C. UN DISPOSITIF UTILE DANS LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION DES JEUNES

1. Une pédagogie originale axée sur la définition d'un projet professionnel et la maîtrise de connaissances fondamentales

Source : Réseau « E2C »

a) Un dispositif s'adressant aux jeunes les plus en difficulté

L'article 15 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a abaissé l'âge d'entrée dans le dispositif, auparavant fixé à 18 ans, à 16 ans afin de permettre une prise en charge dès la sortie du système scolaire et d'éviter ainsi le risque de rupture dans le parcours de formation du jeune à la fin de l'obligation de scolarisation .

Toutefois, dans les faits, l'âge moyen constaté est significativement supérieur à 16 ans. Il s'élevait ainsi en 2012 à 20,4 ans . Certains jeunes rencontrés par vos rapporteurs spéciaux étaient en outre plus âgés (24 ou 26 ans).

Le public des écoles est majoritairement féminin (52 %) et urbain (88 %). En 2013, 32 % des stagiaires étaient issus de territoires de la politique de la ville . Vos rapporteurs spéciaux ont cependant pu constater que le public des écoles reflète généralement le territoire sur lequel elles sont implantées , les écoles situées dans des territoires ruraux accueillant plutôt de jeunes ruraux.

Enfin, le dispositif des écoles de la deuxième chance s'adresse aux jeunes en grande difficulté scolaire : 87 % des stagiaires n'ont pas validé le niveau brevet (niveau infra V) et 65 % d'entre eux ne disposent d'aucune expérience professionnelle . Un jeune sur cinq est en situation de chômage depuis plus d'un an.

Si les parcours des stagiaires rencontrés sont extrêmement variables d'un jeune à l'autre, tous ont indiqué avoir quitté l'école à la suite d'une mauvaise orientation, parfois en cours de scolarité, à quelques mois de l'obtention de leur diplôme .

L'inadaptation des cursus classiques proposés par l'éducation nationale a fréquemment été mise en avant de même que leur caractère excessivement théorique .

Caractéristiques des jeunes accueillis en E2C en 2013
et en contact avec la mission locale

Source : DARES

Les équipes pédagogiques ont en outre indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'à ces difficultés scolaires et professionnelles s'ajoutent le plus souvent des difficultés familiales, de santé et financières .

b) Un suivi personnalisé permettant une remise à niveau des savoirs fondamentaux et l'élaboration d'un projet professionnel
(1) Une pédagogie reposant sur trois axes

La durée moyenne d'un parcours était de 6,6 mois en 2013 .

(a) La consolidation d'un socle de compétences et de connaissances fondamentales

Dès l'arrivée du jeune en école, un bilan est réalisé afin d'identifier ses compétences et ses besoins en matière d'accompagnement et de formation .

Un programme pédagogique personnalisé est ensuite défini afin de permettre au jeune de parvenir maîtriser un socle de connaissances et de compétences fondamentales telles que s'exprimer en français, lire, compter, raisonner et utiliser l'outil informatique.

Tout au long de son passage au sein de l'E2C, le jeune fait ainsi l'objet d' un suivi individualisé assuré par un formateur, référent unique , qui est notamment chargé de la construction de modules de formation qui devront être suivis par le stagiaire .

Le référent procède en outre à une évaluation des connaissances et des compétences acquises par le stagiaire au regard des objectifs fixés dans le programme pédagogique . Un document de suivi est rempli à cet effet par le stagiaire et le formateur.

(b) La détermination d'un projet professionnel au moyen, notamment, d'une succession de périodes de stage

L'alternance constitue la spécificité et la clé de voûte du dispositif des écoles de la deuxième chance .

Si l'organisation de la « scolarité » diffère selon les établissements, les périodes de stages occupent, dans la plupart des structures, plus de la moitié du temps passé en E2C .

Au sein de l'école de la deuxième chance de l'Essonne, les jeunes alternent ainsi des périodes de trois semaines en école durant lesquelles ils suivent les modules de remise à niveau préparés par les formateurs et s'emploient à chercher un stage qu'ils réaliseront les quatre semaines suivantes.

Si certaines écoles laissent le jeune totalement autonome dans sa recherche de stage, d'autres établissent une liste de stages pour lesquels le jeune n'a plus qu'à candidater .

Durant son stage, le jeune continue d'être suivi par son référent. Une visite au moins doit ainsi avoir lieu à l'occasion de laquelle le référent rencontre le stagiaire et son tuteur.

À l'issue du stage, une évaluation est réalisée par le maître de stage au cours de laquelle il valide les compétences acquises par le jeune .

La multiplication des expériences en entreprise permet aux stagiaires de préciser leur projet professionnel . Certains jeunes ont ainsi pu se rendre compte que la voie qu'ils envisageaient ne correspondait pas à leur attente et se sont donc réorientés.

Au total, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater l'utilité de ces périodes de stages, les jeunes rencontrés par vos rapporteurs spéciaux leur ayant fait part de projets professionnels souvent précis dans des domaines variés allant des services à la personne à l'informatique .

(c) Des activités sportives et culturelles qui gagneraient à être développées

Des activités sportives et culturelles sont censées être intégrées aux plaquettes de formation des écoles de la deuxième chance.

Cependant, faute peut-être de temps et de financement, vos rapporteurs spéciaux ont constaté dans les établissements visités que, dans les faits, ces activités se limitaient souvent à des activités sportives et à quelques ateliers organisés ponctuellement .

Le rapprochement entre la Fondation des écoles de la deuxième chance, qui participe au financement de ce type d'activités grâce notamment au mécénat d'entreprises, et de la Fondation AlphaOméga devrait permettre une augmentation du nombre d'activités proposées qui, si elles ne peuvent évidemment pas constituer le coeur de la « scolarité » en E2C, doivent cependant être considérées comme un puissant facteur d'inclusion .

(2) Un personnel formateur fortement sollicité

Les profils des personnels formateurs sont extrêmement diversifiés : si certains formateurs rencontrés étaient issus de l'éducation nationale, pour d'autres les écoles de la deuxième chance constituent une première expérience professionnelle. Le cahier des charges de labellisation impose que les formateurs justifient au minimum d'un niveau licence .

Les formateurs rencontrés ont tous indiqué être appelés à exercer une multiplicité de tâches dont certaines relèvent davantage de missions dévolues aux travailleurs sociaux .

(3) Une forte implication des entreprises partenaires

La participation des entreprises a lieu à trois niveaux :

- dans le financement des E2C, via le versement d'une partie de leur taxe d'apprentissage ou le mécénat (cf. supra ) ;

- dans la gouvernance de certaines écoles, dont la présidence est parfois assurée par un chef d'entreprise ;

- dans l'accompagnement des jeunes, en accueillant des stagiaires en alternance.

Des liens se sont ainsi créés sur le terrain entre les écoles et les entreprises locales qui, lorsqu'elles ont accueilli un premier stagiaire, n'hésitent généralement pas à renouveler l'expérience par la suite.

À cet égard, la mise en place d'un personnel spécifiquement chargé des relations avec les entreprises, comme cela est notamment le cas au sein de l'E2C de la Côte-d'Or, s'avère particulièrement utile. Les chefs d'entreprises rencontrés par vos rapporteurs spéciaux ont ainsi indiqué apprécier être en contact avec une personne ressource identifiée .

2. Un taux de sortie positive encourageant

Le dispositif des écoles de la deuxième chance enregistre un taux de sortie positive élevé. Sur les 6 670 jeunes qui ont quitté le dispositif en 2013, 58 % ont eu accès à une formation ou à un emploi (17 % ont obtenu un contrat de travail, 20 % ont enchaîné avec une formation qualifiante ou diplômante, 12 % ont signé un contrat d'alternance et 9 % ont obtenu un contrat aidé). Ce taux apparaît en outre stable dans le temps.

Par ailleurs, la qualité des emplois semble en amélioration . Ainsi, comme le montre le graphique ci-après, en 2013, 50 % des sorties positives se sont faites vers un emploi dont la durée était supérieure à 6 mois, soit une augmentation de + 23 % par rapport à l'année précédente.

Évolution de la qualité des sorties vers l'emploi

Source : Bilan annuel 2013 du Réseau « E2C »

Il convient cependant de noter que le nombre de sorties « prématurées » demeure relativement élevé. En 2013, 2 927 jeunes ont ainsi quitté le dispositif sans aller jusqu'au terme du cursus, dont 977 (33 %) pour des raisons non maîtrisables (décès, incarcérations, maladies, maternités, etc.).

Évolution du nombre d'abandons avant la fin de la « scolarité »

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Sorties non maitrisables

336

407

493

680

877

977

Abandons, démissions

376

477

641

1005

1622

1950

Exclusions

164

207

244

356

Source : Réseau « E2C »

3. Un recrutement qui devrait être davantage fondé sur la motivation

Les procédures de recrutement varient d'un établissement à l'autre. Certains établissements peuvent ainsi avoir recours à un jury de recrutement évaluant la motivation du candidat. Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs spéciaux ont cependant constaté que la sélection à l'entrée était en réalité limitée , les établissements visités acceptant la plupart des jeunes qui leur sont adressés par les missions locales ou Pôle emploi.

La sélection s'effectue davantage à l'occasion de la « période d'intégration », sorte de période d'essai dont la durée est comprise, selon les écoles, entre deux et sept semaines et qui permet de mesurer la motivation réelle et éprouvée du jeune ainsi que son adaptation aux méthodes pédagogiques et aux exigences de l'établissement.

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu' une sélection plus en amont permettrait de réduire le nombre d'abandons en cours de scolarité .

Recommandation n° 2 : Afin de limiter le nombre d'abandons en cours de « scolarité », rendre systématique l'entretien de recrutement permettant de conditionner l'entrée en E2C à une motivation suffisante.

4. Une reconnaissance nécessaire de l'attestation des compétences acquises

L'article L. 214-14 du code de l'éducation prévoit que les écoles de la deuxième chance « délivrent une attestation de fin de formation indiquant le niveau de compétence acquis de manière à faciliter l'accès à l'emploi ou à une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles ».

Un projet est actuellement en cours visant à inscrire l'attestation de compétences acquises à l'inventaire établi par la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) qui lui permettrait de bénéficier d'un statut identifié (catégorie C 2 ( * ) ).

Toutefois, l'inscription de l'ACA à l'inventaire nécessite que la demande soit portée par une « autorité légitime » pouvant être, selon l'article 3 de l'arrêté du 31 décembre 2014 fixant les modalités de recensement à l'inventaire des certifications et des habilitations mentionnées à l'article L. 335-6 du code de l'éducation :

- les départements ministériels ;

- la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle ;

- les organisations représentées à la Commission nationale de la certification professionnelle ayant voix délibérative au sens de l'article R. 335-24 du code de l'éducation.

La DGEFP a indiqué à vos rapporteurs spéciaux ne pas pouvoir assurer ce rôle, dans la mesure où il ne lui est pas possible de se porter caution d'organismes dont elle assure le pilotage et le financement.

Pour autant, il apparaît indispensable, quelle que soit l'autorité in fine retenue, que cette demande aboutisse dans la mesure où le parcours réalisé par les jeunes en école leur permet d'acquérir des compétences qu'ils devraient pouvoir valoriser auprès des employeurs dans le cadre de leur recherche d'emploi.

Recommandation n° 3 : Afin de permettre aux stagiaires sortant du dispositif de valider un niveau de formation, prévoir l'inscription de l'attestation de compétences acquises à l'inventaire de la Commission nationale de la certification professionnelle.


* 2 Certification correspondant à un ensemble homogène de compétences, mobilisable dans une ou plusieurs activités professionnelles et permettant de renforcer ou de favoriser l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi (utilité économique ou sociale).

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