AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La crise économique a durement frappé les jeunes, catégorie dont le taux de chômage est, en temps normal, déjà particulièrement élevé dans notre pays.

Après un pic à 25,3 % à la fin de l'année 2012, le taux de chômage des 15-24 ans s'est maintenu à un niveau élevé, atteignant, au premier trimestre 2015, 24 %.

La proportion de jeunes en emploi (ou taux d'emploi) s'élevait, au troisième trimestre 2013, à 30 %, contre 64,5 % pour l'ensemble des 15-64 ans. Ce taux d'emploi des jeunes est inférieur de 3,4 points à la moyenne européenne. Il a en outre nettement baissé avec la crise, dans la mesure où il s'élevait à 33,8 % au 3 e trimestre 2007. Cette baisse a toutefois été plus marquée dans l'Union Européenne, passant de 38,7 % à 33,4 %.

Dans un rapport consacré à l'emploi des jeunes 1 ( * ) , le comité interministériel de la jeunesse met en avant la corrélation entre chômage et absence de diplôme. Il note ainsi que « le taux de chômage des 15-29 ans varie du simple au triple selon le niveau de diplôme . En 2012, il est proche de 10 % pour les diplômés du supérieur long comme court, contre 37 % pour les sans diplômes, et il baisse avec le niveau de diplôme (21 % pour les titulaires d'un CAP, BEP et 16 % pour les bacheliers) [...]. Entre 2008 et 2012, le taux de chômage des jeunes a augmenté à chaque niveau de diplôme : + 7 points pour les non diplômés et ceux qui n'ont que le brevet des collèges, de + 5 à + 6 points pour les diplômés du second cycle du secondaire et + 3 points pour les diplômés du supérieur ».

Or 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme et sans qualification . Les raisons de ce décrochage sont multiples : mauvaise orientation, maîtrise imparfaite des savoirs fondamentaux dès l'école primaire, survenance ou persistance de problèmes sociaux ou familiaux.

Ce phénomène apparaît comme un véritable « gâchis » contre lequel il convient de lutter activement.

C'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux ont souhaité s'intéresser aux dispositifs destinés au suivi et à l'accompagnement de ces jeunes. Ils ont choisi en particulier de faire porter leur contrôle sur les écoles de la deuxième chance, initiative méconnue mais dont les résultats en termes d'insertion professionnelle sont réels .

Ce dispositif représente une « goutte d'eau » au sein de la mission « Travail et emploi », qui était dotée en loi de finances pour 2015 de près de 12 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 milliards d'euros en crédits de paiement, mais il permet néanmoins à près de 15 000 jeunes de bénéficier d'une deuxième chance en leur donnant la possibilité de construire un projet professionnel mieux adapté à leurs compétences et à leurs aspirations.

Au cours des déplacements et des auditions qu'ils ont réalisés, vos rapporteurs spéciaux ont pu mesurer l'importance du travail effectué. Pour la majorité des jeunes rencontrés, le passage en école de la deuxième chance a été un « déclic ».

Dispositif innovant et efficace dans la lutte contre le décrochage, les écoles de la deuxième chance doivent continuer à être accompagnées par l'État et les collectivités.

Les recommandations de vos rapporteurs spéciaux vont dans ce sens et visent notamment à sécuriser le financement des écoles, promouvoir un dialogue plus fourni entre les structures, voire envisager certaines mutualisations, doter la formation dispensée d'une reconnaissance juridique et développer le suivi des jeunes après leur sortie.

I. UNE RÉPONSE ORIGINALE ET EFFICACE AU DÉCROCHAGE SCOLAIRE

A. UN DISPOSITIF D'INSPIRATION EUROPÉENNE

Le dispositif des écoles de la deuxième chance est issu des principes contenus dans le Livre blanc de la Commission européenne « Enseigner et apprendre - vers la société cognitive » présenté par Édith Cresson, alors commissaire européen chargé de la Science, de la Recherche et du Développement, lors du Conseil européen de Madrid de décembre 1995.

Ce document fixe cinq objectifs principaux pour la politique de l'Europe en matière d'éducation et de formation :

- encourager l'acquisition de connaissances nouvelles ;

- rapprocher l'école et l'entreprise ;

- lutter contre l'exclusion ;

- maîtriser trois langues européennes ;

- traiter sur un plan égal l'investissement physique et l'investissement en formation.

C'est dans le cadre du troisième objectif, « lutter contre l'exclusion », que s'inscrivent les écoles de la deuxième chance. Le livre blanc leur assigne comme objectif d'« offrir aux jeunes exclus du système éducatif ou en passe de l'être les meilleures formations et le meilleur encadrement pour leur donner confiance en eux ».

Un projet pilote est lancé en France en 1997 avec l'ouverture de la première école de la deuxième chance à Marseille .

Le dispositif bénéficie depuis 2007 d'une reconnaissance législative. Il figure à l'article L. 214-14 du code de l'éducation introduit par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui dispose que « les écoles de la deuxième chance participent au service public régional de la formation professionnelle et proposent une formation à des personnes de 16 à 25 ans dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme . [...] L'État et les régions apportent leur concours aux formations dispensées dans les conditions déterminées par convention ».


* 1 Comité interministériel de la jeunesse, L'état de la jeunesse, Tome 2, édition 2014.

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