D. REVOIR LES MÉCANISMES D'ATTRIBUTION DES FONDS SPÉCIAUX

De jure , le Premier ministre rend les arbitrages budgétaires qui président à la répartition des fonds spéciaux entre les services de renseignement. Toutefois, le Coordonnateur national du renseignement, collaborateur du Président de la République, joue naturellement le rôle de centralisateur des demandes formulées par les services. Par ce biais, il réalise en réalité le premier arbitrage budgétaire qui s'avérera déterminant, le cabinet du Premier ministre s'écartant rarement des préconisations de celui qui paraît le mieux placé pour évaluer les besoins financiers des administrations concernées.

Aussi l'idée de rattacher le Coordonnateur national du renseignement tant à l'Élysée qu'à Matignon se révèle-t-elle séduisante (en le nommant par exemple conseiller renseignement du Premier ministre à l'image de pratiques qui ont déjà eu cours). Des rapports parlementaires ont précédemment formulé des recommandations en ce sens (122 ( * )) . Il s'agirait non de le détacher du chef de l'État mais plutôt de le rapprocher du chef du Gouvernement. Le Coordonnateur serait concomitamment le collaborateur des deux têtes de l'exécutif.

En effet, comment continuer à ignorer son rattachement pour le moins baroque ? Ainsi, selon le décret n° 2010-299 du 22 mars 2010, le Coordonnateur et son équipe relèvent-ils « pour [leur] gestion administrative et financière » du Secrétariat général du gouvernement, donc du Premier ministre, alors même que le Président de la République est le principal bénéficiaire de leur action. Une telle évolution permettrait de lui confier d'utiles capacités d'arbitrages budgétaires, ainsi que l'évoque le Livre blanc de 2013 (123 ( * )) . Si les arguments avancés n'ont jusqu'à présent pas porté, la CVFS ne désespère pas d'inspirer une modification de l'article R*1122-8 du code de la défense [recommandation n°19] .

E. VERS UNE STANDARDISATION DE LA GESTION DES FONDS SPÉCIAUX

Les diverses missions de contrôle réalisées par la Commission en France et à l'étranger ont globalement démontré la rigueur de gestion des fonds spéciaux. Même si les compliments peuvent paraître convenus et dissonants au sein d'un rapport parlementaire, la CVFS tient à saluer l'implication personnelle des agents concernés, leur professionnalisme et leur sens du devoir.

En dépit de ce constat, et au-delà des contingences liées aux particularités de chacune des administrations contrôlées, la Commission a notamment souhaité promouvoir une nomenclature unique des pièces justificatives et modes de comptabilité afin de faciliter et d'unifier le contrôle mais également la gestion interne [recommandation n°20] . Pareille lacune avait été déplorée à juste titre lors des débats fondateurs de 2001 ; le temps passé et l'expérience accumulée permettent aujourd'hui d'y remédier. La CVFS souhaite dans cet esprit que le Coordonnateur national du renseignement oeuvre à la diffusion des bonnes pratiques et à la sensibilisation des acteurs (y compris par la diffusion d'une directive s'inspirant des préconisations de la Commission) [recommandation n°21] .

Car la CVFS insiste sur la nécessité de respecter ces règles de gestion qui, au-delà du formalisme apparent, assurent une utilisation conforme des fonds spéciaux et apportent une réelle plus-value dans l'activité du service (contrôle interne, évaluation de l'efficience...). Elle porte en effet une attention soutenue aux mécanismes de contrôle interne dont elle estime le renforcement nécessaire conformément à des recommandations déjà réalisées dans des documents parlementaires (124 ( * )) [recommandation n°22] .

La Commission de vérification des fonds spéciaux, quelles que soient les critiques ou recommandations formulées, se félicite des efforts appliqués dans la gestion des fonds spéciaux. Elle milite pour une démarche ambitieuse et moderne en ce domaine stratégique trop souvent oublié des commentateurs en raison de sa confidentialité. Elle espère que ce premier rapport public contribuera à cette ambition.


* (122) Sur ce point, se référer au rapport de Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, op. cit., p. 108 et s. ainsi qu'au rapport public de la Délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014, p. 22-23.

* (123) Livre blanc : Défense et sécurité nationale, Paris, La Documentation Française, 2013, p. 71

* (124) Sur ce point, se référer au rapport de Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, op. cit. , p. 54 et s. ainsi qu'au rapport public de la Délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014, p. 70 et s.

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