F. ADAPTER LA RÉPONSE PÉNALE ET CARCÉRALE

Si le code pénal semble déjà bien adapté à la répression des faits de terrorisme, des améliorations peuvent encore y être apportées. En revanche, un immense travail reste à accomplir dans les établissements pénitentiaires et pour le suivi des anciens détenus.

1. Judiciariser à bon escient

Le principe de l'opportunité des poursuites donne une large liberté au ministère public pour apprécier la pertinence de la mise en mouvement de l'action publique, ainsi que les moyens d'exercice de celle-ci, en fonction de la gravité de l'infraction, de la personnalité de l'auteur et du trouble causé à l'ordre public.

Pour permettre un traitement judiciaire adapté des comportements djihadistes, dans le respect des principes de l'opportunité des poursuites et de l'individualisation des peines, votre commission d'enquête estime indispensable d'améliorer la formation des magistrats ayant à connaître de ces affaires complexes.

a) L'opportunité des poursuites : graduer la réponse

Au 9 mars 2015, sur les 1 432 individus de nationalité française ou résidents en France connus pour leur engagement djihadiste dans la zone irako-syrienne, 591 font l'objet d'une procédure judiciaire . En effet, contrairement aux départs vers l'Afghanistan ou l'Irak dans les années 2000, les filières irako-syriennes ne concernent pas nécessairement des personnes impliquées dans des actions violentes : en conséquence, l'ensemble des comportements djihadistes ne relèvent pas d'une incrimination pénale ou ne permettent pas de rapporter une preuve recevable dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Par-delà les possibilités offertes par la procédure pénale, il convient de s'interroger sur l'opportunité de judiciariser certains comportements afin d'apporter une réponse pénale graduée et adaptée à l'ensemble du spectre des faits commis.

(1) Ne pas exclure systématiquement les femmes des procédures judiciaires

Au 1 er janvier 2015, 104 procédures judiciaires en lien avec la Syrie ont été ouvertes au pôle antiterroriste de Paris. Parmi les 126 individus mis en examen dans le cadre de 51 informations judiciaires , seulement 11 femmes ont été mises en examen alors que 278 femmes ont été suivies par les services de renseignement dans le cadre des filières syriennes et qu'elles sont 110 à être localisées sur le théâtre syrien, parfois au plus près des combats. Ces départs sont certes souvent motivés par la volonté de rejoindre un conjoint combattant. Toutefois, si elles participent rarement aux conflits armés, la plus grande partie des femmes ont fait allégeance à un groupe terroriste identifié, ce qui permet leur incrimination pour association de malfaiteurs en lieu avec une entreprise terroriste 347 ( * ) . Il serait préférable de ne pas faire perdurer ce signal d'impunité à l'égard des adolescentes et des jeunes femmes, qui alimente les filières djihadistes.

(2) Adapter la réponse judiciaire aux mineurs

La majorité des mineurs impliqués dans les filières djihadistes en Syrie ont subi le choix de leurs parents. Seuls 66 d'entre eux, dont 38 jeunes filles, ont délibérément rejoint la zone irako-syrienne. Au 1 er janvier 2015, 9 mineurs étaient mis en examen dans le cadre d'une information judiciaire liée aux filières djihadistes syriennes.

Il a été rapporté à votre commission l'incompréhension de parents quant à la mise en examen de leur enfant, qu'il soit mineur ou jeune majeur, qu'ils considèrent avant tout comme victime d'un « enrôlement ». À cet égard, votre rapporteur rappelle que l'opportunité de la réponse judiciaire, appréciée par les magistrats, facilite, plus qu'elle n'empêche, la mise en place de mesures éducatives. La spécificité de la justice des mineurs tient à ce qu'elle ne sépare pas l'enfance délinquante de l'enfance en danger et à ce qu'elle privilégie une prise en charge globale de l'enfant. Cette primauté à l'éducation est inscrite dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dont l'exposé des motifs rappelle que « la France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ».

Le pôle antiterroriste de Paris a pour politique de ne pas judiciariser les affaires impliquant des départs ou des velléités de départs d'adolescents immatures, en rupture scolaire ou familiale, victimes d'endoctrinement sur Internet et dont les comportements s'inscrivent dans un processus de quête identitaire. La réponse judiciaire semble devoir être réservée aux personnes ayant joué un rôle actif et violent dans la zone syro-irakienne, au sein de filières de recrutement ou en cas de menace d'une action violente sur le territoire national. C'est par exemple cette hypothèse qui a prévalu pour la mise en examen de huit mineurs pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, placés sous contrôle judiciaire, et la mise en examen d'un mineur pour meurtres en relation avec une entreprise terroriste et placé en détention provisoire.

L'instruction préparatoire des affaires de terrorisme impliquant des mineurs est menée par les juges spécialisés du pôle antiterroriste de Paris. Après ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants de Paris, l'affaire est examinée au fond par les juges pour enfants traitant de manière habituelle des affaires de droit commun. L'accusation est en revanche portée par un représentant de la section antiterroriste du parquet de Paris. Ainsi, il appartient au tribunal pour enfants de Paris d'exercer toute sa compétence nationale 348 ( * ) afin de permettre une prise en charge adaptée des mineurs impliqués dans des affaires de départ vers la Syrie ou l'Irak.

b) Améliorer la formation des juges en matière d'antiterrorisme

Des parcours de radicalisation djihadistes peuvent être constatés par l'ensemble des juges, en premier lieu par les juges du quotidien. Au cours de l'année 2014, les juges aux affaires familiales ont relevé des phénomènes de radicalisation et des intentions djihadistes dans une quinzaine de procédures relatives à des divorces, des séparations, à l'exercice de l'autorité parentale ou à des demandes de substitution de prénoms musulmans à des prénoms français. De même, le tribunal pour enfants a eu à connaître, dans le cadre de mesures d'assistance éducative, de plusieurs exemples de radicalisation avec des velléités de départ sur zone syrienne.

En conséquence, votre rapporteur juge nécessaire que l'ensemble des juges soient formés à la détection des phénomènes de radicalisation pour permettre une réponse judiciaire adaptée. Aucun module de la formation initiale des magistrats à l'École nationale de la magistrature ne prend en effet en compte cette dimension particulière. Cette formation, qui pourrait être élargie à l'ensemble des phénomènes de radicalisation ainsi qu'aux dérives sectaires, pourrait utilement s'insérer dans le pôle de formation « Environnement judiciaire » qui vise à former à l'inscription d'une décision dans son contexte.

Proposition n° 75 : Former les élèves magistrats aux phénomènes de radicalisation.

Par ailleurs, depuis la circulaire du 5 décembre 2014 349 ( * ) , un magistrat référent a été nommé dans les 167 parquets des TGI pour suivre les affaires de terrorisme. Ces magistrats du parquet référents sont invités à suivre les modules spécifiques à cette question au sein du dispositif de la formation continue de l'ENM. Néanmoins, on peut s'interroger sur la disponibilité de ces magistrats pour suivre ces formations souvent centralisées à Paris. Il convient donc de leur permettre de s'approprier ces fonctions en décentralisant dans chaque parquet ces modules de formation continue. Par ailleurs, afin de permettre une sensibilisation plus large à cette problématique, il convient de ne pas former seulement les magistrats du parquet mais aussi ceux du siège.

Proposition n° 76 : Décentraliser dans tous les tribunaux de grande instance (TGI) une formation continue sur les questions de radicalisation, ouverte à l'ensemble des magistrats.

En outre, si la centralisation à Paris des magistrats chargés de la lutte contre le terrorisme est l'une des forces de notre organisation judiciaire 350 ( * ) , cette centralisation ne s'accompagne pas nécessaire d'une spécialisation de l'ensemble des acteurs de ces juridictions.

Comme on l'a vu, le tribunal pour enfants du tribunal de grande instance de Paris dispose d'une compétence nationale pour le jugement des actes de terrorisme impliquant des mineurs. Or, la spécificité de la justice des mineurs réside notamment dans l'organisation d'une juridiction spécialisée, présidée par un magistrat professionnel mais assisté de deux assesseurs non professionnels, particuliers connus pour leurs compétences et l'intérêt qu'ils portent aux questions de l'enfance nommés pour quatre ans par arrêté du garde des Sceaux. Il a été soulevé devant votre commission d'enquête la question de leur formation. En conséquence, votre rapporteur recommande de conditionner la nomination des assesseurs du tribunal pour enfants du TGI de Paris au suivi obligatoire d'une formation spécifique sur la radicalisation à l'ENM, en sus d'une formation juridique renforcée.

Proposition n° 77 : Subordonner la nomination des assesseurs du tribunal pour enfants du TGI de Paris à des compétences spécifiques dans le domaine de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre celle-ci.

Cette problématique se retrouve dans les juridictions de l'application des peines de Paris, où il existe une compétence exclusive et nationale pour l'ensemble des condamnés terroristes. S'il existe un magistrat antiterroriste spécialisé, ce n'est pas le cas des deux autres assesseurs qui composent le tribunal d'application des peines ou de l'ensemble des magistrats de la chambre de l'application des peines. En raison de la forte croissance des demandes d'aménagement de peine des condamnés pour terrorisme djihadistes (+ 75 % entre 2013 et 2014) et de l'augmentation des jugements en formation de tribunal de l'application des peines, il apparaît opportun d'affecter à moyen terme un second juge spécialisé en matière de terrorisme auprès des juridictions de l'application des peines de Paris. Dans cet intervalle, il est nécessaire de former spécifiquement les magistrats parisiens de l'application des peines, amenés à siéger sur des affaires de terrorisme.

Proposition n° 78 : Former spécifiquement les assesseurs des juridictions d'application des peines de Paris à la problématique de l'application des peines pour terrorisme, dans l'attente d'une nouvelle affectation de juges d'application des peines spécialisés dans l'antiterrorisme.

2. Renforcer l'efficacité du dispositif judiciaire antiterroriste

Une réponse judiciaire cohérente aux phénomènes terroristes repose tant sur des incriminations efficaces et précises, qui répondent aux exigences du principe de légalité, que sur un dispositif procédural adapté à la complexité des comportements à sanctionner. Si votre commission d'enquête estime que les incriminations du code pénal sont efficaces et adaptées à la répression du terrorisme djihadiste, elle juge néanmoins que l'amélioration de dispositions procédurales, notamment pour permettre l'effectivité des dispositifs d'investigations nécessaires aux enquêtes antiterroristes, est indispensable.

a) Garantir la cohérence des incriminations pénales

Votre commission d'enquête s'est interrogée sur la nécessité de créer des nouvelles infractions en matière de répression du terrorisme. Au regard de l'efficacité et de l'adaptabilité de l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, il lui est apparu inopportun de créer de nouvelles infractions pour appréhender des comportements terroristes particuliers.

Le nouvel article 421-2-6 du code pénal , introduit par l'article 6 de la loi du 13 novembre 2014, a déjà permis l'incrimination des actions individuelles du « terrorisme en accès libre 351 ( * ) ». Votre rapporteur constate néanmoins que depuis son entrée en vigueur, aucune procédure n'a été utilisée sur ce fondement 352 ( * ) . Selon certaines interprétations de l'article 421-2-6 présentées à votre commission d'enquête lors de ses auditions, « l'infraction de projet individuel à caractère terroriste ne concerne pas ce type de comportement 353 ( * ) , car elle vise exclusivement des projets d'actions violentes sur le territoire national ».

Pourtant, il convient de rappeler que l'article 421-2-6 du code pénal s'applique à tous les comportements terroristes individuels s'inscrivant dans un projet d'action violente déjà suffisamment établi, y compris à l'étranger, en vertu de l'article 113-13 du code pénal - ce qui est d'ailleurs cohérent avec la nouvelle interdiction de sortie du territoire prononçable à l'encontre des personnes souhaitant quitter la France pour se joindre à des groupes terroristes.

Par ailleurs, le délit de recrutement terroriste 354 ( * ) (art. 421-2-4), créé par la loi du 21 décembre 2012, présente un caractère surabondant par rapport à l'association de malfaiteurs. Aucune enquête préliminaire, et a fortiori aucune information judiciaire, n'a été ouverte par le pôle antiterroriste de Paris au visa de cet article, dont le champ d'application est très restreint et recoupe assez largement celui de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il est vrai que ce délit présentait un certain intérêt pour incriminer le recrutement non suivi d'effet. Néanmoins, l'article 421-2-5 incrimine désormais la provocation directe, suivie ou non d'effets, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, ce qui semble restreindre davantage encore le champ d'application de l'article 421-2-4, qui prévoit jusqu'à 10 ans d'emprisonnement pour la tentative de recrutement.

Pour une meilleure lisibilité de la loi, votre rapporteur propose donc une mise en cohérence de la législation pénale, ce qui implique à terme, soit la suppression de l'article 421-2-4 du code pénal, soit une réécriture des articles 421-2-4 et 421-2-5 par coordination, pour harmoniser la répression et prévoir éventuellement son aggravation lorsqu'elle concernerait des mineurs.

Proposition n° 79 : Mettre en cohérence l'infraction de recrutement terroriste avec les autres dispositifs de l'arsenal pénal antiterroriste, soit par la suppression de l'article 421-2-4 du code pénal, soit par une réécriture des articles 421-2-4 et 421-2-5.

En outre, la loi du 13 novembre 2014 est venue répondre à la recommandation n° 15 du procureur général Marc Robert, procureur général près la Cour d'appel de Versailles, entendu par votre commission, dans son rapport précité, qui proposait d'accroître le quantum des peines applicables aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) mis en oeuvre par l'État, commises en bande organisée. Ce rapport encourageait également à mettre en cohérence les circonstances aggravantes prévues pour les atteintes aux STAD mis en oeuvre par l'État avec celles prévues pour les opérateurs d'importance vitale.

Lors de son intervention sur la table ronde relative à l'utilisation d'Internet à des fins d'organisation par les groupes terroristes, Marc Robert a rappelé les attaques djihadistes régulières, émises depuis l'étranger contre les standards des commissariats, des mairies mais aussi parfois contre des entreprises. Le nombre et la gravité de ces cyber-attaques conduisent votre rapporteur à préconiser une répression équivalente lorsqu'elles sont commises contre les STAD mis en oeuvre par l'État, les collectivités territoriales, les hôpitaux et les opérateurs d'importance vitale 355 ( * ) . Votre rapporteur propose donc de modifier le 2 e alinéa de l'article 323-3 et l'article 323-4-1 du code pénal pour étendre la circonstance aggravante prévue pour les STAD mis en oeuvre par l'État à l'ensemble des STAD mis en oeuvre par les opérateurs d'importance vitale.

Votre rapporter préconise également de renforcer la centralisation de notre organisation judiciaire antiterroriste en instaurant une véritable compétence concurrente parisienne pour les attaques contre les STAD de l'État et ceux des opérateurs d'importance vitale. Les cyber-attaques pouvant relever du cyber-espionnage comme du cyber-terrorisme, il semble en effet opportun de « concentrer le traitement à Paris pour bénéficier des synergies [en place] entre les services spécialisés ». Pour toutes les attaques qui ne relèveraient pas du cyber-terrorisme, la compétence concurrente permettrait aux juridictions de droit commun de traiter ces affaires. Cette centralisation est en réalité d'ores et déjà possible puisque l'article 706-16 du code de procédure pénale prévoit l'application des règles de procédures particulières en matière de terrorisme à toutes les infractions définies à l'article 421-1, qui mentionne « les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ». En revanche, il convient d'organiser d'un point de vue opérationnel cette compétence concurrente.

Proposition n° 80 : Étendre la circonstance aggravante prévue pour les attaques contre les systèmes de traitement automatisé de données (STAD) mis en oeuvre par l'État à l'ensemble des STAD mis en oeuvre par les opérateurs d'importance vitale au moyen d'une modification des articles 323-3 et 323-4-1 du code pénal.

Proposition n° 81 : Organiser la compétence concurrente de la juridiction de Paris pour les attaques contre les STAD de l'État et contre ceux des opérateurs d'importance vitale.

b) Renforcer l'efficacité de la procédure pénale : permettre l'effectivité des dispositifs fréquemment utilisés en matière d'enquête antiterroriste
(1) Créer un régime juridique de saisies de données informatiques

L'article 57-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction modifiée de la loi du 13 novembre 2014, prévoit les garanties de la perquisition pour l'accès et la copie à distance de données stockées dans un système informatique.

Ces garanties impliquent de recueillir les identifiants et les codes d'accès du compte visé, de mettre en oeuvre une procédure, au demeurant lente et inefficace, de perquisition transfrontalière lorsque le fournisseur du service est étranger et enfin de procéder à la perquisition en présence de la personne, d'un représentant ou de deux témoins.

Ainsi l'emploi de l'article 57-1 ne s'appliquerait qu'à la suite d'une interpellation et d'un placement en garde à vue du suspect dans le cadre d'enquêtes de flagrance ou d'enquêtes préliminaires. De surcroît, en raison d'un renvoi de l'article 97-1, qui prévoit les pouvoirs d'investigations du juge d'instruction, aux dispositions de l'article 57-1, le juge d'instruction est aussi tenu par ces règles dans le cadre de l'information judiciaire.

Par ailleurs, dans le cas d'une enquête où le propriétaire de la messagerie est décédé, les magistrats du parquet sont obligés de recourir à une interprétation large de l'article 57-1, ce qui fragilise la procédure.

En conséquence, votre rapporteur recommande d'écarter toute ambiguïté quant à la lecture de l'article 57-1 du code de procédure pénale et de redonner toute son effectivité à ce dispositif. Il se rallie à la position du rapport « Protéger les internautes » de Marc Robert qui recommandait de « mieux distinguer la notion de saisie d'objets numériques de celle de perquisition » et « d'autoriser explicitement la saisie des terminaux et des supports indépendamment (...) de toute perquisition ». Votre rapporteur propose donc de créer un régime juridique de la saisie 356 ( * ) de données informatiques , qui ne relève ni de la perquisition ni de la réquisition et qui serait autorisé par le juge d'instruction ou, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention.

Aussi, votre rapporteur propose-t-il de réécrire l'article 57-1 et l'article 97-1 du code de procédure pénale pour permettre l'accès, l'enregistrement et la saisie, en tous lieux et sans le consentement des intéressés, des données informatiques intéressant l'enquête en cours, stockées sur un système informatique, dès lors que ces données sont accessibles à partir d'un système initial dont l'intéressé a l'usage ou la possession .

Par ailleurs, les articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale permettent, dans certaines conditions, aux juges d'instruction d'ordonner des interceptions judiciaires de télécommunications 357 ( * ) . Ces dispositions, qui correspondent à une définition obsolète des télécommunications , permettent actuellement l'interception, l'enregistrement et la transcription de l'ensemble des seules correspondances émises depuis un compte de messagerie, et non reçues, ce qui conduit à des difficultés de procédure. Dès lors, votre rapporteur propose également de modifier l'article 100 du code de procédure pénale pour y inclure les correspondances reçues.

Proposition n° 82 : Instaurer un régime juridique de « saisie de données informatiques » apportant des garanties similaires à celui du régime des interceptions judiciaires de télécommunications.

(2) Permettre l'application du dispositif de captation des données informatiques

Proche du dispositif d'interception judiciaire de télécommunications, la captation de données informatiques, définie à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale qui permet d'accéder aux données « telles qu'elles s'affichent sur un écran (...) telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels », exige le recours à un « dispositif technique », à l'instar de « l'installation d'un dispositif d'interception » prévu à l'article 100-3, issu de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie de télécommunication.

Cet article, qui ne concerne que les systèmes de traitement automatisé de données, vise à permettre l'accès et l'enregistrement d'éléments immatériels tels que des informations codées ou des données, non stockées, mais ponctuellement et provisoirement connectées au système de traitement automatisé de données concerné.

Créé par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cet article n'a jamais été mis en oeuvre par les magistrats antiterroristes, en raison du régime d'autorisation ministérielle qui régit lesdits dispositifs 358 ( * ) .

En effet, l'article 226-3 du code pénal incrimine « la fabrication, l'importation, la détention, l'exposition, l'offre, la location ou la vente en l'absence d'autorisation ministérielle (...) de dispositifs techniques (...) ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l'article 706-102-1 du code de procédure pénale ». Dès lors, chaque dispositif technique dont les juges d'instruction souhaiteraient faire usage doit faire l'objet d'une autorisation ministérielle 359 ( * ) . Selon l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) entendue par votre commission d'enquête, cette autorisation ministérielle préalable à la vente et à la fabrication de ces appareils se justifie par les atteintes qu'ils portent à la vie privée.

Or, si cette certification semble nécessaire pour les « logiciels espion » vendus au grand public, on peut s'interroger sur l'opportunité de viser spécifiquement les dispositifs permettant la réalisation d'une procédure judiciaire d'investigation, en assimilant ainsi les atteintes aux secrets des correspondances commises par les particuliers à celles commises légitimement par les personnes dépositaires de l'autorité publique. En outre, du point de vue de la séparation des pouvoirs, il semble délicat de maintenir une autorisation ministérielle pour un dispositif utilisé par l'autorité judiciaire. De plus, le temps de l'instruction pénale n'est pas nécessairement celui d'une autorisation ministérielle préalable .

Afin de permettre aux magistrats d'utiliser la procédure de l'article 706-102-1, votre rapporteur préconise par conséquent de modifier l'article 226-3 du code pénal afin de n'imposer une autorisation ministérielle qu'aux dispositifs techniques de nature à pouvoir constituer les infractions d'atteinte à la vie privée de l'article 226-1 du code pénal et d'interception illicite de correspondances par la voie électronique de l'article 226-15 du code pénal , sans mention explicite de la procédure d'investigation de l'article 706-102-1. Cette modification serait complétée pour organiser une exception à destination des prestataires ou des experts désignés par les juges d'instruction, en application de l'article 156 du code de procédure pénale, pour développer et mettre en oeuvre un tel dispositif technique.

Toutefois, eu égard aux enjeux de sécurité soulevés par l'ANSSI, il semble opportun que les experts désignés figurent obligatoirement sur les listes mentionnées à l'article 157 du code de procédure pénale 360 ( * ) . Cet expert, qui peut être une personne physique ou morale, ferait ainsi l'objet d'une enquête approfondie, notamment par les services de l'ANSSI avant son inscription sur les listes. Cela permettrait à l'ANSSI de procéder postérieurement à un examen approfondi des dispositifs techniques permettant la captation de données informatiques réalisés par ledit expert et de le sanctionner le cas échéant. Dans l'hypothèse où, par décision motivée, le juge d'instruction choisirait un expert non inscrit sur ces listes, l'ANSSI exercerait son contrôle a priori.

Alors que le recrutement des filières djihadistes s'effectue de plus en plus à travers des échanges sur des forums spécialisés cryptés et très protégés ou sur des réseaux sociaux, pour lesquels il est difficile d'obtenir des informations sans perquisition transfrontalière 361 ( * ) , il est nécessaire de permettre aux juges d'instruction spécialisés dans la lutte contre le terrorisme d'utiliser effectivement les dispositions existantes du code de procédure pénale.

Proposition n° 83 : Rendre effectif le dispositif de captation des données à distance de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale.

(3) Dématérialiser les échanges entre le juge des libertés et de la détention et le parquet de Paris

En matière de terrorisme, a fortiori dans des affaires impliquant des départs potentiels de mineurs sur un théâtre d'opérations terroristes comme la Syrie ou l'Irak , il est nécessaire de diligenter les enquêtes rapidement . Ainsi, à toute heure du jour comme de la nuit, une autorisation du juge des libertés et de la détention peut être demandée par le procureur de la République pour de nombreux actes d'investigations, tels les perquisitions de nuit ou les interceptions judiciaires. Il ressort des éléments communiqués à votre rapporteur que ces procédures sont « massivement sollicitées », d'où une forte multiplication des échanges avec le juge des libertés et de la détention. Pour améliorer la célérité des enquêtes, il importe de fluidifier autant que possible ces échanges.

Or l'article 706-92 exige une ordonnance écrite pour ces autorisations alors que ces procédures pourraient utilement être signées électroniquement. En effet, l'article 801-1 du code consacre la possibilité de signer électroniquement « tous les actes mentionnés au présent code, qu'il s'agisse d'actes d'enquête ou d'instruction ou de décisions juridictionnelles », dans les conditions prévues par le décret n° 2010-671 du 18 juin 2010 relatif à la signature électronique et numérique en matière pénale et l'arrêté du 6 mai 2014 relatif à l'utilisation du parapheur électronique pour le recours à la signature électronique au cours des procédures pénales.

La signature électronique des actes de procédure d'enquête en matière de terrorisme semble se heurter à deux problèmes. En premier lieu, il n'est pas évident que l'article 801-1, qui vise pourtant l'exhaustivité des actes de procédure, s'applique aux autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-96 en raison de la nécessité expresse d'une « ordonnance écrite ». Votre rapporteur invite la Garde des sceaux à lever cette incertitude juridique qui paralyse les magistrats . En second lieu, l'ensemble des magistrats 362 ( * ) ne disposent pas des moyens techniques (en l'espèce, une « carte agent » comprenant deux certificats, l'un pour authentifier et l'autre pour signer électroniquement) pour signer les actes. À cet égard, votre rapporteur recommande d'équiper en priorité le parquet antiterroriste et les juges des libertés et de la détention du TGI de Paris.

Proposition n° 84 : Permettre au juge des libertés de la détention de signer électroniquement les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-96 du code de procédure pénale.

c) Pour une meilleure articulation avec la procédure du droit de la presse

Depuis la loi du 13 novembre 2014, l'article 421-2-5 du code pénal réprime la provocation directe à des actes de terrorisme et l'apologie publique de ces actes, jusqu'ici imparfaitement réprimés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse 363 ( * ) . Au 12 février 2015, sur le seul fondement de cette infraction, ont été ouvertes 185 procédures mettant en cause 201 auteurs . A la même date, alors qu'un certain nombre de procédures étaient toujours en cours, 40 condamnations ont été prononcées dont 23 à de l'emprisonnement ferme, 3 à de l'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 7 à de l'emprisonnement avec sursis. 38 de ces procédures concernaient des faits commis sur Internet. Il est incontestable que la circulaire de la Garde des sceaux du 12 janvier 2015 invitant les parquets à « être particulièrement réactifs et fermes lorsque les propos sont de nature raciste, antisémite ou tendant à provoquer des comportements haineux, violents, discriminatoires ou terroristes » a été suivie.

L'efficacité de cette réponse pénale pose aujourd'hui la question du transfert d'autres délits « de presse » -mais qui relèvent davantage d'abus de communication que d'un abus d'information- dans le code pénal. En effet, s'il est souvent impossible de différencier la provocation à des actes de terrorisme de l'apologie de ces actes (ce qui justifie un même traitement procédural), il devient de plus en plus difficile de distinguer la provocation à la haine raciale (réprimés par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) de la provocation à des actes de terrorisme.

Comme le déclarait le procureur général Marc Robert devant votre commission d'enquête lors de la table ronde consacrée à Internet, on constate depuis les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 une « floraison d'assertions constitutives d'apologie, de provocation au terrorisme, de provocations générales à la commission d'un crime, de provocation à la haine raciale, des menaces antisémites, des menaces à l'égard des forces de l'ordre ou de certains musulmans (...). Il n'y a pas de frontière entre cette propagande terroriste et l'antisémitisme ».

Or l'existence de propos pouvant être appréhendés aux frontières de deux procédures, celle issue de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse et celle issue du code de procédure pénale, exposent les parquets à des écueils procéduraux importants susceptibles de conduire à l'irrégularité des procédures engagés et donc à l'extinction de l'action publique. Ainsi la difficulté de l'action publique à poursuivre des comportements qui heurtent pourtant les intérêts fondamentaux de la société alimente l'argumentation en faveur d'une pénalisation des infractions de presse.

Il convient néanmoins de rappeler la raison qui a conduit à l'instauration de règles procédurales dérogatoires pour ce type de délits. Les règles procédurales de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse ont pour objectif premier de protéger la liberté d'expression. En conséquence, elles encadrent autant que possible toutes les actions qui auraient pour effet de restreindre cette liberté constitutionnelle. Ainsi, l'action publique se prescrit par trois mois (à l'exception des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère raciste ou religieuse, des contestations de crime contre l'humanité et les diffamations et injures à caractère racial dont la prescription est d'un an) et sa mise en mouvement dépend d'une plainte préalable de la victime dans de nombreuses hypothèses. Parallèlement, le désistement du plaignant met fin à la poursuite. D'importantes exigences de précision pèsent sur le ministère public : la poursuite est définitivement fixée par la citation introductive d'instance quant aux faits (ce qui implique une énumération exhaustive de tous les propos) et à la qualification choisie : ni le ministère public ni le magistrat instructeur ne peut requalifier la qualification choisie. La loi du 29 juillet 1881 encadre également très strictement les actes pouvant être considérés comme interruptifs de prescription. Enfin, des droits particuliers sont reconnus à la défense à l'instar des moyens de la bonne foi, de l'exception de vérité 364 ( * ) ou encore l'exception de provocation 365 ( * ) .

On doit toutefois constater que ces procédures spécifiques posent des problèmes particuliers pour les messages diffusés uniquement sur Internet, notamment pour établir le point de départ de la prescription d'un délit instantané. En raison de la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions spécifiques au sein de la LCEN, les règles traditionnelles de prescription s'appliquent aux informations diffusées sur Internet, sous réserve d'évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation. Ainsi, des pans du traitement des infractions de presse commises sur Internet sont encore incertains : par exemple, la Cour de cassation n'a pas encore tranché sur la spécificité des tweets et surtout des « retweets » pour déterminer le point de départ de la prescription.

Il ne saurait pour autant se déduire de ces difficultés avérées qui fragilisent l'action publique la nécessité de transférer l'ensemble des propos de haine hors du champ d'une loi qui veille depuis plus d'un siècle à une répression aussi limitée que possible des délits d'opinion.

S'il apparaît possible à court terme de procéder marginalement à des aménagements procéduraux liés notamment aux règles de prescription, en ce qui concerne l'utilisation de la voie numérique, une telle réponse resterait incomplète et ne permettrait pas d'éviter des modifications ultérieures.

Il convient ainsi aujourd'hui de ne pas faire l'économie de ce débat et de s'interroger sur la fonction de la loi du 29 juillet 1881. Si son régime procédural est fondé sur la nécessité de protéger la liberté de la presse et le droit d'informer, ce régime s'applique aujourd'hui également pour définir les limites du droit à la liberté d'expression de chacun.

Votre rapporteur considère ainsi qu'il est justifié de réactualiser le débat sur sa codification , entreprise d'amélioration de l'intelligibilité, d'accessibilité et de lisibilité du droit. En 2011, la commission supérieure de codification rappelait la création inaboutie du code de la communication, création qui s'était heurtée à la « sacralisation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dont la codification aurait impliqué l'abrogation 366 ( * ) ». En effet, nombre d'éditeurs et de journalistes craignaient une dilution des principes fondamentaux qui caractérisent actuellement le droit de l'information, réunis dans sa loi du 29 juillet 1881.

Pourtant, comme le soulignait le Conseil d'État dans son étude de 2006 sur codification du droit de la communication 367 ( * ) , un code du droit de la communication permettrait d'harmoniser les régimes de communication au public . Notamment, si la LCEN présente de nombreuses convergences avec le régime de responsabilité défini dans la loi de 1881, elle présente les mêmes lacunes lorsqu'il s'agit d'appréhender les comportements délictuels qui ont une large diffusion et une certaine clandestinité permises par la technologie.

Un débat sur la codification d'un code de la communication permettrait aussi une réflexion sur la régulation inachevée des services de communication au public en ligne. Selon une personne entendue par votre commission d'enquête, des récents débats ont suscité des difficultés de conciliation entre la régulation de la communication audiovisuelle, régie par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à la liberté de la presse, défendue par la loi du 29 juillet 1881. Or on constate bien une continuité de valeurs protégées par ces lois ainsi qu'une même volonté du législateur d'encadrer tous les abus, y compris commis par des journalistes. À cet égard, une mise en cohérence des règles procédurales serait légitime.

Par ailleurs, votre commission d'enquête a souhaité porter une attention particulière à l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme. Or, la situation financière du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) reste incertaine, selon le rapport public annuel de la Cour des comptes de février 2012. Le FGTI est principalement alimenté par un prélèvement fixe de 3,30 euros par contrat d'assurance de biens souscrit auprès d'un assureur opérant en France, quel que soit le montant du contrat. Ce montant, en principe fixé chaque année par arrêté, n'a pas été revalorisé depuis 2004. Selon l'article L. 422-1 du code des assurances modifié par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013, la contribution peut être comprise entre 0 et 6,5 euros. Votre commission d'enquête invite le Gouvernement à augmenter ce prélèvement.

3. OEuvrer à une meilleure coopération pénale

Votre commission d'enquête estime que la coopération internationale pénale est un enjeu crucial pour garantir une répression efficace du phénomène djihadiste, par nature transnational. Aussi souhaite-t-elle son développement au niveau européen, mais surtout avec les pays non membres de l'Union européenne par le renforcement des relations conventionnelles bilatérales.

a) Développer l'entraide judiciaire européenne

Comme observé par votre commission d'enquête lors de son déplacement à Bruxelles, le développement d'Eurojust, l'agence européenne qui organise la coopération judiciaire multilatérale notamment en matière de terrorisme, se heurte à plusieurs obstacles.

En premier lieu, Eurojust repose sur une approche intergouvernementale, ce qui laisse les décisions de transferts d'informations judiciaires à la discrétion des États. Or, certains États ont une lecture minimale de la décision 2005/671/JAI du Conseil du 20 septembre 2005 qui organise l'échange d'informations et la coopération concernant les infractions terroristes.

En second lieu, en dépit de la communication au Conseil et au Parlement européen du 23 octobre 2007 sur le rôle d'Eurojust et du Réseau Judiciaire européen dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme dans l'Union européenne, l'accès d'Eurojust aux fichiers d'analyse d'Europol reste très parcellaire et inégal de même que la coopération entre Eurojust et les bureaux de liaison nationaux d'Europol. Or deux fichiers d'analyse criminelle d'Europol seraient particulièrement utiles aux magistrats antiterroristes français : il s'agit du fichier HYDRA, qui regroupe les informations sur le terrorisme islamiste et du fichier DOLPHIN qui concernent les autres formes de terrorisme. Les informations classifiées H1 de ces fichiers ne relèvent plus du renseignement et peuvent être admises comme élément de preuve judiciaire. L'impossibilité pour Eurojust d'accéder à ces fichiers d'Europol est d'autant moins légitime qu'Eurojust est associé à l'ensemble des fichiers Europol liés à la criminalité organisée.

En conséquence, votre rapporteur encourage le gouvernement français à oeuvrer au renouvellement du contrat d'association entre Europol et Eurojust pour formaliser le droit d'accès 368 ( * ) d'Eurojust aux informations classifiées H1 émanant des focal points Travellers, Hydra, Dolphin, Check The Web et TFTP.

Proposition n° 85 : Faciliter l'accès des magistrats aux éléments judiciaires issus des fichiers d'analyse criminelle d'Europol.

b) Lever les obstacles aux coopérations judiciaires bilatérales

En l'absence de compétence d'Eurojust ou de convention européenne d'entraide judiciaire pénale avec un État non membre de l'Union européenne, les demandes d'entraide judiciaire, telles les procédures d'extradition ou les commissions rogatoires internationales, relèvent de la coopération bilatérale entre États 369 ( * ) . Lorsqu'il n'existe aucune convention bilatérale en matière pénale, à l'instar des relations France-Irak, toutes les demandes d'entraide échangées entre ces pays sont fondées sur le principe de réciprocité et sont, en conséquence, très peu nombreuses : seulement 10 depuis le 1 er janvier 2000 pour l'Irak.

Votre rapporteur encourage donc la signature de conventions d'entraide judiciaire en matière pénale qui facilitent les échanges d'informations. À cet égard, il se félicite de l'approbation parlementaire, le 5 mars 2015, de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie. Il se félicite également de l'accord trouvé le 31 janvier 2015 entre les autorités judiciaires de la France et du Maroc sur un texte amendant la convention d'entraide judiciaire franco-marocaine, qui a permis le rétablissement de cette coopération suspendue fin février 2014 et le retour des magistrats de liaison respectifs.

Enfin, votre rapporteur, qui a rencontré les autorités turques à l'occasion d'un déplacement d'une délégation de la commission d'enquête à Ankara, regrette les obstacles au renforcement de la coopération avec l'autorité judiciaire turque. Cette coopération est en effet marquée par un fort déséquilibre quantitatif au profit des demandes aux fins d'enquête émanant des autorités judiciaires turques : depuis le 1 er janvier 2010, la France a adressé 14 demandes d'entraide à des fins d'enquête et reçu 67 demandes turques. La France ne donne pas non plus suite aux demandes d'entraide aux fins de remise de personnes , d'arrestation provisoire ou d'extradition, émanant de la Turquie en matière de terrorisme. Cette politique résulte d'une position définie en 1998 tenant compte du niveau insuffisant du respect des droits fondamentaux par la Turquie.

Votre rapporteur tient cependant à saluer la prise de fonction récente du magistrat de liaison en poste en Turquie alors que le poste était vacant depuis le mois d'octobre 2013.

c) Généraliser la délivrance de mandats de recherche

Le renforcement des coopérations judiciaires permet d'améliorer l'effectivité des mandats d'arrêts et des mandats de recherche. En application de l'article 122 du code de procédure pénale, seuls les combattants les plus dangereux, pour lesquels les éléments sont suffisants pour une mise en examen sans le préalable d'une garde à vue, font l'objet d'un mandat d'arrêt, ou éventuellement d'un mandat de comparution ou d'amener.

Pour les autres combattants, la section antiterroriste du Parquet du TGI de Paris délivre systématiquement des mandats de recherche , qui peuvent être décernés à l'égard de toute personne « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Votre rapporteur constate que l'ensemble des mineurs et la majorité des majeurs qui font l'objet d'une procédure au niveau local de « recherche des causes de la disparition » (74-1 du code de procédure pénale) ne sont pas systématiquement l'objet d'un mandat de recherche. Au regard de la particularité du traitement du phénomène djihadiste 370 ( * ) , votre rapporteur estime que les parquets territorialement compétents pourraient se rapprocher des juges d'instruction antiterroriste de Paris pour exploiter pleinement la procédure du mandat de recherche.

Proposition n° 86 : Décerner systématiquement des mandats de recherche pour les personnes ayant des velléités de départ ou étant parties pour un théâtre d'opérations terroristes.

4. Neutraliser les phénomènes carcéraux de radicalisation

Comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, la prison est un lieu propice aux phénomènes de radicalisation 371 ( * ) . Cette situation s'est aggravée avec les premières incarcérations des combattants djihadistes revenant de la zone irako-syrienne. À la date du 29 janvier 2015, 87 personnes liées à une filière djihadiste étaient incarcérées.

Ce constat appelle à définir un programme de prise en charge de la radicalisation adapté à l'ampleur du phénomène, en s'appuyant sur la longue expérience de l'administration pénitentiaire dans la gestion des détenus terroristes.

a) Permettre une pratique apaisée des cultes pour ne pas renforcer les phénomènes de radicalisation

Depuis les travaux de Michel Foucault, nombre d'études sociologiques ont mis en évidence la perméabilité de la prison aux phénomènes de société. Récemment, Didier Fassin écrivait que le monde carcéral est « à la fois le reflet de la société et le miroir dans lequel elle se réfléchit... La prison n'est pas séparée du monde social : elle en est l'inquiétante ombre portée 372 ( * ) ». Le sociologue Farhad Khosrokhavar a particulièrement insisté sur le rôle des frustrations économiques ou sociales dans la radicalisation pénitentiaire, exacerbées par la surpopulation endémique des prisons 373 ( * ) . À cet égard, votre rapporteur fait siennes les propositions de notre collègue Jean-René Lecerf et renvoie à ses rapports 374 ( * ) .

La religion musulmane est considérée par nombre de détenus comme la « religion des opprimés 375 ( * ) » . Les restrictions liées à l'exercice du culte musulman peuvent dès lors renforcer les sentiments de stigmatisation et de frustration, qui alimentent les phénomènes de radicalisation : « nombre de détenus pensent sincèrement, à tort ou à raison, que l'islam est l'objet de discrimination par rapport au christianisme et au judaïsme 376 ( * ) ». Il convient donc d'être particulièrement attentif à ces questions.

(1) Ne pas négliger les difficultés liées à la détention des objets cultuels et à l'alimentation confessionnelle

Des incidents parfois violents peuvent naître d'une incompréhension entre surveillants et détenus quant à la détention d'objets cultuels. Ainsi, les tapis de prière intégrant une boussole métallique pour indiquer la direction de la Mecque ne sont pas admis en détention pour des raisons de sécurité. De même, comme le relate Didier Fassin, des incidents peuvent naître de l'application subjective des règles relatives au transport des objets cultuels : un surveillant peut autoriser un détenu à emporter le Coran en promenade mais le lui refuser le lendemain. Il en va de même pour les tapis de prière ou le port en dehors de la cellule de signes « ostentatoires de religiosité » telle la djellaba ou les qamis. Ces incidents pourtant « dérisoires » engendrent parfois des sanctions disciplinaires, perçues comme d'autant plus injustes que l'application de la règle est parfois inconstante.

Une note de la directrice de l'administration pénitentiaire du 16 juillet 2014 relative à la pratique du culte en détention est venue rappeler que les objets ou vêtements cultuels ne sont autorisés qu'en cellule et en salle polycultuelle et qu'en conséquence, le transfert de ces objets entre ces lieux doit s'effectuer dans un sac. En raison d'incidents nés de fouilles de sécurité de cellule effectués pendant les temps de prière, la note du 16 juillet 2014 rappelle que les objets cultuels sont « chargés d'une valeur symbolique forte » et invite le personnel pénitentiaire à « manipuler ces objets avec soin ». Le personnel de surveillance est incité à attendre la fin des temps de prière avant d'intervenir en cellule ou dans la salle polycultuelle, sauf si une urgence manifeste ne le permet pas ou lorsque la personne détenue cherche à faire obstruction à une mesure de contrôle 377 ( * ) .

Il ressort des auditions menées par votre commission d'enquête, notamment lors de son déplacement à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, que les détenus de confession musulmane se plaignent de ne pas se voir proposer des menus composés de viande halal 378 ( * ) ainsi que de ne pouvoir acquérir via la « cantine 379 ( * ) » qu'un choix limité de produits, dont ils doutent par ailleurs de la certification halal . Les détenus voient également une manifestation de « mépris de l'administration pénitentiaire » dans l'insuffisance des rations alimentaires distribuées pendant le Ramadan 380 ( * ) ou dans l'existence d'un colis de noël, qui illustrerait « la suprématie du christianisme dans une république pourtant laïque ».

Votre rapporteur constate, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la véracité de ces discriminations ressenties, que les incidents sont nombreux. Outre une meilleure formation liée aux pratiques propres à chaque culte, ces incidents pourraient être évités grâce à un meilleur dialogue entre l'administration et les autorités cultuelles et à une attention marquée à certains détails ou le choix des marques halal respectées par les musulmans. Au sein du Home Office britannique ou du Federal Bureau of Prisons des États-Unis, des consultants « cultuels » hautement qualifiés ont été engagés pour permettre une meilleure connaissance de la religion musulmane. Sur la base de ces exemples, votre rapporteur recommande de créer un canal formel d'échanges entre l'administration pénitentiaire et les autorités du culte.

Par ailleurs, votre rapporteur se félicite de la signature le 12 mars 2015 d'une convention de partenariat entre la Direction de l'administration pénitentiaire et l'Institut du monde arabe, ayant pour but de « favoriser l'accès des personnes (...) détenues à la culture et à la civilisation du monde arabe » mais aussi de mettre en place des « actions de formation » à l'attention des personnels de l'administration pénitentiaire pour « les aider à faire face aux problématiques sociales et religieuses qu'ils rencontrent dans leur quotidien 381 ( * ) ». Votre commission d'enquête invite également à développer des échanges interreligieux en milieu carcéral, s'appuyant sur l'expérience alsacienne menée en milieu scolaire.

Proposition n° 87 : Formaliser les échanges entre l'administration pénitentiaire et les autorités du culte pour éviter les incidents liés à l'exercice du culte en milieu pénitentiaire.

(2) Faciliter l'accès des détenus aux aumôniers

L'organisation et le rôle des aumôneries nationales de prison

« La plupart des cultes présents en détention 382 ( * ) sont structurés en aumôneries nationales, dont le cadre a été rappelé par la circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles.

« Pour se constituer en aumônerie de prison, une organisation cultuelle propose à l'administration pénitentiaire l'agrément d'un aumônier national. Cet agrément est délivré par le directeur interrégional compétent, après enquête préfectorale et avis du directeur de l'administration pénitentiaire et du ministère de l'Intérieur (bureau central des cultes). L'aumônier national constitue l'autorité religieuse compétente pour émettre un avis sur les candidatures présentées ainsi que pour désigner, parmi les aumôniers, ceux qui disposent d'une compétence régionale.

« Parmi les intervenants d'aumônerie, on distingue les aumôniers qu'ils soient indemnisés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumônerie. Selon les articles D. 439 et suivants du code de procédure pénale, ces deux catégories sont agréées par le directeur interrégional, après avis du préfet du département et sur proposition et approbation de l'aumônier national du culte concerné, néanmoins l'agrément pour les auxiliaires est délivré pour une période déterminée de deux ans renouvelable.

« Les aumôniers se consacrent aux fonctions définies à l'article R. 57-9-4 du code de procédure pénale, à savoir l'assistance spirituelle des personnes détenues, la célébration d'offices religieux et l'organisation de réunions cultuelles et l'organisation des fêtes religieuses, en accord avec le chef d'établissement. L'article R. 57-9-6 permet ainsi aux personnes détenues de «s'entretenir, à leur demande, aussi souvent que nécessaire, avec les aumôniers de leur confession ». Aussi, chaque établissement pénitentiaire dispose d'une salle polycultuelle affectée à la pratique du culte dont les heures de célébration des offices ; des activités d'aumônerie sont fixées par les aumôniers en accord avec le chef d'établissement.

Source : Rapport budgétaire n° 114 - tome VIII (2014-2015) de M. Jean-René Lecerf, sur les crédits alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 2015.

Les sentiments de frustration et de discrimination naissent enfin des difficultés d'organisation de la prêche du vendredi et des longs délais pour communiquer avec un aumônier ; le fait que le nombre d'aumôniers musulmans soit inférieur au nombre d'aumôniers catholiques est également perçu comme une humiliation, eu égard à la proportion respective des pratiquants de chaque religion parmi les personnes détenues.

Les aumôniers étant des remparts essentiels contre la radicalisation, il convient de s'assurer qu'ils sont en nombre suffisant et qu'ils reçoivent une formation adéquate.

Les intervenants cultuels dans les établissements pénitentiaires

On distingue les « intervenants d'aumôneries » ou aumôniers titulaires, qu'ils soient indemnisés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumôneries.

Selon l'article R. 57-9-4 du code de procédure pénale, les aumôniers ont pour fonction d'assurer « les offices religieux, les réunions cultuelles et l'assistance spirituelle aux personnes détenues ».

Les auxiliaires bénévoles peuvent assister les aumôniers dans leur missions, animer des groupes de personnes détenues en vue de la réflexion, de la prière et de l'étude. En revanche, ils ne peuvent pas avoir d'entretiens individuels avec les personnes détenues.

Exceptionnellement, à la demande de l'aumônier, l'article D. 439-4 du CPP autorise le chef d'établissement à permettre à des « accompagnants occasionnels » de célébrer les cultes.

(a) Déterminer les besoins des aumôneries nationales

En application de l'article R. 57-9-3 du code de procédure pénale qui définit le droit des personnes détenues à une assistance spirituelle, l'administration pénitentiaire doit permettre l'accès des détenus à des ministres des cultes qui, sous réserve de leur agrément, peuvent organiser des offices religieux ou des réunions cultuelles. Or, l'absence de recensement précis des besoins de pratiques cultuelles des détenus oblige l'administration pénitentiaire à définir de manière seulement approximative le nombre d'heures d'assistance spirituelle nécessaires (pour les offices et pour les visites dans les cellules) et donc le budget consacré à financer ces heures.

En conséquence, notre collègue Jean-René Lecerf constatait « qu ' il est utile et nécessaire de déterminer les besoins de la population incarcérée pour une organisation optimale du droit des personnes détenues à l'exercice de leur religion ».

La détermination des besoins spirituels des détenus
ne nécessite pas d'établir des statistiques religieuses

Comme le rappelait notre collègue Jean-René Lecerf 383 ( * ) , il n'y a aucun intérêt à produire des statistiques religieuses, en détention comme en tout autre lieu. En outre, ces statistiques poseraient d'importantes questions méthodologiques.

Par ailleurs, il rappelait une analyse partagée tant par les aumôniers musulmans que par le renseignement pénitentiaire : « des détenus condamnés pour des faits graves de viols ou d'agressions sexuelles, notamment sur des enfants, susceptibles d'être la cible de violences de la part de leurs codétenus, adoptent parfois les rituels du culte musulman pour se mettre sous la protection de la communauté. Cette pratique, parfois rigoriste, voire fondamentaliste, peut être superficielle et abandonnée à la sortie de détention (...) ».

Enfin, plusieurs personnes entendues par votre commission d'enquête ont rappelé que la détention est, sur le plan psychologique, un choc important qui peut amener les personnes détenues à demander une assistance spirituelle même venant d'un culte qu'elles ne pratiquaient pas avant la détention et pourraient ne pas suivre à la sortie.

À son arrivée dans un établissement pénitentiaire, toute personne est systématiquement placée dans un quartier spécifique dit « quartier arrivant ». Le détenu suit un processus d'accueil, qui comprend plusieurs entretiens obligatoires, notamment avec les services de santé ou les services pénitentiaires de probations et d'insertion.

À cette occasion, le détenu est informé de la possibilité de correspondre avec un aumônier nommé auprès de l'établissement, de le rencontrer dans les salles polycultuelles ou encore de recevoir la visite de ce dernier dans sa cellule. S'il souhaite s'inscrire, le détenu écrit à l'aumônier, nommé auprès de l'établissement. Ainsi, il n'est jamais demandé à la personne détenue quel culte elle souhaite pratiquer .

Bien que cruciale pour déterminer l'enveloppe budgétaire appropriée, la détermination du besoin du nombre d'heures d'aumôneries à prévoir pour chaque culte repose uniquement sur le dialogue informel entre les représentants de l'administration et les ministres des cultes, au regard du nombre de demandes d'inscription que ces derniers ont reçu 384 ( * ) .

Or il n'existe aucun référentiel, à portée même strictement indicative, permettant de déterminer approximativement, à partir d'un nombre donné de détenus réclamant une assistance spirituelle, le nombre d'heures d'aumôneries nécessaires. De plus, la non-publicité, légitime, des données relatives aux inscriptions dans chaque culte ne permet pas l'exercice d'un contrôle, notamment parlementaire, pour veiller à ce que cette enveloppe ne soit pas sous-budgétisée dans les lois de finances.

Au regard des éléments recueillis par votre commission d'enquête, il semble que la sous-budgétisation pour certaines aumôneries soit avérée. De plus, en raison de la sensibilité de ces dossiers, il n'existe aucun réexamen annuel des enveloppes allouées dont les montants sont considérés comme des « droits acquis » par les aumôneries les plus anciennes.

Pour y remédier, votre rapporteur invite l'ensemble des aumôneries nationales de prison à élaborer un tel référentiel indicatif. Pour permettre l'effectivité de l'exercice du culte en détention, votre rapporteur recommande que chaque établissement et chaque direction interrégionale des services pénitentiaires déterminent annuellement le nombre d'heures d'aumôneries nécessaires par culte et que ces besoins soient communiqués au Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL). En complément et pour un meilleur contrôle, votre rapporteur invite les aumôneries nationales de chaque culte à communiquer leurs propres estimations au CGLPL.

Proposition n° 88 : Déterminer, sous le contrôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté, les besoins en heures d'aumônerie.

Nombre des aumôniers agréés des prisons (au 1 er janvier 2015)

Religion

Total

Religion

Total

Adventiste

7

Orthodoxe

50

Bouddhiste

7

Pentecôtiste

9

Catholique

681

Protestant

345

Église du Septième jour

4

Sanito

13

Israélite

71

Témoins de Jéhovah

105

Musulman

182

Statut des aumôniers des prisons (en 2013)

Religion

Catégorie

Total

Religion

Catégorie

Total

Adventiste

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire


7

Musulman

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

86
79
4

Bouddhiste

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire


3

Orthodoxe

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

2
30
1

Catholique

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

195
319
159

Pentecôtiste

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

9

Église du Septième jour

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire


3

Protestant

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

89
218
19

Israélite

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

35
31
4

Sanito

Rémunéré
Bénévole
Auxiliaire

13

Source : direction de l'administration pénitentiaire

Le budget de l'État consacré aux aumôniers nationaux

En 2014, 2,4 millions d'euros émargeant au budget de l'État ont été dépensés pour l'ensemble des 10 aumôneries. Ces crédits ont été répartis entre les différentes aumôneries selon le dialogue établi entre les représentants de l'administration pénitentiaire et les représentants des cultes. En 2014, l'aumônerie musulmane a été indemnisée à hauteur de 629 000 euros. En 2015, son budget sera de 1,2 millions d'euros, soit le même que le budget de l'aumônerie catholique. Cette augmentation du budget permettra le recrutement de 30 aumôniers supplémentaires en 2015 et de 30 autres en 2016.

Les aumôniers nationaux de chaque culte procèdent ensuite, dans la limite du montant de l'enveloppe allouée, à une répartition entre les aumôniers régionaux et locaux. Ils déterminent quels aumôniers seront indemnisés ainsi que le nombre de leurs vacations horaires, sachant que le nombre maximal annuel de vacations horaires est fixé à 1 000, soit 20 heures hebdomadaires.

En application de l'arrêté du 1 er décembre 2008, le montant de l'indemnité forfaitaire horaire est de 9,67 euros pour un aumônier local, de 11,60 euros pour un aumônier régional et de 12,57 euros pour un aumônier national. Les indemnités versées sont assujetties à la CSG et à la CRDS. Aucun contrôle comptable n'est exercé sur les dépenses d'aumôneries, ni sur les heures de présences effectives.

(b) Mettre en place les conditions nécessaires à un recrutement d'aumôniers aptes à répondre aux phénomènes de radicalisation

Au regard des auditions et des déplacements réalisés par votre commission d'enquête, il est apparu nécessaire de renforcer le nombre d'intervenants cultuels en prison, mais également de mieux les former pour leur permettre une réaction appropriée face à la radicalisation.

(i) Formaliser et systématiser les contrôles pour une meilleure confiance réciproque

Pour intervenir en prison, les aumôniers et les auxiliaires d'aumôneries 385 ( * ) doivent être agréés.

La procédure d'agrément est encadrée par l'article D. 439 et suivants du code de procédure pénale 386 ( * ) . Les agréments d'aumôniers sont délivrés sur proposition de l'aumônier national du culte concerné lorsqu'une aumônerie nationale préexiste : ainsi, chaque dossier d'agrément de tout candidat à l'aumônerie requiert l'avis favorable de l'autorité religieuse qui permet une première évaluation des candidatures spontanées.

Après réception du dossier comprenant un bulletin n° 2 vierge du casier judiciaire, le directeur interrégional saisit le préfet territorialement compétent d'une demande d'avis, qui peut demander au SDRT local de diligenter une enquête administrative permettant de vérifier le respect par le candidat des principes laïcs et républicains. À partir de ces éléments, le préfet transmet formellement son avis au directeur interrégional des services pénitentiaires. Ce dernier a toute compétence pour octroyer ou non l'agrément . Tout refus d'agrément doit être motivé, notamment par des considérations d'ordre public.

En pratique, les auditions menées par votre commission d'enquête ont révélé des pratiques d'enquêtes administratives diversifiées : l'examen peut être réduit à une simple « recherche dans le fichier des infractions constatées 387 ( * ) » tandis que le préfet peut émettre des avis non motivés.

Votre rapporteur constate que les pratiques d'enquête peuvent légitimement différer en fonction de la connaissance préalable du candidat, de la sensibilité et de l'implantation locale du culte musulman ou de la nature de l'établissement ciblé. Il recommande néanmoins un examen impliquant notamment la consultation systématique des fichiers généraux de police, avant une saisie de la DGSI. Un renforcement des contrôles préalables à l'agrément permettrait d'éliminer tout doute pouvant nuire à la confiance de l'administration pénitentiaire à l'égard des intervenants cultuels.

Votre rapporteur recommande également, sur le modèle de l'agrément des auxiliaires d'aumônerie, de délivrer des agréments provisoires d'une durée de deux ans, renouvelables . Cet encadrement des durées permettrait une réévaluation périodique des situations personnelles.

Proposition n° 89 : Renforcer la procédure d'agrément des aumôniers de prisons en formalisant et en systématisant les pratiques d'enquête préalable, ainsi qu'en effectuant un réexamen à échéance régulière des agréments des intervenants d'aumônerie.

(ii) À terme, privilégier une formation labellisée des aumôniers

Lorsque le directeur interrégional décide d'agréer des aumôniers, ceux-ci bénéficient d'une formation organisée par les unités interrégionales de formation et qualification de l'administration pénitentiaire afin de leur permettre de « se doter d'outils de compréhension du milieu pénitentiaire dans lequel ils évolueront et des problématiques auxquelles ils seront confronté s ».

Outre cette formation pratique liée à l'encadrement de leurs interventions et à leurs droits et devoirs, aucune condition de formation théologique n'est exigée des aumôniers . Ainsi, par souci d'éviter toute ingérence de l'administration dans les affaires cultuelles, il dépend de la seule autorité de l'aumônier national d'apprécier souverainement la formation et les capacités de ces personnes à assurer convenablement les missions d'aumôneries.

Au regard de la lourde tâche qui incombe aux aumôniers pour contrer la propagation du discours radical en prison et de la prise en charge de leurs indemnités par le budget de l'État, votre rapporteur considère qu'il est légitime que l'administration s'assure que les aumôniers qui interviennent dans ses établissements aient reçu une formation adéquate pour les préparer à ces phénomènes , outre celle dispensée par l'administration pénitentiaire 388 ( * ) .

Actuellement, de multiples formations théologiques à destination des aumôniers existent sans qu'un label ministériel vienne nécessairement reconnaître leur valeur.

On recense des établissements universitaires privés qui dispensent, au sein de facultés de théologie, des formations validées par un diplôme, dont les grades (licence, master) sont conventionnellement reconnus par le Ministère de l'enseignement supérieur. Ces établissements peuvent être spécialisés dans l'enseignement de la théologie musulmane, tels l'Institut Avicenne des sciences humaines de Lille ou l'Institut européen des sciences humaines 389 ( * ) , qui permet la préparation d'un diplôme d'études supérieures en sciences islamiques reconnu au grade de licence. Ces formations peuvent également être dispensées dans des établissements d'enseignement supérieur catholique 390 ( * ) . Ainsi, la formation du diplôme d'université (DU) « Religion, laïcité, interculturalité » de l'ICP peut être dispensée aux aumôniers musulmans qui la doublent, en parallèle, d'une formation théologique dans des instituts confessionnels tels que l'université d'Al-Azhar au Caire ou l'institut Al-Ghazali de la Grande mosquée de Paris, dont le directeur a été entendu par votre commission d'enquête.

Les instituts confessionnels sont parfois directement associés à des universités. Ainsi, l'Institut français de civilisation musulmane, créé en partenariat avec la Grande mosquée de Lyon, organise une formation diplômante et reconnue à destination des aumôniers, avec l'université Lyon III et l'université catholique de Lyon.

Enfin, des organisations musulmanes comme l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui fédère plus de 250 associations musulmanes, organisent des séminaires nationaux de formation pour ces aumôniers.

Votre rapporteur constate ainsi qu'au même titre que les deux autres religions monothéistes pratiquées en France, il existe un certain nombre de structures permettant une formation théologique musulmane, dont le diplôme peut être reconnu par le Ministère de l'enseignement supérieur. Cette formation théorique est nécessaire pour donner les moyens aux aumôniers d'opposer un contre-discours crédible et construit aux détenus radicalisés.

Cette formation théologique est généralement complétée par une formation spécifique à la pratique d'aumônier. Cette formation peut être dispensée directement par l'établissement confessionnel -comme c'est le cas à l'Institut Al-Ghazali-, ou en interne pour les aumôneries pénitentiaires plus modestes, telle que l'Union bouddhiste de France. Ces formations « d'intervenant d'aumônerie », à la différence des formations théologiques, devraient être évaluées et certifiées par les unités interrégionales de formation et qualification des directions interrégionales des services pénitentiaires, après avis des aumôniers nationaux. Ces modules particuliers viendraient spécialement préparer les personnes concernées à la problématique de l'écoute et de l'accompagnement en milieu carcéral.

Votre rapporteur constate donc que l'ensemble des cultes, même ceux dont les effectifs sont les plus modestes, peuvent accéder à une formation théologique diplômante grâce à des établissements privés spécifiques reconnus ou à certains instituts universitaires privés à visée oecuménique, et que l'ensemble des aumôneries nationales de prison ont élaboré des modules spécifiques à l'aumônerie pénitentiaire, sans que ces formations soient évaluées ou spécifiquement reconnues.

Enfin comme votre rapporteur a pu le constater lors de sa rencontre avec le Federal Bureau of Prisons, l'ensemble des aumôniers intervenant en prison aux États-Unis, a fortiori dans les prisons de haute sécurité, sont soumises à des exigences de diplômes (une maîtrise de théologie d'une université reconnue par le Ministère de l'Éducation) et d'expériences : tout aumônier doit avoir exercer en tant que « conseil théologique » dans des prisons de comté et doit disposer d'une attestation reconnaissant cinq ans d'ancienneté en tant qu'imam.

Sur ce modèle, votre rapporteur propose qu'à terme, l'ensemble des aumôniers agréés en prison ait suivi une formation théologique sanctionnée par un diplôme, ainsi qu'une formation pratique et spécifique à l'activité « d'intervenant d'aumônerie en milieu carcéral ».

Cette obligation, qui serait une condition de l'agrément, suppose une entrée en vigueur différée afin de permettre aux aumôneries nationales d'organiser leur formation et de fiabiliser leurs propres modules.

Proposition n° 90 : Évaluer et certifier les modules de formation pratique spécifiques à l'activité d'intervenant d'aumônerie dans les établissements pénitentiaires.

Proposition n° 91 : Conditionner, dans des délais à déterminer, la délivrance de l'agrément d'aumônier pénitentiaire au suivi d'une formation théologique diplômante et d'une formation pratique spécifique à l'activité d'aumônerie en milieu carcéral.

(iii) Renforcer l'attractivité de cette activité

Afin de permettre la diffusion d'un contre-discours crédible, il peut apparaître préférable que les aumôniers qui interviennent dans les établissements pénitentiaires soient en capacité de communiquer efficacement avec les détenus grâce à une certaine proximité en âge, en origine socio-économique ainsi qu'une compréhension commune des « codes » propres à chaque génération. Or, pour toutes les aumôneries, il est difficile d'attirer vers l'aumônerie pénitentiaire des personnes issues de la population active : hormis la religion catholique dont les effectifs du clergé permettent un grand nombre d'intervenants bénévoles, la plupart des intervenants sont des retraités.

C'est précisément pour permettre à toutes les générations d'intervenir, même ponctuellement, en milieu carcéral que l'organisation et le financement des intervenants d'aumôneries répond à un système de vacations horaires et non de salariat. Cette gestion souple s'assimile au régime informel des collaborateurs occasionnels du service public de la justice, dont dépendent les experts, les traducteurs, des experts, des médiateurs civils, etc. Ces activités relèvent d'un paiement qui est fonction d'une prestation (en l'espèce, une vacation d'aumônerie). Ainsi, ces indemnités de prestation ou d'activité sont assujetties à la CSG et la CDRS mais ne sont pas obligatoirement soumises aux cotisations vieillesse et maladie. En effet, cette activité n'a pas vocation à être exercée à plein temps 391 ( * ) . La grande majorité des aumôniers en prison est rattachée au régime général de la sécurité sociale au titre de leur activité professionnelle principale, au régime social des indépendants (RSI) ou, pour les ministres des cultes à la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC).

Or, en réalité, un certain nombre d'aumôniers ont pour seule activité et rémunération leurs vacations d'aumônerie, versées par les directions interrégionales des services pénitentiaires. Si les associations cultuelles dont ils dépendent ne les rattachent pas à la CAVIMAC ou au RSI, ces personnes se retrouvent sans couverture sociale. À l'instar des pratiques de certains cultes, votre rapporteur encourage donc l'ensemble des organisations cultuelles à rattacher autant que possible leurs aumôniers au régime de la CAVIMAC 392 ( * ) .

Votre rapporteur, qui a déjà alerté le Ministère de la Justice sur ces situations de précarité vécues par les collaborateurs occasionnels du service public de la justice, encourage également les services du Ministère de la Justice à évaluer au cas par cas les situations personnelles pour permettre un rattachement effectif à un régime de sécurité sociale .

Proposition n° 92 : Rattacher les intervenants cultuels au régime de sécurité sociale de la caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC). Identifier les aumôniers ne bénéficiant d'aucun rattachement à un régime de sécurité sociale pour permettre une couverture individuelle adaptée.

b) Anticiper les comportements radicalisés

La lutte contre la radicalisation en milieu carcéral est d'autant plus efficace que les réponses apportées, sans préjuger de leur contenu, interviennent le plus en amont possible. Une surveillance efficace des comportements de radicalisation repose autant sur des outils spécifiques de détection que sur une mobilisation générale des personnels pénitentiaires.

(1) Donner les moyens de leurs actions aux personnels de surveillance
(a) Renforcer les effectifs et la formation des personnels

La surveillance des phénomènes de radicalisation doit être la plus extensive possible : l'ensemble des personnels pénitentiaires doit être mobilisés à la détection des signaux « faibles » de la radicalisation.

À ce titre, il convient en premier lieu d'améliorer et de refondre l'outil d'analyse de la radicalisation pour une utilisation par tous les surveillants 393 ( * ) . C'est l'objet d'une recherche-action, dont le marché public, publié le 7 octobre 2014, a été attribué le 5 janvier 2014 à l'Association française des victimes du terrorisme. Cet outil, prochainement mis en place, devra comporter une grille d'indicateurs de la radicalisation (cf. proposition n° 5 ) et faire régulièrement l'objet d'une mise à jour, notamment par une structure dédiée à l'observation des comportements djihadistes (cf. proposition n° 7 ).

Pour une appropriation optimale par les surveillants de cet outil, votre rapporteur recommande, outre un renforcement de leur formation (cf. proposition n° 1 ) la mise en place d'une cellule nationale de retour d'expériences , au sein du bureau du renseignement pénitentiaire, afin de garantir sa pertinence opérationnelle tout au long de son existence.

Les informations pertinentes, au regard de la grille des signes de la radicalisation, devront être renseignés dans un registre spécifique pour faciliter le repérage et permettre de suivre l'évolution des comportements. Au vu des éléments communiqués à votre rapporteur, il apparait que différents établissements parisiens utilisent des modules de suivi et de liaison différents, certains intégrés au cahier électronique de liaison (CEL) 394 ( * ) , d'autres spécifiques. Votre rapporteur préconise l'utilisation d'un registre unique standardisé au niveau national.

Au regard de la progression des phénomènes de radicalisation, cette tâche de surveillance des signaux faibles n'est pas sans conséquence sur la charge de travail des personnels de surveillance. Or, leur désarroi actuel, qui résulte d'une forte pression sur leurs effectifs, ne doit pas être sous-estimé : une amélioration générale de leurs conditions de travail serait un atout supplémentaire pour la réussite de la lutte contre la radicalisation à laquelle l'ensemble des personnels est particulièrement attaché. En conséquence, votre rapporteur appelle à une révision des schémas d'emplois, aujourd'hui calculés sur la base de la capacité d'accueil théorique des établissements qui connaissent pourtant depuis des années une surpopulation chronique. En outre, même en dépit d'un effectif prévisionnel largement sous-estimé, les établissements pénitentiaires les plus difficiles connaissent des taux importants de vacances de postes 395 ( * ) . Lors de son déplacement dans la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, la délégation de votre commission d'enquête a pu constater un déficit de 149 surveillants. Ce sous-effectif, aggravé d'une surpopulation constatée de 169 % dans la maison d'arrêt pour hommes, engendre aujourd'hui la fermeture d'une « tripale 396 ( * ) ». En conséquence, votre rapporteur demande une augmentation significative des postes ouverts au prochain concours de surveillant pénitentiaire.

(b) Davantage sécuriser les établissements pénitentiaires pour faciliter le travail des surveillants

Afin de limiter l'introduction d'objets interdits en détention, il convient d'exploiter tous les instruments juridiques et techniques 397 ( * ) actuellement à disposition de l'administration pénitentiaire.

Les portiques à ondes millimétriques (dits scanners corporels) permettent de visualiser la présence d'objets métalliques, plastiques, liquides ou semi-liquides dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne contrôlée. Seules certaines maisons centrales ou quartiers maison centrale disposent aujourd'hui de cette technologie, en raison de son coût (environ 160 000 €) et de sa faible capacité à détecter au-delà de la peau. Néanmoins, au regard des achats conséquents réalisés ces dernières années, notamment par des aéroports, il semble être possible d'envisager un marché public conséquent afin d'équiper toutes les maisons d'arrêt à terme. Dans un premier temps, votre rapporteur propose que toutes les maisons d'arrêt franciliennes en soient équipées. Il rapporteur invite également l'administration pénitentiaire à former les surveillants à son utilisation.

Proposition n° 93 : Déployer des portiques de détection dans toutes les maisons d'arrêt franciliennes et former les personnels de surveillance à l'utilisation de ces matériels.

Enfin, il convient de neutraliser l'utilisation des téléphones portables introduits dans les enceintes pénitentiaires, par des dispositifs innovants. Votre rapporteur encourage l'administration pénitentiaire à poursuivre les expérimentations de nouveaux dispositifs techniques mais l'invite à les élargir aux maisons d'arrêts franciliennes.

Proposition n° 94 : Élargir les expérimentations en cours en matière de brouilleurs de téléphones portables à l'ensemble des maisons d'arrêt.

(2) Engager une réflexion sur les méthodes de travail du renseignement pénitentiaire

Outre le manque d'effectifs, qui appelle une réponse immédiate, (cf. proposition n° 16 ), votre rapporteur considère qu'une réflexion devrait être engagée sur les moyens et les méthodes de travail du renseignement pénitentiaire.

Ce bureau a acquis une certaine crédibilité au regard du nombre important de requêtes adressées par ses partenaires institutionnels : en 2013, il a ainsi répondu à environ 4 900 requêtes émanant des services avec lesquels il collabore (contre 6 212 en 2012 et 3 355 en 2011) et participé à 69 rencontres partenariales. Aujourd'hui, les personnels pénitentiaires de surveillance expriment la volonté d'utiliser eux-mêmes des moyens intrusifs de surveillance comme la sonorisation des cellules. L'éventuelle montée en puissance des moyens de surveillance des personnels pénitentiaires suppose de lancer un diagnostic précis des besoins de l'administration pénitentiaire et des moyens nécessaires pour améliorer la connaissance des détenus par l'administration pénitentiaire.

Sans préjuger des résultats de ce diagnostic, votre rapporteur recommande de s'appuyer à court terme, au regard du sous-effectif de ces personnels, sur les services de la DGSI. Actuellement, le bureau du renseignement pénitentiaire reçoit hebdomadairement un tableau, issus des signalements CNAPR, mentionnant les cas de radicalisation probables en prison. Pour une meilleure intégration (cf. proposition n° 17 ) votre rapporteur recommande de formaliser la possibilité pour le bureau du renseignement pénitentiaire de solliciter l'appui technique des services de renseignement et de nommer d'un officier de liaison de la DGSI dans les effectifs du bureau de renseignement pénitentiaire.

Proposition n° 95 : Formaliser la possibilité pour le bureau du renseignement pénitentiaire de solliciter un appui technique ou documentaire de la part des services de renseignement coordonnés par l'UCLAT, notamment la DGSI et le SCRT.

c) Organiser des régimes spécifiques de gestion de la détention adaptés aux différents profils de la radicalisation carcérale

La professionnalisation du renseignement pénitentiaire est nécessaire pour permettre une évaluation fine de la diversité des comportements radicaux, auxquels sont confrontés les établissements pénitentiaires. C'est sur ce fondement qu'il convient de construire une réponse adaptée à chaque détenu.

(1) Un préalable essentiel : l'évaluation de la dangerosité des détenus radicaux
(a) Aménager les critères actuels

En premier lieu, l'évaluation de la radicalisation doit être intégrée aux éléments de détermination de la dangerosité d'une personne. À cet égard, l'administration a une longue expérience : des consignes particulières dites CCR (Consignes, Comportements, Régimes) sont d'ores et déjà appliquées aux « détenus particulièrement signalés » et aux détenus suivis par le bureau du renseignement pénitentiaire. Les motifs de cette inscription « CCR » peut relever de leur comportement difficile en détention, de leur appartenance à une mouvance ou du motif de leur condamnation. Ainsi, une condamnation terroriste peut d'ores et déjà justifier l'application d'un régime particulier. 167 détenus sont actuellement incarcérés pour des infractions terroristes en lien avec une pratique radicale de la religion musulmane 398 ( * ) . Néanmoins, le motif d'incarcération doit être regardé en lien avec les autres motifs de suivi par le bureau du renseignement pénitentiaire. Ainsi, sur ces 167 détenus, une soixantaine de détenus sont identifiés comme particulièrement radicalisés.

Votre rapporteur préconise de s'inspirer de l'évaluation réalisée par le Federal Bureau of prisons dont la délégation de votre commission d'enquête a rencontré les responsables lors de son déplacement aux États-Unis. La méthode de détection des comportements radicalisés de cette administration est unifiée et permet le classement des détenus radicaux en fonction de leur type de dangerosité, selon qu'ils sont impliqués dans des opérations terroristes au niveau opérationnel, en soutien logistique ou financier ou qu'ils relèvent de la criminalité ordinaire.

En second lieu, les phénomènes de radicalisation doivent être pris en compte sous l'angle de la vulnérabilité. Les détenus dont la vulnérabilité a été repérée par la commission pluridisciplinaire unique peuvent en effet se voir appliquer un régime particulier de détention, qui comprend une surveillance particulière, afin de leur éviter d'évoluer vers la radicalisation ou vers davantage de radicalisation.

(b) S'appuyer sur le Centre national d'évaluation

Votre rapporteur recommande de s'appuyer sur l'expérience du Centre national d'évaluation 399 ( * ) qui a une double mission d'évaluation de la personnalité (mission préalable à l'affectation dans un établissement) et d'évaluation de la dangerosité des condamnés (mission qui concerne les condamnés à la fin de leur peines sollicitant une mesure de libération conditionnelle).

Organisée par une équipe pluridisciplinaire (surveillance, SPIP, psychologues), chaque session d'évaluation, d'une durée de 6 semaines, permet de dresser un bilan pluridisciplinaire de la personnalité du condamné et d'identifier les facteurs de risque dans le cadre d'une observation quotidienne, d'entretiens individuels et de tests afin de proposer au bureau de gestion de la détention (EMS 1) une affectation adaptée au profil pénal et pénitentiaire.

Ainsi, l'expertise du CNE n'est utilisée que pour les personnes condamnées définitivement en préalable à une affectation dans un établissement pour peines. Votre rapporteur préconise de permettre au CNE d'évaluer également les prévenus et les condamnés n'ayant pas vocation à intégrer un établissement pour peines , dans le cadre d'une procédure ad hoc permettant une évaluation fine des différents profils des détenus engagés dans un processus de radicalisation.

Proposition n° 96 : Permettre une évaluation par le Centre national d'évaluation de l'ensemble des détenus susceptibles d'être radicalisés.

Sur le fondement de cette évaluation, il sera possible de classer les détenus suivant leur dangerosité et leur projet de réinsertion, ce qui déterminera leur affectation dans un secteur d'hébergement adapté mais également leur prise en charge dans un programme adapté. Cette sélection devra évidemment être facilement réversible pour prendre en compte les évolutions de comportements.

(2) Contrôler la propagation du discours en définissant une politique d'affectation et de contrôle dans les établissements

La gestion de la détention des individus radicaux est susceptible de concerner tous les établissements pénitentiaires. Néanmoins, les maisons d'arrêt surexposées à ce phénomène, en raison d'un turn over important de détenus et d'une surpopulation endémique qui interdit tout aménagement souple des lieux, demande une gestion particulière, notamment dans les modalités d'affectation dans un secteur d'hébergement donné.

(a) L'affectation dans les maisons centrales des condamnés définitifs

Au 31 décembre 2014, 39 personnes ont été définitivement condamnés pour des faits de terrorisme djihadiste : 29 sont détenues dont une est placée sous surveillance électronique et une en semi-liberté, 10 étant suivies en milieu ouvert. Votre rapporteur recommande une affectation séparée des détenus condamnés définitivement pour actes de terrorisme dans les établissements pour peine. Une telle pratique est possible en raison de l'existence de nombreux établissements pour peine (type Maisons centrales 400 ( * ) ) qui présentent des gages de sécurisation suffisante et dont la configuration des lieux permet les séparations nécessaires. Intégrés au régime CCR des détenus particulièrement signalés, ils peuvent faire l'objet de transfert d'établissements. Au sein de ces établissements qui accueillent déjà des programmes globaux de prise en charge, tels les programmes de réinsertion, une prise en charge pluridisciplinaire des détenus serait possible.

Proposition n° 97 : Affecter les condamnés définitifs pour des actes de terrorisme dans des quartiers séparés des maisons centrales adaptées à la détention de détenus particulièrement signalés, permettant une prise en charge pluridisciplinaire.

(b) Une politique spécifique d'affectation des détenus au sein des maisons d'arrêts

En revanche, la situation est différente pour les prévenus, les maisons d'arrêt ne présentant pas les mêmes garanties en terme d'isolement et de sécurité. Au 12 janvier 2015, 283 personnes détenues sont écrouées pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, dont 152 sont des islamistes radicaux. 113 des 152 personnes incarcérées pour des faits liés au terrorisme islamiste le sont en région parisienne, en raison de la centralisation judiciaire parisienne .

Comme les représentants du Federal Bureau of Prisons l'ont exposé à votre rapporteur lors de son déplacement aux États-Unis, un regroupement des détenus radicalisés dans une aile spécifique avec un nombre adéquat de surveillants, permet de mieux gérer leur détention, facilitée par une surveillance accrue de ces détenus.

Le regroupement de personnes détenues engagées dans un processus de radicalisation dans des lieux isolés du reste de la population peut être considéré comme une mesure d'ordre intérieur et relèverait de la compétence du chef d'établissement en vertu des articles D. 265 du code de procédure pénale et R. 57-6-24 du code de procédure pénale. Dans ce contexte, votre rapporteur encourage les réflexions actuellement en cours à la direction de l'administration pénitentiaire pour mettre en place des quartiers dédiés à la prise en charge des personnes radicalisés dans les maisons d'arrêt d'Osny et de Fleury-Mérogis et d'étudier l'implantation de nouveaux quartiers au centre pénitentiaire de Fresnes.

Ces quartiers devront offrir des garanties d'étanchéité vis-à-vis du reste de la population pénale et permettre une évaluation dans la durée des comportements des détenus . Bien qu'isolés, ces quartiers seront ouverts aux intervenants extérieurs, notamment aux aumôniers. Ils permettront de faciliter des interventions ciblées qui pourraient être inspirés du programme anglais « Ibaana » où un aumônier expérimenté discute les croyances des détenus au cours de sessions individuelles de plusieurs heures 401 ( * ) .

Toutefois, afin d'éviter une concentration excessive qui pourrait comporter des risques pour les surveillants, comme ceux-ci l'ont explicitement indiqué lors de la visite d'une délégation de votre commission d'enquête à Fleury-Mérogis, votre rapporteur recommande de définir un effectif maximal dans ces quartiers, qui serait compris entre 10 et 15 personnes . S'il convient d'y affecter l'ensemble des détenus engagés dans un processus de radicalisation, et à ce titre construire et aménager les quartiers nécessaires, les détenus présentant une radicalisation violente et perturbant le quotidien de l'établissement continueront de faire l'objet de mesures d'isolement administratif ou judiciaire.

Enfin, votre rapporteur invite à concevoir les quartiers de regroupement comme un sas, un lieu propice à une évaluation permanente des comportements des détenus avant leur prise en charge dans des programmes adaptés aux différents profils d'engagements dans un processus de radicalisation.

À terme, il conviendra de prévoir des quartiers affectés spécifiquement à la réalisation des programmes de prise en charge adaptés à tel ou tel type de radicalisation. Ainsi, les détenus « fragiles » en début de radicalisation ne seraient pas placés avec ceux déjà ancrés dans cette dérive. Il appartiendra à la commission pluridisciplinaire unique 402 ( * ) , sur un rythme bimensuel, de proposer ces affectations et la sélection, le maintien ou le retrait d'un détenu pour un programme spécifique de désengagement.

Proposition n° 98 : Dans les maisons d'arrêt, isoler les individus radicalisés dans un quartier à l'écart de la population carcérale, dans la limite de 10 à 15 personnes, pour permettre une prise en charge individualisée et adéquate.

(3) Des programmes spécifiques adaptés aux situations individuelles qui associent des professionnels du milieu ouvert

Les modalités d'affectation et de contrôle doivent se doubler d'une prise en charge globale qui s'inspire des programmes pluridisciplinaire mis en place pour la réinsertion 403 ( * ) .

Depuis février dernier, un projet de programme de désengagement 404 ( * ) est en cours d'élaboration à la maison d'arrêt de Fresnes, en sus de la recherche-action sur la prise en charge des personnes radicalisés confiée à l'Association française des victimes du terrorisme. Cette concertation associe à la fois le groupe de travail national sur la question du désengagement ou de la déradicalisation 405 ( * ) et l'ensemble des professions intervenant au centre pénitentiaire de Fresnes (la direction, les SPIP, l'aumônerie musulmane, le médecin responsable du SPMR et les responsables locaux de l'enseignement).

À long terme, votre rapporteur préconise ainsi la mise en place de plusieurs programmes de prise en charge en milieu carcéral , inspirés des programmes de désengagement du milieu ouvert (cf. proposition n° 10 ) adaptés aux différentes temporalités de l'engagement dans un processus de radicalisation .

Proposition n° 99 : Poursuivre les initiatives nationales et locales de déradicalisation en milieu carcéral.

Proposition n° 100 : Développer un programme spécifique de prise en charge pour les détenus récemment engagés dans un processus de radicalisation.

Proposition n° 101 : Développer un programme spécifique de prise en charge pour les détenus revenant d'un théâtre d'opérations, comprenant une prise en charge psychologique ou psychiatrique spécifique.

Outre le programme danois « Back on track », votre rapporteur propose de s'inspirer de l'organisation du programme allemand « Violence Prevention Network » qui prend en charge tous les condamnés terroristes six mois avant leur sortie de prison et jusqu'à un an après leur sortie. L'organisation de ce programme pourrait utilement s'inscrire dans une procédure de libération sous contrainte 406 ( * ) .

Proposition n° 102 : Mettre en place un programme de suivi des condamnés pour terrorisme débutant six mois avant la sortie de prison et s'étendant durant au moins deux ans après la fin de l'incarcération.

Au regard du nombre d'ores et déjà préoccupant de détenus souffrant de troubles mentaux 407 ( * ) et des séquelles psychologiques que peuvent engendrer un séjour sur un théâtre de guerre et d'opérations terroristes, votre rapporteur recommande de renforcer le nombre d'unités hospitalières spécialement aménagées 408 ( * ) (UHSA) et de lancer une recherche-action ayant pour objectif la définition d'un programme aux moyens sanitaires renforcés pour les détenus djihadistes présentant des troubles du comportement. Dans cette perspective, pourraient servir d'inspiration les protocoles mis en place à la maison centrale de Château-Thierry pour une prise en charge de certaines pathologies mentales.

Proposition n° 103 : Augmenter le nombre d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour permettre une prise en charge adaptée des détenus présentant des troubles mentaux engagés dans un processus de radicalisation.

5. Renforcer le suivi judiciaire des condamnés pour terrorisme pendant et après leur peine

S'il est nécessaire d'accorder une importance particulière à la prise en charge des condamnés engagés dans un processus de radicalisation pendant leur temps de détention, il est tout aussi essentiel d'assurer un suivi post-sentenciel efficace, c'est-à-dire éviter les sorties « sèches de détention » pour limiter les risques de récidive.

a) Renforcer l'action des services pénitentiaires d'insertion et de probation
(1) Donner aux SPIP les moyens humains nécessaires

Un suivi efficace des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou ayant présenté des signes de radicalisation en détention, passe par l'amélioration des conditions de travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), qui suivent les détenus pendant, mais aussi après leur incarcération.

Personnels

ETP/ ou personnes

Directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (DPIP)

349,2 ETP

Chefs de service d'insertion et de probation (CSIP)

31,6 ETP

Conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP)

2904,5 ETP

Conseillers techniques de service social (CTSS)

3 ETP

Assistants de service social (ASS)

55,3 ETP

Attachés d'administration (Attachés)

18,8 ETP

Secrétaires administratifs (SA)

115,4 ETP

Adjoints administratifs (AA)

434,8 ETP

Personnels de surveillance affectés en SPIP (PS)

222,7 ETP

Contractuels affectés en SPIP

106 ETP

Coordinateurs culturels

54 personnes

Psychologues

20 personnes

Source : direction de l'administration pénitentiaire

La surcharge de travail des SPIP, constatée par votre commission d'enquête lors de son déplacement à Fleury-Mérogis, rend impossible un suivi individualisé de chaque détenu. En conséquence, si votre rapporteur salue les efforts du gouvernement qui s'est engagé à créer, d'ici 2017, 1 000 emplois parmi l'ensemble des corps de personnels des SPIP, il propose d'augmenter à nouveau le nombre de postes offerts au concours de CPIP pour 2016 .

Afin de surveiller la charge de travail des CPIP qui peuvent parfois suivre jusqu'à 150 dossiers, et non 60 comme recommandé par l'étude d'impact de la loi pénitentiaire de 2009 409 ( * ) , votre rapporteur recommande la création d'un indicateur de taux d'activité dans le projet annuel de performances, sur le modèle du taux d'activité des éducateurs de la protection judiciaire de l'enfance en milieu ouvert 410 ( * ) .

Le suivi et la prise en charge de personnes inscrites dans un processus exige que ce suivi soit réservé à des CPIP déjà expérimentés. Or, comme le notait notre collègue Jean-René Lecerf 411 ( * ) , la formation des CPIP est de plus en écourtée : « Ainsi, les stagiaires CPIP au cours de leur deuxième année sont affectés en stage dans des SPIP sous tension, où ils viennent compléter l'effectif titulaire. Leur formation est sacrifiée en raison du manque de disponibilités de leurs responsables censés les encadrer. Au SPIP de Maubeuge, on dénombre ainsi sept postes effectivement occupés (sur douze théoriques) dont trois par des stagiaires ». Votre rapporteur propose de sanctuariser le temps de formation des nouveaux CPIP et d'interdire l'affectation des conseillers-stagiaires dans des établissements en sous-effectif . En complément, afin de permettre une transmission des savoirs et des pratiques a fortiori dans les maisons d'arrêt franciliennes qui accueillent la majorité des détenus radicalisés, il recommande de limiter les nominations des CPIP en premier poste dans ces établissements.

Proposition n° 104 : Poursuivre l'accroissement du nombre de postes ouverts aux prochains concours de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) dans les années qui suivront le plan prévoyant la création de 900 postes en trois ans.

Proposition n° 105 : Sanctuariser le temps de formation des nouveaux CPIP et proscrire l'affectation de conseillers-stagiaires dans des établissements en sous-effectif.

(2) Adapter les méthodes de travail des SPIP à la particularité du phénomène

La redéfinition législative des missions des SPIP 412 ( * ) doit s'accompagner d'une révision générale des méthodes de travail. Or les quatre référentiels des pratiques opérationnelles des SPIP sont toujours en cours d'élaboration : le premier, consacré aux activités et notamment aux méthodes de prises en charge des SPIP, ne sera diffusé qu'à la fin du premier semestre 2015. Une accélération de la diffusion de ces référentiels apparaît ainsi nécessaire. Les autres référentiels, en particulier celui relatif à la prise en charge individuelle des personnes sous main de justice , devront étudier et prendre en compte les problématiques liées à la lutte contre la radicalisation : les personnels devront être attentifs à la détection de signes de radicalisation parmi les personnes suivies, ce qui suppose une déclinaison de la grille partagée d'indicateurs (cf. proposition n° 5 ) mais ils devront également être formés au suivi des personnes qui étaient engagées dans un processus de radicalisation pendant leur détention. Il est nécessaire d'articuler la prise en charge des individus pour éviter toute rupture à la sortie de la détention. Alors qu'une recherche-action a été lancée à la rentrée 2014 pour mettre en place un nouvel outil d'évaluation des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) qui remplacerait le diagnostic à visée criminologique, votre rapporteur recommande de lancer un nouveau marché public pour une expérimentation qui porterait sur la prise en charge de ces PPSMJ jusqu'à un an après leur libération (cf. proposition n° 102 ).

Proposition n° 106 : Élaborer des référentiels des pratiques opérationnelles des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) pour prendre en charge les individus engagés dans un processus de radicalisation.

Votre rapporteur considère que la rapidité de la prise en charge renforce son efficacité. En conséquence, il recommande d'étendre aux condamnés pour terrorisme le dispositif prévu à l'article 741-1 du code de procédure pénale qui contraint les SPIP à rencontrer dans un délai de 8 jours après sa libération, toute personne condamnée à une peine d'emprisonnement mixte 413 ( * ) pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

Proposition n° 107 : Fixer un délai très court entre la libération d'un condamné pour actes de terrorisme et sa première rencontre avec le SPIP.

En outre, il est nécessaire de fiabiliser et de simplifier les logiciels d'application des SPIP et de mettre en place un module spécifique concernant les condamnés suivis pour leurs condamnations à des faits terroristes ou en raison de leurs comportements radicalisés en détention. Ce module automatisé de suivi permettrait d'alerter rapidement les services de police en cas de difficulté du SPIP à rencontrer le détenu ou en cas de non-respect par le détenu de ses obligations. En effet, si le fichier des personnes recherchées (FPR) mentionne les obligations auxquelles sont soumises les personnes, il est parfois impossible de savoir si ces obligations ont été respectées ou non. Pour un meilleur travail partenarial avec les forces de police et de gendarmerie , il serait pertinent que celles-ci puissent constater, par exemple, que l'intéressé n'a pas répondu aux convocations du juge de l'application des peines ou du conseiller d'insertion et de probation. À cette fin, votre rapporteur propose de modifier l'article 230-19 du code de procédure pénale pour inclure dans le fichier des personnes recherchées (FPR) le non-respect des obligations contrôlées par le SPIP 414 ( * ) .

Proposition n° 108 : Inclure dans le fichier des personnes recherchées (FPR) le non-respect des obligations imposées par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) aux condamnés pour des actes de terrorisme.

b) Mieux utiliser les mesures de sûreté
(1) Permettre l'application de la mesure de surveillance judiciaire des personnes dangereuses aux condamnés terroristes

Sanctions pénales distinctes des peines, les mesures de sureté sont « des mesures de protection sociale » destinées à prévenir la récidive et à neutraliser un état dangereux. Les mesures de sûreté rassemblent un large ensemble de mesures plus ou moins restrictives de liberté 415 ( * ) dont la surveillance judiciaire des personnes dangereuses.

Actuellement, la surveillance judiciaire des personnes dangereuses permet un suivi post-sentenciel accru du condamné sortant de prison : cette mesure permet au tribunal de l'application des peines de prononcer des obligations particulières (telles que l'exercice d'une activité professionnelle ou le suivi d'un enseignement, l'accomplissement d'un stage de citoyenneté), des mesures de contrôle, d'imposer des soins ou de placer en sus l'intéressé sous dispositif de surveillance électronique mobile.

Cette mesure peut être prononcée s'il existe un risque de récidive avérée par une expertise médicale, pour tout condamné à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans, pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire 416 ( * ) est encouru.

Or le suivi socio-judiciaire n'est pas susceptible d'être encouru pour les infractions terroristes, à l'exception des homicides. Votre rapporteur recommande donc que le suivi socio-judiciaire soit encouru pour toutes les infractions terroristes.

Proposition n° 109 : Étendre le domaine d'application du suivi socio-judiciaire aux infractions terroristes afin de permettre l'application des mesures de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses (SJPD).

(2) Inscrire les condamnés terroristes dans un fichier

Le suivi post-sentenciel des condamnés pour des actes de terrorisme serait facilité par l'enregistrement de ces personnes dans un fichier judiciaire. Votre commission d'enquête a jugé pertinent de s'inspirer des dispositifs existants, en l'espèce le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).

L'inscription au FIJAISV est d'une durée de trente ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, ou d'une durée de vingt ans dans les autres cas. Toute personne inscrite est tenue de justifier de son adresse et de déclarer ces changements d'adresse. Aucun croisement des données n'est autorisé entre le FIJAISV et un autre fichier, à l'exception du fichier des personnes recherchées.

L'enregistrement au FIJAISV est doublement encadré par une condition liée à la durée de la condamnation prononcée et par une condition relative à la liste des infractions pouvant engendrer une inscription.

L'enregistrement n'est de droit que lorsque la condamnation est supérieure à cinq ans. Pour les peines égales à cinq ans, le non-enregistrement peut être ordonné par une décision « spécialement motivée » de la juridiction répressive . Enfin pour les peines inférieures à cinq ans, seule une décision « expresse » permet l'inscription de la condamnation au FIJAISV.

En application de l'article 706-53-2, les personnes mises en examen et qui ont fait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire sont également inscrites au fichier par décision du juge d'instruction. Ces personnes sont retirées du fichier en cas de relaxe ou d'acquittement.

Votre commission d'enquête a souhaité que les condamnés pour des actes de terrorisme soient enregistrés dans un fichier distinct du FIJAISV. Néanmoins, la création de ce nouveau fichier pourrait concerner, outre les condamnés pour terrorisme, les condamnés aux infractions très violentes (assassinat d'un mineur ou meurtre commis en état de récidive légale), actuellement enregistrés dans le FIJAISV, et ainsi permettre de réserver l'usage du FIJAISV aux infractions sexuelles.

Proposition n° 110 : Enregistrer dans un fichier les personnes condamnées pour des actes de terrorisme.


* 347 Cf. page 66 .

* 348 En application de l'article 706-17 du code de procédure pénale, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 pour le jugement des infractions terroristes.

* 349 Circulaire du 5 décembre 2014 de présentation de la loi n° 2014-1353 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme - Renforcement de la coordination de la lutte antiterroriste.

* 350 Cf. page 66 .

* 351 Si l'existence d'un point de vue sociologique de « loups solitaires » est à nuancer (sur ce point, cf. page 40 ), ce phénomène est une réalité juridique dans la mesure où des simples liens relationnels entre des personnes, même qui appartiendraient à des réseaux djihadistes, ne permettent pas une incrimination d'entente.

* 352 Ce délit aurait néanmoins été utile si Amédy Coulibaly avait été identifié la veille de l'attentat commis à l'Hyper Casher et dans la mesure où l'entente avec une organisation terroriste n'était pas suffisamment caractérisée d'un point de vue juridique.

* 353 C'est-à-dire contre un individu candidat au départ, ayant un comportement terroriste individuel caractérisé (par les 1° et 2° du I de l'article 421-2-6) et inscrit dans un projet préalable d'action violente sur le territoire étranger.

* 354 Ce délit réprime : « Le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions afin qu'elle participe à un groupement ou une entente prévu à l'article 421-2-1 ou qu'elle commette un des actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 et 421-2 est puni, même lorsqu'il n'a pas été suivi d'effet, de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende . »

* 355 Les opérateurs d'importance vitale sont des organismes publics ou privés qui produisent ou distribuent des biens et des services essentiels à la population, à l'État ou à la sécurité de la nation. Ils sont définis à l'article R. 1332-1 du code de la défense.

* 356 Les saisies ont pour finalité de placer sous main de justice tous les objets ou documents utiles à la manifestation de la vérité.

* 357 Par renvoi à ces articles, l'article 74-2 du code de procédure pénale - et l'article 706-95 dans le cadre de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées - autorisent le procureur de la République, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à effectuer « l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie de télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7 ».

* 358 Selon une personne entendue par votre commission, aucune demande émanant de l'autorité judiciaire n'a été déposée à l'ANSSI. Toutefois, cette absence de demande peut aussi bien être interprétée comme de l'auto-censure.

* 359 Arrêté du 4 juillet 2012 fixant la liste d'appareils et de dispositifs techniques prévue par l'article 226-3 du code pénal.

* 360 L'article 157-1 prévoit qu'à titre exceptionnel, « les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes ».

* 361 Lors de la table ronde relative à l'utilisation d'Internet à des fins d'organisation par les groupes terroristes, le procureur général Marc Robert a rappelé le rôle de sites spécialisés « très bien protégés » et des réseaux sociaux à des fins de recrutement djihadiste.

* 362 Les magistrats et les greffiers de la Cour de cassation sont équipés des modules de signature électronique nécessaires pour signer les arrêts en matière civile.

* 363 Depuis 1988, seulement une vingtaine de condamnations avaient été prononcées pour ce délit.

* 364 Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim, 28 mars 2006, Bull. crim n° 90), aucune exception de vérité ne peut être soulevée en matière de diffamation raciale ou à caractère homophobe. Néanmoins, cette interdiction de la preuve de la vérité n'est pas prévue par l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881.

* 365 Ainsi, selon l'article 33 de la loi de 1881, la provocation ne pourra être retenue lorsque la victime des injures se sera préalablement rendue coupable de provocation.

* 366 22 e rapport annuel de la Commission supérieure de codification pour l'année 2011, page 21.

* 367 Conseil d'État, Inventaire méthodique et codification du droit de la communication, étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'État le 9 février 2006, page 50.

* 368 En l'absence d'accès explicite à un fichier, Eurojust est considéré comme un pays tiers à l'Union européenne et toute information sur un dossier est conditionnée à l'accord préalable de tous les États membres concernés.

* 369 Ces relations peuvent être excellentes, comme en témoigne la collaboration de la France avec la Belgique ou l'Espagne, ou plus difficile à l'instar des échanges avec les pays anglo-saxons.

* 370 Cf. page 68 .

* 371 Cf. pages 51 et 120 .

* 372 Didier Fassin, L'ombre du Monde , La couleur des idées, Seuil, janvier 2015, page 37.

* 373 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 157.

* 374 En particulier le rapport d'information n° 629 (2011-2012) de M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois et de la commission pour le contrôle de l'application des lois : Loi pénitentiaire : de la loi à la réalité de la vie carcérale.

* 375 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 159.

* 376 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 162.

* 377 Selon le décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire, le personnel du service public pénitentiaire doit adopter « un comportement appliquant les principes de respect absolu, de non-discrimination et d'exemplarité (...) dans une stricte impartialité vis-à-vis de ces personnes » et faire preuve « en toutes circonstances, (...) d'une neutralité respectueuse ».

* 378 Avis du 24 mars 2011 relatif à l'exercice du culte dans les lieux de privation de liberté.

* 379 La cantine désigne le service payant permettant aux détenus d'acquérir des biens et des services avec les sommes figurant sur la part disponible de leurs comptes nominatifs.

* 380 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 163.

* 381 Communiqué de presse de la Garde des sceaux du 12 mars 2015, Signature d'une convention de partenariat entre la Direction de l'administration pénitentiaire et l'Institut du monde arabe.

* 382 Les principaux cultes représentés sont les suivants : le culte catholique, le culte israélite, le culte musulman, le culte orthodoxe, le culte protestant et, depuis peu, le culte des Témoins de Jéhovah et le culte bouddhiste.

* 383 Rapport budgétaire n° 114 - tome VIII (2014-2015) de M. Jean-René Lecerf, page 50.

* 384 Selon la circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumônerie des établissements pénitentiaires et des accompagnants occasionnels d'aumônerie, « l'administration centrale sollicite chaque aumônier national afin qu'il transmette ses prévisions de répartition de l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée ».

* 385 L'agrément des auxiliaires d'aumôneries est délivré pour une période de deux ans renouvelable.

* 386 Article 36 du décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010.

Circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumônerie des établissements pénitentiaires et des accompagnants occasionnels d'aumônerie.

* 387 Désormais remplacé par le fichier « traitement des antécédents judiciaires ».

* 388 L'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) a organisé plusieurs sessions sur la prévention de la radicalisation au dernier trimestre 2014. Sur ce point, cf. page 132 .

* 389 Il existe un établissement à Saint-Léger-de-Fougeret (58) et un établissement à Saint-Denis (93).

* 390 L'Union des établissements d'enseignement supérieur catholiques fédère l'Institut Catholique de Paris (ICP), l'Institut catholique de Toulouse, l'Université catholique de l'Ouest à Angers, l'Université catholique de Lille et l'Université catholique de Lyon.

* 391 Un aumônier ne peut intervenir dans un établissement que dans la limite maximale de 20 heures hebdomadaires, 83 heures mensuelles et donc 1 000 heures par an.

* 392 Le régime de la CAVIMAC permet le versement de deux types de cotisations dont un régime particulier à 351,04 euros par personne et par mois sur la base de 35 heures hebdomadaires. Ainsi, un aumônier à temps plein coûterait 200 euros mensuellement.

* 393 Le département sécurité et détention de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris a élaboré une grille d'aide à l'évaluation du risque ou du degré de radicalisation islamiste, validée par la sous-direction de l'état-major de sécurité de la direction de l'administration pénitentiaire et utilisée dans l'ensemble des établissements pénitentiaires de la DISP de Paris depuis janvier 2015.

* 394 Ce module est intégré au traitement de données « GIDE », gestion informatisée des détenus en établissement, validé par la délibération n° 2011-021 du 20 janvier 2011 de la CNIL.

* 395 Selon le rapport précité de M. Jean-René Lecerf, « le centre pénitentiaire de Fresnes connaît actuellement une vacance de 65 postes [ pour ] une surpopulation pénale de 160 % ».

* 396 Le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis est composé de cinq bâtiments dits « tripales », en raison de leur architecture en forme d'hélice.

* 397 Voir la note du 15 novembre 2013 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues.

* 398 Dont 6 individus pour des faits de terrorisme international commis entre 1980 et 1995, 146 pour des faits d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste liée à une mouvance radicale de l'islam depuis 1995 (chiffres de janvier 2015).

* 399 Le CNE se compose de trois sites situés au centre pénitentiaire de Fresnes (50 places), au centre pénitentiaire Sud-Francilien (50 places) et au centre pénitentiaire de Lille-Séquedin (30 places mais réservées exclusivement à l'évaluation de la dangerosité), soit une capacité totale de 130 places, donc 1040 personnes détenues pouvant être évaluées annuellement.

* 400 Les maisons centrales comportent une organisation et un régime de sécurité renforcé dont les modalités internes permettent également de préserver et de développer les possibilités de réinsertion sociale des condamnés (article D. 71 du code de procédure pénale).

* 401 HM Government, Tackling extremism in the UK, Report from the Prime Minister's Task Force on Tackling Radicalisation and Extremism, December 2013, pages 6-7.

* 402 Selon la circulaire du 18 juin 2012 relative aux modalités de fonctionnement de la commission pluridisciplinaire unique, cette instance est compétente pour examiner la situation des détenus arrivants, examen qui précède « l'affectation de chaque personne détenue arrivante dans le secteur d'hébergement qui lui semble adapté ».

* 403 Les «Programmes de Prévention de la Récidive » (PPR) consistent à « réunir pendant plusieurs séances un groupe de c ondamnés présentant une problématique commune liée soit au type de délit commis (délinquance routière grave, agressions sexuelles, violences familiales ou conjugales) soit à une façon d'être inadéquate à la vie en société (infractions en lien avec une conduite addictive), pour, en s'appuyant sur la dynamique du groupe et sur l'utilisation d'outils pédagogiques adaptés, faire évoluer la façon de penser et le comportement des participants » selon le n° 31 des cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques.

* 404 Pour la définition de ce concept, cf. page 26 .

* 405 Ce groupe associe le conseil interministériel de prévention de la délinquance, l'Institut du monde arabe, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires et l'Institut d'étude de l'islam et du monde musulman.

* 406 Le nouvel article 720 du code de procédure pénale vise à systématiser les sorties de détention accompagnées : elle s'exécute selon les régimes prévus pour les aménagements de peine (placement sous surveillance électronique, placement à l'extérieur, semi-liberté, etc.) selon un « plan de suivi individualisé » défini par le SPIP.

* 407 Rapport d'information n° 420 (2005-2006) de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, fait au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois : « Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale ? »

* 408 Les UHSA sont des unités hospitalières implantées sur un site hospitalier permettant d'assurer une prise en charge psychiatrique de qualité des personnes détenues souffrant de troubles mentaux et ce dans un cadre sécurisé. Deux nouveaux lieux devraient ouvrir à Bordeaux et à Marseille en 2015 et en 2016.

* 409 Selon l'étude d'impact concernant le projet de loi pénitentiaire transmise au Sénat le 7 novembre 2008 par le Gouvernement, « afin de faciliter le mise en oeuvre des aménagements de peine, il apparaîtrait nécessaire de passer de 80 à 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation, ce qui nécessiterait la création de 1 000 postes de CIP ».

* 410 Jusqu'en 2014, le taux d'encadrement était fixé à 1 éducateur pour 25 mineurs suivis. Depuis 2010, cette cible a toujours été respectée. En conséquence, l'indicateur de performance a été supprimé et remplacé par des indicateurs plus précis et fixant de nouveaux objectifs de prise en charge.

* 411 Rapport budgétaire n° 114 - tome VIII (2014-2015) de M. Jean-René Lecerf, pages 19-20.

* 412 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, articles 32 et 33.

* 413 Une peine d'emprisonnement mixte est une peine d'emprisonnement assortie pour partie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

* 414 À savoir les obligations prononcées en application des articles 132-44 et 132-45 du code pénal.

* 415 Sont autant de mesures de sûreté la confiscation des objets illicites et dangereux, des mesures d'assistance éducative, l'interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction, la suspension du permis de conduire, ou encore l'hospitalisation d'office de la personne dans un établissement psychiatrique.

* 416 Cette mesure de sûreté a pour effet d'obliger le condamné à se soumettre à des obligations particulières mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive. Elle est généralement prononcée à titre de peine complémentaire par la juridiction de jugement.

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