D. LA QUESTION LANCINANTE DE LA GOUVERNANCE COMMUNAUTAIRE

Les conséquences de l'élargissement des périmètres intercommunaux sur la conduite de l'établissement apparaissent à plusieurs niveaux :

- la réalité de la démocratie locale dans une communauté composée de plusieurs dizaines de communes ;

- la représentation des plus petites communes dans l'assemblée délibérante ;

- le raccourcissement des mandats des conseillers élus en 2014, qui ne siègeraient plus à compter du 1 er janvier 2017, faute d'un nombre de sièges suffisant attribué à leur commune au sein du nouveau conseil communautaire.

1. La place des communes dans les futurs périmètres

La réflexion sur la participation des élus municipaux à la gestion de l'EPCI s'est naturellement accrue au cours des dernières semaines en raison, demain, du nombre plus élevé qu'actuellement tout à la fois de l'effectif maximal des communes réunies au sein d'un même groupement et de celui des grandes intercommunalités prévues par les SDCI.

En reprenant la définition désormais communément adoptée des communautés « XXL » fixée à un effectif de 50 communes, les données globales établies par la DGCL font apparaître que si, en 2016, l'effectif maximum est de 131 communes (il s'agit de la métropole du Grand Paris alors que ces données s'établissent à 73, 78 et 129 respectivement pour les communautés urbaines, d'agglomération et de communes), les estimations fondées sur les SDCI sont, chacune en ce qui les concerne, de 131, 144, 184 et 136 pour une moyenne, toutes catégories confondues de 29 communes (contre 17 en 2016).

Si l'effectif communal croît ainsi au sein des périmètres, les « XXL » seraient aussi demain plus nombreuses si les schémas sont mis en place en l'état : l'Assemblée des communautés de France (AdCF) a recensé 123 « XXL » contre 46 au 1 er janvier 2015.

Mais la question d'une gouvernance réellement collégiale ne concerne pas les seules « XXL ». C'est aussi un sujet essentiel pour la réussite des projets qui, s'ils rassemblent moins de 50 communes, s'établiront dans des territoires diversement peuplés en regroupant agglomérations et communes rurales.

Le mode de leur gestion démocratique est donc devenu un sujet plus que jamais d'actualité et certainement la clé de l'acceptation et donc de la réussite de la réforme.

Conférence des maires, commissions thématiques, bureau élargi... autant de structures proposées pour faire vivre la démocratie interne. L'expérience des « XXL » existantes sera, à n'en pas douter, précieuse à celles de demain pour qu'aucun maire, aucun conseiller communautaire ne se sente écarté des choix intercommunaux. Il s'agit là d'une responsabilité majeure des futurs exécutifs, ces groupements exerçant - ne l'oublions pas -des compétences des communes en leur lieu et place.

Les élus rencontrés par vos rapporteurs, le 16 juin dernier à Poitiers, l'ont martelé : le fonctionnement des communautés doit être collégial, coopératif et aussi décentralisé. Non seulement les maires mais aussi les conseillers municipaux doivent être associés aux projets. Ce qui doit être la loi naturelle de l'intercommunalité est une exigence d'autant plus forte dans de vastes périmètres où certains territoires pourraient se sentir à l'écart ou abandonnés.

Dans la Vienne, différentes organisations ont été mises en place qui concrétisent la notion de « coopératives de communes ». L'ensemble des interlocuteurs de votre mission veillent à ce que les maires ne se sentent pas écartés de la conduite des affaires communautaires. L'inquiétude est en effet grande chez les premiers magistrats des petites communes éloignées de la ville-centre, comme le soulignait M. Gérard Pérochon, maire de la commune nouvelle de Senillé-Saint-Sauveur et assesseur de la CDCI de la Vienne.

M. Francis Chalard, vice-président de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers, appelée à intégrer de nombreuses communes rurales, a évoqué l'organisation projetée pour cet ensemble de 48 communes 7 ( * ) : s'appuyer sur celles-ci par la mise en place d'un collège des maires qui pourront « porter » leurs dossiers auprès de leurs conseils municipaux.

Pour sa part, M. Rodolphe Guyonneau, président de la CC du Vouglaisien, privilégie la constitution de commissions dans lesquelles les conseils municipaux seraient largement représentés, appelées à examiner les projets communautaires qui seraient ensuite soumis au bureau avant d'être délibérés en conseil communautaire. M. Yves Bouloux, président de la CC du Montmorillonnais et président de l'association départementale des maires de la Vienne, a évoqué le système de commissions ouvertes aux conseillers municipaux, instituées dans son intercommunalité, qui implique une plus grande connaissance des sujets communautaires par ces derniers.

M. Jean-Pierre Melon, maire de l'Isle Jourdain et rapporteur de la CDCI de la Vienne, a conclu que l'élargissement des territoires intercommunaux appelait à redoubler d'attention pour que les communes membres ne se sentent pas écartées de la conduite de la collectivité. Cette préoccupation est partagée par M. Gérard Pérochon insistant sur la nécessité de décentraliser les réunions communautaires pour les organiser sur l'ensemble du périmètre.

2. La représentation des communes au sein du conseil communautaire

L'affaiblissement de la représentation de nombreuses communes au sein des périmètres élargis projetés est une cause fréquente des avis défavorables adoptés par les conseils municipaux consultés par les préfets sur les projets préfectoraux. Ce fut notamment le cas en Vendée ( cf. réunion de la CDCI du 5 février 2016).

Dans les Vosges, Domrémy-La-Pucelle s'est opposée à l'unanimité de ses conseillers municipaux à la fusion proposée par le préfet au motif des difficultés inhérentes à la représentation (comme à la gestion) dans une CC de 70 communes. Si les conseillers municipaux de Chaumousey se sont partagés sur le regroupement de 70 communes (10 d'entre eux l'approuvent et 5 s'y opposant), l'avis du conseil municipal a cependant exprimé l'inquiétude sur l'identité et la représentativité des communes rurales dans une CA (autour d'Épinal) de 80 communes.

Les communes les plus petites des projets de périmètre craignent en général que leur voix ne soit plus entendue au sein du conseil communautaire alors même que toutes ne seront pas représentées au bureau, sauf à transformer celui-ci en un organe pléthorique menacé par un risque d'entrave, voire de paralyse de ses travaux.

Cette crainte a pu inciter des communes à fusionner pour, demain, peser plus sur la gestion communautaire grâce à la commune nouvelle.

Une autre conséquence des fusions projetées est de réduire la place des oppositions municipales au conseil communautaire, ce qui n'est pas sans incidence sur la réalité de la démocratie locale et l'acceptation du projet intercommunal.

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Actuellement, les collectivités concernées sont consultées sur les arrêtés de périmètre pris par les préfets pour mettre en oeuvre les SDCI.

Elles disposent dès lors, pour se prononcer, d'un délai de 75 jours, lequel apparaît trop bref à Mme Corinne Hourcade-Hatte, présidente de la CC du Haut-Limousin, rencontrée par vos rapporteurs à Limoges le 24 juin, lors d'une réunion avec des exécutifs intercommunaux.


* 7 Le SDCI arrêté le 25 mars 2016 prévoit la fusion de la CA du Grand Poitiers avec les quatre CC du Val Vert du Clain, de Vienne et Moulière, du Pays Mélusin et du Pays Chauvinois.

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