultuelle mais peuvent valoriser un édifice cultuel (exemple : un ascenseur). La jurisprudence a bien fixé les principes qui permettent aux collectivités territoriales d'intervenir financièrement dans ce cadre en conciliant l'intérêt public local et l'interdiction du subventionnement public des cultes.

a) Les collectivités territoriales peuvent financer des équipements à usage mixte au sein des lieux de culte

Certains biens ou équipements peuvent avoir une utilisation alternativement cultuelle ou culturelle . C'est le cas, par exemple, des instruments de musique . Dans une célèbre décision du 19 juillet 2011 283 ( * ) , le Conseil d'État a jugé qu'une collectivité territoriale peut financer l'acquisition et la restauration d'un orgue, ou « tout autre objet comparable » , destiné à être installé dans un lieu de culte dont elle est ou non propriétaire. La subvention versée est légale dès lors qu'existe un intérêt public local, communal en l'espèce, et matérialisé par l'enseignement artistique et l'organisation de manifestations culturelles.

Le bien acquis par la collectivité territoriale peut être utilisé par les fidèles au titre des activités cultuelles, mais dans des conditions précises que la haute juridiction administrative définit. Une convention doit prévoir les modalités d'utilisation du bien , et notamment la participation financière du desservant, proportionnelle à l'utilisation que celui-ci pourra faire du bien. L'équipement ne peut en tout cas pas faire l'objet d'une affectation gratuite ou exclusive au culte. Le Conseil d'État indique que la convention, conclue entre la collectivité territoriale et le culte affectataire ou l'association propriétaire de l'édifice cultuel, devrait intégrer des éléments relativement précis, tels que les modalités d'installation et d'entretien, d'usage, d'accès, d'horaires, les règles à respecter pour ne pas troubler l'usage cultuel des lieux 284 ( * ) , ainsi que « les modalités de règlements d'éventuels différends [ou] les conditions dans lesquelles il peut être mis un terme » 285 ( * ) à l'exécution des engagements contractés.

Les juges du fond avaient auparavant estimé que « l'acquisition et la rénovation de l'orgue, dont l'implantation est prévue dans l'église communale [...], qui en était jusqu'alors dépourvue, ne répond pas à une dépense de réparation ou de conservation de l'immeuble 286 ( * ) ». Ils en avaient déduit l'illégalité de la dépense, ce qu'a infirmé la haute juridiction administrative.

Votre délégation souscrit à l'argumentation développée par le rapporteur public, selon laquelle « pour une petite commune rurale propriétaire d'une église classée, par exemple, il peut y avoir un réel et fort intérêt local à favoriser le développement de la vie culturelle locale en organisant des festivals musicaux dans l'édifice en question et, le cas échéant, en investissant dans un orgue à cette fin 287 ( * ) » .

b) Les collectivités territoriales peuvent financer des équipements non cultuels intégrés aux lieux de culte

La jurisprudence autorisant le financement des biens à usage mixte concerne également les équipements qui, sans avoir par eux-mêmes un usage cultuel, ont un lien avec l'édifice cultuel et sont susceptibles d'être utilisés par les fidèles . Dès 1929, le Conseil d'État a admis l'installation d'une horloge au campanile d'une église dont la commune est propriétaire. Par cette décision, le maire ne méconnaissait pas les dispositions de la loi de 1905, et faisait simplement usage des pouvoirs conférés au conseil municipal 288 ( * ) . Plus récemment, le Conseil d'État a autorisé le subventionnement par la commune de Lyon d'un ascenseur permettant aux personnes à mobilité réduite d'accéder directement à la basilique de Fourvière, propriété d'une fondation, sans passer par l'escalier jusqu'alors prévu à cet effet 289 ( * ) .

Plusieurs conditions, ici aussi, demeurent requises pour que la subvention soit légale :

- l'existence d'un intérêt public local , caractérisé en l'espèce par « l'importance de l'édifice pour le rayonnement culturel ou le développement touristique et économique de son territoire » ;

- une convention doit également garantir que les subventions sont effectivement affectées au financement du projet et non à l'exercice du culte.

Dans le prolongement de ses décisions du 19 juillet 2011, le Conseil d'État a jugé légales des subventions accordées par le conseil régional de Bourgogne et par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) à des communautés religieuses afin de réaliser des études en vue de l'installation de chaufferies-bois 290 ( * ) . Ce projet s'inscrivait dans le cadre du Programme régional « Environnement, maîtrise de l'énergie, déchets (PREMED) » 2000-2006. La haute juridiction administrative a constaté que l'association qui sollicitait la subvention n'était pas cultuelle au sens de la loi de 1905, que le soutien au projet présentait un intérêt public régional et que des conventions permettaient de s'assurer que les subventions étaient exclusivement affectées au financement du projet. Le Conseil d'État n'a pas suivi les juridictions du fond, qui avaient estimé que ces subventions étaient illégales car leur seule utilité serait d'améliorer le confort et de réduire les dépenses de chauffage des immeubles de la communauté religieuse 291 ( * ) . Ces décisions concrétisent la notion d'intérêt public local , en l'espèce un renforcement de la filière bois-énergie qui, comme le rappelle le rapporteur public, est susceptible d'alimenter la croissance « verte » et peut susciter des créations d'emploi liées à la transition énergétique 292 ( * ) . Le CNEF se réjouissait d'ailleurs de ces décisions devant votre délégation, qui vont permettre aux associations qui participent de l'exercice du culte de demander sereinement des aides pour ce type de travaux. Comme l'indiquait le professeur Bernard Poujade auditionné par votre délégation, « il ne fait aucun doute que le développement durable est une composante indispensable de l'intérêt général 293 ( * ) » .

3. L'évolution libérale de la jurisprudence en matière de subventionnement public de projets non cultuels en lien avec les lieux de culte doit inciter les élus locaux à la prudence

Votre délégation constate l'évolution libérale de la jurisprudence administrative en matière de financement d'équipements et d'activités non cultuels en lien avec les cultes . Le ministère de l'Intérieur relevait à cet égard que « l'interprétation administrative et prétorienne de ce qui, dans un bâtiment cultuel, est strictement réservé à la pratique du culte et à ce qui n'est pas cultuel manifeste un grand libéralisme » de la part des collectivités publiques.

Concernant les principes formulés par le juge administratif , une partie de la doctrine note que « leur application concrète pourrait se révéler peu lisible et difficile à prévoir car chacune des conditions énoncées par la jurisprudence laisse au juge un large pouvoir d'appréciation, propice à des solutions divergentes quant à ce que permet la règle de non-subventionnement 294 ( * ) » . À l'image du professeur Bernard Poujade, auditionné par votre délégation, qui s'interroge en particulier sur le critère de l'intérêt général qui, selon lui, « peut certes être invoqué pour certains projets, mais de là à soutenir que toute opération d'intérêt général justifierait qu'il soit dérogé à la prohibition de la loi de 1905, il y a un pas difficile à franchir » . De plus, les conventions exigées par la jurisprudence pour garantir l'affectation des subventions peuvent parfois paraître « fantaisistes » et le contrôle des financements affectés aux activités culturelles pourrait s'avérer compliqué.

Votre délégation veut donc appeler les élus locaux à être vigilants face aux ambigüités que peuvent susciter les interprétations des juges. Ainsi, lors de son audition par votre délégation, le président de l'Observatoire de la laïcité relevait que les distinctions jurisprudentielles entre le culturel et le cultuel « sont parfois subtiles, voire contestables ». L'Observatoire du patrimoine religieux évoquait également « la part d'hypocrisie qui consiste à faire payer par les collectivités territoriales des services liés aux cultes ». Le Conseil d'État lui-même, dans une décision rendue en 2013, rappelait que « la prohibition des subventions à l'exercice même d' un culte , lequel ne peut être assimilé à une pratique culturelle , poursuit depuis plus d'un siècle le but légitime de garantir, compte tenu de l'histoire des rapports entre les cultes et l'État en France, la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes 295 ( * ) ».

Sur le terrain, les élus locaux sont réticents à l'extension des possibilités de subventionnement public de projets et d'activités liés aux édifices cultuels . Les demandes de financement risqueraient en effet d'affluer auprès des collectivités territoriales dont la situation financière est sous tension, même si la situation n'est pas uniforme dans tous les territoires.

Pour votre délégation, force est de constater qu' une interdiction de principe du subventionnement des cultes, aménagée selon les circonstances , demeure à certains égards plus « confortable » pour les élus locaux.

En définitive, pour aider les élus locaux dans leurs décisions, votre délégation recommande de sécuriser les maires sur ce qui relève du culturel et ce qui relève du cultuel, et que les dépenses afférentes à ces deux catégories soient explicitement définies par un décret en Conseil d'État.

Recommandation n° 6 : Aider et sécuriser les élus locaux en définissant explicitement, par décret en Conseil d'État, les types de dépenses municipales pouvant relever du « culturel » et celles pouvant relever du « cultuel ».

Par ailleurs, votre délégation souhaite relayer une demande des élus locaux en faveur de davantage de transparence dans les financements, par les associations cultuelles, de projets d'édifices religieux. En clair, les maires réclament un meilleur contrôle des flux financiers participant à la construction d'ouvrages cultuels. Sur le terrain, il est souvent très difficile d'identifier précisément l'origine des fonds des porteurs de projets (par exemple : collectes de dons auprès des particuliers, collectes programmées à travers internet et les réseaux sociaux), notamment lorsqu'il s'agit d'espèces. Une meilleure traçabilité de l'origine des fonds au bénéfice des associations cultuelles participerait à l'apaisement dans le déploiement de certains projets.

C'est pourquoi votre délégation suggère un meilleur contrôle et une plus grande transparence en prévoyant la publicité des financements des lieux de culte et le contrôle des fonds collectés par un commissaire aux comptes .

Recommandation n° 7 : En vue de permettre la nécessaire transparence sur le financement des lieux de culte, instaurer une obligation à l'égard des maîtres d'ouvrage, pour chaque projet d'édifice cultuel, de produire un plan de financement avec un contrôle de l'origine des fonds par un commissaire aux comptes.

E. LES ÉDIFICES CULTUELS ET LES ASSOCIATIONS CULTUELLES BÉNÉFICIENT DE DISPOSITIONS JURIDIQUES ET FISCALES FAVORABLES

Le régime des libéralités et la fiscalité applicable aux édifices cultuels sont avantageux et permettent aujourd'hui de favoriser l'entretien du patrimoine cultuel. Ces avantages se traduisent à la fois par des déductions d'impôts et par des exonérations totales de certaines taxes.

1. Les dons et legs au bénéfice des associations ou fondations en charge de l'entretien des édifices cultuels

Par délibération expresse de leurs organes délibérants, les collectivités peuvent accepter les dons et legs pour l'entretien des édifices cultuels 296 ( * ) . Le conseil municipal (L. 2242-1 CGCT), le conseil général (L. 3213-6 CGCT) et, depuis 2009 297 ( * ) , le conseil régional (L. 4221-6 CGCT) statuent sur l'acceptation des dons et legs faits respectivement à la commune, au département et à la région. Le CGCT n'a toutefois pas étendu le dispositif d'acceptation des dons et legs aux EPCI . Ces derniers ne peuvent donc pas, même s'ils ont choisi d'exercer la compétence en matière d'édifices du culte, accepter les dons et legs destinés à l'entretien de ces édifices.

Les associations cultuelles, les fondations, les congrégations, les établissements publics du culte d'Alsace-Moselle, les associations de droit commun d'Alsace-Moselle et certaines associations « loi 1901 » 298 ( * ) acceptent librement les libéralités 299 ( * ) . Depuis 2005, celles-ci n'ont plus à faire l'objet d'une autorisation préalable mais sont simplement déclarées auprès de l'administration, qui peut s'y opposer si elle constate que l'organisme légataire ou donataire ne dispose pas de la capacité juridique nécessaire 300 ( * ) . Les dons manuels ainsi que les dons et legs faits aux associations cultuelles et aux congrégations religieuses sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit 301 ( * ) . La Fédération protestante de France et le Conseil national des évangéliques de France soulignaient toutefois devant votre délégation que les donations et les legs au profit des cultes restent relativement rares .

Les particuliers et les entreprises peuvent déduire de leur imposition une partie des dons et versements effectués au profit d'associations cultuelles, de fondations ou associations reconnues d'utilité publique et d'établissements publics du culte d'Alsace-Moselle 302 ( * ) . Cet avantage s'applique également aux dons et versements faits aux associations de droit local d'Alsace-Moselle dont la mission est reconnue d'utilité publique 303 ( * ) . Pour les particuliers, la réduction de la base imposable de l'impôt sur le revenu atteint 66 % du montant des dons et versements, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Pour les entreprises, la réduction d'impôt atteint 60 % du montant des dons et versements dans la limite de cinq pour mille du chiffre d'affaires.

Les représentants des cultes ont indiqué à votre délégation que la création d'une fondation était un outil particulièrement adapté au financement des lieux de culte . En effet, outre les réductions d'impôts sur le revenu et sur les sociétés, les personnes peuvent déduire de l'impôt de solidarité sur la fortune une somme égale à 75 % du montant du don fait à une fondation, dans la limite de 50 000 euros 304 ( * ) . Par ailleurs, les fondations sont exonérées des impôts sur les revenus du patrimoine 305 ( * ) .

2. Les exonérations d'impôts en vue de l'entretien des édifices du culte

Au-delà de ces réductions d'impôts applicables aux dons faits aux organismes liés aux cultes, diverses exonérations viennent atténuer la charge financière que représente aujourd'hui l'entretien des édifices cultuels.

Sont ainsi exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties les édifices affectés à l'exercice du culte et propriété de l'État, d'un département, d'une commune, d'une association cultuelle ou diocésaine ou d'une association d'Alsace-Moselle ayant pour objet exclusif l'exercice d'un culte non reconnu 306 ( * ) . Les édifices des cultes reconnus d'Alsace-Moselle, où la loi de 1905 ne s'applique pas, sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais sur le fondement de l'article 4 du Code local des impôts directs et taxes assimilées 307 ( * ) .

Votre délégation rappelle l'existence d'un régime dérogatoire en Guyane. Ainsi, les édifices du culte appartenant à la mission catholique de Guyane sont assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le Conseil d'État affirme en effet que « les associations religieuses ne peuvent être exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de leurs édifices affectés à l'exercice du culte que si elles relèvent de la loi du 9 décembre 1905 ; que cette loi n'a jamais été rendue applicable en Guyane 308 ( * ) ».

Les édifices du culte propriété d'une association « loi 1901 » ou d'une association cultuelle sont exonérés de la taxe d'habitation dès lors qu'ils sont ouverts au public et qu'ils ne peuvent pas être regardés comme occupés à titre privatif 309 ( * ) . Le presbytère n'est donc pas concerné par cette exonération 310 ( * ) ni, de manière générale, tout local appartenant à une association cultuelle qui n'est pas affecté à l'exercice du culte et qui, réservé à ses membres, n'est pas accessible au public 311 ( * ) .

Enfin, sont exonérés de la taxe locale d'équipement les édifices construits par les associations cultuelles, par les établissements publics du culte en Alsace-Moselle, ou par d'autres groupements et qui sont destinés à être exclusivement affectés à l'exercice public du culte 312 ( * ) .

L'Observatoire du patrimoine religieux rappelle que « la générosité du public, des grands mécènes comme des petits donateurs 313 ( * ) » ainsi que la pérennité du patrimoine cultuel dépendent en partie du maintien des avantages fiscaux existants. Les représentants des cultes auditionnés estiment, de façon unanime, qu'il serait préférable de les maintenir.

C'est pourquoi votre délégation ne souhaite pas de modification de la législation fiscale qui pénaliserait l'entretien des lieux de culte et découragerait les éventuels donateurs .

CONCLUSION

La France est riche de sa diversité. Culturelle mais aussi religieuse.

De nouvelles religions ont fait leur apparition et s'enracinent dans nos territoires.

Notre responsabilité en tant que législateur est de se demander si le droit est toujours en adéquation avec la réalité vécue par nos concitoyens. En la matière, la conviction de votre rapporteur est sans appel : la loi de séparation des Églises et de l'État qui pose, depuis 1905, les bases de la laïcité dans notre pays, mérite d'être préservée. C'est elle qui assure aujourd'hui le vivre-ensemble dans notre République.

Pour autant, votre rapporteur est conscient de la réalité et a pris la mesure des demandes, légitimes, formulées par les communautés religieuses. C'est ainsi qu'il a souhaité formuler des propositions concrètes, destinées à faciliter les relations entre les pouvoirs publics locaux et les cultes dans notre pays. Son voeu est d'améliorer les dispositifs existants sans toutefois remettre en cause un édifice qu'il juge précieux.

ANNEXE 1 : EXAMEN EN DÉLÉGATION

Réunion de la Délégation aux collectivités territoriales et la décentralisation du mardi 17 mars 2015, sous la présidence de M. Jean-Marie Bockel, président : présentation du rapport d'information de M. Hervé Maurey « Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte ».

M. Jean-Marie Bockel, Président. - Mes chers collègues, je vous remercie d'être venus si nombreux, d'autant que certains d'entre vous sont actuellement très pris par la campagne dans vos départements respectifs.

Le rapport que notre collègue Hervé Maurey va nous présenter dans quelques instants est très attendu. En effet, beaucoup d'entre nous sont confrontés de longue date à cette problématique. Je remarque à ce sujet que les spécificités qui peuvent exister en Alsace-Moselle du fait du droit local ne changent rien à la dimension sociétale du sujet.

Dans le cadre de ce rapport, la délégation a fait réaliser un sondage quantitatif et qualitatif auprès des maires, il montre les nombreuses attentes sur ce sujet touchant au principe de laïcité. Sans plus tarder, je cède la parole à Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis très heureux de vous présenter ce travail, qui a commencé il y a dix-huit mois, sous la présidence de notre collègue Jacqueline Gourault, dont je salue la présence parmi nous aujourd'hui. Les périodes électorales successives que nous avons connu - les municipales, puis les sénatoriales où j'étais moi-même renouvelable - ainsi que le temps de remise en route de la délégation après le renouvellement du Sénat expliquent le délai de remise du rapport. Mais cela nous a aussi permis de prendre le temps d'auditionner toutes les personnes concernées par ce sujet : les représentants des divers cultes, les associations d'élus, le Conseil d'État, l'Observatoire de la laïcité et celui du patrimoine religieux, le ministère de l'Intérieur. En outre, nos travaux ont pu s'appuyer sur un sondage réalisé auprès de 10 000 maires, avec 3 000 réponses effectives. Cette approche quantitative a été accompagnée d'un travail d'entretiens directs avec des maires volontaires. Les résultats de ce sondage ont déjà été présentés à la délégation en janvier dernier, je n'y reviendrai donc pas.

Pourquoi la délégation, à l'époque, avait-elle décidé de travailler sur ce sujet ? La loi qui régit les relations entre les collectivités territoriales et les cultes va fêter ses 110 ans d'existence, et l'on pouvait s'interroger sur son adaptation aux évolutions de la société. En effet, la religion dominante de l'époque a connu une baisse de sa pratique tandis que d'autres religions sont apparues. Je ne pense pas seulement à l'islam, mais aussi au mouvement évangélique. Ces religions sont dans l'attente de nouveaux lieux de culte. Avant de présenter plus en détail le résultat des travaux menés et les préconisations formulées dans le rapport, je vous propose de visionner une vidéo retraçant nos auditions.

Une vidéo est projetée.

M. Hervé Maurey, rapporteur . - Mon rapport propose tout d'abord un état des lieux en France sur le nombre de lieux de culte, religion par religion. Ainsi, nous comptons 45 000 églises catholiques, 4 000 lieux de culte protestants, 420 synagogues, 150 églises orthodoxes, 2 450 mosquées et environ 380 lieux de culte bouddhistes. La problématique est, pour les lieux de culte catholiques, très différente de celle qui se pose pour les autres lieux de culte, puisqu'il s'agit essentiellement d'une problématique d'entretien. Comme nous l'avons vu lorsque nous avons présenté les résultats du sondage, l'entretien des églises pèse lourd dans le budget des communes, d'autant que les dotations des collectivités territoriales ne seront pas amenées à augmenter dans le contexte financier que vous connaissez. Par ailleurs, ces dépenses, dans la plupart des cas, font l'objet d'un certain consensus. Quelle que soit l'appartenance politique du conseil municipal, l'église est, avant tout, envisagée comme un élément patrimonial de la commune ou du village. C'est d'ailleurs dans les petites communes que les églises sont le mieux entretenues parce qu'il s'agit souvent de l'unique élément patrimonial, par opposition aux grandes villes. Le consensus est donc assez large.

S'agissant des autres lieux de culte, la question qui se pose est plutôt celle de la construction de nouveaux édifices. Le texte régissant les relations entre les collectivités territoriales et les cultes est la loi de 1905, qui pose le principe d'une interdiction pour les collectivités publiques de construire ou d'acquérir tout lieu de culte. Il existe néanmoins un certain nombre d'exceptions, sur lesquelles je reviendrai. En outre, cette loi a considérablement évolué, notamment du fait de la jurisprudence, dans un sens favorable au financement des lieux de culte par les collectivités territoriales. La législation prévoit également plusieurs exceptions, notamment s'agissant des églises catholiques, qui sont intégrées au patrimoine communal. Dès lors que des lieux de culte appartiennent aux communes - c'est le cas de la majorité des églises catholiques - il en découle une compétence communale pour entretenir et réparer ces bâtiments. Je rappelle que l'Église catholique n'ayant pas souhaité se constituer en associations cultuelles en 1905, la loi de 1907 a transféré la propriété des églises aux communes.

Par ailleurs, un régime dérogatoire est en vigueur en Alsace et dans la Moselle, ces territoires n'étant pas français en 1905, ils sont aujourd'hui encore régis par le régime du Concordat. Sur ces territoires, les lieux de culte peuvent donc être financés par les collectivités territoriales et les ministres du culte par l'État. Certaines exceptions sont également prévues dans les territoires d'outre-mer, conformément aux textes particuliers en vigueur dans ces territoires.

Pour être tout à fait complet, j'ajouterai que certaines dérogations ont été prévues par la législation plus récente et qu'une souplesse a été introduite par la jurisprudence. Tout d'abord, une commune peut garantir les emprunts souscrits par un groupe religieux pour l'édification d'un lieu de culte, mais uniquement dans les agglomérations en développement. Par ailleurs, le recours à un bail emphytéotique, qui est une facilité de droit commun pour la construction de nombreux bâtiments, s'applique également aux lieux de culte. Il est en outre possible de mettre à disposition des groupes religieux des locaux communaux pour toutes activités cultuelles, de manière provisoire et non exclusive. La jurisprudence a également introduit une distinction entre le cultuel et le culturel. C'est sur ce fondement que les juges ont autorisé l'achat ou la réparation d'un orgue dans une église. S'agissant de projets importants, comme la construction de mosquées ou de synagogues, la jurisprudence considère qu'au sein de ces bâtiments, une bibliothèque ou une salle d'exposition relèvent du culturel et peuvent ainsi être financés, contrairement aux éléments relevant du cultuel. Évidemment, cette différenciation peut être complexe à cerner pour les élus locaux.

Au regard de cet état du droit, nous sommes parvenus à la conclusion que nous ne pouvions pas modifier la loi de 1905 sans toucher à des équilibre précieux ; cela reviendrait à mettre en cause un texte qui a fait ses preuves et qui concourt à notre vivre ensemble. En revanche, nous pouvons, dans une approche sénatoriale, proposer des améliorations pour faciliter la vie des élus locaux. Nous avons donc formulé un certain nombre de recommandations, qui s'articulent autour de trois axes : améliorer l'information des élus, faciliter le dialogue entre les religions et les collectivités territoriales, renforcer le contrôle.

L'amélioration de l'information des élus est nécessaire, en particulier lorsqu'une règle est en partie le fruit de la jurisprudence administrative. Je me suis même interrogé sur la nécessité de codifier cette jurisprudence. Ce n'est pas ce que je vous propose ici. En effet, le caractère jurisprudentiel de ce droit permet des évolutions constantes et une certaine souplesse. Je vous propose toutefois de favoriser l'information des élus sur le droit positif grâce à des circulaires du ministère de l'Intérieur et des Cultes.

La deuxième proposition visant à faciliter les rapports entre les communautés religieuses et les pouvoirs publics est l'extension de l'octroi de garanties d'emprunt à l'ensemble des communes. En effet, la distinction actuelle entre les communes en voie de développement et les autres communes ne se justifie plus aujourd'hui et apparait dépassée. S'agissant des baux emphytéotiques, je propose aussi de prévoir la possibilité d'achat, au terme du bail, de l'édifice construit. Ces baux sont aujourd'hui une « bombe à retardement ». La ville de Paris, d'ici les années 2020-2030, récupèrera une trentaine d'églises qui représentent des travaux pour un coût de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros. Cette situation pourra, à l'avenir, concerner des villes telles que Marseille ou Montreuil, qui ont signé des baux emphytéotiques pour la construction de mosquées. Il faut donc donner aux élus la possibilité de se prémunir contre l'incorporation dans le patrimoine de la commune de nombreux lieux de culte. Une autre recommandation prévoit la possibilité pour les maires de déterminer dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) les secteurs sur lesquels peuvent ou non être construits des lieux de culte. En effet, les maires n'ont aujourd'hui aucun moyen juridique de faire en sorte qu'un lieu de culte ne soit pas installé dans un secteur qu'ils jugeraient peu approprié.

S'agissant de la nécessité de renforcer la transparence, un décret devrait préciser ce qui relève du cultuel et du culturel. Par ailleurs, il est important d'assurer une transparence sur le financement des lieux de culte. Certains États, comme l'Autriche, ont décidé d'interdire le financement étranger des lieux de culte. Je n'irai pas jusque-là. Nous devons d'abord connaître l'ampleur du phénomène, afin de savoir s'il existe une raison de le réglementer. Je recommande donc que, dans le cadre de la construction d'un édifice cultuel, les maîtres d'ouvrage présentent un plan de financement certifié par un commissaire aux comptes.

M. Jean-Marie Bockel, Président . - Merci, cher collègue. Il s'agit d'un travail remarquable, et vos recommandations sont adaptées à un monde qui a, sur ces questions, rapidement évolué. Nous devons prendre le recul nécessaire et votre rapport nous y invite.

M. François Grosdidier. - Je voudrais saluer la qualité du travail effectué par notre collègue, sur un sujet très délicat. J'adhère à la totalité des propositions, en regrettant que nous n'ayons pas l'audace d'aller jusqu'à briser le tabou des modalités d'application de la loi de 1905. Dans ses principes, cette loi est plus actuelle que jamais. Cependant, le législateur n'a pas pu envisager l'émergence de mouvements évangélistes et, par l'immigration massive, de l'islam, qui est aujourd'hui la deuxième religion de France. Dès 1922, la loi a permis l'édification de la Grande Mosquée de Paris. Je crains que les propositions n'aillent pas assez loin pour régler le dilemme qui se pose aux maires, contraints soit de fermer les yeux sur des conditions d'exercice du culte en violation de la réglementation sur les établissements recevant du public (ERP), soit de violer la loi de 1905 en mettant des lieux communaux à disposition des cultes. Le financement par l'étranger ne paraît pas souhaitable lorsque nous évoquons l'édification d'un islam « de France », et non pas « en France ». Or nous ne pouvons pas à la fois interdire le financement public et limiter le financement étranger, ce qui aboutirait à l'interdiction de la pratique du culte.

Paradoxalement, les communes peuvent ouvrir ou entretenir un café en cas de carence de l'offre privée mais ne peuvent, légalement, financer un lieu de culte même en cas de carence. Les principes de la loi de 1905 sont la laïcité, donc l'égalité de traitement entre toutes les religions, et la neutralité de l'Etat à l'égard des religions. Cette égalité se trouve, de fait, violée. Je ne suis pas certain que nous puissions régler ce problème sans toucher aux modalités de la loi de 1905 pour les remettre en conformité avec ces principes. Sinon, nous serons toujours contraints de trouver des solutions alternatives, comme nous le faisons en présentant comme culturel ce qui relève en réalité du cultuel, à l'image de l'Etat avec la Cathédrale d'Evry. Pour conclure, la République aurait intérêt à assurer une égalité de traitement des musulmans avec les autres religions en termes de conditions matérielles, en particulier quand elle les rappelle à l'ordre sur le respect d'un certain nombre de pratiques.

M. Charles Guené. - Je salue également la qualité de ce rapport. À l'heure actuelle, dans mon département, la Haute-Marne, Monseigneur l'Evêque a envoyé une « circulaire » à l'ensemble des maires pour expliquer le fonctionnement, avec mon aval en tant que président de l'association des maires du département. Il est donc intéressant, au niveau national, de se saisir du sujet.

S'agissant de la recommandation 4, consistant à permettre une option d'achat pour les associations cultuelles, bien qu'elle me semble intéressante, les églises catholiques et les temples protestants sont propriété de la République. Il existe dès lors un facteur d'inégalité dans cette recommandation, vis-à-vis de l'islam par exemple. En ce qui concerne la recommandation 7, je pense également que nous pouvons demander des comptes sur le financement. Je ne comprends toutefois pas pourquoi des contrôles fiscaux ne sont pas réalisés automatiquement.

Mme Nelly Tocqueville. - Ce travail est effectivement très intéressant.

La présentation pose d'autres questions concernant l'entretien du patrimoine et des églises en particulier, dans de petites et moyennes communes. Ce patrimoine architectural est souvent de très grande qualité. Il est le témoin d'une histoire, et nous n'avons plus les moyens de l'entretenir. La proposition d'une structure interministérielle dressant un diagnostic de l'existant permettrait d'envisager des solutions pour aider des collectivités à résoudre le problème de l'entretien des édifices. Sur le terrain, nous sommes parfois contraints de fermer ces églises pour des raisons de sécurité. Il nous faut mener une réflexion sur cette question, et une structure interministérielle pourrait être intéressante dans ce cadre.

M. Luc Carvounas. - Merci pour cette première pierre à l'édifice de notre réflexion politique.

Nous avons répété que nous ne pouvions altérer la loi de 1905. J'entends également le Président, qui reconnaît que cette loi a largement évolué. Une notice faisant le point sur ces évolutions depuis 110 ans nous serait utile.

Par ailleurs, la communauté musulmane de France ainsi que la communauté juive sont dans notre pays les deux plus importantes communautés d'Europe. Or la loi de 1905 est en décalage avec les demandes de ces deux religions dans nos territoires. Ma commune compte, sur 365 hectares, 12 000 habitants au kilomètre carré. Nous avons, il y a quelques années, apporté une réponse à cette densité de population en reconstruisant une nouvelle église, dans le sud de la ville. À cette fin, nous avons acheté au diocèse un pavillon de son patrimoine, ce qui équivalait à lui accorder une subvention indirecte.

Les collectivités territoriales doivent être placées au coeur de nos réflexions. Dans le cadre de l'association des maires de France, un maire sur trois se dit prêt à réformer la loi de 1905. En tout état de cause, j'estime que la recommandation 1 est une priorité.

Par ailleurs, quel outil légal et juridique et quel cadre de financement donnons-nous réellement au maire pour répondre à une demande ? Le président de l'AMF évoque une caisse indépendante. Nous ne pouvons plus nous permettre d'affirmer que la loi de 1905 est équilibrée sans regarder la réalité des territoires. Nous laissons aujourd'hui les maires seuls face à nos concitoyens français, qui demandent à pouvoir pratiquer leur religion dans les meilleures conditions.

M. François Calvet. - Je tiens à souligner la qualité de ce travail, et je souhaite poser une question. Dans nos montagnes pyrénéennes, nous avons beaucoup de chapelles, que je me suis évertué à aider à travers la réserve parlementaire, les associations, les fondations, etc., pour faire en sorte que ce patrimoine ne disparaisse pas.

À l'époque de la loi de 1905, l'intercommunalité n'existait pas. Dans les communes et vallées pyrénéennes, ne pourrions-nous pas transférer la compétence aux intercommunalités ? Certaines communes disposent d'un faible budget, que la baisse des dotations finira par faire disparaître. Nous n'avons pas évoqué ce problème.

M. Michel Le Scouarnec. - J'ai été confronté, il y a plus de dix ans, à une demande de mise à disposition de locaux. Je ne savais pas si un local communal pouvait être mis à disposition des cultes, et mes collègues m'assuraient le contraire, du fait de la loi de 1905. Nous avons donc cherché une réponse intercommunale, que nous n'avons pas trouvée, au motif que la construction d'un bâtiment, qui n'était pas une mosquée mais un lieu de rassemblement, de culte et de commerce, serait mal perçue par la population. J'ai alors aidé les demandeurs à trouver un propriétaire qui accepte de vendre un terrain. Nous n'avons, en revanche, pas reçu de demande de financement.

M. René Vandierendonck. - J'approuve la méthode de notre collègue. J'ai été maire de Roubaix, et j'ai très vite été confronté à ces demandes. Avec l'ensemble des formations politiques et la participation du ministère de l'Intérieur, nous avions recensé les éléments législatifs permettant ou non le financement. Ceux-ci doivent être portés à la connaissance des élus.

Je vous invite également à étudier la question des sépultures ; aujourd'hui ce problème n'est régi que par circulaire.

Enfin, le problème de l'abattage rituel et de son organisation en conformité avec les règles sanitaires, dans des conditions économiquement crédibles, se pose encore résiduellement. L'expérience montre que le quotidien de beaucoup d'élus tourne autour de ces questions.

Mme Caroline Cayeux. - Ce travail remarquable m'a ouvert les yeux sur la distinction entre les dépenses culturelles et cultuelles.

Dans notre commune, des musulmans sont en train d'édifier une mosquée. Je m'intéresse en particulier à vos recommandations sur la nécessité de renforcer le contrôle et la transparence. En effet, je ne reçois une information qu'à l'occasion de la signature du permis de construire, et je n'ai pas idée des sources de financement de cette mosquée. Je me suis vue adresser une demande de soutien, justifiée par la présence, dans cet édifice, d'une salle culturelle. Pour l'heure, ma réponse est négative. Je ne sais pas s'il s'agit aujourd'hui de la bonne solution, même si la loi la permet. Dans l'époque troublée que nous vivons sur le plan politique, ceci contribuerait à l'émergence d'un certain nombre de positions, que vous imaginez. Le travail des différentes communautés est une solution de dialogue importante pour avancer. Nous avons un dialogue cultuel annuel avec l'évêque, le représentant du culte juif et le représentant du culte protestant, ce qui nous permet de faire le point.

Merci pour ce travail, qui est tout à fait intéressant.

Mme Jacqueline Gourault. - Comme vient de le dire René Vandierendonck, nous savons que la tension actuelle tourne autour d'une religion. Dans cette période identitaire, les problématiques sont complexes. Pourtant, nous savons que la transparence et la fin de la stigmatisation de cette religion sont une solution vers une plus grande pacification. Il s'agit là effectivement d'un sujet très important.

M. Hervé Maurey , rapporteur. - Je voudrais apporter quelques réponses aux points qui ont été soulevés.

Notre collègue, François Grosdidier, a exprimé le souhait que nous allions plus loin. Nous pouvons toujours aller plus loin, mais ce sujet est sensible. Selon moi, nous ne devons pas nous déchirer, mais être pragmatiques et consensuels. Il existe des outils ; une commune peut aujourd'hui mettre à disposition d'une religion ou d'un culte, dans certaines conditions, des salles municipales. Nous avons tous souligné un certain nombre de possibilités issues en grande partie de la jurisprudence, qui font de cette loi un texte en mouvement permanent.

Concernant les réserves émises par Charles Guené quant à la création d'une option d'achat, dans mon esprit, il ne s'agirait pas d'une disposition obligatoire mais d'une possibilité à examiner lors de l'élaboration du bail emphytéotique.

Nelly Tocqueville a par ailleurs soulevé les problèmes de financement. Nous en sommes tous conscients. La baisse des dotations rendra la situation encore plus complexe. Les communes ne sont toutefois pas les seules à financer. Dans la plupart des cas, les départements aident également beaucoup. Ils subiront, eux aussi, la réduction drastique des dotations. Le poids du financement par les communes est donc une réalité, qu'il faut néanmoins tempérer. Cette année, 3,3 millions d'euros de réserve parlementaire émanant du Sénat ont été consacrés à des lieux de culte. Il s'agit donc d'une source de financement non négligeable, qui peut avoir une certaine pertinence.

J'ai hésité à proposer l'idée d'une structure interministérielle, avant d'estimer finalement qu'elle ne changerait rien aux problèmes de financement.

Nous vivons dans un pays où les reconversions d'églises sont peu nombreuses. Dans certains pays, il est fréquent au contraire de reconvertir des lieux de culte. J'ai été très surpris de voir, au Québec, des églises reconverties en immeubles d'habitation. Cette question se posera davantage dans les années à venir. Si le régime des communes nouvelles venait à se développer, peut-être certaines d'entre elles s'interrogeront-elles sur l'utilisation de certaines de leurs églises susceptibles d'apparaître en surnombre ? Le problème est particulièrement important dans les communes où un maire n'a pas agi pendant plusieurs générations, amenant parfois à interdire l'accès non pas à l'église, mais au cimetière.

Luc Carvounas expliquait que les maires étaient plutôt favorables à une réforme de la loi de 1905. Le sondage que nous avons réalisé ne donne pas les mêmes indications, puisqu'il conclut que 84 % des maires sont satisfaits de cette loi. Dans 92 % des cas, il est vrai, il s'agit de maires de petites communes devant gérer l'entretien de leurs bâtiments. Quantitativement, peu de communes sont donc dans la situation qui est la vôtre.

Je n'ai pas pu auditionner l'AMF qui, à l'époque, n'avait pas de position sur le sujet. Si le Président de la délégation en est d'accord, je souhaiterais que nous puissions avoir un débat en séance, durant duquel le Gouvernement pourrait se positionner, et à l'issue duquel nous pourrions porter une proposition de loi actant les recommandations du rapport et, pourquoi pas, d'autres propositions, sur la base de celles formulées par les orateurs des différents groupes politiques.

Enfin, sur la question de l'intercommunalité évoquée par François Calvet, il me semble que rien n'interdit le transfert d'une église à une intercommunalité. Nous nous sommes d'ailleurs vus signaler des cas assez rares d'églises gérées au niveau de l'intercommunalité.

M. Jean-Marie Bockel, Président. - J'ai observé qu'à l'époque de la montée en puissance des intercommunalités, les évêchés et paroisses ont souvent créé leurs communautés de paroisse en tenant compte de territoires intercommunaux.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - La question des carrés musulmans est importante, même si elle est extérieure au périmètre de notre rapport. Nous pourrions élargir le débat à ce thème.

Enfin, la distinction du cultuel et du culturel est le fruit de la jurisprudence, et a parfois permis des financements nécessaires, comme la restauration d'un orgue par exemple. En ce moment même, à Paris, le Centre européen du Judaïsme et l'Institut des Cultures de l'Islam sont en cours de construction. Ils ont bénéficié de cette possibilité de subvention des activités culturelles. Il ne s'agit toutefois que d'une possibilité et non d'une obligation.

M. Jean-Marie Bockel, Président. - Cette possibilité existe aussi en province. La cathédrale de Mulhouse, qui est le bâtiment cultuel principal, est à 90 % un lieu culturel véritable et, de manière résiduelle, un lieu cultuel. Cette distinction permet effectivement des subventions.

Le rapport et ses recommandations sont adoptés à l'unanimité.

M. Jean-Marie Bockel, Président. - Que pensez-vous de la proposition de notre collègue d'Hervé Maurey consistant à inscrire ce sujet dans un débat en séance publique et, pourquoi pas, à élaborer une proposition de loi ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Une proposition de loi pourrait reprendre un certain nombre des dispositions comprises dans ces recommandations, comme l'identification dans les PLU de zones pouvant accueillir des lieux de culte ou celles relatives à la transparence.

M. Charles Guené. - Je suis tout à fait favorable au principe de ce débat en séance publique. Je suis en revanche plus sceptique sur l'élaboration d'une proposition de loi. Dans le cadre d'un PLU, je ne suis pas certain que nous ne puissions prendre de dispositions permettant de réserver un terrain.

M. Jean-Marie Bockel, Président. - Le débat doit éclairer la nécessité et le périmètre des éléments devant relever de la loi, de règlements ou de bonnes pratiques.

M. Luc Carvounas. - Serait-il possible de disposer d'une note exhaustive sur les jurisprudences ayant fait évoluer la loi ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Ces informations figurent dans le rapport, qui sera mis en ligne dès son approbation.

ANNEXE 2 : NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE

Octobre 2014

NOTE

sur

Les collectivités territoriales
et le financement des lieux de culte

_____

Allemagne - Espagne - Italie - Royaume-Uni - Turquie

_____

Cette note a été réalisée à la demande de

M. Hervé MAUREY,
Sénateur de l'Eure

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note est consacrée au régime du financement des lieux de culte par les collectivités territoriales dans cinq pays : l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Turquie (en ce qui concerne ce pays, une notice a été réalisée pour le Sénat).

Elle examine, pour chacun de ces Etats :

- les fondements constitutionnels du droit des cultes ;

- et le régime du financement par les collectivités territoriales, tant en ce qui concerne la construction des lieux de culte que leur rénovation.

Elle n'évoque pas :

- le régime général du financement des cultes lui-même ;

- le régime général applicable aux lieux de culte ayant le caractère de monument historique qui peuvent bénéficier d'aides publiques à ce titre ;

- les régimes particuliers applicables à certains types de lieux de culte tels les oratoires (oratori) en Italie non plus que certaines modalités d'organisation de l'administration des lieux de culte (par exemple, les fabriques [ fabbricerie ] en Italie.)

1. Le régime applicable en France

a) Généralités et fondements constitutionnels

1) Principes constitutionnel et législatif

L'article 1 er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État garantit le libre exercice des cultes (article 1) tout en posant le principe selon lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, (...) seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes » (article 2).

Il n'est pas possible aux collectivités territoriales, sauf exception, de :

- financer, y compris indirectement, la construction ou l'acquisition de lieux de culte ;

- financer les dépenses de fonctionnement des édifices cultuels ;

- favoriser un culte par la mise à disposition de locaux ;

- ou financer des activités ou des manifestations ayant le caractère de célébration religieuse.

2) Régime de la reconnaissance des cultes

La loi du 9 décembre 1905 précitée institue le statut d'association cultuelle.

Aux termes de son article 19, « Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte (...). Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. ».

Une association cultuelle :

- a exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ;

- ne peut pas recevoir de subventions publiques autres que celles prévues au titre des réparations, mais peut être destinataire de dons et legs ;

- est enfin soumise à un contrôle financier des autorités publiques.

Une association à objet cultuel peut être régie par les dispositions de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association et non par celles de la loi de 1905 précitée si son objet est plus large que l'exercice d'un culte. Dans un tel cas, elle n'est alors pas habilitée à recevoir des dons et legs.

b) Les conditions de l'intervention financière

Au principe de non-subventionnement issu des dispositions de la loi de 1905 précitée existent quelques exceptions limitativement encadrées.

1) Les exceptions régionales

Deux ensembles territoriaux n'entrent pas dans le champ d'application de la loi de 1905 : l'Alsace-Moselle et certaines collectivités d'outre-mer.

Dans le premier ensemble, le régime concordataire reconnaît quatre cultes (catholique, luthérien, réformé et israélite), dotés d'établissements publics du culte. Le droit local des cultes comporte des dispositions relatives aux agents, à l'entretien des édifices, à l'organisation et au fonctionnement des cultes, et prévoit également l'intervention obligatoire des communes en cas d'insuffisance de ressources des établissements publics des cultes.

Dans le second ensemble, les dispositions de la loi de 1905 précitée s'appliquent en Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy mais ne s'appliquent ni en Guyane ni dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution (Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon), ni en Nouvelle Calédonie, ni à Mayotte. Le droit des cultes dans ces collectivités est régi par les décrets-lois du 16 janvier 1939 et du 6 décembre 1939, dits décrets Mandel.

2) Les précisions apportées à l'interdiction de non-subventionnement

Plusieurs décisions du Conseil d'État du 19 juillet 2011 ont précisé l'interprétation de la loi du 9 décembre 1905 et rappelé que les collectivités publiques peuvent uniquement :

- « financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Églises et de l'État ;

- ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels.

Il leur est en revanche interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte. » .

Aux termes des décisions rendues par le Conseil d'État :

- « d'une part, si la loi de 1905 interdit en principe toute aide à l'exercice d'un culte, elle prévoit elle-même expressément des dérogations ou doit être articulée avec d'autres législations qui y dérogent ou y apportent des tempéraments ;

- d'autre part, si les collectivités territoriales peuvent prendre des décisions ou financer des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels, elles ne peuvent le faire qu'à la condition que ces décisions répondent à un intérêt public local, qu'elles respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qu'elles excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. ».

3) Financement direct et indirect

Des aménagements permettent aux collectivités territoriales de financer directement et indirectement des lieux de culte.

Au titre du financement direct, les collectivités territoriales peuvent intervenir pour les besoins de :

- conservation et entretien des édifices dont elles sont propriétaires ;

- sécurité et accessibilité des édifices leur appartenant ;

- réparation des édifices qui sont la propriété des associations cultuelles ;

- vente ou destruction du lieu de culte.

Le financement indirect, quant à lui, peut prendre la forme de :

- garanties d'emprunts « dans les agglomérations en voie de développement, [pour] la construction, par des groupements locaux ou par des associations cultuelles, d'édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux » (art. L. 2252-4 et L. 3231-5 du Code général des collectivités territoriales) ;

- baux emphytéotiques (art. L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales) ;

- mises à disposition de locaux (art. L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales) ;

- dispositions en matière de droit de l'urbanisme permettant aux communes de favoriser l'implantation de lieux de culte ;

- et subventions au titre de la protection des monuments historiques lorsque les édifices sont classés.

Enfin, les collectivités territoriales peuvent subventionner, lorsqu'un intérêt public local existe, des projets, activités, équipements, organismes... ayant un lien avec un culte mais ne servant pas à l'exercice de celui-ci.

2. Observations sur les législations étudiées

Le régime applicable aux interventions des collectivités territoriales, en général, et au financement des lieux de culte auquel elles peuvent contribuer, en particulier, s'inscrit dans un dispositif plus vaste qui régit les relations des pouvoirs publics et des cultes. Dans les cinq pays étudiés, on observe, à ce titre, à côté de l'affirmation du principe général de liberté religieuse, une modulation des types d'intervention publique dans les questions relatives aux lieux de culte, que l'on rappellera avant d'en venir aux règles spécifiquement applicables aux collectivités territoriales.

a) La combinaison de la liberté religieuse et de la coopération des pouvoirs publics avec les cultes

Le régime applicable au financement des lieux de culte par les collectivités locales s'inscrit dans un cadre normatif dont les traits ont une incidence déterminante sur la possibilité, pour les personnes publiques, de financer les lieux de culte. Ce régime combine, selon des modalités diverses, l'affirmation de la liberté religieuse et la pratique « à géométrie variable » d'une coopération des pouvoirs publics et des cultes.

• Liberté religieuse

Les cinq législations étudiées reposent sur le principe de liberté religieuse affirmé dans des textes fondamentaux, qu'il s'agisse d'une référence explicite à la « laïcité » (Turquie) ou de l'affirmation de la liberté de conscience et de l'absence de religion d'État (Allemagne, Espagne, Italie). Si le Royaume-Uni ne connaît, quant à lui, pas de séparation explicite, la Reine étant le gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre, la liberté religieuse y est reconnue par la loi.

• Coopération des pouvoirs publics et des cultes

Explicitement mentionnée dans trois cas sur les cinq étudiés, la coopération des pouvoirs publics avec les cultes procède de mécanismes généraux telle que l'existence de concordats (Allemagne, Espagne, Italie), combinée à :

- la possibilité de conférer le statut de corporation de droit public aux cultes (Allemagne) ;

- l'affirmation d'une « laïcité positive qui interdit tout type de confusion entre les fins religieuses et celles de l'Etat » en Espagne par le Tribunal constitutionnel interprétant les dispositions de la Constitution de 1978, à côté de la conclusion d'un concordat avec l'Eglise catholique ;

- et la reconnaissance « non pas d'une indifférence de l'Etat » mais de la garantie qu'il apporte « pour la sauvegarde de la liberté de religion » selon la Cour constitutionnelle italienne statuant sur la Constitution de 1948.

En vertu du régime existant au Royaume-Uni, le Souverain reste à la tête de l'Eglise d'Angleterre, tandis que les autorités turques sont responsables du financement des mosquées du pays, par l'intermédiaire de la Présidence des Affaires religieuses, entité étatique rattachée au Premier ministre.

b) Les compétences des collectivités locales en matière de lieux de culte

Trois des cinq exemples étudiés se caractérisent par la possibilité ouverte à tout ou partie des collectivités territoriales de conclure des accords avec les cultes, d'une part, et par l'obligation qui leur est faite de prévoir, dans leurs documents d'urbanisme, des espaces pour la construction des lieux de culte.

• Conclusion d'accords

Le champ de compétence des collectivités territoriales est délimité par :

- des contrats conclus entre les Länder et les différents cultes, qu'il s'agisse de concordats avec le Saint-Siège ou d'accords avec les autres religions, aussi bien au titre de l'entretien d'édifices cultuels entrés dans le patrimoine public au début du XIX e siècle, après la sécularisation, que pour les édifices construits ultérieurement ;

- en Espagne, où les communautés autonomes ont conclu des accords avec certains cultes, en particulier l'Eglise catholique ;

- et en Italie, où, à côté des accords conclus entre les cultes et l'Etat, existent des lois régionales comprenant des dispositions relatives au financement des édifices cultuels.

• Affectation d'espaces aux lieux de culte dans les documents d'urbanisme

Dans quatre pays étudiés, les collectivités territoriales doivent, lors de l'établissement des documents d'urbanisme, prendre en considération les besoins en matière de construction d'édifices cultuels.

Le code fédéral de la construction allemand prévoit que les besoins des Églises et sociétés religieuses sont pris en compte pour l'établissement de l'équivalent des plans locaux d'urbanisme. En Espagne, les communes peuvent dédier des zones aux lieux de culte dans leurs documents de planification urbaine, 8 autonomies ayant également prévu que des réserves foncières publiques peuvent être affectées à une telle utilisation.

Les communes italiennes, quant à elles, doivent destiner des espaces à la construction d'édifices cultuels. Les équivalents des plans locaux d'urbanisme précisent les zones susceptibles de recevoir des équipements religieux compte tenu des besoins de la population exprimés par les cultes qui en formulent la demande.

Enfin, au Royaume-Uni, le document-cadre sur la politique nationale de planification précise que les politiques d'urbanisme doivent prévoir la fourniture et l'utilisation d'installations communautaires telles que les lieux de culte.

c) L'aide à la construction des édifices des cultes

Au moins quatre des cinq législations étudiées permettent le financement de la construction des lieux de culte, de façon directe et de façon indirecte.

• Les aides directes par l'octroi de subventions

Une collectivité territoriale peut subventionner directement la construction d'un édifice cultuel en Allemagne, en Italie et en Turquie.

En Italie, la loi nationale et plusieurs lois régionales dont celle de Lombardie prévoient le versement, par les communes, d'une fraction du produit des taxes sur les autorisations de construire et des amendes sur les constructions illicite pour le financement des édifices religieux entendus au sens large (édifices cultuels, habitation des ministres du culte et du personnel, « édifices destinés aux activités éducatives, culturelles sociales et récréatives », notamment). Les édifices construits par ce moyen ne peuvent changer de destination avant un délai de 20 ans, faute de quoi on procède au remboursement de ces subventions.

• Les aides indirectes

Parmi les modes indirects de financement repérés des lieux de culte, on note :

- la vente de terrains à titre préférentiel ;

- la mise à disposition de terrains ;

- la garantie d'emprunt ;

- et enfin l'échange.

Vente de terrains

En Espagne, la loi prévoit expressément que la cession à titre gratuit d'un terrain est possible au profit d'entités exerçant une activité au bénéfice des habitants du territoire municipal, et, par conséquent, des cultes.

Au Royaume-Uni, les communautés religieuses peuvent, au même titre que les organismes de bienfaisance, bénéficier d'une disposition leur permettant de racheter aux communes, de façon prioritaire, des biens dont elles ont l'usage.

Mise à disposition de terrains

La mise à disposition de terrains est possible en Allemagne et en Espagne (par le biais d'une concession pour les biens appartenant au domaine public ou d'une location pour les biens appartenant au domaine privé des collectivités territoriales espagnoles), ainsi qu'au Royaume-Uni et en Turquie.

Garanties d'emprunts

La législation italienne permet aux communes de contracter des emprunts auprès de l'équivalent de la Caisse des Dépôts et consignations pour le financement d'ouvrages d'intérêt public, dont les églises et autres édifices destinés au service religieux.

Echanges

La législation espagnole permet de réaliser des échanges de biens afin d'installer des édifices cultuels, sous des conditions strictes, tenant notamment au respect du principe d'égalité et de la nécessité de recourir à cette formule à défaut d'autres procédures.

d) L'aide à la rénovation des édifices des cultes

Outre les aides consenties par l'Etat au titre de l'entretien de l'équivalent des monuments historiques, la rénovation des lieux de culte peut également être financée par les collectivités territoriales dans chacune des législations étudiées.

En Allemagne, la rénovation des édifices sécularisés au XIX e siècle revêt du reste le caractère de dépense obligatoire pour les collectivités publiques, qui peuvent toutefois les renégocier avec les cultes concernés.

Les modalités de gestion de cette aide sont caractérisées par une forme de concertation dans trois cas :

- en Allemagne, où certaines lois adoptées par les Länder l'ont prévue avec les cultes au sujet de la conservation des monuments historiques ;

- en Espagne, où l'Etat et les collectivités autonomes ont signé des accords avec l'Eglise catholique afin de déterminer la nature des travaux et la répartition des financements pour la protection et la conservation du patrimoine doté de caractéristiques cultuelles, étant observé que certaines collectivités contribuent de surcroît au financement d'édifices dépourvus du caractère de monument historique ;

- et en Italie, où le versement d'une aide communale est précédé de l'examen des demandes formulées par les différents cultes en matière de restauration (loi de Lombardie).

MONOGRAPHIES PAR PAYS

ALLEMAGNE

Outre la législation applicable dans les Länder de Thuringe et de Bade-Wurtemberg, on présentera dans cette note quelques exemples issus d'autres Länder.

1. Généralités et fondements constitutionnels

• Les principes

a) Fondements constitutionnels

L'article 140 de la Loi fondamentale allemande prévoit que les dispositions des articles 136 à 139 et 141 de la Constitution de Weimar, relatifs à la religion et aux sociétés religieuses (Religion und Religionsgesellschaften) , restent en vigueur.

Aux termes de celle-ci, il n'existe pas d'Église d'État 314 ( * ) .

Les Constitutions des Länder reprennent des dispositions relatives aux cultes. On en donnera quelques exemples. La quatrième partie de la Constitution du Land de Hesse, consacrée aux relations du Land , des Églises et des communautés religieuses et idéologiques, dispose que :

- chaque Église, communauté religieuse et communauté idéologique (Weltanschauungsgemeinschaft) gère elle-même ses affaires dans le cadre des lois en vigueur pour tous (article 49) ;

- les Églises, communautés religieuses et communautés idéologiques qui étaient des collectivités de droit public avant son entrée en vigueur le demeurent, d'autres religions ou communautés idéologiques pouvant se voir reconnaître le même statut juridique par la loi si elles offrent une garantie de durée par leur constitution et le nombre de leurs membres (article 51).

Quant à la Constitution du Land de Bade-Wurtemberg, elle précise (article 7) que les obligations permanentes du Land relatives à des versements périodiques aux Églises restent garanties. Le montant et les modalités de ces versements sont régis par la loi ou par une convention.

b) Les contrats entre les Länder et les cultes

À l'occasion du recès d'Empire ( Reichsdeputationshauptschluss ) et de la sécularisation de 1803, les lieux de culte existant à cette époque ont été nationalisés tandis que, à titre de compensation, la charge de leur rénovation et de leur construction (Baulast) était transférée aux autorités étatiques.

Ces obligations peuvent également concerner les cimetières, les horloges, les clochers ou encore les autels 315 ( * ) .

Un Land peut conclure un contrat (Vertrag) avec un culte au sujet de la charge qu'il supportera. Cet accord prévoit toutes les modalités de coopération (rénovation, construction) et les éventuelles subventions au titre des immeubles. Tel est le cas du contrat du 15 mars 1994 entre le Land de Thuringe et les Églises évangéliques en Thuringe ou de la loi relative au contrat avec l'Église évangélique et au contrat avec l'Église catholique de Bade-Wurtemberg du 8 janvier 2008 316 ( * ) .

De tels contrats ont été passés avec les cultes catholique et protestant, certains avant 1949, à l'instar du concordat de Bavière (1924) toujours en vigueur.

Les relations avec les autres cultes peuvent être également régies par des contrats. Ainsi les 16 Länder en ont-ils conclus avec le culte israélite, tel celui du 16 mars 2010 entre le Land de Bade-Wurtemberg et les communautés juives de Bade et de Wurtemberg .

S'agissant du culte musulman, la Ville-État de Hambourg et la communauté musulmane ont conclu un contrat en 2012 qui ne comporte aucune disposition financière 317 ( * ) .

Quant au Land de Hesse, il a accordé pour la première fois, en 2013, le statut de collectivité de droit public (Körperschaft öffentlichen Rechts) à une association musulmane.

• La prise en compte des besoins cultuels dans les documents d'urbanisme

L'article 1(6) du code fédéral de la construction (Baugesetzbuch) prévoit que l'équivalent des plans locaux d'urbanisme prend notamment en compte les besoins des Églises et sociétés religieuses pour les offices religieux et l'assistance spirituelle (Seelzorge) .

L'article 26 du même code prohibe l'utilisation du droit de préemption si un terrain a été acheté par une Église ou une société religieuse à des fins d'office religieux ou d'assistance spirituelle.

2. Le financement de la construction des lieux de culte

• Financement direct par des subventions

Rien ne semble interdire, en principe, à un Land ou à une collectivité territoriale de financer ou de participer au financement de la construction d'un lieu de culte. Le Land de Brandebourg a ainsi financé à hauteur de 582 000 euros l'achat, par la communauté juive de Cottbus, de l'église du château de cette ville afin qu'elle soit utilisée, dans le futur, comme synagogue 318 ( * ) .

De même, la construction de la synagogue de Duisbourg a-t-elle été prise en charge en 1999 par les villes de Duisbourg, Müllheim et Oberhausen à hauteur d'un tiers, les deux tiers restant étant partagés entre le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la communauté juive 319 ( * ) .

• Financement indirect

Vente de terrains

Rien ne semble interdire, en principe, à une collectivité territoriale de vendre un terrain à un culte. C'est ainsi que la Ville de Munich a, en 2008, cédé un terrain à l'association Ditim pour construire une mosquée 320 ( * ) . Toutefois, la recherche n'a pas permis de mettre en évidence la possibilité ou l'interdiction de vente préférentielle ou à un prix inférieur à celui du marché.

La propriété des terrains peut également être transférée. Ainsi, l'article 10 alinéa 2 du contrat du 15 mars 1994 précité dispose que le Land de Thuringe et les Églises devront engager des négociations concernant un transfert aux Églises de la propriété des terrains et bâtiments du Land utilisés à des fins religieuses et concernant le régime définitif des « charges liées à ces constructions » ( Baulast ).

Enfin, l'article 8 du même contrat indique que lors de l'application des dispositions légales en matière d'expropriation, les autorités du Land doivent prendre en compte les intérêts religieux. Si les Églises ou leurs associations religieuses, en cas d'expropriation ou d'aliénation de terrains ecclésiastiques, envisagent d'acquérir des terrains de remplacement équivalents, les autorités du Land devront trouver un compromis, dans le cadre des dispositions légales (werden die Landesbehörden ihnen im Rahmen der gesetzlichen Bestimmungen entgegenkommen, qui pourrait se traduire par « se montrer arrangeantes » ) . Une disposition similaire est prévue dans le contrat précité entre la Ville-État de Hambourg et la communauté musulmane.

Mise à disposition de terrains

Rien ne semble interdire, en principe, à une collectivité territoriale de mettre un terrain à la disposition d'un culte. Tel est le cas de la Ville de Potsdam, qui a transféré un terrain pour la reconstruction de l'église « Garnisonkirche » 321 ( * ) .

3. Le financement de la rénovation des lieux de culte

• Financement direct par des subventions

Les contrats relatifs aux « Baulast » conclus entre le Land et les Églises peuvent prévoir un financement direct pour l'entretien des lieux de culte. Tel est le cas du contrat du 8 janvier 2008 précité, dont l'article 19 dispose que les bâtiments religieux n'appartenant pas aux Églises mais au Land doivent être entretenus par ce dernier dans le cadre de ses obligations découlant de la charge liée à ces constructions (Baulastpflicht) .

L'article 13 du contrat du 15 mars 1994 précité, tout comme l'article 25 du contrat conclu avec l'Église évangélique de Bade-Wurtemberg, indique que le Land a opté pour une dotation globale annuelle à verser aux Églises (Staatsleistung) , qui remplace les subventions allouées à différents titres.

Son article 10 alinéa 1 précise que les terrains et les bâtiments appartenant au Land et utilisés à des fins religieuses ou paroissiales conservent cette vocation. L'obligation d'entretien en découlant pour le Land de Thuringe perdure jusqu'à la conclusion d'accords à négocier entre ce Land et les cultes concernés.

Le groupe parlementaire du Bundestag « Die Linke » ayant posé une question écrite au Gouvernement le 28 octobre 2013 sur les subventions accordées aux Églises, le Gouvernement fédéral a indiqué que les Länder , même en l'absence d'une loi fédérale supprimant les subventions, ont la possibilité de les remodeler ou de les abroger par voie d'accord avec les Églises.

• Financement indirect

a) Les mesures de protection du patrimoine

Les lois relatives à la protection et à la conservation des monuments sont adoptées par chaque Land . À titre d'exemple, l'article 38 de la loi du 11 mars 1980 relative à la protection et à la conservation des monuments dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie dispose qu'un travail est réalisé en concertation avec les églises et les communautés religieuses pour la protection et la conservation de leurs monuments.

Les autorités chargées de la protection des monuments respectent les préoccupations liées à l'exercice de la religion dans toute décision concernant ces édifices.

L'article 9 du contrat du 15 mars 1994 précité précise que lors de l'attribution des ressources du Land dédiées à la protection des monuments, les Églises sont prises en compte de façon appropriée (werden die Kirchen angemessen berücksichtigt) .

Le Land de Bade-Wurtemberg a, quant à lui, adopté des dispositions analogues dans les contrats passés avec les Églises évangéliques et catholiques ainsi qu'avec la communauté juive.

b) L'utilisation des biens ecclésiastiques

Une disposition particulière, issue d'un texte de 1887, est applicable en Wurtemberg. Elle est reprise dans l'article 19(2) du contrat avec l'Église évangélique de Bade-Wurtemberg précité. En vertu de celle-ci, l'utilisation des biens cultuels (tours des Églises, cloches, horloges) par une commune dans la région de Wurtemberg du Land de Bade-Wurtemberg oblige la commune à participer aux coûts de leur entretien, y compris en cas de rénovation ou agrandissement.

Dans une décision du 17 juin 2014, la Cour fédérale administrative (Bundesverwaltungsgericht) a considéré que cette obligation trouvait son origine dans la loi, mais que sa mise en oeuvre, à savoir la détermination du montant exact de la participation, était contractuelle. Les dispositions relatives aux contrats de droit public s'appliquent. Par conséquent, toute baisse de la part payée par la collectivité territoriale est le résultat d'une négociation entre les deux parties et ne peut être décidée ni par le législateur ni par un acte administratif unilatéral.

ESPAGNE

1. Généralités et fondements constitutionnels

• Les principes

L'article 16 alinéa 3 de la Constitution espagnole qui prohibe l'instauration de toute « religion d'Etat », précise cependant que « les pouvoirs publics prendront en compte les croyances religieuses de la société espagnole et entretiendront les relations de coopération qui s'ensuivent avec l'Eglise catholique et les autres confessions » . L'assemblée générale du Tribunal Constitutionnel espagnol a interprété cette disposition comme « introduisant une idée d'`aconfessionnalité' ou de laïcité positive, qui interdit tout type de confusion entre les fins religieuses et celles de l'Etat » 322 ( * ) .

Pour l' Observatorio del pluralismo religioso en España 323 ( * ) , l'article 9.2 de la Constitution, aux termes duquel « il incombe aux pouvoirs publics de créer les conditions pour que la liberté et l'égalité de la personne et des groupes dans lesquels elle s'intègre soient réelles et effectives, de supprimer les obstacles qui empêchent ou entravent leur plein épanouissement et de faciliter la participation de tous les citoyens à la vie politique, économique, culturelle et sociale » doit, quant à lui, être interprété comme étant aussi applicable en ce qui concerne le droit à la liberté religieuse. Il vaut aussi en ce qui concerne les politiques d'urbanisme, afin d'éviter les discriminations territoriales et favoriser l'égalité réelle et effective de la liberté de culte 324 ( * ) .

• Les modalités indirectes

Les compétences des communes en matière de détermination des documents d'urbanisme leur permettent de prévoir des zones destinées aux lieux de culte, notamment sur des parcelles affectées à des usages collectifs, le Tribunal constitutionnel ayant jugé que « du fait qu'aucune confession religieuse n'ait le caractère de religion d'Etat il ne peut résulter que l'administration [...] ne puisse ni ne doive prêter attention aux besoins religieux de la population, et aux besoins religieux des citoyens » 325 ( * ) .

Les terrains réservés aux équipements collectifs peuvent donc être destinés à la construction d'édifices religieux, comme le permettent tant la législation nationale que celles de huit autonomies.

Outre la loi espagnole sur le sol, huit législations adoptées par des autonomies prévoient explicitement que des réserves foncières publiques (suelo dotacional público) puissent être affectées à des activités religieuses.

2. Le financement de la construction des lieux de culte

• Financement direct par des subventions

La recherche n'a pas permis de mettre en évidence le versement de subventions pour le financement de la construction des lieux de culte.

• Financement indirect

Vente de terrains

L'utilisation privative des biens appartenant au domaine privé des communes peut passer par la cession à titre gratuit à des entités ou à des institutions publiques qui exercent une activité au bénéfice des habitants du territoire municipal et aux institutions privées sans but lucratif. Cette cession, approuvée à la majorité absolue de l'organe délibérant de la commune, est communiquée à la communauté autonome. Elle favorise une activité qui débute dans les cinq années suivant l'acte l'autorisant et doit se poursuivre pendant au moins trente ans par la suite, les biens revenant dans le patrimoine de la commune à l'issue de ce délai.

Mise à disposition de biens pour une utilisation privative

On distingue le régime des biens appartenant au domaine public de celui des biens appartenant au domaine privé des communes et de celui des biens constituant le « patrimoine municipal du sol » 326 ( * ) .

L' utilisation privative des biens appartenant au domaine public des communes nécessite la détention d'une concession qui peut être attribuée soit après mise en concurrence soit directement dans le cas d'une église, d'une confession ou d'une communauté religieuse légalement reconnue. Cette concession peut donner lieu au paiement d'une redevance ou bien être à titre gratuit.

L'utilisation privative des biens appartenant au domaine privé des communes peut également procéder de leur location (arrendamiento) ou de la cession de leur droit d'usage moyennant une mise en concurrence (subasta) . Si la durée dépasse 5 ans ou si le prix dépasse 5 % des ressources ordinaires du budget, l'utilisateur est tenu d'acquitter une redevance qui ne peut être inférieure à 6 % de la valeur vénale du bien.

Les communes espagnoles ont constitué, depuis le milieu du XX e siècle, des réserves foncières destinées à gérer l'expansion urbaine, lesquelles portent le nom de « patrimoine municipal du sol » (patrimonio municipal de suelo) . La loi espagnole ouvre la possibilité aux législations urbanistiques des autonomies de permettre d'utiliser ces réserves pour des usages d'intérêt social, y compris l'utilisation à des fins religieuses.

Echanges

Afin de permettre de trouver un emplacement adapté aux édifices cultuels, la loi espagnole permet de recourir à la procédure d'échange de terrains et de droits des collectivités territoriales, sous réserve des précisions apportées par les législations autonomiques. C'est ainsi que la réglementation des Canaries permet explicitement l'échange de terrains et de droits avec des « entités religieuses » pour y installer des lieux de culte. La jurisprudence a soumis le recours à la procédure d'échange à des conditions générales qui s'appliquent également dans le cas d'un échange concernant un édifice cultuel : respect du principe d'égalité, nécessité avérée de procéder à l'échange et impossibilité de recourir à d'autres procédures, objet d'intérêt général, équivalence de la valeur des biens échangés notamment.

3. Le financement de la réparation des lieux de culte

À ce titre, l'Etat a conclu divers accords avec les autorités religieuses catholiques et les communautés autonomes dans le but de prévoir la nature des travaux et la répartition des financements 327 ( * ) . De leur côté, les communautés autonomes ont conclu dix-sept accords avec l'Eglise catholique afin de déterminer les conditions de leur coopération pour la protection et la conservation du patrimoine des cultes qui revêt aussi un caractère culturel.

Les communautés autonomes et les communes 328 ( * ) peuvent participer au financement de la restauration des édifices destinés à un culte, qu'ils soient ou non classés à l'équivalent de l'inventaire des monuments historiques. ITALIE

Depuis 1985, la principale source de financement des cultes et des activités humanitaires résulte, en Italie, du système de l' otto per mille ou « huit pour mille », auquel l'Etat réserve 0,8 % du produit de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPEF) . Les fidèles qui acquittent cet impôt indiquent au fisc l'un des onze cultes qui ont conclu un accord avec l'Etat auquel ils souhaitent que soit versée cette fraction de l' IRPEF dont ils sont redevables. Certains cultes utilisent les fonds recueillis pour les constructions d'édifices, tandis que d'autres n'ont pas recours à cette source de financement pour ce type d'opération 329 ( * ) .

Le régime applicable au financement des lieux de culte par les collectivités territoriales résulte, quant à lui, de la combinaison de normes constitutionnelles, de dispositions législatives adoptées par le Parlement italien ainsi que de lois régionales. Outre les premières, on présentera ici, à titre d'exemple, le contenu de la loi régionale de Lombardie n° 12 du 11 mars 2005 pour l'administration du territoire.

1. Généralités et fondements constitutionnels

• Les principes constitutionnels

Il résulte des articles 3, 8 et 19 de la Constitution de la République italienne que :

- » Tous les citoyens ont une même dignité sociale et sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de race, de langue, de religion, d'opinions politiques, de conditions personnelles et sociales » ;

- » Toutes les confessions religieuses sont également libres devant la loi. [...] » ;

- » Tout individu a le droit de professer librement sa foi religieuse, sous quelque forme que ce soit, individuelle ou collective, d'en faire la propagande et d'en exercer le culte en privé ou en public, à condition qu'il ne s'agisse pas de rites contraires aux bonnes moeurs ».

En s'appuyant sur ces principes, la Cour Constitutionnelle italienne a jugé que « Le principe de laïcité tel qu'il résulte des articles 2, 3, 7, 8, 19 et 20 de la Constitution implique non pas une indifférence de l'Etat aux religions, mais une garantie de l'Etat pour la sauvegarde de la liberté de religion dans un régime de pluralisme confessionnel et culturel » 330 ( * ) .

En pratique, les relations entre l'Etat et les cultes sont régies par divers accords : l'accord de 1984 portant modification du concordat du Latran pour ce qui concerne l'Eglise catholique, et diverses « ententes » (intese) conclues avec d'autres cultes, le premier comme les secondes ayant fait l'objet d'une loi d'approbation adoptée par le Parlement italien.

• Une compétence qui relève des régions et des communes

En vertu de l'article 117 de la Constitution italienne, l'aménagement (governo) du territoire relève de la compétence concurrente de l'Etat et des régions. Celles-ci sont donc fondées à adopter des lois régionales en matière de financement des édifices cultuels, à l'instar de la loi régionale de Lombardie n° 12 du 11 mars 2005 pour l'aménagement du territoire, modifiée.

Les communes sont, quant à elles, compétentes pour appliquer les dispositions des lois régionales.

• Les modalités indirectes liées au droit de l'urbanisme

Dispositions générales en matière d'urbanisme favorables à la prise en compte des besoins concernant les lieux de culte par les autorités publiques

La loi italienne distingue, parmi les espaces que doivent définir les documents de planification urbaine, ceux consacrés aux ouvrages d'urbanisation primaire (routes, réseaux divers...) et ceux constituant des ouvrages d'urbanisation secondaire (centre sociaux, écoles maternelles, édifices religieux...) pour l'implantation desquels les communes doivent prévoir les espaces nécessaires. Cette distinction, posée par la loi n° 865 du 23 octobre 1971 modifiant la loi n° 847 du 29 septembre 1964, est reprise au niveau régional.

Le Conseil d'Etat italien a, du reste, estimé que les communes sont tenues de prévoir, dans leurs documents de planification urbaine, des espaces suffisants pour tous les cultes, indiquant précisément dans un considérant de principe qu'il est « du devoir des collectivités territoriales de faire en sorte que soit permis à toutes les confessions religieuses de pouvoir librement exercer leur activité, y compris en définissant des zones appropriées pour recevoir les fidèles. En ce sens, la commune ne saurait se soustraire à la nécessité d'entendre les éventuelles demandes y afférentes, lesquelles tendraient à donner un contenu substantiel effectif au droit au libre exercice garanti au niveau constitutionnel, non seulement au moment de l'application mais aussi dans la phase précédente de planification des modalités d'utilisation du territoire » 331 ( * ) .

Dispositions spécifiques concernant l'Eglise catholique

L'article 5 de la loi n° 121 du 25 mars 1985 portant exécution et ratification de l'accord de révision du concordat du Latran prévoit que « L'autorité civile prendra en compte les exigences religieuses des populations communiquées par l'autorité ecclésiastique compétente, en ce qui concerne la construction des nouveaux édifices de culte catholique et des oeuvres paroissiales qui en dépendent ».

En la matière, l'article 72 de la loi régionale de Lombardie n° 12 du 11 mars 2005 pour l'administration du territoire modifiée prévoit que l'équivalent du plan local d'urbanisme (piano dei servizi) précise les espaces qui reçoivent des équipements religieux, en fonction des besoins locaux qui résultent des demandes présentées par les organes des confessions religieuses.

Dans les zones où est prévue la construction de nouveaux équipements d'habitation, le plan local d'urbanisme détermine de nouveaux espaces destinés aux équipements religieux, en tenant compte des besoins communiqués par les organes des confessions.

L'équivalent du plan local d'urbanisme peut aussi définir des zones destinées à accueillir des équipements religieux d'intérêt supra-communal.

Les espaces destinés à accueillir les édifices cultuels et les autres équipements destinés aux services religieux sont répartis entre les cultes qui en ont fait la demande sur la base de la consistance et de l'incidence sociale de chacun d'entre eux.

2. Le financement de la construction des lieux de culte

• Financement direct

Contribution des régions

Certaines régions ont choisi de contribuer directement au financement de la construction et de la rénovation des lieux de cultes 332 ( * ) .

Versement d'une aide communale prévue par la loi de 1977

L'article 10 de la loi n° 10 de 1977 portant règles relatives au caractère constructible des sols a imposé aux communes de verser une fraction du produit des taxes sur les autorisations de construire et des amendes perçues sur les constructions illicites pour le financement des « ouvrages d'urbanisation secondaire » dont font partie les édifices religieux.

L'article 16 du décret du Président de la République, n° 380 du 6 juin 2001, qui codifie les dispositions relatives au droit de l'urbanisme, précise, quant à lui, que les communes déterminent, tous les cinq ans, le montant des taxes destinées au financement des ouvrages d'urbanisation secondaire, dans le respect des dispositions régionales applicables en la matière, notamment s'agissant du coût maximum des édifices susceptibles de bénéficier d'aides.

En Lombardie, en vertu de l'article 73 de la loi régionale n° 12 du 11 mars 2005, dans chaque commune, au moins 8 % des sommes perçues au titre des charges d'urbanisation secondaire sont versées annuellement à un fonds spécifique inscrit au budget prévisionnel.

Les contributions issues de ce fonds sont versées aux organes des confessions religieuses qui en font la demande. À cette fin, les autorités religieuses compétentes présentent à la commune, avant le 30 juin de chaque année, un programme prévisionnel, le cas échéant pluriannuel, d'opérations. Elles donnent la priorité aux ouvrages de restauration et de conservation de leur patrimoine architectural existant.

Avant le 30 novembre, l'équivalent du conseil municipal répartit les contributions compte tenu de la consistance et de l'incidence sociale dans la commune des cultes respectifs, en finançant en tout ou partie les programmes présentés à cette fin. Ces contributions communales doivent être utilisées dans les trois ans suivant leur attribution.

La loi de Lombardie prévoit enfin que les autorités religieuses règlent leurs relations avec la commune par des conventions et que, si aucune demande n'est présentée, les fonds sont utilisés pour d'autres opérations d'urbanisation.

Détermination des bénéficiaires de l'aide

La Cour constitutionnelle a jugé, d'une part, que la loi régionale ne pouvait limiter les aides aux seules religions qui ont conclu des ententes avec l'Etat et, d'autre part, que même si pour pouvoir bénéficier des aides publiques « il ne peut suffire que le demandeur s'autoqualifie de religion [...], l'attribution des contributions prévues par la loi pour les édifices destinés au culte demeure seulement conditionnée par la consistance et par l'incidence sociale de la confession demanderesse et par l'acceptation, de la part de celle-ci, des conditions et des obligations auxquelles est soumise la destination du bien » 333 ( * ) .

L'article 70 de la loi régionale de Lombardie n° 12 du 11 mars 2005 précitée dispose que celle-ci s'applique à l'Église catholique et « aux organes des autres confessions religieuses » dont la définition est précisée « sur la base de critères pouvant être tirés du régime applicable, et ayant une présence diffuse, organisée et stable dans le cadre de la commune où sont réalisées les opérations [...] et dont les statuts expriment le caractère religieux des finalités institutionnelles, après conclusion d'une convention entre la commune et les confessions concernées ».

S'agissant de la liste des équipements susceptibles de bénéficier de l'aide de la commune, l'article 71 de la loi régionale de Lombardie précitée précise que sont des équipements d'intérêt commun pour des services religieux les immeubles destinés :

- au culte ;

- à l'habitation des ministres du culte, du personnel de service et ceux destinés à l'activité de formation religieuse ;

- aux activités éducatives, culturelles, sociales, récréatives et de restauration, y compris les immeubles et les équipements fixes destinés aux activités de patronage (oratorio) et autres similaires sans but lucratif ;

- et ceux destinés aux sièges d'associations, sociétés ou communautés de personnes dont l'objet social est lié à la religion, à l'exercice du culte ou à la profession religieuse tels que les salles de prière, les cours de religion ou les centres culturels.

Conditions de l'aide

Les édifices et équipements entièrement construits au moyen des contributions de la commune ne peuvent changer de destination avant un délai de vingt ans à compter du versement de la contribution communale. En cas de changement de la destination des équipements, il est procédé au remboursement des contributions et à la restitution des surfaces.

• Financement indirect

Vente ou mise à disposition de terrains

La recherche n'a pas permis d'identifier de dispositions spécifiques en la matière, ce qui pourrait s'expliquer par le fait que les communes sont tenues d'inscrire dans leurs documents d'urbanisme des espaces destinés aux cultes et qu'elles disposent de moyens financiers pour contribuer à leur construction.

Garanties d'emprunts

En vertu de l'article 1 er de la loi n° 847 du 29 septembre 1964 autorisant les communes et leurs groupements à contracter des emprunts pour l'acquisition de zones au sens de la loi n° 167 du 18 avril 1962, les communes ont la faculté de contracter des emprunts auprès de la Cassa depositi e prestiti , équivalent italien de la Caisse des dépôts française, pour le financement d'ouvrages d'intérêt public, parmi lesquels figurent « les églises et les autres édifices pour les services religieux ».

3. Le financement de la rénovation des lieux de culte

Tout comme elles peuvent participer à la construction de lieux de culte, certaines régions participent directement au financement de la rénovation de lieux de culte.

Elles peuvent aussi autoriser les communes à accorder une aide à ce titre. C'est ainsi qu'en vertu de l'article 73 de la loi régionale n° 12 du 11 mars 2005 de Lombardie précitée, les sommes versées au fonds spécifique destiné au financement des charges d'urbanisation secondaire peuvent également être destinées à la restauration du patrimoine des entités religieuses.

ROYAUME-UNI

1. Généralités et fondements constitutionnels

• Les principes

Il n'existe pas de séparation formelle entre l'Église et l'État au Royaume-Uni. L'Église d'Angleterre (Church of England) demeure une Église établie dont la Reine est le gouverneur suprême (Supreme Governor) . Les archevêques et les évêques sont, sur avis du Premier Ministre, nommés par celle-ci, à qui ils prêtent allégeance.

L'article 9 de la loi sur les droits de l'Homme de 1998 prévoit, quant à lui, que chacun a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris la liberté de changer de religion ou de croyance et la liberté de manifester sa religion ou sa croyance, par le culte, l'enseignement et la pratique, que ce soit seul ou en communauté, en public ou en privé.

Enfin, la loi sur l'égalité de 2010 protège les citoyens contre toute forme de discrimination, notamment liée à la religion.

• Les modalités indirectes

La section 70 du document-cadre sur la politique nationale de planification publié en 2012 précise que les politiques de planification et les décisions doivent notamment prévoir de façon positive la fourniture et l'utilisation d'installations communautaires, telles que des lieux de culte (places of worship) , afin d'améliorer la durabilité des communautés et des environnements résidentiels.

2. Le financement de la construction des lieux de culte

• Financement direct par des subventions

La recherche n'a pas permis de mettre en évidence un financement direct par les collectivités territoriales. Les exemples trouvés tendent à montrer que ce sont les communautés cultuelles elles-mêmes qui lèvent les fonds nécessaires à la construction des lieux de culte. Tel est le cas du temple hindou Shree Swaminarayan Sidhant Sajivan Mandal, dont la totalité du coût (20 millions de livres, soit environ 25 millions d'euros 334 ( * ) ) a été prise en charge par la communauté locale.

• Financement indirect

Vente de terrains

La recherche n'a pas permis de mettre en évidence une priorité que pourrait avoir un culte pour acquérir un terrain appartenant au domaine public dans le but d'y construire un lieu de prière.

Toutefois, une disposition de la loi sur le régionalisme de 2011 permet à des communautés (quelle que soit leur nature ou leur finalité) de proposer l'inscription de bâtiments ou de terrains, publics ou privés, sur un registre spécifique géré par l'autorité locale, s'il s'agit d'actifs ayant une valeur pour la collectivité (assets of community value) . Toute vente d'un bâtiment ou terrain inscrit donne aux communautés le droit prioritaire de faire une proposition d'achat (community right to bid) . S'il s'agit d'une disposition générale ne visant pas spécifiquement les associations religieuses, celles-ci peuvent y avoir recours en tant qu'organisme de bienfaisance enregistré (registered charity) . Tel est le cas de la société hindoue de Maidenhead qui, en décembre 2012, a demandé le classement d'une ancienne école maternelle, dans le but de faire une offre d'achat afin d'y établir un centre communautaire hindou multi-activités, y compris lieu de culte, lorsque le bâtiment sera proposé à la vente.

Mise à disposition de terrains

A priori, rien n'interdit aux collectivités publiques de fournir un terrain à un culte dans le but d'y construire un lieu dédié à la religion. La mosquée centrale de Londres a ainsi été érigée sur un terrain donné par le gouvernement britannique.

3. La rénovation des lieux de culte

• Financement direct par des subventions

La section 137 de la loi sur la gouvernance locale de 1972 autorise une collectivité locale ( local authority) à réaliser une dépense qui, selon elle, est dans l'intérêt des habitants de son territoire et leur apportera des bénéfices. Cette disposition de portée générale serait, selon le guide sur le financement et les collectivités locales publié par l'Église d'Angleterre, applicable aux opérations de réparation des lieux de culte, dans la limite des conditions posées par la collectivité locale concernée. Cette aide, dont le montant est fixé annuellement par le ministère pour les Communautés et les collectivités locales, est limitée à 7,20 £ (environ 9 euros) par électeur pour l'année 2014-2015 335 ( * ) .

• Financement indirect

Au titre du caractère historique ou patrimonial du monument

La loi de 1990 sur la planification (bâtiments inscrits et sites à protéger) s'applique aux constructions dotées d'un intérêt architectural ou historique spécial (Special architectural or historic interest) .

Des subventions du fonds de la loterie pour le patrimoine (Heritage Lottery Fund) pour les lieux de culte (Grants for Place of Worship) sont prévues pour les projets impliquant des réparations structurelles urgentes de lieux de culte inscrits de catégorie I, II* et II. Les bâtiments sont classés comme étant :

- de catégorie I s'ils revêtent un intérêt exceptionnel ;

- de catégorie II* s'ils présentent plus d'importance qu'un intérêt spécial ;

- et de catégorie II s'ils sont nationalement importants et revêtent un intérêt spécial.

Toutes les confessions peuvent bénéficier de ces subventions. En juin 2014, le fonds de la loterie pour le patrimoine a annoncé un financement à hauteur de 6,1 millions de livres (soit environ 7,6 millions d'euros) pour 42 lieux de culte nécessitant des travaux urgents 336 ( * ) .

En 2013, la Ville de Liverpool, en coordination avec English Heritage , a accordé une subvention de 20 000 livres (soit 25 000 euros) pour la rénovation et la sécurisation de la synagogue de Greenbank, classée comme « à risques ».

TURQUIE

Cette notice sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte en Turquie a été réalisée par Maître Ali Türek, avocat au Barreau d'Istanbul.

État unitaire, la Turquie est organisée suivant les principes de centralisation et d'administration locale déconcentrée. Son territoire, divisé en 81 provinces (il) composées de 919 arrondissements (ilçe) , comprend sept régions géographiques dépourvues de statut institutionnel administratif. Les deux premières entités sont respectivement administrées par les préfets (vali) et les sous-préfets (kaymakam) nommés par l'Etat tandis que les maires des municipalités (belediye) et les chefs des villages (köy) sont élus au suffrage direct. Il existe, par ailleurs, 30 municipalités métropolitaines (büyük°ehir belediyesi) dans de grandes villes dont les maires sont également élus.

1. Généralités et fondements constitutionnels

a) Fondements constitutionnels de la condition juridique des cultes et de la propriété des édifices cultuels

1) Le principe constitutionnel de Laïcité

Le principe de Laïcité a été introduit en 1937 dans la Constitution de 1924.

L'article 2 de la Constitution de 1982, actuellement en vigueur, dispose que « La République de Turquie est un État de droit démocratique, laïque, et social, respectueux des droits de l'homme dans un esprit de paix sociale, de solidarité nationale et de justice, attaché au nationalisme d'Atatürk et qui s'appuie sur les principes fondamentaux mentionnés dans le préambule. »

En vertu de l'article 4 du même texte, l'article 2 relatif aux caractéristiques de la République ne peut être ni modifié ni faire l'objet de propositions d'amendement.

La Constitution reconnaît une protection intangible à certaines lois dites « lois de révolution » (inkýlap kanunlarý). En vertu de l'article 174, « aucune disposition de la Constitution ne peut être comprise ou interprétée comme impliquant l'inconstitutionnalité des dispositions en vigueur, à la date de l'adoption de la Constitution par référendum, des lois de révolution énumérées ci-dessous et dont le but est de hisser le peuple turc au-dessus du niveau de la civilisation contemporaine et de sauvegarder le caractère laïque de la République de Turquie . »

L'article 24 du même texte régit la liberté de religion et de conscience.

2) Régime d'une reconnaissance publique de l'existence des cultes

Le terme « lieu de culte » (ibadethane) au sens strict se réfère à cinq formes distinctes visées dans les documents officiels : la mosquée (cami) , la petite mosquée (mescit) , l'église (kilise) et les synagogues (havra et sinagog) .

La structure des textes internationaux et des textes législatifs applicables en Turquie repose sur une distinction binaire entre les citoyens de confession musulmane et ceux des confessions non-musulmanes.

Instaurée en 1924, la Présidence des Affaires religieuses (Diyanet þleri Baþkanlýðý) ( infra la PAR) est un sous-secrétariat rattaché au Premier Ministre. Chargée, aux termes de l'article 136 de la Constitution, « de remplir ses fonctions, conformément au principe de laïcité, en se tenant à l'écart de toutes opinions et idées politiques... » , elle fait partie de l'administration générale.

Ses compétences sont actuellement régies par la loi spéciale n° 633 du 22 juin 1965 dont l'article premier précise que la mission de la présidence est « de mener des activités relatives aux principes moraux, aux pratiques et aux croyances de la religion Islam, d'éclairer la société sur la religion et de gérer les lieux de culte ».

Les articles 37 à 45 du Traité de Paix 337 ( * ) de Lausanne régissent l'égalité et la protection des minorités sur le territoire national. L'article 40 stipule plus précisément que « les ressortissants turcs appartenant à des minorités non-musulmanes [...] auront notamment un droit égal à créer, diriger et contrôler à leurs frais toutes institutions charitables, religieuses ou sociales, toutes écoles et autres établissements d'enseignement et d'éducation, avec le droit d'y faire librement usage de leur propre langue et d'y exercer librement leur religion ».

Il n'existe pas, en Turquie, de législation particulière qui permet de reconnaître la personnalité morale à une communauté de croyance en tant que telle. Ceci étant, les membres de toutes les communautés religieuses présentes en Turquie peuvent s'organiser en personnes morales de droit commun afin de mener des activités liées à la pratique individuelle et collective de leur croyance.

Les deux principales formes en sont les associations et les fondations qui sont régies, sans aucune distinction basée sur la croyance, par le droit commun du Code civil résultant de la loi n° 4721 du 22 novembre 2001.

En outre, la loi n° 5737 du 20 février 2008 relative aux fondations comprend les dispositions particulières concernant celles-ci. Elle détermine notamment une catégorie spécifique dite « Fondation de Communauté » (Cemaat Vakfý) définie comme « toute fondation ayant acquis cette qualité en vertu de la loi relative aux Fondations (précédente loi n° 2762 du 5 juin 1935) et appartenant aux communautés non-musulmanes dont les membres sont les citoyens de la République de Turquie ». Ces fondations, qui ex istent depuis l'époque ottomane, assument la direction des lieux de culte, des hôpitaux ou des établissements scolaires de leur communauté.

Toutefois, en vertu de l'article 101 du Code Civil, disposition générale relative aux fondations, il n'est pas juridiquement possible de créer une fondation qui soit « contraire aux caractéristiques de la République telles qu'elles qui ont été définies par la Constitution » ou « ayant pour but de soutenir les membres d'une race ou d'une communauté particulière ».

b) Le système de financement des cultes

En Turquie, il n'existe pas de système de financement des cultes qui permettrait d'établir un parallèle avec un impôt direct destiné au financement du culte. Pourtant, organe de l'administration générale, la Présidence des Affaires religieuses reçoit une part du budget annuel national. Responsable de la direction de l'intégralité des mosquées en Turquie, en vertu de l'article 35 de la loi n° 633 précitée, la Présidence est chargée des dépenses liées à la gestion du personnel religieux de ces lieux. Ce dernier est donc financé par la portion du budget de l'État réservée à la Présidence.

Par ailleurs, il existe des déductions fiscales 338 ( * ) au titre des dons relatifs à la construction, à l'entretien ou à la gestion des lieux de culte. Les dépenses directes pour les lieux de culte dont la construction soumise à l'autorisation et à la supervision des administrateurs locaux sont susceptibles d'une telle déduction.

À cette liste s'ajoutent toutes sortes de dons et d'aides financières ayant pour but de soutenir la continuité des activités des lieux de culte déjà existants ainsi que les dons pour la construction versés aux institutions locales énumérées dans le même article.

2. La propriété des édifices religieux

La propriété des lieux de culte peut être considérée comme suit :


• Concernant la religion représentée par la PAR :

Suivant la répartition de la propriété des mosquées (cami) et des petites mosquées (mescit) , les municipalités, les fondations dont la Fondation des Affaires religieuses (Diyanet Vakfý fondée en 1975 afin de soutenir l'action de la PAR ) , les associations et la Direction générale des fondations (Vakýflar Genel Müdürlüðü) figurent parmi les propriétaires des lieux de culte musulman. D'après les statistiques de la PAR de 2013, il existait 85 412 mosquées en Turquie.


• Concernant les lieux de culte de l'alévisme :

Parmi huit lois énumérées de manière limitative par l'article 174 de la Constitution, la loi n° 677 du 30 novembre 1341 (1925) 339 ( * ) sur « la fermeture des couvents de derviches et des mausolées et l'abolition et l'interdiction des fonctions de gardien de mausolée et de certains titres » concerne en premier lieu la fermeture des lieux de culte des alévis. À compter de cette date, les cemevi ne sont pas juridiquement reconnus comme des lieux de culte. Ils appartiennent aux associations et aux fondations culturelles constituées à cette fin par les membres de chaque communauté.


• Concernant les lieux de culte des communautés non-musulmanes :

Ces lieux de culte appartiennent à des fondations formées par des membres de chaque communauté. Les hôpitaux et les établissements scolaires appartiennent, de la même manière, aux fondations respectives. D'après les statistiques de la Direction générale des fondations, il existait, au 17 mars 2014, 166 fondations de communautés non-musulmanes en Turquie. En 2012, ces fondations regroupaient, parmi leurs membres, 5 159 personnes physiques et 53 personnes morales.

3. Le rôle des collectivités publiques, en général, et des collectivités territoriales et locales en particulier, dans le financement des lieux de culte

Le rapport de la Présidence des Affaires Religieuses de 2008 présente le financement de la construction des mosquées depuis l'instauration de la République, en 1923. D'après les statistiques, la contribution directe de chaque acteur distinct dans la construction de l'ensemble de ces lieux de culte correspond pour :

- la population locale à 69,2 % ;

- les associations à 14,6 % ;

- les personnes privées à 10,1 % ;

- les diverses institutions publiques à 2,0 % ;

- les fondations à 1,4 % ;

- et l'ancienne noblesse (sultans, pachas et beys) à 0,1 %, étant observé que 2,6 % restent d'origine inconnue.

a) Financement direct


• Achat de terrains / d'édifices

L'article 15 de la loi n° 5393 du 3 juillet 2005 relative aux municipalités reconnaît à celles-ci la faculté d'acheter, de vendre ou d'assigner des terrains se trouvant sur leur territoire. La décision relève de la compétence de l'organe délibérant de la municipalité, le conseil municipal. Notons que la loi ne formule aucune précision concernant l'objet de l'utilisation du bien transféré.


• Construction d'édifices

Les collectivités locales, notamment les municipalités, peuvent contribuer directement à la construction des édifices cultuels.


• Rénovation d'édifices

En vertu du règlement du 17 juillet 1980, la Direction générale des fondations est chargée de subventionner des associations ayant pour but de construire ou de rénover des mosquées. De ce fait, cette direction est responsable des deux étapes du financement direct des édifices. Ce règlement régit les termes et les conditions d'un possible financement.

La Direction est aussi responsable de la conduite des travaux de rénovation des lieux de culte présentant un caractère historique. Les travaux s'effectuent en collaboration avec la PAR, le ministère de la Culture et du Tourisme et avec diverses associations.

La Direction contribue également à la rénovation des lieux de culte sous sa gestion, au service des citoyens de confessions non-musulmanes.

b) Financement indirect

La loi n° 2464 du 26 mai 1985 relative aux revenus municipaux (Belediye Gelirleri Kanunu) fixe une liste limitative de trois éléments exonérés de taxes au sein des lieux de culte ouverts au public, à savoir :

- la taxe de construction ;

- la consommation de l'électricité et de gaz ;

- et la taxe annuelle de la propreté de l'environnement.

Aux termes du règlement du 24 mai 1985, les municipalités sont aussi responsables de :

- coordonner l'organisation du paysage des mosquées et de leur environnement ;

- leur fournir gratuitement de l'eau ;

- et de mettre à disposition leur personnel afin de maintenir la propreté et l'entretien des parties extérieures de ces lieux.

4. Le régime des lieux de culte en fonction des cultes

La véritable transformation juridique concernant le régime des lieux de culte a été instituée durant la période suivant la fondation de la République en 1923. Malgré ce changement de législation, le système des fondations reste largement héritier de la structure antérieure, existant sous l'Empire Ottoman.

Comme on l'a vu ci-dessus à diverses reprises, les règles applicables aux lieux de culte varient selon les cultes.

La principale distinction entre ces régimes repose sur le financement indirect des lieux, notamment en termes de dépenses liées au fonctionnement 340 ( * ) .

Gestion du personnel religieux

À l'exception d'environ 160 mosquées, la Présidence des Affaires religieuses, responsable de gestion de l'ensemble des mosquées sur le territoire, prend en charge les dépenses relatives au personnel religieux. En ce qui concerne les quatre autres types de lieux de culte officiellement reconnus ainsi que le personnel des cemevi , il n'existe aucune législation en permettant le financement, ni par l'administration centrale, ni par les collectivités locales.

Fourniture de l'électricité, de l'eau et de gaz

- électricité : les lieux de culte bénéficient, sans distinction, de la gratuité. La charge en est partagée entre le budget du ministère de l'Intérieur en ce qui concerne l'éclairage de sécurité et celui de la Présidence des Affaires religieuses concernant l'éclairage intérieur ;

- gaz : le gaz consommé dans les lieux de culte ouverts au public est exonéré de taxes ;

- eau : une distinction existe car, si les municipalités doivent fournir gratuitement de l'eau aux mosquées, aux petites mosquées et à leurs alentours, il n'existe pas de législation, en droit positif, concernant les autres lieux de culte.

LISTE DES DOCUMENTS UTILISÉS

ALLEMAGNE

• Textes constitutionnels, législatifs et réglementaires

Grundgesetz

loi fondamentale

Verfassung des Landes Hessen Vom 1. Dezember 1946

constitution du Land de Hesse du 1 er décembre 1946

Verfassung des Landes Baden-Württemberg vom 11. November 1953

constitution du Land de Bade-Wurtemberg du 11 novembre 1953

Gesetz zum Evangelischen Kirchenvertrag Baden-Württemberg und zu der Römisch-katholischen Kirchenvereinbarung Baden-Württemberg

loi relative au contrat avec l'Église évangélique et au contrat avec l'Église catholique de Bade-Wurtemberg

Baugesetzbuch

code fédéral de la construction

Gesetz zum Schutz und zur Pflege der Denkmäler im Lande Nordrhein-Westfalen vom 11. März 1980

loi du 11 mars 1980 relative à la protection et à la conservation des monuments dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie

• Autres documents

Vertrag des Freistaats Thüringen mit den Evangelischen Kirchen in Thüringen vom 15. März 1994

contrat du 15 mars 1994 entre le Land de Thuringe et les Églises évangéliques en Thuringe

Vertrag des Landes Baden-Württemberg mit der Israelitischen Religionsgemeinschaft Baden und mit der Israelitischen Religionsgemeinschaft Württembergs

contrat entre le Land de Bade-Wurtemberg et les communautés juives de Bade et de Wurtemberg

Vertrag zwischen der Freien und Hansestadt Hamburg, dem DITIB-Landesverband Hamburg, SCHURA - Rat der Islamischen Gemeinschaften in Hamburg und dem Verband der Islamischen Kulturzentren

contrat entre la Ville-État de Hambourg, l'association régionale DITIB, le conseil de la communauté musulmane de Hambourg et l'association du centre culturel islamique

Ministerium für Wissenschaft, Forschung und Kultur - Pressemitteilung - 17. April 2014

communiqué de presse du ministère pour la Science, la recherche et la culture du Land de Brandebourg du 17 avril 2014

Süddeutsche Zeitung, 14. März 2011, «Endgültiges Aus für Sendlinger Moschee»

article de la Süddeutsche Zeitung du 14 mars 2011 « fin définitive pour la mosquée de Sendling »

Antwort der Bundesregierung auf die kleine Anfrage der Fraktion Die Linke - Drucksache 18/18

réponse du Gouvernement à la question du groupe parlementaire « Die Linke » n°18/18

Bundesverwaltungsgericht - Entscheidung BVerwG 6 B 7.14 vom 17. Juni 2014

décision de la Cour fédérale administrative du 17 juin 2014

• Autres sources

Sites internet :

www.kirchenfinanzen.de

www.duisburg.de

www.garnisonkirche-potsdam.org

ESPAGNE

• Textes constitutionnels, législatifs et réglementaires

Constitución española

constitution espagnole, article 16

Real Decreto 1372/1986, de 13 de junio, por el que se aprueba el Reglamento de Bienes de las Entidades Locales

décret royal n° 1372 du 13 juin 1986 approuvant le règlement relatif aux biens des collectivités locales

Ley 33/2003, de 3 de noviembre, del Patrimonio de las Administraciones Públicas

loi n° 33 du 3 novembre 2003 sur le patrimoine des administrations publiques

Decreto 183/2004 de 21 de diciembre, por el que se aprueba el Reglamento de gestión y ejecución del sistema de planeamiento de Canarias

décret n° 183 du 21 décembre 2004 approuvant le règlement de gestion et d'exécution du système de planification des Canaries

• Autres documents

Tribunal Constitutional, Pleno. Sentencia 46/2001 de 15 de febrero de 2001

tribunal constitutionnel, assemblée plénière. décision 46/2001 du 15 février 2001

Juan José Guardia Hernández, « El Lugar de culto en el suelo de titularidad pública en España » dans Cuadernos Doctorales , 23 (1999), page 31

[...] le lieu de culte dans le sol appartenant à la puissance publique en Espagne [...]

Marcos González Sánchez, « Competencias de las Entidades locales en relación con los lugares de culto » dans Anuario de Derecho Eclesiastico del Estado , 2010, p. 557-590.

[...] les compétences des collectivités locales liées aux lieux de culte [...]

Observatorio del pluralismo religioso en España, Lugares de culto, ciudades y urbanismo. Guía de apoyo a la gestión de la diversidad religiosa, Madrid 2011

[...] lieux de culte, cités et urbanisme. Guide de soutien à la gestion de la diversité religieuse [...]

Acuerdo de colaboración entre le Ministerio de Educación, Cultura y Deportes y la Iglesia Católica para el Plan Nacional de Abadías, Monasterios y Conventos,

accord de collaboration entre le ministère de l'éducation, de la culture et des sports et l'église catholique, pour le plan national des abbayes, monastères et couvents

Raquel Tejón Sánchez, Confesiones Religiosas y Patrimonio Cultural, Ministerio de Justicia, 2008.

[...] confessions religieuses et patrimoine culturel [...]

Isabel Aldanondo Salaverría, « El Patrimonio cultural de las confesiones religiosas » dans Revista catalana de dret públic 33 (2006), p. 149-179

[...] le patrimoine culturel des confessions religieuses [...]

Sites Internet :

Observatorio del pluralismo religioso en España :
http://www.observatorioreligion.es/

Laicismo :

http://www.laicismo.org/

ITALIE

• Textes législatifs réglementaires

Legge 29 settembre 1964, n. 847, Autorizzazione ai Comuni e loro Consorzi a contrarre mutui

loi n° 847 du 29 septembre 1964 portant autorisation aux communes et à leurs groupements de contracter des prêts

Legge 28 gennaio 1977, Norme per la edificabilità dei suoli

loi n° 10 du 29 janvier 1977 portant règles relatives à la constructibilité des sols

Legge 25 marzo 1985, n. 121, Ratifica ed esecuzione dell'accordo, con protocollo addizionale, firmato a Roma il 18 febbraio 1984, che apporta modificazioni al Concordato lateranense dell'11 febbraio 1929, tra la Repubblica italiana e la Santa Sede

loi n° 121 du 25 mars 1985 portant exécution et ratification de l'accord [...] apportant des modifications au concordat du Latran du 11 février 1929 entre la République italienne et le Saint-Siège

Legge regionale 11 marzo 2005, n. 12 «Legge per il governo del territorio»

loi régionale de Lombardie n° 12 du 11 mars 2005 pour l'administration du territoire, modifiée

• Autres documents

Presidenza del Consiglio dei ministri Ufficio del segretario generale, Ufficio Studi e Rapporti Istituzionali, USG 2, L'Esercizio della libertà religiosa in Italia, [Roma] luglio 2013

présidence du Conseil des ministres, Bureau du secrétaire général, Bureau Etudes et relations institutionnelles, L'Exercice de la liberté religieuse en Italie, [...], juillet 2013

Consiglio di Stato, Sentenza 27 novembre 2010 n. 8298

conseil d'Etat, arrêt n° 8298 du 27 novembre 2010

Giovanni Cimbalo, « Fabbricerie, gestione degli edifici di culto costruiti con il contributo pubblico e competenze regionali sui beni culturali ecclesiastici » dans Le fabbricerie. Diritto, cultura, religione, Ravenna, 11 dicembre 2005, p. 81-106, Bologna, Bononia University Press, 2007

[...] « fabriques, gestion des édifices du culte construits avec la contribution publique et compétences régionales sur les biens culturels ecclésiastiques » dans Les Fabriques. Droit, culture, religion [...]

Luigi Lupati, Attività degli enti locali ed esercizio del diritto a celebrare il culto. I finanziamenti dei comuni, tesi di laurea in diritto ecclesiastico, Relatore, Prof. Giovanni Cimbalo, Università di Bologna, Facoltà di giurisprudenza, Corso di laurea magistrale in giurisprudenza, Bologna, 2011/2012

[...] activité des collectivités locales et exercice du droit à célébrer le culte. Les financements des communes, thèse de licence en droit ecclésiastique, sous la direction du professeur Giovanni Cimbalo, [...]

ROYAUME-UNI

• Textes législatifs et réglementaires

Human Rights Act 1998

loi sur les droits de l'Homme de 1998

Equality Act 2010

loi sur l'égalité de 2010

Localism Act 2011

loi sur le régionalisme de 2011

Local Government Act 1972

loi sur la gouvernance locale de 1972

• Autres documents

National Planning Policy Framework 2012

document-cadre sur la politique nationale de planification, 2012

BBC News London, August 19, 2014 « £20m Hindu temple funded by community opens in London »

BBC News, Londres, 19 août 2014 « un temple hindou de 20 millions de livres, financé par la communauté, ouvre à Londres »

Church of England, Funding guide 13 : local Authorities and Funding

guide rédigé par l'Église d'Angleterre sur les autorités locales et le financement

Liverpool Express, March 21, 2013, « revamp for historic Greenbank Synagoge »

article du Liverpool Express du 21 mars 2013 « rénovation de la synagogue historique de Greenbank »

• Autres sources

Sites internet :

www.royal.gov.uk

www.parliament.uk

www.rbwm.gov.uk/public/crtb_29_lincoln_road_nomination.pdf

www.iccuk.org

www.nalc.gov.uk

www.hlf.org.uk

www.english-heritage.org.uk

TURQUIE

• Textes constitutionnels, traités et texte législatif

Türkiye Cumhuriyeti Anayasasý

constitution de la République de Turquie

loi n° 2709 du 7 novembre 1982

Traité de Paix conclu entre d'une part, l'Empire Britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, l'Etat Serbe-Croate-Slovène et d'autre part, la Turquie, signé à Lausanne, le 24 juillet 1923

Medeni Kanun

code civil, loi n° 4721 du 22 novembre 2001

Vakýflar Kanunu

code sur les fondations, loi n° 5737 du 20 février 2008

Belediye Gelirleri Kanunu

loi n° 2464 du 26 mai 1985 relative aux revenus municipaux

Diyanet þleri Baþkanlýðý Kuruluþ ve Görevleri Hakkýnda Kanun

loi n° 633 du 22 juin 1965 relative à l'instauration et aux missions de la Présidence des Affaires religieuses

• Autres sources

Site de la Direction Générale de Développement de Législation et la Publication :

www.mevzuat.gov.tr

Site de la Direction Générale des Fondations :

www.vgm.gov.tr

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Direction de l'Initiative parlementaire et des Délégations
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Rapport d'information :
« Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte »

Rapporteur : M. Hervé MAUREY

MERCREDI 2 OCTOBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, ministère de l'Intérieur

Intervenant(s) : M. Jean-Yves GROZ, Chef du Bureau des cultes du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; M. Louis-Xavier THIRODE, chef du bureau central des cultes ; M. Pierre-Antoine MOLINA, Directeur

MERCREDI 9 OCTOBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Patriarcat de Moscou

Intervenant(s) : M. Nestor SIROTENKO, Évêque de Chersonèse

Organisme : Union Bouddhiste de France

Intervenant(s) : Mme Marie-Stella BOUSSEMART, Présidente

MERCREDI 16 OCTOBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Église protestante unie de France

Intervenant(s) : M. Laurent SCHLUMBERGER, Pasteur, Membre du Conseil de la Fédération protestante de France, Président de l'Église protestante unie de

Organisme : Fédération protestante de France

Intervenant(s) : M. François CLAVAIROLY, Président

Organisme : Fondation du protestantisme

M. Jean-Daniel ROQUE, Secrétaire Général, Président de la Commission "Droit et liberté religieuse" de la Fédération protestante de France

MERCREDI 23 OCTOBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Université Paris Descartes

Intervenant(s) : M. Bernard POUJADE, Professeur de droit public

Organisme : Conseil d'État

Intervenant(s) : Mme Aurélie BRETONNEAU, Maître des requêtes ; M. Xavier DOMINO, Maître des requêtes

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Église catholique

Intervenant(s) : M. Georges PONTIER, Archevêque de Marseille, Président de la Conférence des Évêques de France

Organisme : CRIF

Intervenant(s) : M. Roger CUKIERMAN, Président ; Francis KALIFAT, Vice-président ; Dr Ariel AMAR, Conseiller du Président, Président de la commission IDF

MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Consistoire central de France

Intervenant(s) : M. Joël MERGUI, Président ; Yaël HIRSCHHORN, chargée de mission

Organisme : École rabbinique

Intervenant(s) : M. Olivier KAUFMANN, Directeur

Organisme : Rabbin de Paris

Intervenant(s) : M. Michel GUGENHEIM, Grand Rabbin de Paris

Organisme : Observatoire du patrimoine religieux

Intervenant(s) : Mme Béatrice De ANDIA, Présidente de l'Observatoire du patrimoine religieux

MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Grand Orient de France

Intervenant(s) : M. Daniel KELLER, Grand Maitre, Président du Conseil de l'Ordre

Organisme : Fédération du droit humain

Intervenant(s) : M. Michel MELEY, Grand Maitre

MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2013

Auditions rapporteur

Organisme : Grande loge Féminine de France

Intervenant(s) : Mme Catherine JEANNIN-NALTET, Présidente

Organisme : Église évangélique de France

Intervenant(s) : M. Daniel LIECHTI, vice-président du Conseil national des évangéliques de France

MERCREDI 15 JANVIER 2014

Auditions rapporteur

Organisme : Ville de Mulhouse - Association des maires des Grandes villes de France (AMGFV)

Intervenant(s) : M. Paul QUIN, Adjoint au Maire de Mulhouse

MARDI 21 JANVIER 2014

Audition plénière

Organisme : Observatoire de la laïcité

Intervenant(s) : M. Jean-Louis BIANCO, Président de l'Observatoire de la laïcité

MERCREDI 22 JANVIER 2014

Auditions rapporteur

Organisme : Ambassade du Royaume du Maroc en France

Intervenant(s) : S.E. M. Chakib BENMOUSSA, Ambassadeur

Organisme : TRACFIN

Intervenant(s) : M. Jean-Baptiste CARPENTIER, Directeur

MERCREDI 29 JANVIER 2014

Auditions rapporteur

Organisme : Ambassade de la République d'Algérie en France

Intervenant(s) : S.E. M. Amar BENDJAMA, Ambassadeur

MERCREDI 5 FÉVRIER 2014

Auditions rapporteur

Organisme : Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours en France

Intervenant(s) : M. Dominique CALMELS

JEUDI 13 NOVEMBRE 2014

Auditions rapporteur

Organisme : Conseil français du culte musulman

Intervenant(s) : M. Chems-Eddine HAFIZ, Vice-président du Conseil français du culte musulman

Organisme : Union des organisations islamiques de France

Intervenant(s) : M. Okacha BEN AHMED DAHO, Secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France

MARDI 13 JANVIER 2015

Travaux en réunion plénière

Réunion de la Délégation sur le « Financement des lieux de culte par les collectivités territoriales »

Présentation des résultats de l'enquête de TNS Sofres

ANNEXE 4 : ÉTUDE TNS SOFRÈS

Méthodologie de l'enquête

1) RAPPEL DU CONTEXTE ET DE LA MÉTHODOLOGIE

n Dans le cadre de l'élaboration et de l'examen d'un rapport d'information sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte, la Délégation du Sénat aux collectivités territoriales a confié à TNS Sofres la mise en place d'une consultation (papier / Internet) auprès de maires et/ou adjoints compétents pour compléter le travail déjà entrepris et évaluer l'expérience et l'opinion des élus communaux quant à la problématique du financement des lieux de culte en France .

n Dans le cadre de cette consultation, 10 000 communes ont été sélectionnées (cf. détail de l'échantillon page 4) sur les 35 025 concernées par le régime de séparation des Eglises et de l'Etat en France métropolitaine (les communes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle étant exclues) et dans certains DOM-COM (Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Saint-Martin et Saint-Barthélemy).

n L'échantillon des 10 000 communes sélectionnées a été raisonné afin de mieux prendre en compte les communes les plus exposées aux problèmes relatifs au financement des lieux de culte. A ce titre, le poids des petites communes rurales a été minoré au sein de l'échantillon. Vous trouverez ci-après le détail des communes sélectionnées selon leur taille et la catégorie d'agglomération et pour lesquelles le questionnaire a été envoyé.

n Une enquête en deux volets :

n Volet 1 : enquête quantitative via la transmission d'un questionnaire papier à 10 000 maires .

n Volet 2 : enquête qualitative par entretien individuel auprès de 20 élus ayant répondu au questionnaire du volet 1.

2) LA CONSTITUTION DE L'ÉCHANTILLON RAISONNÉ

n Compte tenu des données INSEE, l'échantillon raisonné des 10 000 communes a été constitué selon les modalités suivantes :

n Sélection de l'exhaustivité des communes implantées dans les agglomérations de 2 000 à 20 000 / 20 000 à 100 000 / 100 000 habitants et plus et dans l'agglomération parisienne , soit 6 835 communes au total .

n Sélection de 3 165 communes sur les 28 190 en milieu rural en ciblant l'exhaustivité des communes de 2 000 à 9 999 habitants (soit 539 communes) et celles de moins de 2000 habitants en proportion de leur poids réel sur la base restante (2 626 communes). Une stratification géographique par région a également été réalisée afin de couvrir l'ensemble du territoire.

3) EN PRÉAMBULE : LE PROFIL SOCIODÉMOGRAPHIQUE DES

RÉPONDANTS

PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS

n Des communes quasi exclusivement bénéficiaires et propriétaires d'un seul lieu de culte catholique

n Dans la grande majorité des communes : 1 seul lieu de culte catholique / 1 seul lieu de culte catholique propriété de la commune.

n De façon plus marginale, d'autres lieux de cultes protestants, évangéliques et musulmans principalement présents dans les communes de plus de 5 000 habitants (représentant 5,4% des communes en France).

n Un financement des lieux de culte appartenant à la commune plutôt bien accepté même si les coûts d'entretien et de rénovation sont jugés importants.

n Des dépenses jugées importantes (voire excessives) pour près d'un élu sur deux mais rarement prioritaires.

n Des aides publiques souvent indispensables mais qui ne profitent pas à tous.

n Des bénéfices liés à la dimension patrimoniale et culturelle que confèrent ces édifices qui participent pleinement à l'acceptation de ces coûts d'entretien et de rénovation : des lieux de culte devenus au fil du temps lieux de patrimoine.

n La construction de nouveaux lieux de culte : un enjeu qui ne concerne pas toutes les communes et qui se focalise essentiellement sur le culte musulman .

n De manière générale, le sentiment d'un très faible besoin de nouveaux lieux de culte dans les communes prédomine. Une problématique qui apparaît clairement secondaire dans les préoccupations des élus d'autant que le nombre de ces édifices est jugé convenable dans les communes. Dans ce contexte, des demandes de nouveaux lieux de culte globalement peu nombreuses.

n Un sujet qui concerne finalement et avant tout les communes de plus de 5000 habitants et le culte musulman et qui suscite alors des réactions plutôt contrastées entre :

n D'une part, les élus qui ne sont pas ou peu confrontés à ces demandes, ont du mal à se projeter dans ces situations, sinon pour souhaiter les retarder ou les repousser de peur des réactions de leurs administrés ou d'une perte d'identité, d'un affaiblissement de la culture traditionnelle chrétienne française.

n Et d'autre part, les élus des communes plus peuplées, le plus souvent périurbaines ou urbaines ayant des communautés religieuses très diversifiées et implantées de longue date sur leur territoire, pour qui l'édification de nouveaux lieux de culte est légitime et nécessaire afin d'assurer deux impératifs de l'Etat laïque : la liberté religieuse et le principe d'égalité entre les cultes ; et de normaliser des pratiques souvent cachées ou non officielles.

n Une implantation de nouveaux lieux de culte musulmans potentiellement génératrice de conflictualité dans les communes concernées. Pour autant, des exemples d'accompagnement (dans le volet 2 de l'enquête via l'approfondissement qualitatif par entretien individuel) témoignent d'une gestion sereine et maîtrisée des projets d'implantation de nouveaux lieux de culte musulmans.

n La nécessité de poser des conditions très claires dès le départ aux porteurs de projet et de s'impliquer véritablement dans le suivi des dossiers : un préalable indispensable à la bonne intégration sociale et territoriale d'un tel édifice .

n Des élus sollicités et souvent prêts à accompagner mais majoritairement défavorables aux financements publics des nouveaux lieux de culte (post 1905).

n Au global, des sollicitations essentiellement centrées sur le culte catholique mais pas seulement. Des demandes de financement de lieux de culte musulmans qui se concentrent effectivement en région parisienne et dans les communes le plus souvent périurbaines / urbaines.

n Plus précisément et pour le culte musulman, des demandes qui concernent avant tout l'édification de mosquées.

n Face à ces sollicitations, des élus déterminés et majoritairement hostiles à toute modification de la loi de 1905 qui viseraient à autoriser le financement public des nouveaux lieux de culte (59%).

n Un financement public des nouveaux lieux de culte qui mettrait à mal le principe de laïcité et une loi de 1905 qui permet déjà un certain nombre d'aides en la matière (baux emphytéotiques, location de salles et/ou de terrain).

n Toutefois, un système de co-financement Etat/communes et organisations religieuses pourrait séduire certains élus (29%). Un financement public qui aurait alors deux principales vertus : la transparence / le contrôle (pour répondre notamment aux inquiétudes liées aux financements des Etats étrangers) et une meilleure égalité de traitement entre les cultes.

n Selon les élus, des administrés sensibles à ces questions de financement public, potentiellement génératrices de conflictualité .

n Si les interventions sur les lieux de culte et équipements existants font consensus, les réactions des administrés à l'égard des interventions sur les nouveaux lieux de culte sont plus clivantes.

n La question du financement public des lieux de culte musulmans est, à ce titre, génératrice de tensions dans les communes concernées.

n Toutefois et dans l'ensemble, il y a très peu de contentieux liés à la question du financement des lieux de culte.

RÉSULTATS DÉTAILLÉS DE L'ÉTUDE

1) ETAT DES LIEUX ET INTÉRÊT POUR LES LIEUX DE CULTE

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE QUANTITATIVE :

Dans la grande majorité des communes : 1 seul lieu de culte catholique / 1 seul lieu de culte catholique propriété de la commune

De façon plus marginale, d'autres lieux de cultes protestants , évangéliques et musulmans principalement présents dans les communes de plus de 5 000 habitants (représentant 5,4% des communes en France)

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE QUALITATIVE :

Du lieu de culte au lieu de patrimoine

n Facteur d'acceptation des coûts liés à l'entretien des édifices cultuels dont les communes ont la charge eu égard à la loi de 1905, les élus interrogés dans le cadre des entretiens individuels ont tous tenu à souligner les bénéfices que leur confèrent ces édifices, le plus souvent catholiques (et de manière très marginale protestants et israélites).

n Ces lieux de culte, propriété des communes, dépassent aujourd'hui leur fonction initiale et sont ainsi davantage perçus comme :

n Des monuments historiques / culturels

n Des joyaux architecturaux

n Des emblèmes et/ou symboles des communes dans lesquelles ils s'inscrivent (cf. place centrale de ces édifices sur les territoires communaux, point de repère visuel dans l'espace, image des cartes postales etc.)

n Par conséquent et dans la majorité des cas, les lieux de cultes constituent des éléments du patrimoine communal qui méritent d'être valorisés car ils sont source d'attractivité . À ce titre, et dans de nombreuses communes, les élus utilisent souvent ces édifices pour des expositions ou des concerts de musique classique.

n On note par ailleurs, un attachement fort des élus à ces édifices pour des raisons souvent affectives , émotionnelles et culturelles (voire identitaires pour quelques-uns) qu'ils soient eux-mêmes ou non croyants et/ou sensibles à la religion en question.

n En défendant ce point de vue, les élus indiquent être en phase avec leurs administrés et leurs attentes de préservation de ces édifices pour des raisons qui tiennent davantage à des considérations culturelles et patrimoniales qu'à des considérations religieuses. A ce titre, de nombreuses associations non religieuses se sont constituées pour venir en aide à certaines municipalités dans le financement de certains entretiens / travaux d'édifices cultuels.

è Des lieux de culte , propriété des communes, devenus de fait des éléments clefs du patrimoine


• Paroles d'élus - Dimension patrimoniale des lieux de culte appartenant aux communes

« C'est le lieu de culte principal de la commune, mais c'est aussi un lieu de concert exceptionnel même si certains ne l'apprécient guère, et un lieu de tourisme important ». Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Elle fait partie du patrimoine culturel de la ville. On a deux publics : les paroissiens, très demandeurs de travaux de rénovation, et le public qui vient pour les concerts. Les deux publics sont satisfaits que des travaux soient faits. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Nous sommes propriétaires d'une église catholique du XIII e siècle. C'est un monument lourd à gérer, mais l'église est très belle, c'est un élément important du patrimoine, même si je ne suis pas religieux. Elle a un sens humain fort. C'est un patrimoine à préserver. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Notre église est au centre de la commune. C'est un emblème ! » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Il y a une dimension patrimoniale très importante : la basilique est un élément constitutif de l'organisation paysagère et urbaine de notre ville. Ça fait partie de l'ADN de la commune. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Certains lieux de culte sont depuis très longtemps l'identité du village. (...) Elle est quand même très jolie cette église, elle est classée, les gens se déplacent pour la voir, donc cela a un attrait touristique. (...) Mais moi j'ai peur qu'on nous dise `comme vous ne voulez pas financer une synagogue ou une mosquée, vous ne financerez plus les églises', sauf qu'il y a quand même une histoire française qui fait que c'est dommage quoi. » Adjoint, commune de moins de 2 000 habitants

« Je pense qu'un bâtiment ou une église qui a été construit au XI e siècle est désormais rentré dans l'histoire, c'est un bâtiment qui participe de notre patrimoine historique et d'une identité de paysage et d'une identité urbaine. On est sur un patrimoine commun millénaire (...) donc il y a une légitimité à ce que les pouvoirs publics entretiennent un espace d'histoire. Après, ce qui est légitime aussi c'est que ces espaces d'histoire, entretenus par les pouvoirs publics, puissent aussi être des lieux ouverts qui permettent à l'ensemble des habitants du territoire de trouver une offre culturelle : c'est le retour nécessaire lié à un financement public. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Nous avons une église du XIII e siècle. On est d'abord très heureux d'avoir cette église qui est classée et très belle. C`est dans les photos dans la ville. Elle fait partie du patrimoine. On y est attachés. On a fait de gros travaux à la fin des années 1990. Tout n'est pas terminé mais beaucoup a déjà été fait. C'est un lieu intégré dans un circuit touristique. Cette église sert avant tout de salle de concert - elle a une acoustique extraordinaire - et d'exposition et, de temps en temps, pour le culte. Une messe à Noël, les communions, mais il faut monter là-haut et ce n'est pas possible de faire la messe tous les dimanches là-bas. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Elle est au centre de notre village. Ce n'est pas une question de religion. Le plus important c'est qu'elle est au centre, elle fait partie du patrimoine, on peut y faire des concerts. C'est le bâtiment le plus ancien de la commune. C'est l'âme du village. Il y a une dimension affective très forte. Un village sans lieu de culte, ce n'est pas un village. » Maire, commune de moins de 2 000 habitants


• Paroles d'élus - Focus sur le cas des très petites communes rurales qui, sans aide, n'arrivent plus à entretenir leur(s) lieu(x) de culte

« Nous avons une église non classée du XI e ou XII e siècle car à une époque elle a été restaurée mais pas dans les procédures, ce qui fait qu'elle ne peut plus être classée aujourd'hui. Elle sert pour les mariages, les enterrements, les baptêmes pour les gens de la commune et des communes alentours et pour toutes les personnes ayant habité ici. Il y a une messe par an. Elle est également visitée car elle se trouve sur un sentier de randonnée. » Maire, commune de moins de 2 000 habitants

« Le souci aujourd'hui, c'est son état et que des gens y vont prier, elle est ouverte souvent mais de plus en plus humide. Il y a des fleurs qui poussent à l'intérieur. C'est verdâtre, il faut boucher les trous. On veut juste la maintenir et enlever la misère, rien de plus ou de superflu. Sur le budget, c'est énorme car nous avons 100 000 euros de budget de fonctionnement pour la commune. On évite de s'endetter. Mes dossiers prioritaires en 2015 sont l'accessibilité et la sécurité des routes. On peut mettre 10 000 euros maximum et on sait bien que ce n'est pas suffisant. Si on ne fait rien sur le mandat elle va tomber en ruine et j'ai peur qu'un jour tout tombe. Une association du patrimoine d'habitants s'est constituée en 2008 puis d'autres habitants aux alentours ont souscrit à cette association. Sur 176 habitants, 80% sont catholiques, l'église est importante aux yeux des administrés. Il faut que je regarde les subventions de la région mais quand on en a une ça bloque les financements pour 4 ans... Ils prêtent une fois mais pas deux. Je vais voir avec la sénatrice pour les subventions qu'elle me donne. Certains sénateurs d'autres régions peuvent visiblement aider, c'est ce qu'on voit dans le journal du centre. En tous les cas, en 2015, je vais appeler « au secours » pour sauver notre église ! » Maire, commune de moins de 2 000 habitants

« Quand c'est les grandes villes, il n'y a pas de problème mais pour nous, petites communes rurales, on ne nous donne pas les moyens de restaurer et d'entretenir. On nous laisse un héritage qu'on ne peut pas exploiter. Et je ne suis pas seule dans ce cas-là, dans les 16 communes alentours, certains ont la chance d'être classé et ont donc des aides de l'Etat mais trois communes sont dans le même cas que nous. » Maire, commune de moins de 2000 habitants

1) UN FINANCEMENT DES LIEUX DE CULTE APPARTENANT À LA COMMUNE PLUTÔT BIEN ACCEPTÉ MÊME SI LES COÛTS D'ENTRETIEN ET DE RÉNOVATION SONT JUGÉS IMPORTANTS

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE QUANTITATIVE :

Aujourd'hui, des besoins de rénovation ou d'aménagement qui concernent trois cultes principalement : catholique en tête

Un financement des lieux de culte existants (propriété des communes) globalement bien accepté des élus

Même si les dépenses sont jugées importantes (voire excessives ) pour près d' un élu sur deux

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE QUALITATIVE :

Des coûts et des situations variables selon les communes et les édifices

n Les entretiens individuels auprès des maires et/ou adjoints compétents soulignent la variété des situations. En effet, que l'on soit dans une petite commune rurale ou dans les grandes agglomérations, que l'on ait un ou plusieurs lieux de culte construits avant 1905 (et donc à sa charge en ce qui concerne l'entretien de l'édifice), que ceux-ci soient classés / inscrits à l'inventaire des Monuments historiques ou non, les coûts et les enjeux liés aux financements peuvent être différents. Toutefois, trois constats sont globalement partagés :

n Des coûts souvent importants : de quelques dizaines de milliers d'euros à plusieurs centaines voire millions d'euros, les dépenses liées à l'entretien et à la rénovation des lieux de culte appartenant à la commune (catholiques exclusivement dans la grande majorité des situations) ne sont jamais perçues comme anodines.

n Des dépenses qui sont rarement prioritaires : ce constat est d'autant plus prégnant que l'état actuel des finances publiques locales impose aux maires la plus grande vigilance en matière d'investissement. Les maires interrogés indiquent engager des travaux le plus souvent lorsque l'état des bâtiments les y obligent. Notons toutefois que certains anticipent ce genre de dépenses lorsque les enjeux touristiques et patrimoniaux sont très forts.

n Des aides publiques indispensables mais qui ne profitent pas à tous : les aides financières (de l'Etat via les DRAC, des Conseils généraux ou des Conseils régionaux) auxquelles les élus peuvent prétendre lorsque l'un ou plusieurs de leurs lieux de culte sont classés (ou inscrits) aux Monuments historiques constituent un vrai soulagement. Nombreux sont ceux qui ne pourraient s'en passer sans que cela affecte le bon entretien de ces bâtiments. Dans la mesure où ces aides sont conditionnées au classement ou à l'inscription de l'édifice aux Monuments historiques, certaines communes ne peuvent en bénéficier. Lorsque la situation se présente dans une petite commune rurale, la survie-même de l'édifice s'il nécessite beaucoup de travaux d'entretien ou de rénovation est clairement posée.


• Paroles d'élus - Coûts et dépenses liés à l'entretien des lieux de culte appartenant à la commune

« Pour une commune dortoir, ça fait cher ! La DRAC est partenaire mais c'est long et cher pour eux aussi. Nous n'avons pas d'autres sources de financement. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Deux églises catholiques à gérer, c'est trop, c'est lourd en termes d'investissement mais c'est l'héritage de l'association des deux communes. Et on ne bénéficie d'aucune aide. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Il y a un coût important pour la réparation des cloches, investissement non neutre sur le chauffage. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« C'est le dernier endroit où on investit souvent et on le fait quand on est un petit peu obligé. La chapelle, on a été quasiment obligé car le mur se fissurait et menaçait de tomber. (...) Mais comme on est une commune qui n'a pas trop d'argent on va d'abord investir dans l'école et les commerces plus que dans l'église mais depuis que l'on a découvert la fondation du patrimoine on a fait les travaux plus vite qu'à l'ordinaire car cela coûte un peu moins cher. » Adjoint, commune de moins de 2 000 habitants

« Avant mon arrivée en 1995, il y avait un laisser-aller important sur tous les bâtiments publics de la commune, l'église était donc également concernée. Rien n'avait été fait, c'était de la négligence. On a donc fait des travaux d'urgence : 450 000 euros, c'est important ! En 2012 ou 2013, on a obtenu le classement, donc on espère pouvoir bénéficier des aides de la DRAC dans le futur. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

2) LA CONSTRUCTION DE NOUVEAUX LIEUX DE CULTE : UN ENJEU QUI NE CONCERNE PAS TOUTES LES COMMUNES ET QUI SE FOCALISE ESSENTIELLEMENT SUR LE CULTE MUSULMAN

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE QUANTITATIVE :

De manière générale et selon les élus, un très faible besoin de nouveaux lieux de culte dans les communes

Et une problématique clairement secondaire dans les préoccupations des élus

Un nombre de lieux de culte jugé convenable dans les communes même si un manque se fait sentir du côté de la religion musulmane ...

Dans ce contexte, des demandes de nouveaux lieux de culte globalement peu nombreuses qui se concentrent principalement sur le culte catholique et le culte musulman

Résultats de l'enquête qualitative :

L'édification de nouveaux lieux de culte : un sujet qui concerne avant tout les communes de plus de 5000 habitants et le culte musulman. Un sujet qui suscite des réactions plutôt contrastées

n Pour la majorité des communes (86% d'entre elles ayant moins de 2 000 habitants), la question des nouveaux lieux de culte ne les concerne absolument pas :

n Absence de communautés religieuses autres que chrétiennes et pour lesquelles des lieux de culte existent déjà.

n Absence de sollicitations ou de besoins exprimés de la part des administrés.

n Existence de lieux de culte d'autres religions (notamment protestante, juive et musulmane) dans les agglomérations voisines.

n Pour autant, dans les communes de plus de 5 000 habitants (qui représentent 5,4% des communes en France), la question émerge et émane le plus souvent de la communauté musulmane.

n Dans ce contexte, les élus se montrent assez partagés entre :

n Les élus, qui ne sont pas ou peu confrontés à ces demandes, et qui ont dû mal à se projeter dans ces situations sinon pour souhaiter les retarder ou les repousser de peur des réactions de leurs administrés ou d'une perte d'identité.

n Les élus des communes périurbaines et urbaines ayant des communautés religieuses très diversifiées et implantées de longue date sur leur territoire, pour qui l'édification de nouveaux lieux de culte est légitime et nécessaire afin d'assurer deux impératifs de l'Etat laïque : la liberté religieuse et le principe d'égalité entre les cultes qui découle lui-même du principe de neutralité ; et de normaliser des pratiques cachées ou non officielles (exemple des salles de prière dans les caves d'immeuble utilisées par les musulmans ne disposant pas de mosquée).


• Paroles d'élus - Réactions face aux nouveaux lieux de culte

« Il est préférable d'avoir des lieux de culte déclarés et ouverts. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Je suis favorable à la construction de nouveaux lieux de culte. C'est un principe d'égalité évident. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« J'imagine dans quelques banlieues où la population musulmane est importante que la demande de mosquées peut exister. Si il y avait un besoin dans notre commune je serais plutôt favorable à la construction d'une mosquée plutôt que leur religion soit pratiquée dans des caves » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Chez nous le principe c'est on est ouvert, s'il y a une question on est attentif aux porteurs du projet et puis sur cette base notre volonté c'est toujours la responsabilisation parce que le projet il est porté par une communauté. » Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Il faut que l'on reconnaisse que certes historiquement la France est un pays catholique mais du fait des migrations et flux il convient aussi d'entendre l'expression d'un certain nombre de Français qui ont une religion différente et qui pour exercer et pratiquer demandent à avoir la possibilité d'avoir des lieux adaptés et par conséquent il faut une réponse ». Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Je suis absolument contre tous nouveaux lieux de culte notamment hors du catholicisme que ce soit dans sa commune ou partout en France, la loi devrait dire stop. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Si demain, je devais avoir des administrés qui devaient pratiquer une autre religion, ça serait compliqué, je n'aurais pas la place de construire autre chose. On est dans le rural, tout le monde est catholique mais on a la chance d'être à 25 km de Nevers où il y a une mosquée. Après, j'ai une salle communale, on pourrait donc la prêter aux différents cultes si nécessaire. » Maire, commune de moins de 2 000 habitants

« On est dans une agglomération, on est juxtaposé à l'intercommunalité du grand Troyes et donc il y a des lieux de culte différents de la religion catholique dans l'agglomération (...) si on venait à me le demander, je demanderais d'abord d'aller voir sur Troyes. On est toujours resté dans le culte catholique, je vois mal d'autres cultes. Même si on a une obligation, s'il y a des demandes, si on peut freiner, on freinera. On parle souvent de la religion musulmane... C'est vrai que vu ce qu'il se passe en Syrie et en Irak, à l'heure actuelle cela nous fait plutôt dire : il faudrait mieux freiner ce genre de choses, même si on fait bien le distinguo entre l'Islam et puis les djihadistes. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

En dehors du culte musulman, des élus très vigilants et attentifs à l'égard de l'implantation de nouveaux lieux de culte évangélistes

n De l'aveu même de certains maires, les évangélistes aussi diversifiés qu'ils puissent être dans leurs différents mouvements, apparaissent comme l es plus actifs dans l'édification de nouveaux lieux de culte . Pour autant, les sollicitations et les interactions sont assez rares avec ces communautés jugées « discrètes ». Dans la plupart des cas, les évangélistes constituent eux-mêmes leurs propres lieux de culte sans en avertir les municipalités dans lesquelles ils s'installent.

n Cette situation particulière pose alors un certain nombre de problèmes, principalement du fait que :

n de nombreux mouvements semblent s'apparenter à des mouvements sectaires contre lesquels il est nécessaire de lutter. A ce titre, les témoins de Jéhovah sont considérés comme tel par plusieurs élus interrogés.

n de nombreux lieux de culte qui ouvrent ne répondent pas du tout aux normes de sécurité exigées pour tous les lieux ayant vocation à accueillir du public (exemple d'appartements ou d'anciennes usines désaffectées utilisés comme lieu de prière).

n Dans ce contexte et compte tenu du dynamisme de ces mouvements évangélistes, les communes les plus touchées se montrent très vigilantes et attentives au respect des normes , n'hésitant pas à fermer les lieux non conformes ou inadaptés pour de tels usages.

n Toutefois, on note que l'édification de nombreux lieux de culte évangélistes se déroule dans de bonnes conditions, les représentants de ces communautés respectant les règles du droit privé et finançant eux-mêmes leurs édifices. Certains élus regrettent toutefois que ces lieux de culte répondent rarement à des intérêts et besoins locaux et semblent davantage utilisés comme des lieux de prosélytisme visant à accueillir / convertir de nouveaux adeptes.


• Paroles d'élus - Nouveaux lieux de culte évangélistes

« On a quelques églises évangéliques et elles posent souvent problème, elles s'installent dans des maisons, pavillons, appartements sans les permis de construire adaptés, il y a problème de non-respect des normes et règles liées aux bâtiments accueillant du public. On est face à des sectes. On est à la limite du gourou. Exemple d'un ancien bâtiment industriel transformé en lieu de prière alors que ce n'est pas prévu pour recevoir du public. On a dû préempter des espaces et des terrains car sinon on aurait eu des cathédrales au niveau régional pour les églises américaines. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« C'est des mouvements sauvages et pas bien structurés. On n'a pas de hiérarchie institutionnalisée donc c'est compliqué de les approcher. » Directeur de cabinet adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Les Témoins de Jéhovah, là je suis plus réservé car c'est une secte. Je ne soutiendrais pas un projet de ce type. J'ai d'ailleurs dit non à leur souhait de s'implanter sur la commune car je considérais que c'était classé comme une secte. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Nous avons une multitude de lieux de cultes évangélistes : ça sort comme des champignons ! On les surveille de très près. Il y en a 5 ouverts et 13 fermés à ce jour pour des raisons de sécurité. On envoie la Commission sécurité à chaque fois, on est très méfiant. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

3) DES ÉLUS SOLLICITÉS ET SOUVENT PRÊTS À ACCOMPAGNER MAIS MAJORITAIREMENT DÉFAVORABLES AUX FINANCEMENTS PUBLICS DES NOUVEAUX LIEUX DE CULTE (POST 1905)

Résultats de l'enquête quantitative :

Au global, des sollicitations essentiellement centrées sur le culte catholique mais pas seulement...

Des demandes de financement de lieux de culte musulmans qui se concentrent effectivement en région parisienne et dans les communes périurbaines / urbaines

Pour le culte musulman, des demandes qui concernent avant tout l'édification de nouveaux lieux de culte et notamment de mosquées

Face à ces sollicitations, des élus déterminés et majoritairement hostiles à toutes modifications de la loi de 1905 qui viseraient à autoriser le financement public des nouveaux lieux de culte

Résultats de l'enquête qualitative :

Un financement public des nouveaux lieux de culte qui mettrait à mal le principe de laïcité et une loi de 1905 qui permet déjà un certain nombre d'aides en la matière

n Près de 6 élus consultés sur 10 (59%) se déclarent défavorables au financement public des nouveaux lieux de culte. Une position ferme qui ne les empêche pas d'accompagner des projets de nouveaux lieux de culte , en particulier musulmans, sans intervenir financièrement. Plusieurs raisons différentes motivent leur point de vue :

n Le respect de la loi actuelle, jugée claire et pertinente, garante de l'Etat laïque. À ce titre, les élus consultés se montrent très attachés au principe de laïcité synonyme de liberté religieuse, de respect et d'ouverture mais qu'ils considèrent aujourd'hui de plus en plus malmené, galvaudé ou même instrumentalisé par le FN notamment. Selon certains, ce principe devrait d'ailleurs être réaffirmé voire davantage enseigné à l'école.

n L'importance du devoir de neutralité des acteurs publics vis-à-vis du religieux qui relève de la sphère privée

n La défense de l'intérêt général qui doit primer sur les intérêts d'une communauté quelle qu'elle soit

n L'état des finances publiques locales qui ne permet pas d'engager de nouvelles dépenses

n L'existence de mesures et d'aides alternatives : bail emphytéotique, location de salle, prêt temporaire de salle et/ou terrain. Certains élus évoquent également le financement d'associations culturelles tout en pointant le risque et les dérives que cela comporte : les subventions de ces associations culturelles pouvant permettre de financer des associations cultuelles.

n À leurs yeux, l'idée d'un financement public des nouveaux lieux de culte comporterait trois risques :

n Un risque d'engrenage et de surenchère : toutes les communautés religieuses voudront des financements. Dans ce contexte, sur quels critères devront-ils arbitrer au risque de favoriser certains cultes au détriment d'autres ?

n Un risque financier : la multiplication éventuelle des financements pourrait s'avérer déraisonnable d'un point de vue budgétaire, en particulier dans un contexte de raréfaction des dotations de l'Etat.

n Un risque politique : les projets de nouveaux lieux de culte deviendraient clairement des enjeux électoraux.


• Paroles d'élus - Contre le financement public des nouveaux lieux de culte

« Est-ce que c'est à l'Etat de financer de nouveaux lieux de culte ? Ça c'est clair : non ! » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Il n'est pas question qu'on subventionne. La loi ne le permet pas mais sur le principe, on est contre de toutes les façons. Mais rendre possible une installation quand ils payent tout, oui ! On est prêt à accompagner l'installation de lieux de culte de proximité en proportion de la taille des communautés. C'est ça l'objectif. Je suis pour rester sur la situation actuelle. Le risque d'un financement de l'Etat ou des collectivités, on nous dit que c'est pour éviter le financement des Etats étrangers. J'entends. Mais pour les équipements de proximité comme chez nous ces Etats s'en foutent car ils veulent que ça brille, que ça se voie (au stade actuel). Mais la question peut se poser, c'est vrai. On verra. Pour l'instant ce n'est pas le problème. On se retrouverait en difficulté pour justifier la laïcité si on commençait à financer. On aurait du mal à savoir où ça s'arrête, on mettrait le doigt sur quelque chose qui risque de nous échapper. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Au niveau national, le principe n'est pas mauvais, la construction d'un lieu de culte se fait sur fonds privés : que l'Etat régule mais qu'il laisse la libre entreprise en la matière. On doit faire face à des religions qui ont un certain retard patrimonial. C'est le cas des évangélistes et de la religion musulmane dans une moindre mesure. Ainsi il y a une forte demande. On a tous entendu des salles de prières dans des caves. Accompagner est normal, financer, non. On peut en revanche accorder des subventions à des associations culturelles. La frontière est un peu fine, mais elle est importante. Une association ne doit pas financer une autre association. » Directeur de cabinet adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Aujourd'hui ce qui prend de l'ampleur dans ma commune, c'est la mosquée. Dans le cadre de la loi, c'est très clair, ils paient un loyer comme tout un chacun. Il ne faut permettre aucun financement public mais c'est compliqué à défendre car la loi de 1905 n'est pas aboutie : la preuve, on finance des églises qui ont été construites avant 1905. C'est une très mauvaise chose que les communes financent des églises, la communauté musulmane le sait et s'empare de cet argument. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« En tant que représentant de l'Etat j'estime que la mairie doit rester neutre. Il ne doit pas y avoir de financement public sur quelque chose de religieux ou de politique. C'est aux fidèles de financer ce type de lieux. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« La loi de 1905 fixe très clairement les limites d'intervention des pouvoirs publics sur ce financement des lieux de culte et je m'en tiens à cela. Cela n'empêche pas de penser qu'il y a un besoin de lieux de culte identifiés officiels dans un certain nombre de communautés qui pratiquent dans des conditions parfois déraisonnables (...) après sur le financement, la loi de 1905 cadre très bien les choses. C'est une loi assez moderne qui fait bien la part des choses dans une République qui est une République laïque. La communauté des croyants est légitime pour financer, peu importe la religion. Après, je ne suis pas contre le financement des Etats étrangers et entreprises privés car c'est du mécénat » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Ne pas faire obstacle à la construction des lieux de culte. Mais un financement public me paraît totalement exclu. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Aujourd'hui dans l'état actuel, je serais plutôt défavorable. Nous avons un potentiel de dépenses important pour sortir la commune du marasme dans laquelle elle se trouve (60 millions d'euros). On ne peut donner la priorité aux lieux de culte. Je ne me vois pas ajouter ce type de dépenses. Ce serait déraisonnable sur le plan économique. Il faut veiller aussi dans nos métiers à l'intérêt général et là on est à la frange de l'intérêt particulier même s'il recoupe parfois pas mal de monde. Le cadre de la loi de 1905 me paraît être un cadre à ne pas déséquilibrer par rapport à ce qu'il est aujourd'hui. Si j'étais législateur, je ne modifierais pas ce cadre-là, en tous les cas pas vers la prise en charge par les collectivités publiques du financement des nouveaux lieux de culte construits après 1905. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Ce n'est pas une bonne idée. Il faut en rester à la loi de 1905. Ça n'empêche pas d'avoir de bonnes relations avec les associations et de créer les conditions pour faire en sorte que les opérations de construction puissent se faire. On ne s'y opposera pas mais on n'interviendra pas financièrement. Cette loi est très claire. Mettre le doigt dans cet engrenage-là, c'est assurément aller aux devants de difficultés. Dans les communes où il y a plusieurs religions représentées : ça sera pourquoi vous avez mis tant pour l'église et pas pour la mosquée ou tant sur la synagogue ? Surtout en ce moment dans le contexte actuel. On leur dit clairement que ce n'est pas possible. Il faut en rester aux droits communs comme pour n'importe quel particulier ou association. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Il y a des communes de droite ou de gauche qui accordent des bénéfices, des financements via des combines et des arrangements à ces communautés, ils vont droit à la catastrophe ! Ils vont rentrer dans la surenchère car il n'y a pas de clarté au départ. Je suis contre le financement public des nouveaux lieux de culte car on peut le faire autrement. L'avantage du bail emphytéotique, il met la mosquée dans le même état que l'Eglise catholique d'avant 1905 puisqu'au bout de 99 ans, elle revient à la commune qui la laissera pour le culte. La ville en sera propriétaire. En revanche, nos successeurs n'auront pas le droit d'en faire autre chose qu'un lieu de culte et les travaux seront à la charge de la commune. Il faut être ferme sur la loi de 1905 pour assurer vraiment le respect des principes et éviter le déclenchement de tensions. La cathédrale d'Evry est un vrai scandale. Sous prétexte qu'on faisait un musée d'art sacré au milieu de la cathédrale, le Ministère de la culture a donné 1 million d'euros. Ce n'est pas acceptable parce que là c'est vraiment détourner le principe de la loi de 1905. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants


• Paroles d'élus - La laïcité, un principe fondateur

« On a une chance énorme avec la loi de 1905 dans notre pays, ça clarifie bien les choses. Ce n'est pas une loi anti-religion, elle pose bien les limites et les champs d'action de chacun et j'entends m'y conformer. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« La laïcité, c'est un principe fondateur de notre Etat aujourd'hui. On doit garder une vigilance dessus. Si on n'est pas en cohérence avec la réalité d'aujourd'hui, il faut l'adapter. Il doit y avoir des principes et une dynamique de la laïcité : les bases doivent rester pratiques mais doivent aussi être aménagées. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« La laïcité, c'est l'inverse du dogmatisme religieux. C'est dur à tenir même si les principes sont clairs : liberté d'expression. Mais les dogmes sont puissants et par nature non discutables, ce qui pose un problème d'ouverture. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Le principe se suffit à lui-même, dès lors que vous mettez un adjectif du genre moderne, adapté, réformé, vous affaiblissez le principe. La loi nous permet de faire ce qu'on fait. Ce principe est fondamental. Nous avons d'ailleurs fêté le centenaire de la loi de 1905. Il n'y a rien qui s'oppose au principe d'égalité. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« J'ai le sentiment qu'il a fait l'objet d'une captation par le Front national qui se réapproprie cette thématique alors qu'il en fait un usage qui est contraire à ce que doit être la laïcité. La laïcité c'est le respect et l'ouverture, le dialogue, ce n'est pas un outil pour rejeter ». Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Il faut une laïcité active, pas uniquement dans la neutralité. Les convictions religieuses doivent rester dans le domaine du privé. La religion ne peut faire loi. Pour autant, il n'y a aucune raison de faire du prosélytisme antireligieux. Ces questions existent. Il faut que la collectivité en parle de façon respectueuse et dynamique et que tout le monde se retrouve. Il y a des débats politiques généraux mais très peu de débats éthiques. On a fait un débat sur ce sujet, il y avait 200 personnes et les différentes communautés religieuses étaient là avec leurs penseurs : il y avait une vraie réflexion sur le vivre ensemble. On a eu un imam qui appelait à un islam laïc ! C'est symbolique, ça ne règle pas les problèmes de tous les jours mais dans une société mosaïque, il faut que tout le monde puisse s'exprimer. La laïcité active, c'est créer une dynamique d'ouverture et de réflexion, valeur universelle à mettre en débat. Exemple des appels à la paix. Croyants et non-croyants se retrouvent. Il faut créer les conditions d'un mouvement dans le respect mutuel. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Il mériterait qu'on puisse revenir sur ce principe à l'école et d'expliquer ce qu'est la laïcité. Est-ce l'opposition à toutes les religions ? Moi je ne suis pas là. Pour moi, c'est : l'Etat ne finance aucun culte. Mais il permet à chacun de pouvoir pratiquer la religion de son choix au moment où celle-ci respecte les lois de la République. En tant que laïque, je signerais une pétition si on devait interdire la pratique de telle ou telle religion. En même temps la religion n'a pas à se mêler de la vie publique et de la politique. Il faut faire comprendre aux gens ce que c'est la laïcité. Travailler sur l'histoire des religions à l'école par exemple. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« C'est un principe de neutralité vis-à-vis des pratiques religieuses qui doivent relever de la sphère privée. La France est dotée d'une République laïque qui respecte les religions, le choix des individus de pratiquer la religion qu'ils souhaitent à condition que cette pratique relève de la sphère privée. Il y a une zone de friction quand on parle de sphère publique et privée, on le voit bien avec le débat sur le voile par exemple qui est une zone de friction : tenue vestimentaire et domaine public, mais la loi vient réglementer cela de manière habile en imposant une règle vestimentaire qui permet à la fois de respecter les principes religieux et le public. Je suis très attachée aux valeurs laïques de la République, c'est le fondement même du respect des idées et de la diversité des idées, c'est ce qui permet de provoquer le débat, le favoriser, en créer les conditions : il faut être ferme avec cela (..) être vigilant à ce que les pratiques religieuses ne viennent pas perturber l'ordre public. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« J'ai refusé d'aller à l'inauguration de la mosquée, je suis un républicain laïque, l'inauguration d'un lieu de culte me pose problème. J'ai au même titre refusé d'aller inaugurer un restaurant scolaire dans une église privée catholique. Je tiens à garder mon indépendance. La religion est d'ordre privé, cela n'a pas à interférer dans notre vie d'élu local. C'est compliqué et cela peut m'être reproché, mais je m'y tiens : la République est une et indivisible, je ne discute pas avec les communautés. La communauté musulmane a du mal à comprendre la laïcité à la française. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

Résultats de l'enquête quantitative :

Toutefois, un système de co-financement pourrait séduire certains élus

À ce titre, les co-financeurs les plus légitimes seraient les organisations religieuses elles-mêmes

Résultats de l'enquête qualitative :

Un financement public qui aurait alors deux principales vertus : la transparence et l'égalité

n Ainsi, pour près d'un tiers des élus consultés (29%), le principe d'un co-financement entre les communes et l'Etat d'une part et les organisations religieuses d'autre part serait plébiscité. Les raisons invoquées par les élus favorables à un co-financement sont doubles :

n Une nécessité de transparence pour mieux contrôler ces nouveaux lieux de culte et éviter certaines dérives. C'est l'argument le plus mobilisé par les élus qui défendent cette position.

n L'impression d'une certaine opacité dans le financement des lieux de culte musulmans aujourd'hui (liens éventuels entre certains financeurs et des organisations terroristes) et la crainte de financement provenant directement d'Etats étrangers comme l'Algérie, l'Arabie Saoudite ou encore le Qatar (pour ne citer qu'eux) leur suggèrent de prendre des mesures claires afin de réguler ces situations. En effet, l'idée d'un financement de ces édifices par des Etats étrangers du Maghreb ou du Proche/Moyen-Orient notamment alimente des inquiétudes fortes , donnant l'impression d'une perte éventuelle de souveraineté et de politisation du religieux dans l'espace public français. La situation géopolitique internationale ne ferait que renforcer ces craintes.

n Dans ce contexte, le financement public permettrait de mieux contrôler l'organisation de ces lieux de culte (souvent non officiels et peu visibles), d'avoir un droit de regard sur ce qui s'y fait et ce qui s'y dit et donc, in fine, s'assurer de leur bonne intégration sur le territoire.

n Dans une moindre mesure, une volonté de rééquilibrer une situation qui semble inégalitaire : comment comprendre qu'on puisse financer des églises et pas des mosquées ? Selon quelques élus, l'Etat et les collectivités territoriales devraient agir de la même manière pour tous les cultes (à l'exception des mouvements sectaires). Cela permettrait de garantir la liberté religieuse ainsi que la paix sociale en désamorçant des tensions qui semblent de plus en plus vives.


• Paroles d'élus - Pour le financement public des nouveaux lieux de culte

« Quand le Qatar finance un lieu de culte en France, c'est pour des raisons politiques, cela me dérange. La religion c'est une relation entre l'Homme et Dieu, pas un moyen d'exercer une influence politique dans un pays. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Cela peut être une solution éventuelle pour éviter certaines dérives pour essayer d'encadrer ou réguler mieux certains financements qui peuvent être problématiques. » Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Ces lieux de culte (...) puisqu'ils appartiennent à la collectivité depuis 1905, j'en assure un financement très conséquent (...) c'est assez paradoxal qu'une communauté qui a un besoin réel ne puisse pas réglementairement faire l'objet d'un accompagnement de la part de la collectivité » Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Je suis pour les financements publics lorsqu'ils participent à la paix sociale, parce que cela permet d'assurer la liberté de pratiquer sa religion mais aussi la transparence sur le financement et sur ce qu'il se dit dans ces lieux de culte. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Je suis favorable à un éclaircissement au nom de l'égalité. C'est légitime que les collectivités locales puissent aider au financement des lieux de culte. Il y a la nécessité d'une réelle transparence et les collectivités territoriales peuvent y recourir. Aussi, une partie de la population qui ne comprendrait pas que l'on puisse financer autre chose qu'une église. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Il n'y a pas de raison à ce que d'un côté la religion catholique puisse avoir des choses et que de l'autre d'autres religions ne puissent pas l'avoir. À partir du moment où on veut rester un pays laïque, (...) l'Etat doit faire pareil pour tout le monde, si on ne tombe pas dans l'intégrisme ou les sectes. Si l'Etat français se dit : on est laïque mais on se restreint à nos religions traditionnelles : catholiques, protestantes et juives, je n'y vois pas d'inconvénient personnellement, mais c'est un choix politique. (...) À titre strictement personnel, je préfèrerais que l'on se restreigne à cela. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Sur le principe, je serais d'accord pour leur accorder des subventions à condition d'avoir un droit de regard en terme de sécurité des lieux mais aussi sur ce qui peut se passer moralement dans ces lieux. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Ne pas donner de réponse n'est pas satisfaisant. On doit rendre un service. C'est complexe. Dans le cas qui était le nôtre, j'aurais bien aimé participé mais non pas porter entièrement l'investissement. C'est la question de l'équité. Je me dis fais attention car s'il y avait d'autres demandes... Mais ne pas prendre en compte cette problématique, c'est se dédouaner. Question d'équité complexe : les cathos ont leur église, les évangélistes aussi, les musulmans n'ont pas les moyens de l'avoir. » Maire, commune de 5 000 à 9 999 habitants

« Ces nouveaux lieux de culte, ils vont vieillir, et un jour ils auront un intérêt patrimonial, architectural, faudra sûrement d'ici 30 ans refaire une loi et là réfléchir aux lieux qui pourraient retomber dans le domaine public (...) par exemple, la mosquée de Paris, elle est magnifique, je ne sais pas à qui elle appartient mais elle est magnifique. » Adjoint, commune de moins de 2 000 habitants

Dans le contexte juridique actuel, des exemples d'accompagnement qui témoignent d'une gestion sereine et maîtrisée des projets de nouveaux lieux de culte musulmans

n À travers les entretiens individuels, plusieurs élus (5 sur les 20 interrogés dans le volet 2) ont tenu à souligner leurs expériences positives en matière d'implantation de nouveaux lieux de culte musulmans . Exerçant leur mandat dans des communes de plus de 10 000 habitants et de différentes sensibilités politiques (bien que davantage à gauche), ces élus ont tous insisté sur l'importance du respect de la loi de 1905 et la nécessité de s'impliquer dans une démarche d' ouverture, d' accompagnement et de dialogue face à de tels projets ou sollicitations.

n Leurs expériences tendent à montrer qu'une gestion sereine et maîtrisée de ces projets (même si ceux-ci peuvent parfois susciter des tensions ou des désagréments auprès des administrés et riverains) est tout à fait possible dans le respect de la loi de 1905 . Toutefois, cela implique de poser des conditions très claires et dès le départ aux porteurs de projet mais également de s'investir personnellement dans le suivi de ces dossiers.

La nécessité de poser des conditions très claires dès le départ aux porteurs de projet

n L'imposition de conditions claires dès le départ et le rappel de la loi de 1905 aux porteurs de projet, un préalable indispensable pour que l'implantation d'un tel édifice se déroule de manière optimale et consensuelle selon ces élus. Ces conditions, partagées par l'ensemble des élus qui se sont exprimés sur le sujet, se résument de la façon suivante :

n L'édification d'un nouveau lieu de culte (en l'occurrence musulman le plus souvent) doit répondre à un besoin local . À ce titre, le lieu de culte a d'abord vocation à servir les habitants de la commune où il sera implanté. C'est le principe de l'intérêt public local qui est défendu ici par les élus. Cela signifie donc que la communauté religieuse doit être suffisamment importante en effectif sur la commune (et non référencée comme secte) pour prétendre à l'édification d'un tel lieu.

n La communauté religieuse concernée doit s'organiser elle-même afin de désigner un interlocuteur unique et dédié comme porteur du projet. Cela revient à constituer une association cultuelle . Afin d'éviter la multiplication des projets de lieux de culte pour une même religion, certains élus exigent que les différentes nationalités ou communautés s'unissent et s'entendent pour créer un seul lieu commun à tous les croyants de cette même religion.

n Les porteurs du projet doivent s'engager à respecter les lois de la République et donc la loi de 1905 et le principe de laïcité qui en découle . A ce titre, Alain Péries, adjoint à la mairie de Pantin, indique avoir signé un protocole d'accord avec la Fédération musulmane de Pantin pour signifier l'engagement de la Fédération à respecter la laïcité, les droits entre les hommes et les femmes et préciser les grands principes de la collaboration entre les deux parties.

n Enfin, il est nécessaire de bien séparer ce qui relève du cultuel de ce qui relève du culturel afin d'éviter les financements publics indirects de lieux de culte qui émaneraient de subventions accordées à des associations culturelles. Pour cela, les communes doivent être claires sur le sujet : les porteurs du projet doivent d'abord construire leur lieu de culte avec leurs fonds propres avant de solliciter des aides via des associations culturelles . La séparation du cultuel et du culturel dans l'absolu et en particulier avant la construction d'un nouveau lieu de culte est donc primordiale. À cet égard, certains élus dénoncent des « arrangements » inacceptables que certains maires n'hésiteraient pas à pratiquer pour satisfaire des communautés, ce qui viendraient ainsi affaiblir la loi de 1905.

Et de s'impliquer clairement dans le suivi des dossiers

n Selon les élus concernés, l'implication de la municipalité dans le suivi d'un tel projet est essentielle pour garantir sa bonne intégration sur le territoire communal. À ce titre et d'après leurs expériences, ces élus dressent un certain nombre de points et d'actions à prendre en compte. Selon eux, il est notamment indispensable :

n D'assurer une communication aux administrés pour leur expliquer la nature du projet, présenter le ou les porteur(s) de celui-ci et expliquer la manière dont il sera financé (dons des fidèles, investissements privés, etc.).

n D'organiser des concertations auprès des habitants et notamment des riverains plus directement concernés par le projet.

n De favoriser le dialogue et être à l'écoute des parties prenantes .

n D' accompagner les porteurs de projet : en apportant une aide et du conseil sur les questions juridiques, administratives et fiscales.

n De respecter la loi de 1905 et de la rappeler si nécessaire pour justifier l'absence de financement public.

n D'aider les porteurs de projet en proposant si nécessaire des baux emphytéotiques.

n D' anticiper les éventuelles tensions et répondre aux inquiétudes des riverains. De gérer et anticiper les éventuels désagréments en matière de stationnement, d'accessibilité du lieu et les éventuelles nuisances sonores (désagréments et nuisances les plus souvent recensés).

n De s'assurer de la conformité du projet eu égard au respect des normes de sécurité et de la réglementation en vigueur applicable aux lieux qui accueillent du public afin de permettre l'obtention du permis de construire.


• Paroles d'élus - Expériences d'implantation de nouveaux lieux de culte musulmans

« [Implantation de la maison musulmane] Cela s'est passé de façon extrêmement apaisée, extrêmement sereine, chacun se respectant, chacun s'écoutant y compris de la part des représentants de la communauté paroissiale, le prêtre a été attentif à faire en sorte que cela se passe dans les meilleures conditions. » Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Nous avons une communauté musulmane très importante implantée de longue date avec des nuances par pays d'origine : Maliens, Sénégalais, Algériens, Marocains, Pakistanais... Les dons des fidèles ont permis d'acheter il y a quelques années (16-17 ans) un pavillon dont la taille permettait de recevoir du public. Ils sont en périphérie mais un peu à l'étroit et sont donc en train d'acheter le pavillon d'à-côté, c'est d'ailleurs chez le notaire. Nous les avons accompagnés. La puissance publique n'a pas à financer les cultes, mais elle a le devoir d'accompagner l'émergence de solutions pour des projets portés par les communautés elles-mêmes mais elles ont besoin de franchir un certain nombre d'obstacles (réservation de terrain, problème avec le voisinage). On les conseille. L'idée étant que le permis de construire soit conforme à la sécurité de tous. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« On pose les questions du débat et on est partenaire. On est là pour aider les projets qui répondent à des besoins locaux. Aide juridique pour lever les obstacles, organisation du débat et des concertations dans le quartier concerné pour répondre aux questions du type : pourquoi chez nous et pas ailleurs ? Ils vont prier dans la rue, ça va mal se passer.... Le débat a été un peu rude mais à partir du moment où les gens ont fait connaissance entre eux grâce à notre présence et qu'ils ont pu aller un peu plus loin dans le concret. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« J'ai toujours posé les choses publiquement, il ne s'agit pas de petits arrangements entre amis pour avoir la paix. Il s'agit de choses assumées. Nous avons décidé pour les grands moments que sont l'Aïd, le grand pardon, la pentecôte (les lieux dédiés aux cultes étant trop petits pour ces célébrations) de prêter des gymnases pour un jour à chacune des religions. C'est public, connu et assumé. On veut que ça se passe bien. Et ça se passe très correctement. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Aujourd'hui, les musulmans veulent s'agrandir, ils sont dans un immeuble avec plusieurs niveaux, ils voulaient un étage supplémentaire. On leur a dit qu'on ne fait pas les choses comme ça, il faut nous prévenir. Il faut passer par un architecte pour les questions d'accessibilité. Bonne relation mais on les a aidé sur ce point pour le respect des normes car ils accueillent du public. Ils nous ont sollicités pour régler des problèmes administratifs : exemple question sur les impôts une fois. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« Dans notre commune, nous avons un Islam très ouvert. L'association culturelle et cultuelle de l'Islam de l'Oise a acheté un immeuble et s'est agrandie au fur et à mesure. Ils ont déposé des permis de construire qu'on a instruits comme on le fait pour n'importe quelle demande de ce type pour que ça se passe bien. On a travaillé avec eux sur les problèmes de parking le vendredi ou au moment du Ramadan autour de la mosquée car cela entraînait des difficultés pour les riverains. Ils ont acheté des parcelles pour faires des places. Tout s'est très bien passé. Quand il y a la fête des voisins, les gens de la mosquée invitent le voisinage dans la cour de la mosquée. » Maire, commune de 10 000 à 19 999 habitants

« Principe républicain, principe d'égalité, il n'y a aucune raison que les musulmans n'aient pas leur lieu de culte. On a un projet de mosquée depuis 2003. C'est un travail qu'on a mené avec le maire. L'exigence de départ : les associations musulmanes doivent se regrouper : on ne ferait pas une mosquée par nationalité. Depuis 2003, on a discuté avec les associations : il y a eu des claquements de porte mais on n'a rien lâché. Il y a avait les Algériens, les Comoriens, les Turcs, c'était par quartier. Ils ont tous demandé une mosquée, ça venait de partout alors on les a réunis. On a eu une position ferme : la loi de 1905, toute la loi de 1905 mais rien que la loi de 1905. Cette loi permet un certain nombre de choses contrairement à ce qu'on dit, il n'y a pas besoin de la modifier. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Avant 2003, il y avait une salle de prière, elle a dû être fermée pour des raisons de rénovation urbaine. Du coup en attendant, on a mis un gymnase à disposition, à titre provisoire. A partir de là on a continué à discuter avec eux. Les conditions étaient claires : le regroupement des musulmans en association, le respect de la loi de 1905 et le fait de faire une mosquée pour l'ensemble de la ville. Ce ne sera pas la mosquée d'un quartier en particulier, d'une communauté ou pour une nationalité mais pour tous les habitants de la commune concernés. On a toujours montré notre volonté et notre détermination : on a obtenu un accord après plusieurs années, c'était parfois tendu, pour que des associations se mettent autour de la table et créent la fédération musulmane de la ville qui est devenue notre interlocuteur dédié. On a eu un petit groupe qui de temps en temps a fait parler de lui. Un gars qui voulait acheter le terrain (il en avait les moyens), mais on s'est opposé car ils auraient tenu tout le monde. Certes la loi le permet mais la ville voulait quelque chose de commun pour tous les musulmans de la ville. Du coup, ils sont sortis de la fédération (officiellement). » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Concrètement pour le projet de mosquée, on a un terrain. On l'a coupé en deux parties : sur l'une des parties se trouve le gymnase qui sert actuellement de salle de prière provisoire. Sur l'autre partie, on leur a proposé un bail emphytéotique pour la future construction de la mosquée. La ville s'engage donc à accorder à la fédération ce terrain pour qu'elle puisse y construire sa mosquée avec ses fonds propres. Ils savaient donc qu'on leur donnerait le terrain. En parallèle, on a eu une demande pour un centre culturel à la place du gymnase : sauf qu'on sait tous comment ça se passe : c'est un moyen de permettre un financement public qui à terme alimentera la construction de la mosquée. Et ça, on a dit non ! C'est très important de dissocier le cultuel et le culturel et notamment dans le temps pour éviter que le centre culturel serve à financer (avec des subventions) la construction de la mosquée. Lorsqu'on a adopté le bail, on a pris l'engagement de céder l'autre terrain pour un centre culturel. On leur a dit qu'ils pourraient faire leur centre culturel mais que la mosquée devait être construite d'abord. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Ils ont bien admis le fonctionnement au bout d'un moment. Ils ont compris qu'on était ferme et qu'on ne cèderait pas sur plusieurs principes. En juillet 2013, on a signé le bail emphytéotique. On a signé en même temps une déclaration de principe sur les buts de ce bail : principe de laïcité respecté, égalité des droits hommes / femmes, le fait que le français soit la langue parlée (à l'exception des rites pour lequel l'arabe est utilisé). On a organisé une cérémonie solennelle en mairie pour officialiser tout ça. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« Ce qu'ils voulaient c'était l'assurance d'avoir un terrain pour leur mosquée. Ils ont compris que la ville avait des obligations et du coup, un climat de confiance s'est installé. On est une des rares villes dans le département où il n'y ait pas eu d'associations musulmanes qui aient encouragé une opposition à la ville au moment des dernières municipales. Notre mosquée provisoire attire de plus en plus, on n'a pas de problème. Il y a aujourd'hui une unanimité totale. Ça fonctionne bien. L'élément essentiel, c'est d'être clair avec eux dès le départ. Le Préfet est satisfait de ce projet. » Adjoint, commune de plus de 20 000 habitants

« On a une revendication qui est en train d'émerger chez d'autres musulmans, avec des gens pas simples à gérer. Ils achètent un pavillon et viennent nous voir après. Ça ce n'est pas très bien, ça fait des troubles de voisinage. Vous êtes dans un quartier pavillonnaire et résidentiel et tout d'un coup vous voyez arriver une centaine de voitures pour la prière du vendredi midi. Il n'y a pas d'hostilité lourde mais les gens s'interrogent : que fait la mairie ? Il se trouve que l'Etat est propriétaire d'une friche depuis 50 ans près de l'autoroute (2000 m2). On propose à M. Cazeneuve, de faire construire la mosquée sur ce terrain pour éviter le problème des pavillons. La communauté doit acheter son terrain sur la partie cultuelle. » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« On a parfois des demandes plus compliquées car il y a des communautés qui voudraient exclure d'autres communautés : exemple des Turcs qui voudraient des lieux de culte uniquement pour les Turcs. Là on garde nos distances. On ne veut pas se mêler du débat religieux mais on veut que ça se passe bien. On ne va pas décliner en toutes les nationalités... » Maire, commune de plus de 20 000 habitants

« Les jours de prière les vendredis et jours de fête, il y a des plaintes sur l'encombrement des parkings mais rien de dramatique. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

« J'ai le sentiment d'être un élu privilégié, il n'y a pas de tensions particulières (...) chez nous les communautés se parlent, discutent, se respectent et dans ces conditions (...) la collectivité travaille en bonne intelligence autant que possible avec tous les acteurs. » Adjoint, commune de 10 000 à 19 999 habitants

4) SELON LES ÉLUS, DES ADMINISTRÉS SENSIBLES À CES QUESTIONS DE FINANCEMENT PUBLIC, POTENTIELLEMENT GÉNÉRATRICES DE CONFLICTUALITÉ

Résultats de l'enquête quantitative :

Si les interventions sur les lieux de culte et équipements existants font consensus, les réactions des administrés à l'égard des interventions sur les nouveaux lieux de culte sont plus clivantes

Une implantation de nouveaux lieux de culte musulmans potentiellement génératrice de conflictualité dans les communes concernées

Tout comme la question du financement public des lieux de culte musulmans existants

Toutefois et dans l'ensemble, très peu de contentieux liés à la question du financement des lieux de culte

Résultats de l'enquête qualitative :

La question des cimetières : des sollicitations qui s'accentueront dans les années à venir ?

n La question des cimetières a été évoquée par quelques élus. Au-delà des demandes d'édification de nouveaux lieux de culte, certaines communautés souhaitent en effet disposer de cimetières à part entière ou du moins d'espaces dédiés et réservés à leur communauté dans les cimetières communaux. Ces demandes plutôt nouvelles émaneraient principalement de la communauté musulmane et seraient la conséquence de deux phénomènes :

n Le coût de plus en plus élevé des inhumations dans les pays d'origine (impliquant le rapatriement du corps) dans un contexte de crise économique

n Des nouvelles générations peu ou pas sensibles à ces pratiques davantage réservées aux « anciens » qui avaient quitté leur pays d'origine pour venir s'installer en France.

« Les musulmans veulent un emplacement réservé pour eux dans le cimetière : c'est quelque chose qui revient souvent. Ils sont confrontés à deux problèmes : beaucoup veulent être inhumés dans leur pays d'origine mais c'est cher, et par ailleurs les nouvelles générations seraient moins sensibles à cette volonté, d'où le souhait d'un carré musulman dans le cimetière voire un cimetière indépendant mais ça il n'en est pas question. La pression n'est pas forte et permanente. En revanche, pour le carré musulman, je ne me prononce pas encore. » Maire, commune 10 000 à 19 999 habitants

5) ANNEXES

Pour les élus, le principe de laïcité ne perturbe en aucun cas le principe de libre administration des collectivités territoriales

Evocations spontanées sur le financement des lieux de culte


* 1 En vertu de l'article 1 er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».

* 2 Les édifices cultuels sont au coeur de problématiques diverses : patrimoine, tourisme, culture, biens mixtes à usage cultuel et culturel.

* 3 Rapport du Haut Conseil à l'intégration « L'islam dans la République » , novembre 2000, p. 5.

* 4 L'étude « Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte » réalisée par TNS Sofres pour le compte de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation est annexée au présent rapport.

* 5 L'étude qualitative et la synthèse des entretiens, réalisées par TNS Sofres, sont annexées au présent rapport.

* 6 L'étude de la division de la Législation comparée du Sénat est annexée au présent rapport.

* 7 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel , Paris, 1925, Tome VI, p. 459.

* 8 CE, Assemblée (Ass.), Avis, 24 octobre 1997, n° 187122, Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom.

* 9 Article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 10 Chiffres fournis par l'Observatoire du patrimoine religieux et par le ministère de l'Intérieur.

* 11 Étude TNS Sofres présentée le 13 janvier 2015 devant les membres de la Délégation aux collectivités et annexée au présent rapport.

* 12 Institut CSA, note d'analyse, mars 2013, p. 2.

* 13 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics , rapport de Jean-Pierre Machelon, remis au ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, La Documentation française, septembre 2006, p. 10.

* 14 Sénat, 14 e Législature, réponse du ministère de la Culture et de la Communication, publiée dans le Journal Officiel (J.O.) du Sénat du 21 février 2013, p. 604 - Question écrite n° 02862 de Mme Françoise Férat publiée dans le J.O. du Sénat du 1 er novembre 2012, p. 2439.

* 15 Ces chantiers, du nom du cardinal Verdier, ont été réalisés par une association créée en 1931, chargée d'aider à la construction d'églises en région parisienne. C'est aujourd'hui un groupement d'intérêt économique présidé par un conseil d'administration, qui intervient dans les 8 diocèses franciliens. Depuis leur création, les Chantiers du Cardinal revendiquent la construction de plus de 300 églises et centres paroissiaux.

* 16 La Plaine Saint-Denis, Saclay, le Val d'Europe, Boulogne-Billancourt font partie des territoires périphériques choisis pour incarner cette « nouvelle évangélisation » souhaitée par le Vatican, une stratégie destinée à renouveler la visibilité de l'Église dans des lieux parfois réputés pour leur insécurité, leur enclavement ou la présence massive de fidèles musulmans ou évangéliques.

* 17 Le Monde, 23 mai 2014.

* 18 Comme les églises Saint-Augustin, la Madeleine, Saint-Eustache, Saint-Sulpice, Notre-Dame-de-Lorette, Saint-Merri, Saint Philippe du Roule ou encore Saint-Séverin.

* 19 Association fondée en 1921 et pourvue d'une mission d'intérêt général. Elle se présente sur son site internet comme « le premier mécène des églises et chapelles de France ». Elle indique intervenir notamment sur des églises et chapelles rurales en consacrant plus d'un million d'euros par an au financement de leurs travaux.

* 20 Décret n° 2007-645 du 30 avril 2007 pris pour l'application de l'article L. 621-29-8 du Code du patrimoine.

* 21 Site internet d'Atout France, agence de développement touristique de la France et opérateur de l'État dans le secteur du tourisme.

* 22 Le protestantisme comprend de multiples courants d'importance variable, tels les anglicans, les réformés, les luthériens, les baptistes, les pentecôtistes, les méthodistes, les adventistes, etc. Les protestants, au sens large, représentent environ 500 millions de personnes dans le monde. L'expansion du protestantisme est aujourd'hui essentiellement liée à celle des communautés évangéliques, notamment en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie.

* 23 Créée en 1905, la FPF représente les différentes sensibilités du protestantisme français, y compris certains courants évangéliques, et rassemble actuellement une trentaine d'unions d'Églises. La FPF indique qu'elle ne représente pas seulement des associations cultuelles, mais aussi les divers mouvements, institutions et oeuvres protestants, très actifs financièrement.

* 24 Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF), créé en 2010, représente 70 % des évangéliques français.

* 25 Aurélien Fauches, Fédérations, réseaux et associations , dans l'ouvrage dirigé par Sébastien Fath et Jean-Paul Willaime, La nouvelle France protestante, Labor et Fides, 2011, p. 219.

* 26 Décret du 31 juillet 2001 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique (Journal officiel du n° 177 du 2 août 2001, page 12509).

* 27 Daniel Liechti, Les Églises protestantes évangéliques en France, Situation 2012 , édité par le Conseil national des évangéliques de France.

* 28 Créé en 1808 et devenu en 1905 une association cultuelle sous le nom de « Consistoire central - Union des communautés juives de France », il s'agit de l'instance officielle représentative du judaïsme français. Au niveau local, ce sont les consistoires départementaux, affiliés au Consistoire central, qui sont propriétaires des édifices cultuels. Le Consistoire déclare être « le fédérateur du plus grand patrimoine juif d'Europe ».

* 29 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics : rapport au ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, Jean-Pierre Machelon, La Documentation française, septembre 2006, p. 10.

* 30 Le christianisme orthodoxe est présent dans l'antique zone de culture grecque et dans les zones de peuplement slave, c'est-à-dire surtout en Grèce, en Russie, dans les pays slaves d'Europe de l'Est et des Balkans. D'un point de vue organisationnel, l'Église orthodoxe peut être assimilée à une Fédération d'Églises indépendantes organisées sur une base territoriale et « nationale ».

* 31 L'Église russe de France organise, par exemple, des cours de français au bénéfice de populations immigrées et mène des activités culturelles importantes pour ces communautés.

* 32 Institut national des études démographiques (INED), Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Trajectoires et origines, Enquête sur la diversité des populations en France, octobre 2010, p. 124.

* 33 Chiffres communiqués à votre délégation par le ministère de l'Intérieur et confirmé par les représentants de l'islam auditionnés.

* 34 L'islam compte environ 1,2 milliard de fidèles dans le monde. Ses deux principaux courants sont le sunnisme (environ 85 % des fidèles) et le chiisme (environ 15 % des fidèles, pratiqué principalement en Iran et en Irak).

* 35 Site officiel du Conseil français du culte musulman.

* 36 Il cite l'exemple du projet de grande mosquée à Bordeaux, évalué à 23 millions d'euros.

* 37 LeMonde.fr, Stéphanie Le Bars, 200 projets de mosquées en cours en France , 24 juillet 2012.

* 38 Décret du 25 juillet 2005 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique (Journal officiel n° 172 du 26 juillet 2005 p. 12111).

* 39 13 e Législature, Question orale sans débat n° 1055S, Jean-Pierre Chevènement (Territoire de Belfort - RDSE), publiée dans le J.O. du Sénat du 14 octobre 2010, p. 2658. Réponse du secrétariat d'État chargé de la Santé, publiée dans le J.O. du Sénat du 1 er décembre 2010, p. 11103.

* 40 Convention-cadre relative à la mise en oeuvre d'un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France, signée le 17 juin 2010.

* 41 Les diverses communautés musulmanes de France sont organisées dans des fédérations nationales, à l'image de la Grande Mosquée de Paris ou de l'Union des organisations islamiques de France.

* 42 Essentiellement lors de la prière du vendredi ou des veillées du mois de ramadan, chaque mosquée gérant seule les dons des fidèles en l'absence de clergé ou d'organisation hiérarchique dans l'islam.

* 43 Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins, organisme du ministère de l'Économie et des Finances.

* 44 Par exemple, les financements du gouvernement algérien (ministère des Affaires religieuses) transitent par la Grande Mosquée de Paris avant d'être redistribués aux associations localement.

* 45 C'est le cas des mosquées de Strasbourg et de Saint-Etienne.

* 46 C'est le cas de la Mosquée de Mantes-la-Jolie, qui a bénéficié de financements de l'Arabie Saoudite.

* 47 Les cas de financements étrangers du culte musulman ne se limitent pas aux États du Maghreb. En effet, la Turquie est également un financeur de projets (mosquée de Strasbourg, par exemple).

* 48 Le bouddhisme est pratiqué par 800 millions de fidèles à travers le monde, principalement en Asie du Sud-Est. Cette religion, parfois considérée comme une philosophie ou une sagesse, est divisée en de multiples courants et écoles répartis géographiquement (Inde, Sri Lanka et Asie du Sud-Est ; Asie centrale ; Asie de l'Est).

* 49 Les mouvements sectaires ne répondent pas à une définition précise mais sont identifiés par un certain nombre de critères et sont répertoriés par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Ainsi en est-il de l'Église de scientologie, qui compte 45 000 adeptes en France. Si elle est reconnue dans certains pays comme une religion, elle a été classée parmi les mouvements sectaires dans le rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur les sectes de 1995 (Assemblée nationale, 22 décembre 1995). En 2012, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi formé contre sa condamnation en appel pour « escroquerie en bande organisée » (Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2012).

* 50 Cette Église chrétienne, fondée en 1830 aux États-Unis, revendique aujourd'hui plus de 15 millions de membres à travers le monde.

* 51 Selon Dominique Calmels, « 38 000 personnes sont inscrites dans les registres mais on dénombre environ 12 000 fidèles réguliers qui fréquentent les églises ».

* 52 Dominique Calmels, auditionné par votre délégation.

* 53 10 en 1850, 1 000 en 1950, 2 714 en 1960, 8 190 en 1970, 15 114 en 1980, 22 802 en 1990, 31 140 en 2000, 36 000 en 2010, et 38 000 en 2013.

* 54 Environ un tiers de naissance et deux tiers de conversion.

* 55 Les plus grandes églises mormones sont situées à Nancy, Nice et Versailles. En région parisienne, on trouve également des églises, de taille plus modeste, à Torcy et à Meaux.

* 56 Le prochain grand temple mormon sortira complétement de terre dans les prochains mois au Chesnay, dans les Yvelines, sur un terrain privé de 7 000 m². Il est d'ailleurs prévu que le siège central aux États-Unis, qui dispose d'importantes capacités financières au niveau mondial puisqu'il centralise les dons des fidèles, participe à la construction de cet édifice.

* 57 Mission interministérielle de lutte contre les sectes, Rapport 2001.

* 58 Journal officiel des associations, 4 juillet 2009, numéro d'annonce 1602.

* 59 Selon l'hebdomadaire protestant Réforme, « L es convictions et croyances des Témoins de Jéhovah les situent dans la sphère chrétienne et protestante si l'on veut bien considérer leur volonté de se soumettre à la Bible seule. Une Bible qu'ils reconnaissent comme source d'autorité et prennent pour la parole de Dieu » .

* 60 Fédération Chrétienne des Témoins de Jéhovah de France.

* 61 Cour européenne des Droits de l'Homme, 26 septembre 1996, n° 18748/91, Manoussakis et autres c/ Grèce.

* 62 CE, 23 juin 2000, n°215109, Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Clamecy.

* 63 Cour européenne des Droits de l'Homme, 30 juin 2011, n° 8916/05, Association Les Témoins de Jéhovah c/ France.

* 64 Cour européenne des Droits de l'Homme, 5 juillet 2012, n° 8916/05, Association Les Témoins de Jéhovah c/ France.

* 65 Institut CSA, Note d'analyse, mars 2013, p. 1.

* 66 Institut national des études démographiques (INED), Trajectoires et origines, Enquête sur la diversité des populations en France, premiers résultats, octobre 2010, p. 123.

* 67 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics : rapport au ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, Jean-Pierre Machelon, La Documentation française, septembre 2006, p. 19.

* 68 Association créée en 1931, aujourd'hui groupement d'intérêt économique, qui intervient dans les 8 diocèses franciliens et oeuvre à la construction d'églises.

* 69 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la proportion monte à 83 %.

* 70 Étude quantitative TNS Sofres, annexée au présent rapport.

* 71 8 % pour la religion musulmane contre 2 % pour la religion évangélique, 1 % pour la religion catholique, et 1 % pour la religion protestante.

* 72 Conformément au décret du 17 mars 1970 portant déconcentration en matière de désaffectation des édifices cultuels, la désaffectation des édifices cultuels communaux peut être prononcée par arrêté préfectoral à la demande du conseil municipal, lorsque l'affectataire a donné par écrit son consentement à la désaffectation. Pour le culte catholique, la personne affectataire ayant qualité pour se prononcer est l'évêque.

* 73 François Mitterrand, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle de 1981, avait ainsi fait de l'église devant laquelle il posait pour une photographie de campagne, un des symboles de « la force tranquille ».

* 74 La réserve parlementaire est une subvention d'État, votée en loi de finances, dont bénéficie chaque assemblée parlementaire. Les députés et les sénateurs utilisent ensuite individuellement ces dotations pour apporter des soutiens financiers à des collectivités territoriales, à des associations et à divers projets locaux d'intérêt général. Chaque groupe politique dispose d'une réserve en propre en plus de celle de chacun de ses membres. Des règles encadrent l'utilisation de la réserve parlementaire. Ainsi, le projet doit avoir été approuvé par le conseil municipal, et la dotation ne doit pas excéder 50 % du montant total du projet.

* 75 Au titre de la réserve des députés pour 2013, on peut citer comme associations bénéficiaires : l'Association cultuelle israélite de la Gironde, qui a reçu 10 000 euros pour ses dépenses de fonctionnement, et l'Association cultuelle Ouvèze-Payre, qui a reçu le même montant pour le remplacement de sa chaudière à gaz.

* 76 Au titre de la réserve des députés pour 2013, on peut citer comme projets bénéficiaires : la restauration de l'église Saint-Julien dans l'Hérault pour un montant de 2 277 euros et la rénovation de l''éclairage extérieur de l'église Sainte-Geneviève de la Trinité dans l'Eure pour un montant de 2 000 euros.

* 77 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité, 2004, p. 246.

* 78 CNCDH, Assemblée plénière du 26 septembre 2013, Avis sur la laïcité, Journal officiel n° 0235 du 9 octobre 2013.

* 79 CE, 16 mars 2005, n° 265560, ministre de l'Outre-Mer c/ président de la Polynésie française.

* 80 Conseil constitutionnel (CC), 21 février 2013, n° 2012-297 QPC, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, considérant 5.

* 81 Considérant 5 « Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; qu'aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1 er de la Constitution : [...] ».

* 82 Observatoire de la laïcité, Guide Laïcité et collectivités locales, publié le 17 décembre 2013.

* 83 Loi du 9 décembre 1905, article 19.

* 84 Conseil constitutionnel (CC), 21 février 2013, n° 2012-297 QPC, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité : « 5. [...] que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion, et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu'il implique que celle-ci ne salarie aucun culte » .

* 85 Elsa Forey, Le Conseil constitutionnel au secours du droit local des cultes, AJDA 2013, p. 1112. Parmi ces dispositifs figurent notamment le bail emphytéotique pour l'édification des lieux de culte ou les garanties d'emprunt accordées par les collectivités pour l'édification de lieux de culte dans les agglomérations en développement.

* 86 CE, 1 er juillet 1910, Ville d'Amiens, S. 1910, III, 145, note Hauriou M.

* 87 TA Grenoble, 31 décembre 1991, n° 8836688, M. Georges Fourel, Rec. p. 632.

* 88 TA Orléans, 16 mars 2004, n° 0103376, Fédération d'Indre-et-Loire de la libre pensée.

* 89 Cour administrative d'appel de Nancy, 5 juin 2003, n° 99NC01589, commune de Montaulin.

* 90 CE, 11 juillet 1913, n° 48342, commune de Oury.

* 91 TA Nice, 26 mars 2013, n° 1104890, Association de défense de la laïcité et M. Vardon c/ Ville de Nice et Association des Musulmans du centre-ville.

* 92 CE, 26 mai 1911, commune de Heugas, Rec. p. 624.

* 93 CE, 7 avr. 1911, commune Saint-Cyr-de-Salerne, Rec. p. 438.

* 94 TA Châlons-sur-Marne, 18 juin 1996, Association « Agir » c/ Ville de Reims, RDP 1997.

* 95 CE, 15 février 2013, n° 347049 : des subventions municipales avaient été accordées pour les « ostensions », manifestation considérée localement comme une tradition populaire ; « les ostensions septennales consistent en la présentation, dans certaines communes du Limousin, par des membres du clergé catholique, de reliques de saints qui ont vécu dans la région ou qui y sont particulièrement honorés » . Le Conseil d'État a jugé que « les ostensions septennales ont le caractère de cérémonies cultuelles et ne peuvent donc pas être subventionnées par une collectivité territoriale » .

* 96 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité , 2004, p. 302.

* 97 Décret de l'Assemblée constituante du 2 novembre 1789 déclarant les biens du clergé « mis à la disposition de la Nation ».

* 98 Loi du 9 décembre 1905, article 44.

* 99 Certains départements possèdent par exemple d'anciennes abbayes ou sièges épiscopaux transformés en musées.

* 100 Loi du 9 décembre 1905, article 12, alinéa 1 er : « Les édifices qui ont été mis à la disposition de la Nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriété de l'État, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d'édifices des cultes ».

* 101 Article 2, alinéa 3 : « Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3 ».

* 102 Article 13, alinéa 1 er : « Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II ».

* 103 Loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, article 5 : « À défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du Culte pour la pratique de leur religion. La jouissance gratuite en pourra être accordée soit à des associations cultuelles constituées conformément aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, soit à des associations formées en vertu des dispositions précitées de la loi du 1 er juillet 1901 pour assurer la continuation de l'exercice public du culte, soit aux ministres du Culte [...] ».

* 104 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité , 2004, p. 304. Seule la désaffectation de l'édifice redonne au propriétaire la pleine jouissance du bien.

* 105 Conseil d'État, 1 er mars 1912, commune de Saint-Dézéry, S. 1913, III, p. 18.

* 106 Conseil d'État, Rapport public , Un siècle de laïcité, 2004, p. 304, citant les conclusions du commissaire du gouvernement Corneille dans l'affaire Abbé Arnoud (CE, 20 juin 1913, Rec. p. 716).

* 107 Loi du 13 avril 1908 sur la conservation des édifices du culte, article 1 er , modifiant l'article 9 de la loi de 1905.

* 108 Loi du 13 avril 1908 sur la conservation des édifices du culte, article 5, modifiant l'article 13 de la loi de 1905.

* 109 Échanges de lettres entre 1921 et 1924, puis encyclique du pape autorisant les catholiques français à constituer des associations diocésaines.

* 110 L'avis n° 185107 du Conseil d'État rendu le 13 décembre 1923 constate la conformité des statuts des associations diocésaines aux dispositions des lois de 1901 et 1905 : « considérant de l'examen des différents articles du projet de statuts présentés, il résulte que les associations qui seraient régies par ces statuts, seraient conformes aux dispositions générales de la loi française ; qu'elles auraient pour objet exclusif de subvenir aux frais et à l'entretien du culte catholique ; qu'elles se conformeraient à la constitution de l'église catholique ».

* 111 CE, 20 juin 2012, n°340648, commune de Saintes-Maries-de-la-Mer.

* 112 CE, 18 mars 1988, Albert Maron, JCP 1988, II, 21152.

* 113 Tribunal administratif (TA) de Paris, 8 juin 1971, Ville de Paris c/ Kergo, A.J.D.A., 1972, II.

* 114 TA de Lille, 1 er juillet 1954, commune de Wasquehal c/ Abbé Dubois.

* 115 Code général de la propriété des personnes publiques, article L.2124-31 : « Lorsque la visite de parties d'édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d'organisation, leur accès est subordonné à l'accord de l'affectataire. Il en va de même en cas d'utilisation de ces édifices pour des activités compatibles avec l'affectation cultuelle. L'accord précise les conditions et les modalités de cet accès ou de cette utilisation. Cet accès ou cette utilisation donne lieu, le cas échéant, au versement d'une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l'affectataire ».

* 116 Conseil d'État, Rapport public 2013, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, La Documentation française, p. 61 : « Compte tenu des particularités architecturales des lieux et de la possibilité d'accéder à la terrasse et au chemin de ronde par une tour et un escalier indépendants et dépourvus de toute communication avec les parties internes de l'église, le Conseil d'État a jugé que ces aménagements étaient fonctionnellement dissociables du reste de l'édifice ».

* 117 Tribunal des conflits, 14 mai 1990, n° 02611, Commune de Bouyon c/ Battini.

* 118 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics : rapport au ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Machelon, La Documentation française, septembre 2006, p. 37.

* 119 Loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, article 4.

* 120 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics : rapport au ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Machelon, La Documentation française, septembre 2006, p. 39.

* 121 Loi du 9 décembre 1905, article 18 : « Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre I er de la loi du 1 er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi » .

* 122 Cour européenne des Droits de l'Homme, 30 juin 2011, n° 8916/05, Association Les Témoins de Jéhovah c/ France.

* 123 Loi du 9 décembre 1905, article 19 : « Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ».

* 124 CE, 29 octobre 1990, n° 86973, Association cultuelle église apostolique arménienne de Paris.

* 125 Loi du 9 décembre 1905, article 13.

* 126 CE, 23 juin 2000, n°215109, Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Clamecy.

* 127 Loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association, article 6 : « Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».

* 128 Loi du 9 décembre 1905, article 19 : « elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes . Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ».

* 129 Loi du 9 décembre 1905, article 21 : « Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l'année écoulée et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles . Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement et par l'inspection générale des finances ».

* 130 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité , 2004.

* 131 Loi du 1 er juillet 1901, article 13 : « Toute congrégation religieuse peut obtenir la reconnaissance légale par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'État ; les dispositions relatives aux congrégations antérieurement autorisées leur sont applicables. La reconnaissance légale pourra être accordée à tout nouvel établissement congréganiste en vertu d'un décret en Conseil d'État [...] ».

* 132 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité, 2004.

* 133 Depuis 1987 ont ainsi été reconnues : des communautés orthodoxes (CE, Section de l'intérieur, 29 octobre 1991, Communauté monastique orthodoxe de la Résurrection de Villardonnel), protestantes (CE, Section de l'intérieur, 3 mars 1993, Congrégation de l'Armée du Salut), bouddhistes (CE, Section de l'intérieur, 27 octobre 1987, Communauté « Karmé Dharma Chokra ») ou encore hindouistes (CE, Section de l'intérieur, 1 er juillet 1997, Congrégation centre international Sivananda de Yoga Vedanta).

* 134 CE Avis, n° 346040, 14 novembre 1989.

* 135 Ministère de l'Intérieur, Direction des libertés publiques et des affaires juridiques, Le droit local cultuel d'Alsace-Moselle - Analyse, textes et jurisprudence, Les éditions des Journaux officiels, p. 65.

* 136 Loi du 1 er juin 1924 modifiée, mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, article 7, 13°.

* 137 Jean-Marie Woehrling, Le droit local alsacien-mosellan des cultes après les récentes décisions du Conseil constitutionnel, Revue du droit public, n° 3, L.G.D.J., 2013, pp. 537-538.

* 138 CE, 13 mai 1964, Dlle Ebesstarck, Rec. p. 288.

* 139 Jean-Marie Woehrling, Le droit local alsacien-mosellan des cultes après les récentes décisions du Conseil constitutionnel, Revue du droit public, n° 3, L.G.D.J., 2013, p. 542.

* 140 Ministère de l'Intérieur, Le droit local cultuel d'Alsace-Moselle - Analyse, textes et jurisprudence, p. 37.

* 141 CE, Section de l'Intérieur, Avis du 26 avril 1994, n° 355514.

* 142 Ministère de l'Intérieur, Le droit local cultuel d'Alsace-Moselle - Analyse, textes et jurisprudence, p. 56.

* 143 Op. cit., p. 55.

* 144 CGCT, article L. 2543-3 3°.

* 145 Réponse du ministère de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, publiée dans le J.O. du Sénat du 24 mars 2005, p. 860. Question écrite n° 15664 de Jean-Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le J.O. du Sénat du 27 janvier 2001, p. 207.

* 146 CGCT, article L. 2543-3 2°.

* 147 Ministère de l'Intérieur, Le droit local cultuel d'Alsace-Moselle - Analyse, textes et jurisprudence, p. 47.

* 148 Les articles 7 et 9 de la loi du 1 er juin 1924 modifiée mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ont maintenu les articles 21 à 72-III du code civil local.

* 149 Jean-Marie Woehrling, Le droit local alsacien-mosellan des cultes après les récentes décisions du Conseil constitutionnel, Revue du droit public, n° 3, L.G.D.J., 2013, p. 540.

* 150 Conseil constitutionnel, 21 février 2013, n° 2012-297 QPC, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, considérant 6.

* 151 Conseil constitutionnel, 5 août 2011, n° 2011-157 QPC, Société SOMODIA, considérant 4.

* 152 Ministère de l'Intérieur, Le droit local cultuel d'Alsace-Moselle - Analyse, textes et jurisprudence, p. 21.

* 153 Conseil constitutionnel, 5 août 2011, n° 2011-157 QPC, Société SOMODIA, considérant 4 : « à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières [applicables à l'Alsace-Moselle] ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ».

* 154 CE, 19 décembre 2007, n° 294439, Vassaux : « l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 habilite le gouvernement à modifier, par décret en Conseil d'État, les textes de forme législative antérieurs à la promulgation de la Constitution, dès lors que ceux-ci ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire telle qu'elle résulte du texte constitutionnel ; que cette procédure est susceptible de recevoir application aux lois locales maintenues en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, pour autant qu'elles touchent à des matières relevant de la compétence réglementaire en vertu de la Constitution » .

* 155 Décret du 6 février 1911 portant séparation des Églises et de l'État en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.

* 156 Décret-loi du 16 janvier 1939, modifié le 6 décembre 1939, instituant outre-mer des conseils d'administration des missions religieuses.

* 157 CE, 16 mars 2005, n° 265560, ministre de l'Outre-Mer c/ président de la Polynésie française.

* 158 CE, 9 octobre 1981, n° 18649, Beherec : « Le statut des Églises demeure régi dans ce département par les dispositions de l'ordonnance du 12 novembre 1828 relative au gouvernement de la Guyane française ».

* 159 Ministère de l'Intérieur, Circulaire NOR/IOC/D/11/21265C du 25 août 2011 (Réglementation des cultes en outre-mer).

* 160 Loi du 13 avril 1900 portant fixation du régime général des dépenses et recettes de l'exercice 1900, article 33 : le département de la Guyane assure les « dépenses de personnel et de matériel nécessaires au culte » (catholique) ; Décret d'application du 21 août 1900.

* 161 Loi du 13 avril 1900 portant fixation du régime général des dépenses et recettes de l'exercice 1900, article 33 ; Décret d'application du 21 août 1900 ; voir CE, 9 octobre 1981, n°18649, Beherec : « les membres du clergé de la Guyane sont rétribués sur le budget départemental, après agrément de l'autorité préfectorale, sur demande de l'autorité religieuse, qui propose également leur mutation et leur radiation ».

* 162 Ministère de l'Intérieur, Circulaire du 25 août 2011.

* 163 CGCT, article LO 6113-1.

* 164 Circulaire du 25 août 2011.

* 165 La ville possède 8 des 14 églises de Mulhouse. Ces églises sont peu fréquentées, vieillissantes et coûteuses à entretenir. Selon lui, « Même si la désaffectation d'un certain nombre de lieux de culte, qui n'accueillent quasiment plus de fidèles, peut constituer une solution, il convient toutefois de prendre en considération l'aspect symbolique du lieu de culte ».

* 166 Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-157 QPC, 5 août 2011, SOMODIA.

* 167 Frédéric Dieu, Laïcité constitutionnelle : définition d'un principe, affirmation d'une exception, Bulletin Juridique des Collectivités Locales, n° 6/13, juin 2013, p. 406.

* 168 Article 2 de la loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905.

* 169 Loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificatives pour 1961, article 11. Ces dispositions sont aujourd'hui codifiées aux articles L. 2252-4 et L. 3231-5 du CGCT.

* 170 Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques. Cette ordonnance a été ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

* 171 CE, 16 mars 2005, n° 265560, ministre de l'Outre-Mer c/ président de la Polynésie française.

* 172 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308544, n° 308817, n° 309161, n° 313518, n° 320796. Décisions relatives à l'installation par une collectivité d'un orgue dans une église ; à la construction d'un ascenseur permettant d'accéder à la basilique de Fourvière à Lyon ; à la mise à disposition temporaire d'un abattoir à des fins rituelles ; à la mise à disposition d'un local communal à des fins cultuelles ; et à la conclusion d'un bail emphytéotique administratif pour la construction d'un lieu de culte.

* 173 CE, 4 mai 2012, n° 336464, Fédération de la libre-pensée et d'action sociale du Rhône.

* 174 CE, 9 octobre 1992, n° 94455, commune de Saint-Louis c/ Association Siva Soupramanien de Saint-Louis.

* 175 Voir, par exemple : CE, 4 mai 2012, n° 336464, Fédération de la libre-pensée et d'action sociale du Rhône, ou 26 novembre 2012, n° 344284, Communauté des bénédictins de l'abbaye de Saint-Joseph de Clairval.

* 176 CEDH, 29 juin 2007, n° 15472/02, Folgero et autres c/ Norvège.

* 177 Loi du 9 décembre 1905, article 13, dernier alinéa, modifié par l'article 5 de la loi du 13 avril 1908.

* 178 Pour le classement, la conservation de l'édifice doit présenter un intérêt public du point de vue de l'histoire ou de l'art, notion largement interprétée par l'autorité administrative. Les éléments pris en compte pour caractériser l'intérêt du bien sont appréciés par des commissions consultatives composées de membres de l'administration, d'élus, de personnalités qualifiées, universitaires, chercheurs nationaux ou internationaux et de membres d'associations d'études ou de défense du patrimoine, en amont de la décision.

* 179 La doctrine en matière de protection repose sur plusieurs considérations fondées sur des approches multiples. L'intérêt du monument reste le critère primordial selon les textes. Il est apprécié par rapport à plusieurs caractéristiques, qui ne doivent pas nécessairement être toutes réunies : la place du bien dans l'histoire nationale ou régionale, l'ancienneté du bien, l'authenticité et l'intégrité du bien, l'archéologie, l'originalité ou encore la qualité artistique ou architecturale.

* 180 Loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, article 94, II.

* 181 CE, 10 juin 1921, commune de Montségur, Rec. p. 573.

* 182 Code général des collectivités territoriales, article L. 2321-2.

* 183 CE, 20 novembre 1929, Foussard, Rec. p. 999.

* 184 CE, Avis, 11 décembre 1928, n° 197512.

* 185 CE, 7 mars 1947, n° 7068, Lapeyre, Rec. p. 104.

* 186 Anne Fornerod (chargée de recherche au CNRS), Le régime juridique du patrimoine religieux , L'Harmattan, 2013, p. 78.

* 187 CE, 10 novembre 1911, commune de Saint-Blancard, Rec. p. 1001.

* 188 CE, 24 décembre 1926, Sieur Empereur, Rec. p. 1138.

* 189 CE, 24 décembre 1926, Sieur Empereur, Rec. p. 1138.

* 190 CE, Assemblée, 22 janvier 1937, commune de Condé-sur-Noireau, Rec. 1937.

* 191 CE, 26 juin 1914, Abbé Vital Pichon, Rec. p. 726.

* 192 CE, 21 juillet 1939, Sieurs Bordier et autres, Rec. p. 501.

* 193 CE, 12 janvier 1912, commune de Montot, Rec. p. 36.

* 194 CE, 26 octobre 1945, Chanoine Vaucanu, Sieurs Vigneron et autres, Rec. p. 212.

* 195 Tribunal administratif de Lille, 29 novembre 1972, Sieur Henry, Rec. p. 932.

* 196 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article 99 : « IV. - Dans les conditions prévues par la loi de finances, les crédits mis en oeuvre par l'État pour la conservation du patrimoine rural non protégé sont transférés aux départements » .

* 197 Décret n° 2005-837 du 20 juillet 2005, article 8.

* 198 Anne Fornerod, Le régime juridique du patrimoine religieux , L'Harmattan, 2013, p. 79.

* 199 Le statut de la Fondation du patrimoine est défini aux articles L.143-1 et suivants du Code du patrimoine : La Fondation du patrimoine est une personne morale de droit privé à but non lucratif soumise aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique. Elle oeuvre à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine national, et notamment du patrimoine non protégé. Elle est habilitée à recevoir des dons au titre des impôts sur le revenu, sur les sociétés et de solidarité sur la fortune, ainsi que des legs dont le produit est affecté conformément à la volonté du testateur. L'ensemble des dons et legs ouvre droit à des avantages fiscaux.

* 200 Exemple : Fondation Saint-Gobain, Fondation EDF, Fondation L'Oréal, Fondation GDF-Suez, etc.

* 201 Exemple : Mymajor Company, Une Pierre pour l'Histoire, d'Artagnan, Monumy, etc.

* 202 Le Chefresne dans la Manche, Maurens dans le Gers, Cruzilles-lès-Mépillat dans l'Ain.

* 203 Leutenheim, commune pionnière, dans le département du Bas-Rhin, à Manspach et Bartenheim dans le Haut-Rhin.

* 204 Code de la construction et de l'habitation (CCH), articles L.123-1 et suivants.

* 205 CCH, articles R. 123-1 et suivants.

* 206 CCH, article R. 123-13.

* 207 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 19 juillet 1966, SNCF et dame Vautier c/ Chanoine Rebuffat, publié au bulletin.

* 208 CE, 10 juin 1921, commune de Montségur, Rec. CE 1921, p. 573.

* 209 Cour de cassation, 5 janvier 1921, Abbé Lasset c/ Mutuelle de l'Indre, S. 1921, 1, 145.

* 210 Code général des collectivités territoriales, article L. 2213-24 ; CCH, articles L. 511-1 et suivants.

* 211 CE, 8 février 1908, Abbé Déliard, S. 1908, 3, 52.

* 212 CE, 26 mai 1911, Sieurs Ferry et autres.

* 213 CE, 13 février 1991, n° 62649, préfet de police.

* 214 CE, 26 juin 1914, n° 52722, préfet du département des Hautes-Pyrénées.

* 215 CE, 6 janvier 1922, n° 74289, commune de Perquie, Rec. 1922, p. 14 : versement d'une subvention pour l'organisation d'obsèques religieuses de soldats morts au combat.

* 216 Article L111-7-3 du Code de la construction et de l'habitation modifié par l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014.

* 217 Article L111-7-5 du Code de la construction et de l'habitation créé par l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014.

* 218 Article L111-7-6 du Code de la construction et de l'habitation créé par l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014.

* 219 Loi n° 2014-789 habilitant le gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

* 220 Code du patrimoine, article R. 621-13.

* 221 Code du patrimoine, articles L. 621-9 et R. 621-11.

* 222 Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905, article 19 : les associations cultuelles « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques »

* 223 Audition 2 octobre 2013 ; Circulaire NOR/IOC/D/11/21246C du 29 juillet 2011 du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration (Objet : édifices du culte : propriété, construction, réparation et entretien, règles d'urbanisme, fiscalité).

* 224 Assemblée nationale, 13 e Législature, Question écrite n° 4627 de Christian Ménard (publié au J.O. le 18 septembre 2007). Réponse du ministère de l'Intérieur publiée au J.O. le 30 octobre 2007.

* 225 Circulaire NOR/IOC/D/11/21246C du 29 juillet 2011 du ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration (Objet : édifices du culte : propriété, construction, réparation et entretien, règles d'urbanisme, fiscalité).

* 226 Selon les termes du Conseil national des évangéliques de France.

* 227 Il s'agit d'une proposition évoquée tant par la Fédération protestante de France que par le CNEF et le Consistoire central israélite de France.

* 228 Décret n° 70-220 du 17 mars 1970 portant déconcentration en matière de désaffectation des édifices cultuels.

* 229 CE, 26 décembre 1913, Sieur Lhuillier et autres.

* 230 » Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts [...] ».

* 231 » Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant ».

* 232 Décret n° 70-220 du 17 mars 1970 portant déconcentration en matière de désaffectation des édifices cultuels, article 1 er : « Dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article 13 de la loi susvisée du 9 décembre 1905, la désaffectation des édifices cultuels communaux, ainsi que des objets mobiliers les garnissant, est prononcée par arrêté préfectoral à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation ».

* 233 CAA Marseille, 4 décembre 2012, n° 11MA01121 : il s'agissait d'un temple protestant construit en 1846.

* 234 » Le domaine public d'une personne publique [...] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ».

* 235 » Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques [...] qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ».

* 236 Une décision expresse de déclassement est nécessaire, voir par exemple : CE, 30 décembre 2002, n° 248787, commune de Pont-Audemer.

* 237 Code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Une commune peut garantir » (article L. 2252-4) ou « les départements peuvent garantir (article L. 3231-5) les emprunts contractés pour financer, dans les agglomérations en voie de développement, la construction, par des groupements locaux ou par des associations cultuelles, d'édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux ».

* 238 Pour l'INSEE, une zone urbanisée est « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu qui compte au moins deux mille habitants ».

* 239 CGCT, articles L. 2252-1, alinéa 2 et D. 1511-32.

* 240 CGCT, articles L. 2252-1, alinéa 3 et D. 1511-34.

* 241 Article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime.

* 242 CE, 11 décembre 1991, Mme Girod.

* 243 Article L. 1311-2 du CGCT, alinéa 1 er : « Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L.451-1 du Code rural et de la pêche maritime [...] en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public. [...] Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif ».

* 244 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 320796, Mme V .

* 245 Conclusions Edouard Geffray, rapporteur public, sous l'arrêt CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 320796, Mme V .

* 246 Idem note n° 5 .

* 247 Les relations des cultes avec les pouvoirs publics : rapport au ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, Jean-Pierre Machelon, La Documentation française, septembre 2006, p.25.

* 248 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité, 2004, p. 391.

* 249 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 320796, Mme V .

* 250 CGCT, article L.2144-3 : « Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande.

Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés , compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public.

Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation ».

* 251 CE, 21 mars 1990, n° 76765, commune de La Roque d'Anthéron.

* 252 CE, ordonnance de référé, 30 mars 2007, n° 304053, Ville de Lyon.

* 253 CE, ordonnance de référé, 26 août 2011, n° 352106, commune de Saint-Gratien.

* 254 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 313518, commune de Montpellier.

* 255 CE, ordonnance de référé, 26 août 2011, n° 352106, commune de Saint-Gratien.

* 256 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 313518, commune de Montpellier.

* 257 Réponse du ministère de l'Intérieur publiée dans le J.O. du Sénat du 4 décembre 1997, p. 3394 - Question écrite n° 03698 de Roland Huguet (Pas-de-Calais - SOC) publiée dans le J.O. du Sénat du 23 octobre 1997, p. 2860.

* 258 Conseil d'État, ordonnance de référé, 30 mars 2007, n° 304053, Ville de Lyon.

* 259 Conseil d'État, Rapport public, Un siècle de laïcité, 2004, p. 390.

* 260 Aurélie Bretonneau, Xavier Domino, Le sacré et le local , AJDA 2011, p. 1667.

* 261 Cour européenne des Droits de l'Homme, 27 juin 2000, n° 27417/95, Cha'are Shalom ve Tsedek c/ France.

* 262 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 309161, communauté urbaine du Mans - Le Mans Métropole.

* 263 Conclusions Edouard Geffray, rapporteur public, sous l'arrêt CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 309161, communauté urbaine du Mans - Le Mans Métropole.

* 264 Code de l'urbanisme, article L. 123-1-5 : « (...) III. Le règlement peut, en matière de caractéristiques architecturale, urbaine et écologique : identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel , historique, architectural ou écologique (...) ».

* 265 CE, 12 février 1988, n° 38765, Association des résidents du quartier Portugal-Italie : « ce bâtiment [un centre culturel islamique] à vocation culturelle, tel qu'il est décrit dans la demande de permis de construire, a le caractère d'un équipement public au sens du plan d'occupation des sols » .

* 266 CE, 25 septembre 1996, n° 109754, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 75/77 rue Dutot à Paris : « compte tenu des caractéristiques de cette opération, l'édifice cultuel projeté présente le caractère d'une installation d'intérêt général » .

* 267 CAA Paris, 7 février 2003, n° 99PA01814, Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Bessancourt : « un bâtiment destiné à l'exercice d'un culte constitue un équipement d'intérêt général » .

* 268 CE, 3 février 1992, n° 118855, Mme Girod et autres.

* 269 Modification du Code de l'urbanisme dans le sens d'une inscription à l'article L. 123-1-5 du motif « cultuel ».

* 270 CGCT, article L. 2122-22 ; Code de l'urbanisme, articles L. 210-1 et suivants.

* 271 CE, 30 juillet 1997, n° 160968, commune de Montreuil-sous-Bois.

* 272 Cour d'appel de Rouen, 23 février 1994, Association locale des Témoins de Jéhovah d'Elbeuf.

* 273 CAA Marseille, 12 février 2004, n° 99MA02188, commune de Saint-Laurent de la Salanque.

* 274 CAA Lyon, 6 mars 2012, n° 10LY02856.

* 275 Voir par exemple : CE, 4 mai 2012, n° 336462, n° 336464, n° 336465, Fédération de la libre-pensée et d'action sociale du Rhône ; CE, 26 novembre 2012, n° 344284, communauté des bénédictins de l'abbaye de Saint-Joseph de Clairval ; n° 344378, ADEME c/ communauté des bénédictins de l'abbaye de Saint-Joseph de Clairval ; n° 344379, ADEME c/ communauté de la Chartreuse de Portes ; CE, 15 février 2013, n° 347049, arrêt des « Ostensions septennales ».

* 276 Marie-Christine Rouault, Les collectivités territoriales, la laïcité et l'aide au culte, Revue Lamy des collectivités territoriales, novembre 2011, n° 73, p. 11.

* 277 CAA Nantes, 31 juillet 2002, n° 02NT01045, région Bretagne.

* 278 CE, 4 mai 2012, n° 336462, 336464, 336465 Fédération de la libre-pensée et d'action sociale du Rhône.

* 279 CE, 4 mai 2012, n° 336463, Fédération de la libre-pensée et d'action sociale du Rhône.

* 280 Site officiel de la Conférence des évêques de France consacré à la cathédrale d'Évry.

* 281 CE, 3 octobre 2011, n° 326460, communauté d'agglomération de Saint-Etienne Métropole.

* 282 CAA Lyon, 27 janvier 2009, n° 06LY00490.

* 283 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308544, commune de Trélazé.

* 284 Conclusions Edouard Geffray, rapporteur public, sous l'arrêt CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308544, commune de Trélazé.

* 285 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308544, commune de Trélazé.

* 286 CAA Nantes, 24 juillet 2007, n° 05NT01941, commune de Trélazé.

* 287 Conclusions Edouard Geffray, rapporteur public, sous l'arrêt CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308544, commune de Trélazé.

* 288 CE, 20 novembre 1929, Foussart, Rec. p. 999.

* 289 CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 308817, Fédération de la libre-pensée et de l'action sociale du Rhône et M. P.

* 290 CE, 26 novembre 2012, n° 344284, Communauté des Bénédictins de l'Abbaye de Saint-Joseph-de-Clairval.

* 291 Par exemple, CAA Bordeaux, 6 mars 2012, Association du centre d'études de Chanteloube, n° 11BX01688 ; Communauté des bénédictines de l'abbaye de Saint Scholastique et Communauté des bénédictins de l'abbaye de Saint Benoît d'En Calcat c/ ADEME et Région Midi-Pyrénées, n° 11BX1598, 11BX1599, 11BX1700 et 11BX1701.

* 292 Conclusions Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public, sous les arrêts CE, 26 novembre 2012, n° 344284, n° 344378, n° 344379.

* 293 Bernard Poujade, Développement durable et laïcité , paru dans les Mélanges en l'honneur du professeur Alain-Serge Mescheriakoff, Bruylant, 2013, p. 255.

* 294 Jean-François Amédro, Le Conseil d'État poursuit son effort de redéfinition des contours de la règle de non-subventionnement des cultes : l'admission sous conditions du financement public des activités non cultuelles des associations mixtes , La Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, n° 27, 9 juillet 2012, p. 2233.

* 295 CE, 15 février 2013, n° 347049, arrêt des « Ostensions ».

* 296 CGCT, article L. 2242-1.

* 297 Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, article 3, validée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, article 83.

* 298 Celles reconnues d'utilité publique ou ayant pour objet exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale.

* 299 Code civil, article 910, alinéa 2.

* 300 Ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 portant simplification du régime des libéralités consenties aux associations, fondations et congrégations de certaines déclarations administratives incombant aux associations, et modification des obligations des associations et fondations relatives à leurs comptes annuels, article 2 ; loi du 1 er juillet 1901, article 11 ; Code civil, article 910.

* 301 Code général des impôts, article 795 10°.

* 302 CGI, article 200, 1., e) : réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des dons fait aux associations cultuelles dans la limite de 20 % du revenu imposable ; article 238 bis, 1. b) (pour les entreprises) : réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 %o du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit d'associations cultuelles.

* 303 CGI, article 200, 2., alinéa 2.

* 304 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ; CGI, article 885-0 V bis.

* 305 CGI, article 206.

* 306 CGI, article 1382, 4°.

* 307 Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts (12/09/2012) ; CE, 6 novembre 1991, n° 78503, Association « L'Assemblée de Dieu » : « sont seules applicables, dans le département du Haut-Rhin, les dispositions précitées de l'article 4 du Code local des impôts directs réservant aux cultes reconnus le bénéfice de l'exonération applicable aux édifices religieux ; que ces dispositions se substituent dans ce département à celles du 4° de l'article 1382 du Code général des impôts, issues de la loi du 9 décembre 1905, qui exonèrent de la taxe foncière "les édifices affectés à l'exercice du culte", appartenant à l'Etat, aux départements et aux communes, ou attribués à des associations ou unions [...] ».

* 308 CE, 19 juin 2006, n° 270595, Association « La Mission du Plein Evangile - La Porte Ouverte Chrétienne ».

* 309 Code général des impôts (CGI), article 1407 ; CE, 13 janvier 1993, n° 112392, ministre du Budget c/ association AGAPE.

* 310 CE, 2 février 1910, Église réformée évangélique d'Albias, Rec. p. 1027.

* 311 CAA Nancy, 3 novembre 2005, Association évangélique baptiste « La bonne nouvelle », 02NC01184.

* 312 CGI, article 1585 C I-1° ; CGI, Annexe 2, article 317 bis.

* 313 OPR, Communiqué de presse, 7 février 2011.

* 314 Article 137-1 : « Es besteht keine Staatskirche ».

* 315 Source : kirchenfinanzen.de.

* 316 Le contenu de ces contrats est publié sur le site du ministère de l'Intérieur fédéral.

* 317 Le contrat conclu entre la Ville-État de Hambourg et l'Église évangélique ne comporte pas davantage de dispositions financières.

* 318 Communiqué de presse du ministère pour la Science, la recherche et la culture du Land de Brandebourg du 17 avril 2014.

* 319 Source : site internet de la Ville de Duisbourg.

* 320 Cette vente a été annulée en 2011, du fait de difficultés de financement de l'association.

* 321 Site internet de la Garnisonkirche , rubrique questions/réponses.

* 322 Tribunal Constitutional, Sentencia 46/2001 de 15 de febrero de 2001 .

* 323 Ce centre de ressources spécialisé dans la gestion publique de la diversité religieuse a été créé à l'initiative du ministère de la Justice, de la Fédération espagnole des communes et des provinces et de la Fondación Pluralismo y convivencia (Fondation Pluralisme et vivre ensemble). Il a pour objectif d'orienter les administrations publiques dans la mise en oeuvre des principes constitutionnels et du cadre normatif en vigueur.

* 324 Observatorio del pluralismo religioso en España, Lugares de culto, ciudades y urbanismo. Guía de apoyo a la gestión de la diversidad religiosa , Madrid 2011, p. 81.

* 325 Décision du tribunal Constitutionnel du 4 février 1986, citée par Juan José Guardia Hernández, « El Lugar de culto en el suelo de titularidad pública en España » dans Cuadernos Doctorales , 23 (1999), page 31.

* 326 Ces développements sont directement inspirés des pages 84-93 du rapport de l'Observatorio del pluralismo religioso en España, Lugares de culto, ciudades y urbanismo. Guía de apoyo a la gestión de la diversidad religiosa , précité.

* 327 Des exemples de ces accords sont cités en annexe.

* 328 Voir, par exemple, une liste de 43 subventions accordées du 1 er janvier au 28 octobre 2014 dans l'ensemble du pays sur le site laicismo.org .

* 329 Luigi Lupati, Attività degli enti locali ed esercizio del diritto a celebrare il culto. I finanziamenti dei comuni , p. 47 citant R. Botta, Le fonti di finanziamento dell'edilizia di culto , Milan 1995, p. 93.

* 330 Corte Costituzionale, Sentenza n 203/1989.

* 331 Consiglio di Stato, Sentenza 27 novembre 2010 n. 8298 .

* 332 Ainsi le Val d'Aoste, le Frioul, le Trentin Haut-Adige et la Sicile selon Luigi Lupati, Attività degli enti locali ed esercizio del diritto a celebrare il culto. I finanziamenti dei comuni , p. 47 citant R. Botta, Le fonti di finanziamento dell'edilizia di culto , Milan 1995, p. 52.

* 333 Corte Costituzionale, Sentenza n. 195/1993.

* 334 Le taux de conversion utilisé est de 1 £ = 1,25 €.

* 335 Source : Association nationale des conseils locaux.

* 336 Source : site internet du fonds de la loterie pour le patrimoine, publication du 30 juin 2014.

* 337 Traité de Paix conclu le 24 juillet 1923 entre, d'une part, l'Empire Britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, l'Etat Serbe-Croate-Slovène et, d'autre part, la Turquie.

* 338 Article 89 de la loi n° 193 du 31 décembre 1960 relative à l'impôt sur le revenu et article 10 de la loi n° 5520 du 13 juin 2006 relative à l'impôt sur les sociétés.

* 339 « Tekke ve Zaviyelerle Türbelerin Seddine ve Türbedarlýklar ile Bir Takým Unvanlarýn Men ve lgasýna Dair Kanun ».

* 340 Réponse du 20 mars 2012 du Premier Ministre Adjoint, adressée à la Grande Assemblée Nationale de Turquie.

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