Rapport d'information n° 113 (2016-2017) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 novembre 2016

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 novembre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' évolution des prélèvements obligatoires entre 2012 et 2016 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapporteur général,
Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Mesdames, Messieurs,

Le quinquennat qui s'achève appelait la réalisation d'un bilan de la politique fiscale menée par l'actuelle majorité gouvernementale, sous l'impulsion du Président de la République. Aussi le présent rapport s'attache-t-il à proposer un examen de la politique conduite en matière fiscale depuis 2012, cherchant à concilier exhaustivité et concision.

À la suite des élections présidentielle et législatives s'étant tenues entre avril et juin 2012, l'exécutif a affiché un ambitieux programme fiscal pour le quinquennat qui débutait. En particulier, après un été marqué par une « ponction » fiscale d'un montant de plus de sept milliards d'euros, portant aussi bien sur les entreprises que sur les ménages, la programmation pluriannuelle des finances publiques avancée à l'automne 2012 1 ( * ) annonçait un « redressement dans la solidarité et la justice », supposé reposer tout à la fois sur une maîtrise de la dépense publique et des efforts en recettes, « dans le cadre d'une réforme fiscale visant à rétablir l'équité dans les prélèvements et à maintenir notre potentiel de croissance, en faisant contribuer d'abord les plus grandes entreprises et les ménages les plus aisés ».

La trajectoire budgétaire ainsi définie, qui prévoyait un retour du déficit public en deçà de 3 % du produit intérieur brut (PIB) dès 2013 et une réduction du poids de la dette dans la richesse nationale à compter de 2014, se décomposait en deux parties ; après un redressement des comptes publics, fondé sur une forte hausse de la fiscalité en 2012 et 2013 puis, par la suite, principalement sur des mesures d'économies, devait venir le temps de « l'équilibre structurel des comptes publics », redonnant des marges de manoeuvre à l'action publique et permettant une légère baisse des prélèvements obligatoires en 2016-2017.

Toutefois, la réalité s'est révélée très différente des attentes gouvernementales. En dépit de la forte hausse de la fiscalité intervenue en 2012 ainsi qu'en 2013, aucun des objectifs budgétaires initialement arrêtés par le Gouvernement n'a été atteint, le retour du déficit public en-dessous du seuil de 3 % du PIB ayant sans cesse été reporté, tout comme l'amorçage du recul de la dette publique qui s'élevait, à la fin du deuxième trimestre 2016, à 98,4 % du PIB 2 ( * ) . Ainsi, malgré le maintien d'un haut niveau de prélèvements obligatoires, la consolidation budgétaire s'est révélée plus lente qu'anticipé, en raison d'une conjoncture économique moins favorable qu'espéré, mais aussi d'un effort de réduction des dépenses publiques sans commune mesure avec la dégradation de nos finances publiques.

Malgré cela, force est de constater que la baisse de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, même si elle est restée modeste, a été engagée en 2015, conformément à ce que prévoyait la loi de programmation adoptée en décembre 2012 3 ( * ) . Cette évolution a, de toute évidence, résulté d'un double mouvement. En premier lieu, après avoir significativement accru l'imposition des entreprises, le Gouvernement a peu à peu compris la nécessité, pour favoriser la croissance et l'emploi, de réduire les charges supportées par celles-ci ; ainsi, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été suivie du déploiement des mesures du Pacte de responsabilité à partir de 2015. En second lieu, l'exécutif a dû faire face à une grogne croissante des contribuables, la montée d'un mécontentement précoce à l'automne 2012, symbolisée par le « mouvement des Pigeons », ayant laissé place à un « ras-le-bol fiscal » généralisé, pour reprendre les termes utilisés par le ministre des finances de l'époque, Pierre Moscovici, en août 2013.

Graphique n° 1 : Effets des mesures relatives à l'imposition sur le revenu et des mesures sociales adoptées au cours du quinquennat sur le niveau de vie

(variation du niveau de vie, en %)

Note de lecture : le niveau de vie agrégé des ménages du 1 er décile de niveau de vie est supérieur de 4,7 % à celui qui aurait été observé en l'absence de toutes les mesures mises en oeuvre depuis 2012. Les mesures sociales ciblées sur les ménages modestes ont augmenté de 5,2 % le niveau de vie des ménages situés dans le 1 er décile de niveau de vie.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

Mais il ne faut pas s'y tromper. L'inflexion du taux de prélèvements obligatoires observée en 2015 n'a bénéficié aux ménages que de manière limitée et inégale. À cet égard, la direction générale du Trésor a réalisé une étude, figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, qui s'attache à mesurer les effets redistributifs de la politique menée par le Gouvernement en direction des ménages depuis 2012.

Ainsi, comme le montre le graphique reproduit supra , à en croire l'étude précitée, les mesures fiscales ciblées sur les bas revenus ont permis une amélioration du niveau de vie des ménages appartenant aux troisième à cinquième déciles. Pour les ménages les plus modestes, compris dans les premier et deuxième déciles, la hausse du niveau de vie n'aurait été permise que par les mesures de nature sociale, à l'instar de la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) ou la création de la prime d'activité ; pour cette catégorie de contribuables, en effet, les mesures relatives aux prélèvements obligatoires considérées isolément ont eu une incidence globalement négative du fait, pour l'essentiel, de l'augmentation des cotisations de retraite et de la réduction des avantages fiscaux non ciblés, comme la « refiscalisation » des heures supplémentaires. Au-delà du sixième décile, les ménages ont, quant à eux, vu leur niveau de vie se dégrader. En somme, selon le Gouvernement, « les mesures évaluées ont accru la redistribution du système fiscalo-social français, via la hausse des transferts à destination des ménages modestes et la plus grande contribution des ménages aisés » 4 ( * ) . Cependant, il convient de relever qu'en 2014, le niveau de vie moyen d'un individu compris entre les sixième et septième déciles s'élevait à 23 840 euros, ce qui tend à mettre en évidence la conception très extensive des « ménages aisés » retenue par la majorité gouvernementale.

En tout état de cause, l'étude publiée par le Gouvernement comporte une lacune de taille, dès lors qu'elle ne tient pas compte de la fiscalité indirecte. Or, l'actuelle législature a été marquée par un accroissement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de la fiscalité environnementale ou encore de certains droits de consommation. Aussi le présent rapport s'applique-t-il à proposer une analyse, inédite, des effets des évolutions de la fiscalité indirecte intervenues au cours de la législature sur la situation des ménages. Cette analyse vient, ainsi, relativiser le caractère redistributif de la politique fiscale menée par le Gouvernement : les hausses d'impositions indirectes ont concerné l'ensemble des ménages, mais ont davantage pesé sur les plus modestes d'entre eux. Par suite, contrairement à ce qu'avance l'exécutif, le « choc » fiscal survenu durant le quinquennat en cours continue de faire sentir ses effets, et ce sur la totalité des ménages.

La baisse du taux de prélèvements obligatoires de 44,8 % à 44,7 % du PIB survenue entre 2014 et 2015 a donc, pour l'essentiel, résulté des mesures d'allègement de la fiscalité des entreprises. Celles-ci semblent également être à l'origine de la réduction du poids des prélèvements qui devrait, selon les estimations gouvernementales, intervenir en 2016, même s'il y a lieu de relever qu'un coup d'arrêt de cette dynamique baissière est attendu en 2017. Si de telles mesures étaient plus que souhaitables, bien qu'elles aient été plus tardives et d'une ampleur moindre que la réduction de charges initialement décidée pour 2013 par la précédente majorité gouvernementale, celles-ci sont néanmoins intervenues au prix d'un transfert de la charge fiscale sur les ménages - comme s'applique à le montrer ce rapport - et, surtout, font ressortir l'incapacité du Gouvernement à engager les nécessaires économies en dépenses qui lui permettraient de cesser de faire reposer l'assainissement budgétaire sur les prélèvements obligatoires et, notamment, sur ceux acquittés par les ménages.

Graphique n° 2 : Évolution du taux de prélèvements obligatoires (2006-2017)

(en % du PIB)

* Prévisions

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee et du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017)

Par ailleurs, la réforme globale du système fiscal qui devait « rétablir l'équité dans les prélèvements » est restée lettre morte. En effet, la « remise à plat » de la fiscalité promise en novembre 2013 par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, a fait long feu. Le projet n'a pas prospéré au-delà des Assises de la fiscalité, organisées au début de l'année suivante.

En bref, loin d'afficher la cohérence souhaitée à l'origine, la politique fiscale conduite au cours du quinquennat qui s'achève a été marquée par une hausse substantielle de la fiscalité, en particulier pour les ménages. Faute d'engager des réformes d'ampleur, le Gouvernement a fait le choix d'un « pointillisme fiscal », caractérisé par une indécision certaine et des renoncements nombreux.

À ce titre, l'annonce par François Hollande, en juin 2015, de la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter de 2018, ne laisse pas d'interroger ; compte tenu de son caractère tardif, de son haut degré d'impréparation et de ses multiples imperfections, une telle réforme semble davantage avoir été pensée comme le moyen de respecter un engagement non tenu que dans un souci de modernisation du système fiscal 5 ( * ) .

Dans ces conditions, il n'est nullement étonnant que la politique fiscale menée depuis 2012 ait pu être à l'origine, tout d'abord, d'un recul du consentement à l'impôt, mis en évidence par différents sondages, ensuite, de prises de positions critiques au sein même de la majorité gouvernementale, qu'il s'agisse de Pierre Moscovici dénonçant, à l'été 2013, le « ras-le-bol fiscal » ou encore de Jean-Marc Ayrault réclamant, aux côté du député Pierre-Alain Muet, en août 2015, une réforme du système fiscal 6 ( * ) , voire, enfin, de regrets, à l'instar de ceux exprimés par le Président de la République en juillet de la même année, lorsqu'il a reconnu qu'il aurait dû « gard[er] l'augmentation de TVA » 7 ( * ) décidée à la fin du précédent quinquennat afin de compenser des baisses de charges sociales, elles aussi abrogées en 2012.

I. UN CHOC FISCAL AUX EFFETS PERSISTANTS POUR LES MÉNAGES

Indéniablement, les débuts du quinquennat qui s'achève ont été marqués par un véritable « choc » fiscal . À l'été 2012, au lendemain des élections présidentielle et législatives, la nouvelle majorité gouvernementale a fait le choix de faire reposer le redressement budgétaire essentiellement sur l'augmentation des prélèvements obligatoires. Ainsi, la loi de finances rectificative adoptée en août 2012 8 ( * ) prévoyait des hausses d'impôts de plus de sept milliards d'euros en 2012 et d'environ six milliards d'euros en 2013 , soit un effort cumulé demandé aux ménages et aux entreprises dépassant 13 milliards d'euros. Loin de s'arrêter à cette première « ponction » fiscale, le Gouvernement a fait le choix de poursuivre l'accroissement de la charge fiscale ; en effet, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires portées par les textes financiers de l'automne 2012 - soit les lois de finances 9 ( * ) et de financement de la sécurité sociale 10 ( * ) pour 2013 de même que le collectif de fin d'exercice 11 ( * ) - représentaient près de 18 milliards d'euros au titre de l'année 2013 .

Le prélèvement opéré sur les contribuables en 2012 et 2013 à l'initiative de la nouvelle majorité gouvernementale , s'inscrivait dans une stratégie en deux étapes, consistant à appuyer l'ajustement des comptes publics sur une augmentation de la fiscalité, dans un premier temps, puis sur la réalisation d'économies en dépenses, dans un second temps. La justification de cette stratégie tenait au fait qu'à court terme les hausses d'impôts auraient des effets moins récessifs que les réductions de dépenses.

Toutefois, ainsi que l'a relevé l'OFCE, l'impact négatif de ce « choc » fiscal « avait été sous-estimé par le gouvernement » 12 ( * ) ; à titre d'illustration, selon les récentes estimations de l'Insee 13 ( * ) , au cours de la période 2012-2014, les mesures fiscales concernant aussi bien les entreprises que les ménages auraient eu une incidence négative sur la croissance de 0,9 point par an en moyenne . De même, si « les hausses d'impôts ont un effet moins récessif à court terme, car les ménages comme les entreprises lissent les fluctuations de leur revenu sur leurs dépenses, [...] cet effet se diffuse dans le temps » 14 ( * ) ; aussi l'institut de statistiques estime-t-il qu'en 2015, « les hausses passées des prélèvements sur les entreprises et les ménages ont encore pesé, et auraient grevé la croissance de 0,7 point » 15 ( * ) . Si l'on en croit les analyses de l'Insee, le choix de faire reposer la consolidation budgétaire sur une augmentation des impôts au début du quinquennat expliquerait pourquoi celle-ci continue de freiner la croissance économique, alors que cette consolidation a été moins forte en France, en 2012 et 2013, que dans des pays comme l'Espagne ou l'Italie.

Ceci n'est probablement pas sans lien avec le fait que, contrairement aux intentions initialement affichées par le Gouvernement, le « choc » fiscal du début du quinquennat, ainsi que les hausses d'imposition qui ont suivi ont, pour l'essentiel, pesé sur le pouvoir d'achat des ménages . Comme le montre le tableau ci-après, l'impact sur la croissance a résulté, à titre principal, des mesures portant sur la fiscalité directe et indirecte acquittée par les ménages.

Tableau n° 3 : Impact sur la croissance des mesures
portant sur la fiscalité des ménages et des entreprises

(en points de pourcentage)

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

Ménages

0,1

- 0,4

- 0,7

- 0,6

- 0,3

- 0,1

Entreprises

- 0,1

- 0,2

- 0,4

- 0,3

0,0

0,0

(p) : prévisions

Source : Insee (juin 2016)

En effet, les ménages ont supporté l'essentiel de l'effort fiscal demandé au cours du quinquennat . Le choix gouvernemental de ne faire reposer la consolidation budgétaire sur les dépenses qu'au cours de la seconde partie du quinquennat s'est traduit par un net transfert de la charge fiscale sur les ménages ; ces derniers ont pâti du fait que le Gouvernement a, pour des raisons évidentes, dû concilier redressement des comptes publics et nécessaire allègement des charges payées par les entreprises, et ce sans réaliser d'économies à proprement parler .

Aussi la présente partie s'applique-t-elle, après avoir rappelé les principales mesures portant sur la fiscalité directe des ménages au cours de la présente législature, à examiner l'ampleur du transfert de la charge fiscale sur les ménages . Par ailleurs, elle fait apparaître que la politique fiscale menée par le Gouvernement au cours des dernières années a conduit à une concentration accrue de l'impôt sur le revenu sur les classes moyennes et aisées , ainsi qu'à une dégradation de l'équité fiscale horizontale en défaveur des actifs et des familles , dès lors que les mesures fiscalo-sociales adoptées ont eu des incidences inégales sur des ménages ayant pourtant des revenus comparables. En dépit des baisses d'impôts « ciblées » opérées par le Gouvernement, il est aussi montré que les hausses d'impositions indirectes ont concerné l'ensemble des ménages, tout en pesant davantage sur les plus modestes d'entre eux , laissant à penser que le « choc » fiscal survenu durant le quinquennat qui s'achève continue bel et bien de faire ressentir ses effets sur la totalité des ménages.

A. LA « PONCTION » FISCALE DE L'ÉTÉ 2012

Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement déclarait que le redressement des comptes publics devait « reposer d'abord sur les ménages les plus favorisés » 16 ( * ) . À ce titre, si le collectif budgétaire d'août 2012 17 ( * ) comportait plusieurs dispositifs à forte teneur symbolique concernant, à titre principal, les ménages aisés, de nombreuses mesures présentaient un champ d'application bien plus vaste. Aussi la « ponction » fiscale de l'été 2012 a-t-elle touché très largement les ménages, y compris les plus modestes , contrairement à ce qu'avait annoncé le Gouvernement.

1. Une « ponction » fiscale qui a concerné les contribuables aisés...

Parmi les mesures portant sur les ménages aisés figurait, en premier lieu, la création d'une contribution exceptionnelle sur la fortune , dont le rendement était estimé à 2,3 milliards d'euros en 2012, qui avait vocation à revenir sur les effets de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) adoptée en 2011 18 ( * ) . Dans la même logique, la loi de finances rectificative d'août 2012 a procédé à une réduction des allègements des droits de succession prévus par la loi dite « TEPA » 19 ( * ) ; si cette mesure a permis la collecte de 0,1 milliard d'euros en 2012, le rendement de celle-ci a atteint 1,1 milliard d'euros en 2013. En outre, le Gouvernement a fait le choix de maintenir la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement décidée dans le cadre de la loi de finances rectificative de mars 2012 20 ( * ) , et ce alors même qu'il abrogeait la baisse des cotisations patronales famille que celle-ci devait contribuer à financer ; aussi la nouvelle majorité gouvernementale a-t-elle fait sien un surcroît de prélèvement de 0,8 milliard d'euros en 2012 et de 1,8 milliard d'euros en 2013. Par ailleurs, il a été opéré un doublement de la taxe sur les retraites dites « chapeau » , au rendement de 0,1 milliard d'euros en 2013.

2. ...mais aussi les classes moyennes et les ménages modestes

Viennent ensuite les mesures dont il paraît discutable de considérer qu'elles concernent au premier chef les ménages les plus favorisés. À ce titre, peut être mentionnée l' augmentation de 8 % à 20 % du forfait social sur l'épargne salariale , correspondant à une hausse des prélèvements au profit des administrations de sécurité sociale de 0,5 milliard d'euros en 2012 et de 1,7 milliard d'euros en 2013. Bien que le Gouvernement ait pu justifier une telle hausse par le fait que l'épargne salariale concernait principalement les entreprises de grande taille où les salaires, sont, en moyenne, plus élevés, considérer que cette mesure portait sur les ménages les plus aisés serait, à tout le moins, abusif dans la mesure où l'épargne salariale concerne des catégories très diverses de salariés ; il en va de même avec le relèvement du taux du prélèvement social sur les stock-options et les attributions d'actions gratuites , à l'origine de recettes d'un montant de 0,1 milliard d'euros en 2012 et 0,2 milliard d'euros en 2013. L'assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents , dont le produit était estimé à 0,2 milliard d'euros en 2013, semblait lui aussi toucher des personnes aux facultés contributives très différentes ; sur ce point, il est intéressant de noter qu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 26 février 2015 a déclaré un tel assujettissement contraire au droit communautaire 21 ( * ) .

Enfin, la loi de finances rectificative d'août 2012 comportait des mesures, d'un montant tout à fait significatif, se rapportant aux ménages moins aisés . La fiscalisation des heures supplémentaires , qui a été à l'origine d'une hausse du rendement de l'impôt sur le revenu de 0,6 milliard d'euros en 2013 et de 1 milliard d'euros en 2014, est particulièrement illustrative à cet égard. Ainsi que l'a déjà indiqué votre rapporteur général 22 ( * ) , si près de 30 % du surcroît d'impôt sur le revenu lié à la fiscalisation des heures supplémentaires aurait été acquitté par 10 % des ménages les plus riches, à en croire les estimations de la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 du fait de cette mesure , dont 80 % situés entre le quatrième et le sixième déciles de niveau de vie. Au total, la fin de l'exonération des heures supplémentaires a représenté une augmentation moyenne de 190 euros de l'impôt sur le revenu acquitté par les 8,9 millions de salariés concernés .

Surtout, cette dernière mesure s'est accompagnée de la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires , qui a représenté un accroissement des recettes des administrations de sécurité sociale de 1 milliard d'euros dès 2012 et de 2 milliards d'euros en 2013. Alors que la fiscalisation des heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu n'a concerné que les contribuables imposables, le montant de l'imposition payée étant par ailleurs progressif, la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires a, elle, touché l'ensemble des salariés - y compris ceux qui ne sont pas imposés à l'impôt sur le revenu -, et ce proportionnellement aux revenus complémentaires perçus .

La suppression de l'exonération des revenus afférents aux heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, qui a durablement accru la pression fiscale à hauteur de près de 4,6 milliards d'euros, a donc tout particulièrement concerné les classes moyennes sans pour autant épargner les ménages plus modestes .

Tableau n° 4 : Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires concernant les ménages portées par la loi de finances rectificative d'août 2012

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

Cumul

Contribution exceptionnelle sur la fortune

2,3

- 2,3

0,0

Réduction des allègements des droits de succession

0,1

1,1

0,2

1,4

Hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

0,8

1,8

2,6

Doublement de la taxe sur les retraites chapeau

0,1

0,1

Hausse du forfait social sur l'épargne salariale

0,5

1,7

2,2

Hausse du taux du prélèvement social sur les stock-options et les attributions d'actions gratuites

0,1

0,2

0,3

Assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents

0,2

0,2

Fiscalisation des heures supplémentaires

0,6

1,0

1,6

Suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires

1,0

2,0

3,0

Total

4,8

5,4

1,2

11,4

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports économiques, sociaux et financiers annexés aux projets de loi de finances pour 2014, 2015 et 2016)

En somme, le montant cumulé des hausses de prélèvements portant sur les ménages opérées par la loi de finances rectificative d'août 2012 excédait 11 milliards d'euros , dont près de 7 milliards d'euros ont concerné quasi indifféremment les contribuables aisés et ceux moins favorisés. Dès l'été 2012, le respect de l'exigence affichée de préserver les ménages les plus modestes des effets du « choc » fiscal paraît donc tout relatif. Pour autant, aucune « réorientation » de la politique fiscale n'a été constatée dans le cadre des lois financières pour 2013.

B. AUTOMNE 2012 : PERSÉVÉRER DANS L'ERREUR

Non content d'avoir accru le niveau des contributions directes acquittées par les ménages de plus de dix milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2012, le Gouvernement a persévéré dans cette voie à l'automne avec les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013 . En effet, sous couvert de « rétablir la progressivité de l'imposition des personnes » 23 ( * ) et de « mobiliser la fiscalité pour accroître l'offre de logement » 24 ( * ) , ce dernier a initié de nouvelles hausses d'impôts et, par ailleurs, de prélèvements sociaux acquittés par les ménages pour un montant de près de six milliards d'euros, prévoyant des aménagements limités au profit des plus modestes d'entre eux.

Tableau n° 5 : Principales mesures nouvelles en prélèvements obligatoires concernant les ménages portées par les lois de finances
et de financement de la sécurité sociale pour 2013

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

Cumul

Imposition au barème des revenus du capital

1,3

- 0,2

- 0,2

0,9

Réforme de l'imposition des plus-values mobilières

0,3

0,3

Création d'une tranche d'impôt sur le revenu à 45 %

0,3

0,3

Abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros

0,6

0,6

Revalorisation de la décote de l'impôt sur le revenu

- 0,3

-0,3

Réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

1,0

1,0

Renforcement de la taxe sur les logements vacants

0,2

0,2

Autres mesures portant sur l'impôt sur le revenu

0,1

- 0,4

- 0,1

- 0,4

Allègements des cotisations dues par les particuliers employeurs

- 0,2

- 0,2

Forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle

0,3

0,3

Passage aux cotisations sur la base du salaire réel pour les salariés à domicile

0,4

0,4

Réforme des prélèvements sur les indépendants (cotisations et CSG)

1,1

- 0,2

0,9

Assujettissement des indemnités des élus locaux aux cotisations sociales

0,2

0,2

Assujettissement des retraites à la contribution additionnelle de solidarité sur l'autonomie (CASA)

0,5

0,2

0,7

Total

5,8

- 0,6

- 0,3

4,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports économiques, sociaux et financiers annexés aux projets de loi de finances pour 2014, 2015 et 2016)

1. Une nouvelle hausse de l'imposition des revenus...

Dans un contexte de fort accroissement de la charge fiscale, le Gouvernement a souhaité prévoir une mesure en faveur des ménages modestes ; aussi la loi de finances pour 2013 comportait-elle une « majoration de la décote qui maintiendra[it] en dehors du champ de l'impôt sur le revenu ceux qui seraient devenus imposables alors même que leurs revenus réels n'auraient pas progressé, et de neutraliser l'effet du gel du barème pour les contribuables situés dans les deux premières tranches » 25 ( * ) . Pour autant, cette revalorisation de la décote n'aurait que très partiellement compensé, pour les ménages plus modestes, les effets de la fiscalisation des heures supplémentaires ; ainsi que cela a été indiqué précédemment, selon la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 du fait de cette mesure. En outre, la suppression de l'exonération des revenus résultant d'heures supplémentaires au titre des prélèvements sociaux a concerné l'ensemble des contribuables, y compris ceux qui sont restés non imposés.

Par ailleurs, le Gouvernement a, de nouveau, pris l'initiative de mesures à forte teneur symbolique portant sur les contribuables aisés . À ce titre, le projet de loi de finances pour 2013 a proposé l'instauration d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d'activité , dite « taxe à 75 % » ; cette mesure, dont le produit était estimé à 0,2 milliard d'euros en 2013 et 2014, a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle contrevenait au principe d'égalité devant les charges publiques, dès lors qu'elle ne tenait pas compte de l'existence du foyer fiscal, méconnaissant ainsi « l'exigence de prise en compte des facultés contributives » 26 ( * ) . Dans la même logique, a été créée une nouvelle tranche du barème de l'impôt sur le revenu de 45 % , applicable aux revenus supérieurs à 150 000 euros, au rendement évalué à 0,3 milliard d'euros.

Pour autant, comme à l'été 2012, d'autres mesures relatives à l'impôt sur le revenu, plus significatives dans leurs montants, ont concerné un ensemble plus large de ménages, qu'il n'était pas nécessairement possible de qualifier d'« aisés » . En particulier, l'abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros a eu des effets sur les ménages appartenant résolument à la classe moyenne , pour un gain budgétaire estimé in fine à 0,3 milliard d'euros. Selon les estimations communiquées par la direction de la législation fiscale, cette mesure a principalement concerné les foyers entrant dans les tranches d'impositions comprises entre 11 896 euros et 70 830 euros (voir tableau ci-après), avec une perte moyenne d'environ 500 euros pour ces foyers . Il apparaît que la nouvelle baisse du plafond du quotient familial, prévue par la loi de finances pour 2014, a eu une incidence beaucoup plus large sur les ménages (voir infra ).

Tableau n° 6 : Répartition des foyers fiscaux perdants par tranche d'imposition
à l'issue de l'abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros

Tranches d'imposition

Nombre de foyers fiscaux perdants

Gain budgétaires
(en millions d'euros)

Perte moyenne par contribuable
(en euros)

0 %

0

0

0

5,5 %

0

0

0

14 %

118 626

39

328

30 %

598 430

323

539

41 %

141 381

108

763

45 %

24 164

20

827

Source : direction de la législation fiscale

2. ...de la fiscalité du patrimoine...

En outre, dans la continuité des mesures portant sur les hauts revenus, la loi de finances pour 2013 a procédé à une réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) , rétablissant le barème progressif de cette imposition, pour un rendement de 1 milliard d'euros. De même, en matière de fiscalité du patrimoine, il a été proposé de soumettre au barème progressif de l'impôt sur le revenu , d'une part, les revenus du capital et, d'autre part, les plus-values mobilières . Ces deux mesures devaient être à l'origine d'un surcroît de recettes de respectivement 2 milliards et 1 milliard d'euros. Toutefois, si le produit de la soumission au barème de l'impôt sur les revenus du capital n'a pas été aussi élevé qu'anticipé (1,3 milliard d'euros en 2013), celui de la mesure portant sur les plus-values mobilières a été fortement minoré par le réajustement du dispositif en raison de la fronde dite des « Pigeons » . Aussi le rendement de la réforme de l'imposition des plus-values mobilières a-t-il été ramené à 0,3 milliard d'euros.

Au total, les mesures relatives à la fiscalité portant sur les revenus et le stock du capital contenues dans la loi de finances pour 2013 ont représenté une hausse cumulée des prélèvements de 2,2 milliards d'euros.

À ces dernières est venu s'ajouter un renforcement de la taxe sur les logements vacants qui, au motif d'augmenter l'offre de logement, a accru les impositions sur la propriété foncière de 0,2 milliard d'euros.

3. ...et des prélèvements sociaux

Plus encore que les hausses d'impôts, les augmentations de prélèvements sociaux ont concerné de manière indiscriminée les ménages aisés et les plus modestes . Tout d'abord, l' assujettissement des indemnités de retraite à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) a alourdi la charge fiscale des retraités de 0,5 milliard d'euros en 2013 et de 0,2 milliard d'euros en 2014. Le seuil d'exonération de cette mesure correspondant, en 2013, à un revenu fiscal de référence de 10 024 euros, celle-ci a touché les ménages à partir du deuxième décile de niveau de vie.

De même, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu un assujettissement au forfait social des indemnités de rupture conventionnelle , à l'origine d'un surcroît de recettes de 0,3 milliard d'euros.

Ensuite, le Gouvernement a souhaité procéder à une réforme des prélèvements appliqués aux travailleurs indépendants , aboutissant à un relèvement pérenne de 0,9 milliard d'euros des contributions versées par ces contribuables.

Enfin, l' allègement des cotisations dues par les particuliers employeurs , dont le coût s'est élevé à 0,2 milliard d'euros en 2013, consistant en un abattement forfaitaire sur les cotisations patronales d'un montant de 0,75 euros par heure travaillée, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de Christian Eckert, alors rapporteur général du budget, n'a pas permis de compenser intégralement la suppression de l'assiette forfaitaire pour les salariés des particuliers employeurs , qui a représenté une hausse de prélèvements de 0,4 milliard d'euros.

4. Une hausse cumulée des prélèvements sur les ménages qui atteint 30 milliards d'euros en 2012 et 2013

Au cours des années 2012 et 2013, l'augmentation cumulée des prélèvements sur les ménages a atteint près de 30 milliards d'euros . Cette évolution a résulté, pour 16 milliards d'euros, des lois financières adoptées par la nouvelle majorité gouvernementale à l'été et à l'automne 2012 et, pour 14 milliards d'euros, de mesures décidées antérieurement à mai 2012.

Certes, une part non négligeable des mesures ayant eu une incidence sur la charge fiscale des ménages en 2012 et 2013 a été adoptée avant le mois de mai 2012. Sont ainsi concernées la désindexation des barèmes de l'impôt sur le revenu, de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) , qui a représenté une élévation du niveau des prélèvements de 1,8 milliard d'euros en 2012 et de 1,6 milliard d'euros en 2013, la révision des modalités de déclaration en cas de changement de situation (mariage, PACS, divorce), associée à une hausse des recettes fiscales de 1 milliard d'euros, ou encore l' instauration d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus (0,6 milliard d'euros) et les réductions homothétiques de « niches » fiscales , pour 0,4 milliard d'euros en 2012 et 0,5 milliard d'euros en 2013.

Pour autant, il est incontestable que la majorité gouvernementale issue des élections de 2012 a fait siennes les mesures qui viennent d'être évoquées . En particulier, la désindexation des barèmes de l'IR, de l'ISF et des DMTG, l'une des mesures présentant le plus fort rendement adoptées avant mai 2012, a été maintenue et a résulté d'une démarche positive dès lors qu'il était d'usage de revaloriser, chaque année, ces barèmes en loi de finances. C'est donc en vertu d'une volonté délibérée que l'actuelle majorité a accru de 16 milliards d'euros les hausses de prélèvements prévues pour 2012 et 2013, transformant ces hausses en véritable « choc » fiscal .

En tout état de cause, l'estimation proposée ne tient pas compte des augmentations de la fiscalité indirecte , alors même que celles-ci ont été tout à fait substantielles. Si le Gouvernement a fait le choix d'annuler la hausse de TVA inscrite dans la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 , pour un montant de 2,9 milliards d'euros en 2012 et de 7,7 milliards d'euros en 2013, ainsi que l'allègement des cotisations sociales employeurs d'un montant total de 13,2 milliards d'euros qu'elle avait vocation à financer , celui-ci a malgré tout procédé à des augmentations de taxes indirectes : droits sur la bière (0,5 milliard d'euros en 2013), fiscalité des tabacs (0,1 milliard d'euros en 2013) et, surtout, hausse des taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (5,3 milliards d'euros en 2013) conséquente à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

En somme, le Gouvernement a peu ou prou repris les mesures fiscales de l'ancienne majorité gouvernementale - y compris une hausse de la TVA pourtant décriée à l'été 2012 - pour les amplifier considérablement , dès lors qu'il a souhaité, comme cela a été rappelé précédemment, faire reposer le redressement des comptes publics principalement sur les recettes au début du quinquennat. À titre de rappel, la précédente majorité gouvernementale ne souhaitait pas pousser plus avant l'augmentation des prélèvements déjà décidée , désireuse qu'elle était d'appuyer la consolidation budgétaire au cours des années 2012 à 2016 essentiellement sur des efforts de maîtrise des dépenses, comme le fait apparaître le programme de stabilité transmis en avril 2012 aux institutions européennes.

C. LE TEMPS DES REMORDS : FACE AU « RAS-LE-BOL FISCAL »

Très tôt, la stratégie fiscale mise en oeuvre par le Gouvernement a montré ses limites . Déjà, à l'automne 2012, l'accroissement inconsidéré de la charge fiscale avait inspiré le « mouvement des Pigeons », réunissant des entrepreneurs, qui a contraint la nouvelle majorité à revoir son projet de soumission au barème de l'impôt sur le revenu des plus-values mobilières, ainsi que cela a été relevé précédemment. Pour autant, le mécontentement des premiers temps a laissé place, au cours de l'année 2013, à un véritable « ras-le-bol fiscal », pour reprendre les termes utilisés par le ministre des finances de l'époque, Pierre Moscovici.

Sans doute pris de remords, le Gouvernement a consenti un geste en faveur des ménages les plus modestes en 2014 . Malgré cela, les prélèvements ont continué à croître au cours de ce même exercice, du fait notamment de la réforme des retraites. Aussi n'est-ce qu'à compter des années suivantes que la fiscalité des ménages s'est progressivement stabilisée, sans pour autant effacer l'intégralité du « choc » fiscal du début du quinquennat , loin s'en faut.

1. Un geste fiscal en faveur des ménages modestes en 2014...

Face au « ras-le-bol fiscal », le Gouvernement a pris l'initiative, dans la loi de finances rectificative du 8 août 2014 27 ( * ) , de procéder à une réduction exceptionnelle de l'impôt sur le revenu - d'une plus grande ampleur que la revalorisation de la décote intervenue en 2013 (voir supra ). Cette mesure a consisté en une réduction forfaitaire de l'impôt sur le revenu de 350 euros pour tout contribuable célibataire, veuf ou divorcé dont le revenu fiscal de référence était inférieur à 1,1 fois le SMIC, ou de 700 euros pour les couples soumis à une imposition commune ayant un revenu fiscal de référence en deçà de 2,2 SMIC - ces limites étant majorées de 0,28 SMIC par demi-part de quotient familial.

Selon les données publiées par le Gouvernement, cette mesure aurait permis de réduire la charge fiscale de 1,3 milliard d'euros en 2014 , profitant à environ 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million seraient sortis de l'impôt. Par ailleurs, une revalorisation de la décote a conduit à une baisse des prélèvements de 0,2 milliard d'euros.

2. ...mais une nouvelle progression des prélèvements sur les ménages

Malgré cela, la fiscalité des ménages a été de nouveau alourdie au cours de l'exercice 2014 . En premier lieu, la réforme des retraites adoptée durant l'automne 2013 s'est accompagnée d'une hausse des cotisations pour 1,7 milliard d'euros en 2014 et de 0,6 milliard d'euros par an entre 2015 et 2017 - soit une augmentation cumulée des prélèvements sur les ménages de 3,5 milliards d'euros en 2017 . De même, la hausse des cotisations de retraites complémentaires AGIRC-ARRCO s'est élevée à 0,5 milliard d'euros en 2014.

À cela se sont ajoutées diverses mesures relatives à l'impôt sur le revenu figurant dans la loi de finances pour 2014 28 ( * ) , comme la suppression de l'exonération des majorations de pension (1,2 milliard d'euros) et de la participation de l'employeur aux contrats collectifs complémentaires (1 milliard d'euros), ou encore le nouvel abaissement du plafond du quotient familial (1 milliard d'euros) ; cette mesure a concerné davantage de familles que le précédent abaissement du plafond (voir supra ), 1,4 million de foyers fiscaux étant considérés comme « perdants », pour un surcroît moyen de cotisation d'impôt de 1 190 euros , selon les données transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général.

À l'inverse, dans la continuité du mouvement engagé en raison de la fronde des « Pigeons » à l'automne 2012, une nouvelle réforme de la fiscalité des plus-values de cession de valeurs mobilières est intervenue, permettant une baisse pérenne des prélèvements de 0,2 milliard d'euros en 2014-2015. De même, une modification du régime d'imposition des plus-values immobilières a permis une baisse cumulée de la charge fiscale de 0,4 milliard d'euros au cours de cette période.

Au total, les mesures relatives aux prélèvements - intégrant également les dispositifs touchant aux retraites agricoles, aux frontaliers suisses, etc. - qui portaient sur les ménages adoptées dans le cadre des lois financières relatives à l'exercice 2014 et de la réforme des retraites ont représenté une hausse de la charge fiscale de 3,1 milliards d'euros .

3. Une stabilisation de la fiscalité des ménages depuis 2015...

À compter de 2015, le Gouvernement a cessé d'initier des hausses significatives de prélèvements directs sur les ménages , la charge fiscale s'accroissant toutefois légèrement en 2015 (voir infra ) du fait des mesures adoptées précédemment. Même, il a été procédé à de nouvelles baisses de l'impôt sur le revenu au profit des « ménages modestes et moyens » , selon l'intitulé du dispositif de la loi de finances du 29 décembre 2015 29 ( * ) , pour 2,8 milliards d'euros en 2015, et 2 milliards d'euros en 2016.

À cela se sont ajoutées la création du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) , à l'origine d'une baisse des prélèvements obligatoires de 1,1 milliard d'euros en 2015-2016, une réduction des cotisations pour les particuliers employeurs , pour 0,2 milliard d'euros en 2016, ou encore, dans le cadre de la loi dite « Macron » 30 ( * ) , la modification des contributions sociales sur les attributions gratuites d'actions et la création d'un taux réduit de forfait social à 16 % pour les PERCO+ , contribuant à réduire la charge fiscale à hauteur, respectivement, de 0,3 milliard et 0,1 milliard d'euros en 2016.

Par ailleurs, la suppression de la prime pour l'emploi (PPE) par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 31 ( * ) a provoqué une hausse des prélèvements de 2 milliards d'euros en 2016 ; toutefois, celle-ci a été compensée par l'institution de la prime d'activité. Aussi cette mesure n'est-elle pas décomptée dans l'estimation des mesures nouvelles portant sur les ménages au cours du quinquennat.

4. ...mais des prélèvements sur les ménages qui restent, en 2016, plus élevés de 31 milliards d'euros qu'au début du quinquennat

Au total, les prélèvements obligatoires acquittés par les ménages sont plus élevés de 31 milliards d'euros en 2016 qu'en 2011 - hors suppression de la PPE.

Si ne sont considérées que les mesures adoptées après mai 2012, la hausse des prélèvements approche 17 milliards d'euros ; par suite, les réductions d'impôts intervenues au cours des dernières années sont loin d'avoir compensé l'alourdissement de la charge fiscale des ménages intervenu au cours de l'actuelle législature , et ce sans même qu'il soit tenu compte des augmentations de taxes indirectes, des effets de la lutte contre la fraude fiscale, ou encore des évolutions de la fiscalité locale, examinées dans une partie dédiée du présent rapport.

Un tel constat vient donc relativiser les affirmations du Gouvernement selon lesquelles les augmentations de l'impôt sur le revenu adoptées depuis mai 2012 ont été intégralement compensées par les mesures de baisse intervenues au cours des dernières années. Tout au plus l'actuelle majorité gouvernementale peut-elle prétendre, en 2016, avoir « annulé » l'essentiel des augmentations d'impôt sur le revenu décidées au cours du quinquennat - encore qu'elle semble avoir fait siennes les mesures antérieures aux élections de 2012 en ne les remettant pas en cause (voir supra ).

D. UN FORT ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE FISCALE DES MÉNAGES

En somme, si les ménages ont supporté une large part de l'accroissement du taux de prélèvements obligatoires observé depuis le début du quinquennat, ils n'ont bénéficié que de manière extrêmement limitée de la baisse de celui-ci, engagée en 2015. En effet, force est de constater que le quinquennat qui s'achève a été marqué par un fort alourdissement de la charge fiscale des ménages , concomitant à un transfert de la fiscalité vers ces derniers. Par ailleurs, cette évolution s'est accompagnée d'une concentration accrue de l'impôt , en particulier de l'impôt sur le revenu, et d' une dégradation de l'équité fiscale horizontale en défaveur des actifs et des familles .

1. Un transfert de la fiscalité vers les ménages

À partir de la méthode explicitée ci-après, votre rapporteur général s'est attaché à examiner l'évolution, durant la décennie passée, de la charge fiscale des ménages et des entreprises . À cet égard, il apparaît que la période 2011-2014 a été marquée par une forte augmentation du taux de prélèvements obligatoires , qui est passé de 42,6 % à 44,8 % du PIB, de même que par une hausse significative de la charge fiscale des ménages , qui a atteint 16 % du PIB en 2014 - soit une hausse de 1,5 point par rapport à 2011.

Ainsi que le fait apparaître le graphique ci-après, en dépit d'une légère baisse, le taux de prélèvements obligatoires serait encore supérieur en 2016 de 1,9 point de PIB à son niveau de 2011 . Ce différentiel est, en grande partie, imputable aux impositions directes pesant sur les ménages qui représenteraient encore 16,0 % du PIB en 2016, contre 14,5 % en 2011 - soit un écart de + 1,5 point de PIB -, et ce alors qu'entre ces deux années, la charge fiscale des entreprises a reculé de 1,1 point de PIB.

Graphique n° 7 : Évolution de la charge fiscale des ménages et des entreprises ainsi que du taux de prélèvements obligatoires (2005-2016)

(en % du PIB)

* (p) : prévision

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Ceci indique, d'une part, que les ménages ont eu à supporter l'essentiel des efforts de redressement des comptes publics et d'autre part, que la décélération de la pression fiscale ne profite pas véritablement aux ménages - les mesures en faveur d'une baisse sur l'impôt sur le revenu ne compensant pas les hausses de prélèvements intervenues depuis 2012 , comme cela a déjà été souligné, et ce d'autant que les ménages supportent par ailleurs des augmentations de la fiscalité indirecte (voir supra ).

Cette analyse est confortée par le fort accroissement de la part dans les prélèvements obligatoires totaux des impositions directes acquittées par les ménages , qui atteindrait 35,8 % en 2015 contre 34 % en 2011, alors que la part de la charge fiscale des entreprises dans les prélèvements obligatoires reculerait de 41,9 % à 37,6 % entre ces deux années . Ainsi, la période récente a été clairement marquée par un transfert de la charge fiscale des entreprises vers les ménages - la différence entre la part dans les prélèvements de la charge fiscale des entreprises et celle des ménages étant passée de 7,9 points à 1,8 point entre 2011 et 2016 .

Graphique n° 8 : Part de la charge fiscale des ménages et des entreprises
dans les prélèvements obligatoires

(en %)

* (p) : prévision

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Il n'est aucunement question, ici, de regretter la réduction des prélèvements sur les entreprises , celle-ci étant tout à fait indispensable dans un contexte de dégradation des taux de marges et de perte de compétitivité de ces dernières ; en effet, cette analyse montre avant tout les limites d'un ajustement budgétaire reposant essentiellement sur des hausses de la fiscalité - qui, dans un environnement concurrentiel, doit nécessairement porter à titre principal sur les ménages et les taxations indirectes. C'est pourquoi il eût été préférable que la stratégie budgétaire repose dès le début de la présente législature sur une baisse de la dépense publique, qui aurait permis d'accompagner tout à la fois le redressement des comptes publics et une diminution de la charge fiscale des ménages et des entreprises - s'inscrivant dans la logique qui commençait à se dessiner en 2010-2011.

La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises

La mesure de la charge fiscale des ménages utilisée a été établie à partir des données de l'Insee 32 ( * ) ; celle-ci comprend les impositions portant sur le revenu des ménages , comme l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), les autres impôts courants , soit essentiellement la taxe d'habitation, la taxe foncière et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les impôts en capital , qui intègrent notamment les droits payés sur les successions et les donations, ainsi que les cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques , à l'exclusion de celles versées à des régimes privés.

La charge fiscale des entreprises, quant à elle, tient compte des impôts sur le revenu versés par les sociétés non financières (SNF) ainsi que par les entreprises financières , soit essentiellement l'impôt sur les sociétés (IS), des impôts sur la production , comprenant la taxe sur les salaires, les versements transports, la C3S, ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), des impôts en capital , de même que des cotisations sociales effectives versées aux administrations publiques .

Il convient de souligner que la mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises ne tient pas compte des taxes indirectes, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ou encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE) . En effet, ces dernières ne sont pas acquittées uniquement par les ménages , comme le supposent différentes études - à l'instar d'un travail réalisé par l'OFCE en 2015 33 ( * ) -, mais également, dans une certaine mesure, par les entreprises ; à cet égard, les sociétés peuvent avoir à supporter des rémanences de TVA 34 ( * ) , estimées à 31,2 milliards d'euros en 2006 par le Conseil des prélèvements obligatoires 35 ( * ) , et sont assujetties à la CSPE pour leur consommation d'électricité. Si les taxes indirectes contribuent significativement au poids des prélèvements obligatoires, les données issues de la comptabilité nationale disponibles ne permettent pas de distinguer celles supportées respectivement par les ménages et les entreprises ; c'est la raison pour laquelle la mesure de la charge fiscale retenue ne les intègre pas.

2. Une concentration accrue de l'impôt sur les classes moyennes et aisées

Si le « choc » fiscal intervenu au début de la présente législature a touché des contribuables dans leur ensemble, nombre de mesures ayant concerné de manière quasi indifférenciée les ménages aisés et plus modestes, les récentes baisses de l'impôt sur le revenu ont contribué à accroître la concentration de l'impôt sur les classes moyennes et aisées .

Cette tendance est clairement mise en évidence par l'évolution de la part des contribuables effectivement imposés à l'impôt sur le revenu . Comme le fait apparaître le tableau ci-après, après avoir progressé au début du quinquennat - notamment du fait de mesures comme la suppression de l'exonération des heures supplémentaires (voir supra ) -, la part des contribuables imposés à l'impôt sur le revenu a significativement reculé, pour s'élever à 43,8 % du total des contribuables en 2016 contre 50 % en 2012 , soit une baisse de 6,2 points au cours du quinquennat.

Tableau n° 9 : Part des contribuables imposés à l'impôt sur le revenu

Contribuables imposés

Contribuables non imposés

Nombre
(en millions)

Pourcentage

Nombre

Pourcentage

2012

18,2

50,0 %

18,2

50,0 %

2013

19,1

52,0 %

17,6

48,0 %

2014

17,8

47,9 %

19,3

52,1 %

2015

17,0

45,5 %

20,2

54,0 %

2016 (p)

16,1

43,8 %

20,7

56,2 %

(p) : prévisions

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par la direction générale des finances publiques)

Aussi une part toujours plus importante de l'impôt sur le revenu est-elle acquittée par les déciles supérieurs de revenus . Au titre des revenus de l'année 2015, il apparaît que 90 % de l'impôt sur le revenu est payé par 30 % des contribuables, soit ceux dont le revenu imposable excède 28 659 euros (voir tableau ci-après). Par suite, la concentration ne concerne pas uniquement les ménages « aisés », mais aussi les classes moyennes .

Tableau n° 10 : Répartition de l'impôt sur le revenu par déciles de revenus
(revenus 2015*)

Borne inférieure du revenu imposable

Borne supérieure du revenu imposable

Nombre de foyers fiscaux

Nombre de foyers fiscaux imposés*

Revenu imposable

Impôt sur le revenu hors PFO

Md€

%

Md€

%

0

3 221

3 684 743

21 362

2,1

0,2%

-0,02

0,0%

3 221

8 740

3 682 484

34 627

23,1

2,5%

-0,04

-0,1%

8 740

12 405

3 683 156

15 762

39,2

4,2%

-0,08

-0,1%

12 405

15 615

3 684 430

665 371

52,1

5,5%

-0,02

0,0%

15 615

18 694

3 683 481

1 939 122

63

6,7%

1

1,5%

18 694

22 858

3 682 904

2 115 028

75,8

8,0%

2,4

3,5%

22 858

28 659

3 683 406

2 029 581

94,8

10,1%

3,2

4,7%

28 659

36 650

3 683 236

2 575 624

119,3

12,7%

5,1

7,4%

36 650

51 063

3 683 318

3 203 423

158,1

16,8%

9,9

14,4%

51 063

3 683 389

3 537 353

314,8

33,4%

47,2

68,8%

Total

36 834 547

16 137 253

942,3

100%

68,64

100%

* 3 e émission

Source : direction générale des finances publiques

De manière plus générale, la politique menée par le Gouvernement en matière fiscale et sociale au cours du quinquennat a pesé aussi bien sur les ménages aisés que sur les classes moyennes . À en croire l'étude de la direction générale du Trésor figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, si les mesures adoptées au cours du quinquennat ont permis une amélioration de 4,7 % du niveau de vie des ménages du premier décile, cette amélioration est ramenée à 0,8 % à partir du deuxième décile et, surtout, le niveau de vie en ressort dégradé pour l'ensemble des ménages au-delà du sixième décile, c'est-à-dire à partir de 25 230 euros de revenus annuels par adulte.

3. Une dégradation de l'équité fiscale horizontale en défaveur des actifs et des familles

Si le Gouvernement voit dans « la hausse des transferts à destination des ménages modestes et la plus grande contribution des ménages aisés » un accroissement de la « redistributivité du système fiscalo-social français » 36 ( * ) , il n'en demeure pas moins que les mesures adoptées depuis 2012 ont largement contribué à dégrader l'équité fiscale horizontale en traitant différemment des ménages ayant des revenus comparables .

Ainsi, les simulations réalisées par la direction générale du Trésor sur des « ménages ordinaires » montrent, tout d'abord, que la politique gouvernementale a favorisé les célibataires plutôt que les familles . En effet, alors que les célibataires ont vu leur niveau de vie progresser de 0,1 point relativement à l'ensemble de la population, les familles avec enfants ont vu le leur reculer de 0,3 point, en lien, notamment, avec les mesures relatives au quotient familial et aux allocations familiales.

Ensuite, les mesures en matière fiscale et sociale adoptées à l'initiative du Gouvernement ont favorisé les inactifs plutôt que les actifs . Si les inactifs ont bénéficié d'une hausse relative de leur niveau de vie à hauteur de 0,5 point, les actifs ont, eux, constaté une baisse de niveau de vie de 0,3 point également.

Tableau n° 11 : Effets des mesures du quinquennat sur le niveau de vie des ménages par catégorie, en écart à la moyenne de l'ensemble de la population

(en points)

Par configuration familiale

Personne seule

0,1

Couple sans enfant

0,2

Ménages avec enfant(s)

- 0,3

dont famille monoparentale

1,8

Par âge de la personne de référence

Moins de 25 ans

1,0

25 à 29 ans

0,3

30 à 39 ans

- 0,2

40 à 49 ans

- 0,3

50 à 64 ans

- 0,1

65 ans et plus

0,3

Par statut sur le marché du travail de la personne de référence

Actifs de 18 ans et plus

- 0,3

Inactifs de 18 ans et plus

0,5

dont retraités

0,4

Champ : France métropolitaine, ménages ordinaires dont le revenu est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.

Note de lecture : le niveau de vie des ménages dont la personne de référence est âgée de moins de 25 ans a augmenté de 1 point de plus que celui de l'ensemble de la population sous l'effet des réformes évaluées. En effet, le niveau de vie agrégé de ceux-ci a augmenté de 0,4 point alors que celui de l'ensemble de la population a reculé de 0,6 point.

Source : direction générale du Trésor

Par ailleurs, comme le relève l'étude de la direction générale du Trésor, il a été procédé à des transferts intergénérationnels . À cet égard, elle note que le « niveau de vie agrégé des jeunes de moins de 25 ans a [...] augmenté de 0,4 % contre une baisse de 0,6 % en moyenne sur l'ensemble de la population, soit un point de plus » - du fait, notamment, de mesures spécifiquement dédiées, comme l'ouverture de la prime d'activité aux personnes de moins de 25 ans ; par ailleurs, « les ménages dont la personne de référence est âgée de 30 à 55 ans ont davantage contribué que l'ensemble de la population . Enfin, les ménages dont la personne de référence est âgée de plus de 65 ans ont été moins touchés de 0,4 point que les autres par les mesures considérées » - ce qui implique, toutefois, une dégradation du niveau de vie de 0,2 point pour les retraités .

Au total, si l'ensemble des catégories de ménages ont vu leur niveau de vie reculer au cours du quinquennat - à l'exception des jeunes de moins de 25 ans non-étudiants appartenant à un ménage indépendant -, et ce à hauteur de 0,6 point, à en croire l'étude de la direction générale du Trésor, les mesures fiscalo-sociales adoptées par le Gouvernement ont clairement davantage pesé sur les actifs et les familles .

E. UNE HAUSSE DE LA FISCALITÉ INDIRECTE QUI PÈSE SUR TOUS LES MÉNAGES, ET NOTAMMENT SUR LES PLUS MODESTES

Ainsi que cela a été relevé précédemment, il existe une impossibilité méthodologique d'identifier la part des taxes indirectes payées par les ménages et celle pesant sur les entreprises . De telles impositions - comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou la contribution au service public de l'électricité (CSPE) - sont supportées, dans les faits, par ces deux catégories de contribuables (voir supra ) sans que les données issues de la comptabilité nationale ne permettent de distinguer celles acquittées respectivement par les ménages et les entreprises.

1. Des hausses de la fiscalité indirecte supportées par les ménages qui ont freiné la croissance économique...

Pour autant, ceci ne doit pas conduire à renoncer à mesurer les incidences des hausses de la fiscalité indirecte sur les ménages ; à cet égard, il est regrettable que l'étude commandée par le Gouvernement à la direction générale du Trésor sur le « Bilan redistributif 2012-2017 » figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017 ne comprenne pas un exercice de cette nature. Il apparaît, en effet, que les augmentations de taxes indirectes portant sur les ménages durant l'actuelle législature ont significativement pesé sur la croissance économique . Selon les estimations de l'Insee 37 ( * ) , les hausses d'impositions indirectes ont eu un impact de - 0,2 point en 2014 et 2015 ; cet impact serait de - 0,1 point en 2016 - venant même « annuler » l'effet attendu des baisses d'impôt sur le revenu au cours de cette même année.

Tableau n° 12 : Impact sur la croissance des mesures portant sur la fiscalité des ménages

(en points de pourcentage)

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

Fiscalité indirecte

0,0

0,0

0,0

- 0,2

- 0,2

- 0,1

Fiscalité directe

0,0

- 0,4

- 0,7

- 0,4

- 0,1

0,1

Total

0,1

- 0,4

- 0,7

- 0,6

- 0,3

- 0,1

(p) : prévisions

Source : Insee (juin 2016)

L'ampleur des incidences sur la croissance des hausses de la fiscalité indirecte supportée par les ménages, décidées par l'actuel gouvernement, peut surprendre, dès lors que la majorité gouvernementale avait, dès son entrée en fonction, souhaité annuler « la hausse de la TVA programmée par le précédent gouvernement, qui aurait pesé sur le pouvoir d'achat, et notamment sur celui des plus modestes, [...] préservant ainsi la consommation et la croissance » 38 ( * ) . Toutefois, l'Exécutif semble avoir modifié sa position sur ce point, le Président de la République ayant reconnu, en juillet 2015, qu'il aurait dû « gard[er] l'augmentation de TVA » 39 ( * ) décidée à la fin du précédent quinquennat afin de compenser des baisses de charges sociales, elles aussi abrogées en 2012.

Malgré tout, il convient de relever que l'« originalité » de la démarche du Gouvernement réside dans le fait que les hausses de fiscalité indirecte sont intervenues à la suite d'une augmentation très substantielle des impositions directes payées par les ménages . Il ne s'agissait donc pas de réorienter le système fiscal français en accroissant la part relative des taxes sur la consommation - comme avait proposé de le faire la précédente majorité par l'instauration d'une « TVA sociale » en 2012 - qui, selon les services de la Commission européenne, sont « faibles par rapport au reste de l'[Union européenne] » 40 ( * ) , mais bel et bien d'ajouter des hausses de taxes indirectes aux augmentations de la fiscalité directe acquittée par les ménages .

2. ...et pesé davantage sur les ménages les plus modestes

En effet, les mesures nouvelles adoptées en matière de fiscalité indirecte ont été nombreuses au cours du quinquennat . À titre d'exemple, les lois financières pour 2013 prévoyaient déjà une hausse des droits sur la bière , à l'origine d'une augmentation des prélèvements de 0,5 milliard d'euros en 2013. Surtout, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 a procédé à une réforme des taux de la TVA - le taux « normal », notamment, passant de 19,6 % à 20 % à compter du 1 er janvier 2014 - afin de financer, en partie, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Cette mesure a été à l'origine d'une augmentation pérenne du produit de la TVA de 5,4 milliards d'euros.

À cela est venue s'ajouter la réforme de la fiscalité écologique , reposant notamment sur la création de la contribution climat énergie (CCE), ou « taxe carbone », qui a consisté à accroître les tarifs des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles - TICPE, TICGN et TICC. Cette réforme a conduit à une hausse des prélèvements obligatoires de 0,4 milliard d'euros en 2014, de 1,8 milliard d'euros en 2015 et de 1,6 milliard d'euros en 2016. Par ailleurs, les tarifs de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ont crû continûment au cours du quinquennat , la hausse cumulée du rendement de cet impôt s'élevant à près de 4,5 milliards d'euros. Le dynamisme de la CSPE s'est même accru à la suite de la réforme intervenue dans le cadre de de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 41 ( * ) , cette dernière étant associée à un surcroît de recettes estimé à plus d'un milliard d'euros en 2016.

À défaut de pouvoir être exhaustif, il convient néanmoins d'indiquer que différentes mesures ayant eu une incidence sur le montant des taxes indirectes sont intervenues au cours de la présente législature, comme une réforme de la fiscalité des tabacs, ou encore les hausses régulières de cotisations sociales sur les boissons alcoolisées.

Quoi qu'il en soit, comme cela a été relevé, les données de la comptabilité nationale ne permettent pas de distinguer la part des impositions indirectes acquittée par les ménages de celle payée par les entreprises. Aussi est-il difficile de mesurer l'impact des hausses de la fiscalité indirecte survenues au cours du quinquennat sur les ménages .

Pour autant, il est possible d'appréhender cet impact en examinant, sur la base des résultats de l'enquête « Budget de famille » menée en 2011 par l'Insee, l'évolution du poids des principaux prélèvements indirects au sein du budget des ménages lors des dernières années (voir encadré méthodologique ci-après).

En raison de l'existence d'un grand nombre de taxes indirectes, seules les principales d'entre elles ayant connu une évolution significative au cours du quinquennat ont été considérées , soit la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les droits de consommation sur les tabacs, les droits et cotisations sur les alcools, vins et bières, ainsi que la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

En outre, en dépit de leur poids et du fait qu'elles aient été accrues durant les dernières années dans le cadre de la réforme de la fiscalité énergétique (voir supra ), il n'a pas été tenu compte des taxes indirectes portant spécifiquement sur les carburants et le gaz ; en effet, dès lors que les simulations sont réalisées à partir de montants de consommation collectés par l'Insee en 2011, il n'est pas possible de tenir compte de la forte baisse des prix du pétrole et du gaz observée lors de la période récente, qui est venue réduire les assiettes de ces taxes spécifiques. Aussi les faire figurer dans les simulations proposées aurait conduit à surestimer artificiellement le montant des principales taxes indirectes supportées par les ménages.

La mesure de l'évolution du poids des principaux prélèvements indirects
au sein du budget des ménages

Afin d'appréhender l'évolution des principaux prélèvements indirects au sein du budget des ménages, il est possible de s'appuyer sur l'enquête « Budget de famille » menée par l'Insee en 2011, qui permet de connaître le poids des grands postes de consommation des ménages suivant leurs caractéristiques et, notamment, leur niveau de vie.

Tout d'abord, pour chaque poste de consommation, ont été identifiées les taxes indirectes principales s'y appliquant . Ensuite, les différents postes de consommation ont été retraités afin d'obtenir des montants hors taxes - ceux figurant dans les enquêtes « Budget de famille » intégrant les impositions indirectes. Enfin, à partir de ces « bases » a été calculé, pour 2011 et 2015, le montant des principales taxes indirectes acquittées - soit la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la contribution au service public de l'électricité (CSPE), les droits sur les tabacs, ainsi que les taxes et cotisations touchant les alcools, vins et bières. Afin de renforcer la comparabilité des données, ces dernières ne sont pas corrigées des effets de l'inflation et les résultats sont exprimés en euros 2011.

Si la détermination des taux applicables en 2011 et 2015 était aisée pour une imposition comme la TVA, il en allait différemment pour ce qui est des droits de consommation sur les tabacs et des droits et taxes sur les alcools, ou encore de la CSPE, qui sont déterminés en tout ou partie sur la base des quantités consommées. Pour cette raison, ces dernières impositions ont dû être « transformées » en taxes ad valorem , c'est-à-dire assises sur la valeur des biens consommés. S'agissant des alcools, vins, bières et des tabacs, cette opération a reposé sur la confrontation, au titre des années 2011 et 2015, du produit des taxes considérées à la valeur totale des ventes des produits concernés. En ce qui concerne la CSPE, un taux théorique d'imposition évoluant avec les dépenses hors taxes d'électricité a été déterminé à partir des données relatives aux prix de l'électricité publiées par Eurostat.

Les tableaux ci-après font apparaître les résultats des simulations réalisées, qui permettent d'appréhender l'évolution entre 2011 et 2015 du poids des principales impositions indirectes supportées par les ménages en fonction des déciles de niveau de vie .

Sur la base de ces résultats, un premier constat doit être formulé. Il apparaît, en effet, que la fiscalité indirecte pèse, de manière globale, davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés . Ce constat, cohérent avec les études économiques disponibles, qui montrent que la fiscalité indirecte est dégressive, est visible à travers le taux d'effort, mesuré, ici, en rapportant le montant des taxes indirectes acquittées aux dépenses annuelles totales des catégories de ménages considérées, qui permettent d'approcher leur « pouvoir d'achat ». Comme le montre le tableau ci-après, à partir du deuxième décile de niveau de vie, le taux d'effort décroît de manière quasi linéaire avec la progression du niveau de vie. Concrètement, cela signifie qu'hormis pour le premier décile, les taxes indirectes pèsent relativement plus sur les ménages modestes que sur les ménages aisés . Par suite, les augmentations de fiscalité indirecte intervenues au cours du quinquennat ont, d'un point de vue relatif, davantage affecté les ménages modestes.

Tableau n° 13 : Montants des principaux prélèvements indirects acquittés par les ménages
en 2011 et 2015 (hors fiscalité des énergies fossiles)

(en euros 2011)

Ensemble

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7

D8

D9

D10

Année 2011

TVA

2 884,80

1 559,3

1 769,2

1 930,3

2 243,2

2 457,7

2 799,2

3 065,7

3 526,1

4 025,0

5 475,4

Taxes sur les alcools

38,7

19,8

25,6

34

34,1

37,9

44,6

43,6

42,7

51,6

53,4

Taxes sur les tabacs

157,2

155,2

157,9

152,9

178,3

178,7

149,5

147,9

144,8

164,9

140,2

CSPE

51,8

40,1

48,5

41,4

52,9

55,6

58,4

62,9

60,9

63,6

71

Total

3 132,50

1 774,4

2 001,2

2 158,6

2 508,5

2 729,9

3 051,7

3 320,1

3 774,5

4 305,1

5 740,0

Taux d'effort*

8,9

8,0

9,8

9,5

9,5

9,5

9,2

9,0

9,0

9,1

7,9

Année 2015

TVA

2 987,5

1 622,4

1 830,8

1 996,1

2 321,2

2 541,3

2 896,5

3 178,1

3 655,5

4 165,9

5 669,6

Taxes sur les alcools

49,5

26,4

32,7

43,4

44,9

48,7

57,5

54,3

55

65

67,4

Taxes sur les tabacs

156,6

154,7

157,4

152,4

177,8

178,1

149

147,4

144,4

164,3

139,8

CSPE

122,8

95,2

115

98,1

125,3

131,9

138,4

149,2

144,3

150,9

168,4

Total

3 316,4

1 898,7

2 135,9

2 290

2 669,2

2 900

3 241,4

3 529

3 999,2

4 546,1

6 045,2

Taux d'effort*

9,4

8,6

10,5

10,1

10,1

10,1

9,8

9,5

9,5

9,6

8,3

* Le taux d'effort est défini comme le rapport entre le montant des taxes indirectes acquittées et les dépenses annuelles totales des ménages - intégrant non seulement les dépenses de consommation, mais aussi les impôts directs payés, les remboursements de prêts, les dépenses de travaux immobiliers, etc.

Source : commission des finances du Sénat

Un tel constat est d'autant plus préoccupant que la hausse de la fiscalité indirecte supportée par les ménages depuis le début du quinquennat a été substantielle . Ainsi que le fait apparaître le tableau ci-après, le montant des principaux prélèvements indirects acquittés par les ménages a progressé de 184 euros en moyenne entre 2011 et 2015, soit de près de 6 %. En somme, la perte de pouvoir d'achat intervenue entre 2011 et 2015 s'élève à 124 euros pour les ménages du premier décile de niveau de vie et de 305 euros pour ceux du dernier décile .

Aussi les montants en jeu sont-ils loin d'être négligeables. À titre de comparaison, le gain moyen résultant de l'allègement pérenne d'impôt sur le revenu intervenu en 2015 approchait 333 euros pour les ménages du cinquième décile de niveau de vie ; par conséquent, plus de la moitié de la baisse d'impôt sur le revenu de 2015 a été « absorbée » par la hausse des taxes indirectes observée entre 2011 et 2015 , de 170 euros pour les ménages considérés.

Tableau n° 14 : Évolution du montant des principaux prélèvements indirects acquittés par les ménages
entre 2011 et 2015 (hors fiscalité des énergies fossiles)

(en euros 2011)

Ensemble

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7

D8

D9

D10

Variation 2015/2011

183,9

124,3

134,7

131,4

160,7

170,1

189,7

208,9

224,7

241,0

305,2

+ 5,9 %

+ 7,0 %

+ 6,7 %

+ 6,1 %

+ 6,4 %

+ 6,2 %

+ 6,2

+ 6,3 %

+ 6,0 %

+ 5,6 %

+ 5,3 %

Source : commission des finances du Sénat

Dans ces conditions, l'amélioration du niveau de vie des ménages les plus modestes découlant des mesures fiscalo-sociales tout au long du quinquennat , qui a été mise en évidence dans l'étude de la direction générale du Trésor intitulée « Bilan redistributif 2012-2017 » figurant dans rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, se doit d'être relativisée . L'augmentation des impositions indirectes au cours de la période 2012-2015 a affecté le niveau de vie des ménages, en particulier des plus modestes en raison du caractère dégressif de la fiscalité indirecte. Or, ce phénomène devrait s'intensifier en raison de l'accroissement de certaines taxes indirectes en 2016 et 2017 , dont la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et la fiscalité écologique. Ceci concourt pleinement à ce que les ménages continuent de ressentir les effets du « choc » fiscal qui a ouvert la présente législature.

II. UNE POLITIQUE ERRATIQUE D'ALLÈGEMENT DE LA CHARGE FISCALE DES ENTREPRISES

Pas plus que les ménages, les entreprises n'ont été épargnées par le « choc » fiscal du début du quinquennat. Toutefois, non sans un certain paradoxe, dès la fin de l'année 2012, le Gouvernement a souhaité engager une politique de baisse des charges des entreprises par la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Dès lors qu'à ce dernier sont venues, à partir de 2014, s'ajouter les mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité, les prélèvements supportés par les entreprises ont globalement reculé au cours de la présente législature .

Pour autant, il n'en demeure pas moins que la politique gouvernementale à l'égard des entreprises a conservé l'instabilité et l'incohérence des débuts , le Gouvernement n'hésitant pas à revenir sur les engagements pris en matière de baisse de la fiscalité, ou encore à solliciter la trésorerie des entreprises. Dans ces conditions, il n'est nullement surprenant que l'attractivité du territoire français ait continué à se dégrader au cours du quinquennat.

A. UNE HAUSSE INITIALE DE L'IMPOSITION DES ENTREPRISES...

Au titre de 2012 et 2013, les hausses cumulées d'impositions portant sur les entreprises ont atteint 15,5 milliards d'euros - dont 12,5 milliards d'euros à l'initiative de la nouvelle majorité gouvernementale, du fait des mesures adoptées dans le cadre des lois financières de l'été et de l'automne 2012.

1. 3,5 milliards d'euros de hausses d'impôt votées à l'été 2012

Moins élevées que pour les ménages, les augmentations d'impôt prévues par la loi de finances rectificative du 16 août 2012 n'en ont pas moins été significatives pour les entreprises . En effet, cette dernière a été à l'origine d'une augmentation cumulée des prélèvements sur les entreprises de 3,5 milliards d'euros, dont 3,3 milliards d'euros pour les années 2012 et 2013. En particulier, elle prévoyait l' instauration de la taxe de 3 % sur les dividendes distribués , à l'origine d'un accroissement de recettes de 2 milliards d'euros en 2012-2013, ou encore le doublement du taux de la taxe de risque systémique , pour 0,8 milliard d'euros.

À cela, sont venues s'ajouter des mesures comme la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks pétroliers , visant à faire participer ponctuellement le secteur pétrolier, à hauteur de 0,6 milliard d'euros, « à l'effort de redressement des finances publiques » 42 ( * ) . Selon une logique analogue, consistant à rechercher des recettes fiscales permettant d'afficher une amélioration de la situation budgétaire, le Gouvernement a prévu un paiement avancé, en 2012, de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés due au titre de 2013 , pour un montant de 1 milliard d'euros. Ainsi, dès l'été 2012, la nouvelle majorité gouvernementale sollicitait la trésorerie des entreprises à des fins d'« affichage », inaugurant une pratique qui allait se répéter au cours du quinquennat (voir infra ).

2. Une nouvelle augmentation d'impôt de 9,4 milliards d'euros en 2013

Toutefois, la hausse des prélèvements sur les entreprises a été bien plus substantielle à l'automne 2012 , dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013. En effet, ces textes ont été à l'origine d' une augmentation de ces prélèvements de 9,4 milliards d'euros en 2013 - augmentation qui atteint 10,2 milliards d'euros s'il est tenu compte des effets des mesures figurant dans le collectif de l'été 2012 (voir supra ).

Parmi les principales mesures adoptées à l'automne 2012, peuvent être citées la limitation de la déductibilité des charges financières (3,7 milliards d'euros en 2013), les mesures sectorielles de fiscalité des entreprises d'assurance (0,9 milliard), la limitation de l'imputation des déficits (1 milliard d'euros), la reconduction de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés (0,3 milliard d'euros), ou encore la réforme de la taxe sur les salaires (0,5 milliard d'euros). En outre, le Gouvernement a procédé à une réforme du « cinquième acompte » de l'impôt sur les sociétés afin d'avancer la perception du produit de ce dernier à hauteur de 1 milliard d'euros en 2013 (voir infra ).

Aussi certaines des mesures figurant dans les textes financiers pour 2013 ne présentaient-elles pas de conséquences pérennes ; au total, la hausse durable des prélèvements liée à ces derniers représentait environ 5 milliards d'euros en 2016.

3. Une hausse totale des prélèvements sur les entreprises de 15,5 milliards d'euros en 2012 et 2013

Le « choc » fiscal auquel les entreprises ont été exposées s'est élevé, en 2012 et 2013, à 15,5 milliards d'euros environ . Il apparaît que l'essentiel de cette hausse - soit 12,5 milliards d'euros - a été le fait de la majorité gouvernementale issue des élections de 2012. En effet, les mesures contribuant à accroître les prélèvements sur les entreprises adoptées par la précédente majorité représentaient moins de 3 milliards d'euros au cours des années considérées ; encore, celle-ci avait prévu un allègement des cotisations sociales employeurs de 13,2 milliards d'euros, annulé à l'été 2012, qui devait permettre un recul des charges supportées par les entreprises dès 2013.

B. ...IMMÉDIATEMENT SUIVIE D'UNE BAISSE ?

Non sans contradiction, à la suite de l'augmentation significative de la fiscalité des entreprises dans le cadre du collectif de l'été 2012 et des lois financières pour 2013, il a été procédé à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont la finalité était de réduire les charges supportées par ces mêmes entreprises par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 43 ( * ) . Ce dispositif, qui ne produisait néanmoins des effets qu'à compter de 2014, a été complété par le Pacte de responsabilité et de solidarité , annoncé en janvier 2014, dont les premières mesures sont entrées en vigueur en 2015. Malgré cela, le Gouvernement a procédé à une nouvelle hausse de la fiscalité des entreprises en 2014 , contribuant à rendre peu intelligible la stratégie fiscale poursuivie.

1. Le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité

La politique de baisse des charges reposant sur les entreprises a essentiellement reposé sur le déploiement du CICE et du Pacte de responsabilité . Il convient de relever qu'en dépit de la volonté affichée de procéder précocement à une réduction de la fiscalité des entreprises, le CICE n'a bénéficié à ces dernières qu'à compter de 2014 ; en effet, ce crédit d'impôt a nécessairement un « effet retard », dès lors qu'il ne peut être déduit du montant d'impôt sur les sociétés dû qu'à compter de l'année suivant celle de constitution la créance, le remboursement du solde éventuel n'intervenant qu'à l'issue de quatre ans 44 ( * ) . Un tel effet était voulu par le Gouvernement, dès lors qu'il permettait d'afficher une diminution des charges afférentes à l'année 2013, encore que le bénéfice du dispositif et ses incidences budgétaires ne fussent perceptibles qu'à partir de 2014.

En tout état de cause, selon les annonces du Gouvernement, le CICE et le Pacte de responsabilité devaient permettre une baisse des prélèvements sur les entreprises de près de 40 milliards d'euros à l'horizon 2017 , à laquelle sont venus s'ajouter les effets des mesures en faveur de l'investissement ainsi que des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Le pacte précité comportait, initialement, des allègements de cotisations sociales, une suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), la suppression de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés et une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.

Pour autant, il faut souligner qu'en juin dernier, le Gouvernement a renoncé à supprimer la C3S et à procéder à une réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés en 2017 - celle-ci ne devant bénéficier, in fine , qu'aux PME -, aboutissant à minorer, pour cette année, le montant du Pacte de responsabilité et de solidarité de 5 milliards d'euros (voir infra ).

Il n'en demeure pas moins que, selon les estimations gouvernementales, les créances de CICE additionnées aux mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité représenteraient une réduction cumulée des prélèvements sur les entreprises de 32 milliards en 2016 (voir tableau ci-après).

Tableau n° 15 : Mesures en faveur des entreprises révisées en 2016

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 11,0

- 17,0

- 18,0

- 19,0

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 14,0

- 15,5

dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 2,0

dont fin de la contribution exceptionnelle

-

-

- 3,0

- 3,0

dont baisse du taux d'IS

-

-

-

- 0,5

Total

- 11,0

- 23,5

- 32,0

- 34,5

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

2. De nouvelles hausses d'impôts en 2014

Ainsi que cela a été indiqué précédemment, en dépit de la mise en place du CICE et de l'annonce du Pacte de responsabilité et de solidarité, le Gouvernement a procédé à de nouvelles augmentations des impositions acquittées par les entreprises en 2014 . En particulier, en même temps que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 comprenait les dispositifs permettant les premiers allègements de cotisations patronales prévues par le Pacte de responsabilité et de solidarité en 2015, la loi de finances, elle, procédait à une majoration de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés , pour un effet ponctuel de 1,8 milliard d'euros en 2014, ou encore à la création d'une taxe sur les hautes rémunérations versées par les entreprises (0,3 milliard d'euros en 2014). Au total, des mesures nouvelles concernant les entreprises d'un montant de 2,7 milliards d'euros sont venues contrebalancer les premiers effets du CICE.

En outre, au cours de l'année 2014, la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés a été prolongée d'un an par la loi de finances rectificative du 8 août 2014, représentant un surcroît de recettes de 2,5 milliards d'euros en 2015 ; de même, en raison des critiques formulées par la Commission européenne concernant le projet de budget français pour 2015 dans le cadre du Two Pack , la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 a, notamment, prévu la non-déductibilité de certaines taxes comme la taxe de risque systémique (0,4 milliard d'euros en 2015) et une majoration de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) (0,2 milliard d'euros).

3. Une réduction cumulée des prélèvements sur les entreprises de 16 milliards d'euros entre 2012 et 2016

Malgré ces dernières hausses d'impositions, les prélèvements sur les entreprises ont, de manière cumulée, reculé de 16 milliards d'euros entre 2012 et 2016 ; cette évolution découle, pour 12,5 milliards d'euros environ, des mesures adoptées par l'actuelle majorité gouvernementale, celles votées avant mai 2012 et maintenues après les élections ayant, elles aussi, contribué à la baisse du niveau des prélèvements entre 2013 et 2016.

Ceci signifie que , sur l'ensemble du quinquennat, les baisses de prélèvements décidées par la majorité gouvernementale en exercice sont restées inférieures dans leur montant aux allègements des cotisations sociales employeurs prévues par la précédente majorité dans le cadre de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012, qui s'élevaient à 13,2 milliards d'euros et auraient dû s'appliquer dès 2013 .

C. LES RENONCEMENTS OPPORTUNS DE JUIN 2016

Outre le fait que les réductions de prélèvements au profit des entreprises ont été d'une ampleur qui doit être relativisée au regard de ce que la majorité précédente avait déjà décidé et, surtout, tardives, il y lieu de relever l'inconséquence de la politique fiscale mise en oeuvre , cette dernière se caractérisant par une forte instabilité et une prévisibilité réduite. En particulier, en juin 2016, le Gouvernement a significativement modifié le contenu du Pacte de responsabilité et de solidarité , comme l'avait déjà mis en évidence votre rapporteur général lors du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) qui s'est tenu au mois de juillet dernier 45 ( * ) .

Au regard des éléments issus du projet de loi de finances pour 2017, il apparaît que le Gouvernement est revenu sur les engagements pris au cours des dernières années en matière fiscale afin de permettre, sur le papier, un retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 tout en s'autorisant un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense publique - les objectifs d'évolution de cette dernière étant substantiellement revus à la hausse par rapport au programme de stabilité transmis aux institutions européennes en avril 2016.

1. Une minoration du Pacte de responsabilité et de solidarité de 5 milliards d'euros...

Comme le fait apparaître le tableau ci-après issu du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016, qui retraçait le calendrier de déploiement des mesures en faveur des entreprises initialement annoncé par le Gouvernement, les mesures en faveur des entreprises devaient permettre une baisse de prélèvements atteignant, au total, 41 milliards d'euros au titre de la période 2014-2017
- dont 20,5 milliards d'euros pour le seul Pacte de responsabilité.

Tableau n° 16 : Mesures en faveur des entreprises initialement prévues

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 10,0

- 17,5

- 18,5

- 19,5

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 13,5

- 20,5

dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 5,5

dont fin de la contribution exceptionnelle puis baisse du taux d'IS

-

-

- 2,5

- 4,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,0

- 1,0

Total des mesures en faveur des entreprises

- 10,0

- 24,0

- 33,0

- 41,0

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

Toutefois, le montant des mesures en faveur des entreprises est révisé à 39,5 milliards d'euros dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 , ainsi que le montre le tableau ci-après. Encore cette estimation tient-elle désormais compte du plan d'urgence en faveur de l'emploi et des allègements de charges sociales des agriculteurs - s'élevant à 3,5 milliards d'euros - qui, fondamentalement, répondent à une logique distincte des mesures de diminution générale de la fiscalité des entreprises.

Tableau n° 17 : Mesures en faveur des entreprises révisées en 2016

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 11,0

- 17,0

- 18,0

- 19,0

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 14,0

- 15,5

dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 2,0

dont fin de la contribution exceptionnelle

-

-

- 3,0

- 3,0

dont baisse du taux d'IS

-

-

-

- 0,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,5

- 1,5

Plan emploi

-

-

- 2,0

- 3,0

Allègements de charges sociales des agriculteurs

-

-

- 0,5

- 0,5

Total des mesures en faveur des entreprises

- 11,0

- 24,0

- 36,0

- 39,5

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

Quoi qu'il en soit, le Pacte de responsabilité ne représenterait plus que 15,5 milliards d'euros de baisse des prélèvements - contre une prévision initiale de 20,5 milliards d'euros. Le Gouvernement a renoncé à la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et à la première réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés (IS). En somme, le montant du Pacte de responsabilité a été réduit de 5 milliards d'euros pour l'exercice 2017 .

2. ...en vue d'assurer un retour du déficit en deçà de 3 % du PIB

En lieu et place des mesures ainsi annulées ou reportées, le Gouvernement propose, dans le projet de loi de finances pour 2017, un relèvement du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à 7 %, un renforcement des allègements de cotisations des travailleurs indépendants et une réduction du taux de l'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME) .

Sur le fonds, deux remarques semblent devoir être formulées. En premier lieu, l'inconstance de la politique fiscale peut être regrettée , dans la mesure où elle vient accroître le manque de prévisibilité souvent reproché à l'environnement fiscal français. Si l'effort en faveur des PME et des travailleurs indépendants est louable, revenir sur des promesses de baisses des prélèvements concernant aussi les grandes entreprises est hautement contreproductif en termes d'attractivité de notre territoire et de compétitivité de notre économie .

Au-delà de la pertinence discutable de cette modification inopinée du contenu du Pacte de responsabilité, il convient de noter l'opportunité que celle-ci représente d'un point de vue comptable . En effet, les mesures de « substitution » ont, pour la plupart d'entre elles, un effet limité, voire nul, sur le déficit public de l'année 2017. Ainsi, concernant le relèvement du taux du CICE , son impact sur le solde public ne sera observé, en application des règles de comptabilité nationale, que l'année de constat de la créance
- soit celle où les bénéficiaires déclareront fiscalement leur crédit d'impôt -, c'est-à-dire au plus tôt en 2018. Aussi le Gouvernement anticipe-t-il un coût de 3 milliards d'euros en 2018 pour cette mesure. De même, la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les PME représenterait une baisse de 300 millions d'euros des recettes publiques collectées en 2017. Le renforcement des allègements de cotisations des travailleurs indépendants aurait, lui, une incidence de 150 millions d'euros au titre de l'exercice 2017.

Ainsi, tout en feignant de maintenir inchangé le montant total des mesures en faveur des entreprises, le Gouvernement « transforme » 5 milliards d'euros de baisses des prélèvements dans le cadre du Pacte de responsabilité en réduction d'impôts de 450 millions d'euros en 2017... Si l'effet de ces mesures sur le déficit public n'en sera que plus limité, le « gain » fiscal effectif pour les entreprises le sera tout autant.

Par ailleurs, des hausses « ponctuelles » d'impositions sur les entreprises sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2017 en vue de « sécuriser » le retour du déficit effectif sous le seuil de 3 % du PIB en 2017, venant, encore une fois, solliciter leur trésorerie .

D. LES ENTREPRISES, « MONTS-DE-PIÉTÉ » CONTRAINTS DE L'ÉTAT ?

À plusieurs reprises, en effet, les entreprises ont vu la chronique du paiement de leurs impôts « avancée » afin de permettre au Gouvernement d' afficher une amélioration de façade de la situation budgétaire . Cette pratique, apparue dès le début de l'actuelle législature, est répétée avec une ampleur particulière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 en vue d'assurer un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB au cours du prochain exercice. Aussi, à bien des égards, les entreprises sont apparues au cours du présent quinquennat comme des « monts-de-piété » contraints du Gouvernement afin de financer l'atteinte de ses objectifs budgétaires .

1. Une sollicitation précoce de la trésorerie des entreprises...

Dès la loi de finances rectificative du 14 août 2012, comme cela a déjà été relevé, un paiement avancé, en 2012, de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés dû au titre de 2013 a été acté. De même, la loi de finances pour 2013 a procédé à une modification du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés applicable aux grandes entreprises . En effet, alors qu'en vertu de l'article 1668 du code général des impôts, les entreprises redevables de l'impôts sur les sociétés versent quatre acomptes trimestriels provisionnels et ne procèdent à la liquidation du solde de l'impôt dû qu'à l'issue de la clôture de l'exercice concerné, les grandes entreprises, soit celles dont le chiffre d'affaires excède 250 millions d'euros, sont tenues de moduler le montant du dernier acompte en fonction de l'augmentation prévisionnelle de leur résultat ; cette modulation est appelée « cinquième acompte ».

Aussi, à la fin de l'année 2012, le Gouvernement a-t-il modifié les règles encadrant le calcul de ce cinquième acompte de manière à ce que, d'une part, davantage d'entreprises soient concernées et, d'autre part, que ces dernières versent une plus grande part de l'impôt dû avant la fin de l'année 2013 , et ce afin d'améliorer le solde de cet exercice à hauteur d'un milliard d'euros. Au total, sans modifier le montant d'impôt acquitté par les grandes entreprises, le Gouvernement en a accéléré le recouvrement.

2. ...répétée dans le cadre du projet de budget pour 2017

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, il est proposé de répéter cette opération et de solliciter de nouveau la trésorerie des grandes entreprises par le biais d'une modification des règles de calcul du cinquième acompte au cours de l'année à venir, à hauteur de 460 millions d'euros 46 ( * ) . À cet égard, le Gouvernement ne dissimule aucunement la finalité de cette mesure, indiquant qu'elle vise à « renforcer le lien temporel entre bénéfice imposable et paiement de l'impôt et [à] réduire les déficits publics » 47 ( * ) . Il s'agit donc bien de contribuer au retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017 - qui constitue un objectif central du projet de loi de finances.

Suivant une logique identique, le Gouvernement envisage l'institution d'un acompte pour le paiement de la majoration de taxe sur les surface commerciales (Tascom) 48 ( * ) , permettant la perception anticipée, en 2017, de 100 millions d'euros par l'État et, à l'initiative de nos collègues députés, de 380 millions d'euros par les collectivités territoriales. De même, le projet de loi de finances tend à harmoniser le champ d'application de l'acompte de prélèvement forfaitaire 49 ( * ) , associé à une recette de 380 millions d'euros en 2017.

Au total, de manière à assurer - du moins, sur le papier - le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017, l'actuelle majorité gouvernementale propose, dans le cadre du projet de de finances en cours d'examen, une perception anticipée, en 2017, de 1,3 milliard d'euros d'impositions dues par les entreprises en 2018 .

Il fait peu de doute que le recours répété à de telles pratiques contribue à ce que notre système fiscal soit perçu comme particulièrement instable par les acteurs économiques , participant à la perte d'attractivité de notre territoire.

E. UNE PERTE D'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE FRANÇAIS

La baisse toute relative des prélèvements sur les entreprises au cours du quinquennat - qui reste, en tout cas, inférieure à la réduction des charges patronales qui était prévue par la précédente majorité à compter de 2013 (voir supra ) -, de même que l' instabilité de la politique fiscale menée et les sollicitations répétées de la trésorerie des entreprises à des fins budgétaires ont indubitablement contribué au déclin de l'attractivité du territoire français.

1. Un coût du travail qui reste relativement élevé en France

Tout d'abord, il apparaît qu'en dépit des mesures adoptées depuis le début du quinquennat afin de réduire la fiscalité pesant sur le travail, comme le déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité, « la France affiche toujours des coûts salariaux parmi les plus élevés de la zone euro, principalement en raison du niveau élevé des cotisations sociales patronales » 50 ( * ) , ainsi que l'ont relevé les services de la Commission européenne dans le cadre de la procédure pour déséquilibres macroéconomiques en février 2016. À cet égard, selon les données figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017, le coût horaire de la main d'oeuvre dans l'industrie s'élevait, en 2015, à 37,6 euros en France, contre une moyenne de 32,3 euros dans la zone euro .

Certes, force est de constater que l'évolution des coûts salariaux unitaires a été, en moyenne, moins dynamique en France (+ 3,3 % entre 2012 et 2015) que dans la zone euro prise dans son ensemble (+ 4,9 %) ; pour autant, « les pertes de compétitivité accumulées au cours des années précédentes subsistent » 51 ( * ) . Un tel constat tend à démontrer qu'il aurait été préférable de procéder, dès le début du quinquennat, à une baisse significative des charges des entreprises, plutôt qu'à une réduction progressive de celles-ci comme cela a été le cas. En effet, le Gouvernement est, tout au plus, parvenu à « freiner » les pertes de compétitivité-coût de l'économie française, mais nullement à combler le retard français en ce domaine .

Tableau n° 18 : Coûts horaires de la main d'oeuvre dans l'industrie
(hors construction)

(en euros)

2000

2004

2008

2012

2013

2014

2015

Allemagne

27,7

31,2

32,5

35,2

36,3

37,1

38,0

France

25,4

29,7

33,1

36,4

36,7

37,1

37,6

Italie

18,1

22,6

24,1

27,2

27,7

28,0

28,0

Espagne

14,6

17,9

20,8

23,0

23,3

23,4

23,3

Zone euro (17 pays)

22,3

25,1

27,4

30,8

31,4

32,0

32,3

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

2. Une fiscalité du capital plus lourde en France, susceptible de freiner les investissements étrangers

En plus de continuer à peser sur le travail, il apparaît également que la fiscalité est plus lourde sur le capital en France que chez nos principaux partenaires européens . Alors qu'elle représente, dans notre pays, 10,5 % du PIB, elle s'élève à 8,2 % en moyenne dans l'Union européenne, 6,2 % en Allemagne, 7,7 % en Espagne et 9,2 % au Royaume-Uni (voir graphique ci-après).

Graphique n° 19 : Effets des mesures relatives à l'imposition sur le revenu et des mesures sociales adoptées au cours du quinquennat sur le niveau de vie

(en % du PIB)

Note méthodologique : la définition de la fiscalité du capital utilisée pour construire ce graphique est cette retenue par Eurostat - intégrant la contribution sociale sur les bénéfices et contributions exceptionnelle - afin de pouvoir établir une comparaison entre les différents pays européens. En particulier, les impôts sur le « stock de capital » sont une catégorie hétérogène qui correspond aux taxes sur le patrimoine (dont l'ISF), sur les transferts de capital à titre gratuit (donations, successions) ou onéreux (DMTO, taxe sur les transactions financières) ainsi qu'à une partie des taxes pesant sur la production : foncier, utilisation du capital fiscal, licences, etc.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

Or, comme le relève lui-même le Gouvernement dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017, « ce poids élevé de la fiscalité du capital en France par rapport à nos partenaires européens peut constituer un frein aux investissements étrangers. L'impôt sur les sociétés est, en particulier, un des éléments déterminants des stratégies de localisation des activités productives puisqu'il intervient dans le calcul du coût réel brut du capital. À cet égard, le taux nominal maximal d'IS en France, supérieur de 15 points en 2015 à la moyenne de l'UE à 28, peut constituer un signal négatif » 52 ( * ) . Ceci tend à montrer, encore une fois, le caractère peu opportun du report de la baisse du taux légal de l'impôt sur les sociétés qui avait été, initialement, annoncée par le Gouvernement pour 2017 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité (voir supra ).

3. Une perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises

Dans ces conditions, il n'est guère étonnant qu'une perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises soit observée 53 ( * ) . Bien évidemment, de nombreux facteurs sont susceptibles d'intervenir dans les choix de localisation des centres de décision, comme la qualité des infrastructures de transport, ou encore la présence, sur le territoire, d'autres centres de décision 54 ( * ) ; pour autant, la littérature économique a également mis en évidence le fait que la fiscalité sur les bénéfices et sur les revenus du travail pouvait jouer négativement sur les décisions de localisation - les activités intenses en main d'oeuvre qualifiée étant, en particulier, sensibles au niveau et à la progressivité des barèmes d'imposition 55 ( * ) . Or, la France continue d'afficher une fiscalité élevée sur les entreprises et les mesures adoptées par la majorité gouvernementale actuelle ont considérablement accru la taxation des tranches supérieures des revenus du travail (voir supra ) - ces éléments venant s'ajouter au caractère instable et imprévisible de la politique fiscale mise en oeuvre.

Ainsi, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, indiquait en 2015 : « À juste titre, mon prédécesseur avait demandé un rapport à l'inspection générale des finances sur les risques de délocalisation des grands groupes [...]. Lorsque l'on regarde la réalité des choses, plus du quart de nos entreprises du CAC 40 est en train de se détricoter via leur comité directeur. C'est cela la réalité de notre économie ! » 56 ( * ) . En effet, dans le rapport précité de l'Inspection générale des finances 57 ( * ) , s'il est noté que la France « enregistre peu de délocalisations complètes, dites "sèches" » 58 ( * ) , les auteurs relèvent, d'une part, l'existence d'un « mouvement de pertes de substance des quartiers généraux déjà implantés » 59 ( * ) , se traduisant par la délocalisation de certaines fonctions comme la trésorerie ou la gestion des ressources humaines, qui vise à « vider de leur substance les quartiers généraux, qui deviennent alors des coquilles juridiques » 60 ( * ) et, d'autre part, « un assèchement des flux de nouvelles localisations ». À ce titre, six implantations de centres de décision en France auraient été observées en 2012, aucune en 2013, contre 24 en 2010.

De même, une étude publiée en avril 2016 par le Conseil d'analyse économique (CAE) confirme le recul de la France dans le classement des principaux pays d'accueil des centres de décision en Europe , relevant qu'« entre 1980 et 2012, la France recule de la 1 ère à la 4 e place, tandis que l'Allemagne passe de la 4 e place à la 1 ère place » 61 ( * ) ; même, s'il est tenu compte de la taille des centres de décision, la France est rétrogradée à la sixième place.

III. ET TOUT CELA... POUR UNE MAÎTRISE LIMITÉE DES DÉFICITS ET DE LA DETTE PUBLIQUE

Indéniablement, les débuts du quinquennat qui s'achève ont été marqués par un véritable « choc » fiscal, dont les effets sur les ménages persistent , du fait des hausses d'impositions indirectes, mais aussi parce que les prélèvements directs supportés par ces derniers demeurent supérieurs de 31 milliards d'euros à leur niveau de 2011 ; de même, en dépit du déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité, la réduction des charges pesant sur les entreprises au cours de la présente législature se révèle inférieure à celle qui avait été initialement programmée, pour 2013, par l'ancienne majorité gouvernementale (voir supra ).

Pour autant, force est de constater que le redressement des comptes publics au cours du quinquennat a été relativement limité ; en effet, au cours des années passées, l'assainissement des finances publiques a été moins rapide en France que dans le reste de la zone euro, ce qui explique que notre pays continue d'afficher un déficit public et une dette relativement plus élevés que ses partenaires européens. À n'en pas douter, une telle situation est liée au fait que la « ponction » fiscale opérée ne s'est pas accompagnée d'une maîtrise suffisante de la dépense publique .

A. UN REDRESSEMENT LIMITÉ DES COMPTES PUBLICS...

Alors qu'elle affiche une situation budgétaire plus dégradée que ses partenaires européens - en particulier, elle figure parmi les derniers États de la zone euro à être soumis à la procédure de déficit excessif -, la France a réduit son déficit public moins rapidement que ces derniers, en lien avec un ajustement structurel moins élevé que la moyenne .

1. Une réduction moins rapide du déficit en France que dans le reste de la zone euro...

Ainsi que le fait apparaître le tableau ci-après, la France a réduit son déficit public effectif de 1,6 point de PIB entre 2011 et 2015, contre 2,1 point de PIB en moyenne dans la zone euro - soit un écart de 0,5 point.

Tableau n° 20 : Évolution du solde effectif dans la zone euro (2011-2015)

(en points du PIB)

2011

2012

2013

2014

2015

Variation 2015/2011

Zone euro

- 4,2

- 3,6

- 3,0

- 2,6

- 2,1

2,1

Allemagne

- 1,0

0,0

- 0,2

0,3

0,7

1,7

France

- 5,1

- 4,8

- 4,0

- 4,0

- 3,5

1,6

Italie

- 3,7

- 2,9

- 2,7

- 3,0

- 2,6

1,1

Espagne

- 9,6

- 10,5

- 7,0

- 6,0

- 5,1

4,5

Pays-Bas

- 4,3

- 3,9

- 2,4

- 2,3

- 1,9

2,4

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

Certes, notre pays - comme les autres États européens - a été confronté à une conjoncture défavorable , conduisant à une stagnation, voire à une dégradation du solde conjoncturel. Malgré tout, il convient de relever que la France a procédé à un ajustement structurel - soit à une réduction du solde structurel, qui permet, dans une certaine mesure, d'écarter les effets des aléas conjoncturels - légèrement moins élevé que la moyenne de la zone euro . En effet, le solde structurel a été minoré de 2,5 points de PIB en France entre 2011 et 2015, alors qu'il a reculé de 2,6 points de PIB dans la zone euro (voir tableau ci-après).

Il ne saurait être question de prétendre que l'ajustement structurel intervenu en France entre 2011 et 2015 était mineur ; s'il était élevé, il ne l'était toutefois pas suffisamment compte tenu de la situation relativement plus dégradée des finances publiques en France .

Tableau n° 21 : Évolution du solde structurel dans la zone euro (2011-2015)

(en points du PIB)

2011

2012

2013

2014

2015

Variation 2015/2011

Zone euro

- 3,6

- 2,1

- 1,4

- 1,1

- 1,0

2,6

Allemagne

- 1,3

- 0,2

0,1

0,8

0,8

2,1

France

- 5,1

- 4,2

- 3,3

- 2,9

- 2,6

2,5

Italie

- 3,3

- 1,5

- 1,0

- 1,2

- 1,1

2,2

Espagne

- 6,2

- 3,4

- 2,0

- 1,9

- 2,8

3,4

Pays-Bas

- 3,6

- 2,1

- 1,0

- 0,7

- 1,2

2,4

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

2. ...alors qu'elle figure parmi les derniers États européens à faire l'objet d'une procédure de déficit excessif...

En effet, notre pays figure parmi les derniers États européens à faire l'objet d'une procédure de déficit excessif en application du Pacte européen de stabilité et de croissance (PSC). En 2012, dix-sept pays de l'Union européenne étaient encore concernés par cette procédure, nombre réduit à neuf à compter de 2015. Aussi en 2015 la France comptait-elle parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit public supérieur à 3 % du PIB , aux côtés de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. À en croire les dernières prévisions de la Commission européenne, il devrait en aller de même en 2016 voire, possiblement, en 2017, cette dernière anticipant un déficit public effectif de respectivement 3,3 % et 2,9 % du PIB pour ces deux années en France - mais de 3,1 % du PIB en 2018.

Graphique n° 22 : Le solde public dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

3. ...et affiche l'une des dettes publiques parmi les plus élevées d'Europe

La moindre rapidité du redressement des comptes publics en France transparaît également à travers l'évolution du poids de la dette publique dans la richesse nationale entre 2011 et 2015 . Ainsi, la part de la dette publique dans le PIB a crû de 11 points en France, contre une moyenne de 4,3 points dans la zone euro.

Tableau n° 23 : Évolution de la dette publique dans la zone euro (2011-2015)

(en points du PIB)

2011

2012

2013

2014

2015

Variation 2015/2011

Zone euro

86,1

89,5

91,3

92

90,4

4,3

Allemagne

78,7

79,9

77,5

74,9

71,2

- 7,5

France

85,2

89,5

92,3

95,3

96,2

11,0

Italie

116,5

123,3

129,0

131,9

132,3

15,8

Espagne

69,5

85,7

95,4

100,4

99,8

30,3

Pays-Bas

61,6

66,4

67,7

67,9

65,1

3,5

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

Au total, la dette publique française représentait 96,2 % du PIB en 2015, soit environ 6 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro .

B. ...DÈS LORS QUE LES HAUSSES D'IMPÔTS SE SONT ACCOMPAGNÉES D'UNE MAÎTRISE LIMITÉE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait peu ou prou une répartition égale des efforts de redressement des finances publiques entre les mesures en prélèvements obligatoires et les dépenses entre 2012 et 2016 .

Tableau n° 24 : Répartition de l'effort structurel entre mesures nouvelles
et efforts en dépenses (2012-2016)

(en % du PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Effort structurel

1,3

1,2

0,5

0,5

0,4

3,9

Mesures nouvelles en PO

1,2

1,4

0,2

- 0,1

- 0,2

2,5

Effort en dépenses

0,1

- 0,2

0,4

0,5

0,5

1,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports économiques, sociaux et financiers (RESF) annexés aux projets de lois de finances pour 2014, 215, 2016 et 2017)

Toutefois, force est de constater qu'au cours de cette période, l'effort structurel a reposé pour deux tiers sur les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et pour un tiers seulement sur des efforts en dépenses . Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ont contribué, entre 2012 et 2015, à hauteur de 2,5 points de PIB à l'effort structurel cumulé constaté au cours de cette période , en tenant compte des baisses de prélèvements intervenues en 2015 et 2016. Les efforts en dépenses se sont élevés, quant à eux, à 1,3 point de PIB entre 2012 et 2015.

Aussi apparaît-il que la « ponction » fiscale opérée au cours de l'actuelle législature n'a pas été accompagnée d'efforts en dépenses équivalents - ainsi que cela était envisagé initialement -, expliquant le caractère limité de la réduction des déficits publics au cours du quinquennat.

1. Une dépense publique française nettement plus dynamique que dans le reste de la zone euro

Un tel constat ne saurait surprendre, dès lors que la France a continûment affiché, au cours des années passées, une progression des dépenses publiques significativement plus dynamique dans les autres États de la zone euro - en dépit du ralentissement observé depuis 2013. En effet, la dépense publique a crû, en moyenne et en valeur, de 2 % environ en France entre 2011 et 2015, contre 1 % dans la zone euro (voir graphique ci-après).

Graphique n° 25 : Taux d'évolution de la dépense publique dans la zone euro
(2011-2015)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

2. Des mesures d'économies qui restent à la surface des choses

Le relatif dynamisme de la dépense publique française n'est sans doute pas sans lien avec les difficultés rencontrées par le Gouvernement à engager des réformes structurelles d'économies , seules à même de ralentir durablement la progression de la dépense. Une étude réalisée par France Stratégie 62 ( * ) a permis de mettre en évidence le fait que les pays ayant le plus réduit leurs dépenses publiques étaient ceux qui s'étaient montrés les plus « sélectifs », c'est-à-dire ayant le plus modifié la structure de leurs dépenses - par opposition aux pays qui recourent à la stratégie du « coup de rabot », consistant à procéder à une réduction homothétique des dépenses.

Or, la France ne semble pas faire preuve d'une grande sélectivité dans la réduction des dépenses publiques . Le « coup de rabot » reste largement utilisé par le Gouvernement afin de conforter sa trajectoire budgétaire. Cette idée est renforcée par le fait que l'essentiel des économies consenties jusqu'à présent a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réformes . Ainsi, entre 2011 et 2015, seules les dépenses d'investissement ont affiché une baisse relative, leur part dans le PIB ayant reculé de 15,0 % ; en outre, les dépenses dont la progression a été la plus faible au cours de cette période sont celles dédiées aux achats courants de biens et services et à la masse salariale, cette dernière ayant fortement ralenti en raison du « gel » du point d'indice de la fonction publique.

Tableau n° 26 : Évolution des principales dépenses publiques (2011-2015)

% du PIB 2011

% du PIB 2015

Évolution relative 2015/2011

Masse salariale

12,8

12,9

+ 0,8 %

Achats courants

5,1

5,1

0,0 %

Prestations sociales

24,9

25,9

+ 4,0 %

Investissements

4,0

3,4

- 15,0 %

Autres dépenses

6,5

7,4

+ 13,8 %

Dépenses primaires

53,3

54,8

+ 2,8 %

Charges d'intérêts

2,6

2,0

- 23,1 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee et du programme de stabilité 2016-2019)

IV. UNE « MISE SOUS TENSION » DE LA FISCALITÉ LOCALE

Le niveau de la fiscalité directe locale résulte naturellement des décisions des collectivités territoriales quant au taux de ces impôts, qu'elles fixent librement dans le cadre défini par la loi. Cette fiscalité trouve néanmoins sa place dans le présent bilan , de par son importance - les prélèvements obligatoires affectés aux administrations publiques locales représentant 6,1 % du PIB en 2015 -, mais aussi parce que - de façon inédite, au moins dans leur ampleur - ses évolutions au cours des cinq dernières années s'expliquent en grande partie par des décisions prises par l'État et par le choix du Gouvernement de mettre véritablement sous tension la fiscalité locale . Malgré ce report sur les collectivités, celles-ci ont su manier le levier fiscal avec une certaine parcimonie .

A. UN EFFORT FINANCIER DE 66 MILLIARDS D'EUROS DEMANDÉ AUX COLLECTIVITÉS ENTRE 2012 ET 2016

L'État a pesé sur les budgets locaux - et donc par ricochet sur la fiscalité locale - en diminuant drastiquement ses concours financiers aux collectivités territoriales, en leur imposant de nouvelles dépenses et en ne compensant pas suffisamment les compétences transférées, ainsi que, pour certaines d'entre elles, en leur faisant financer une hausse de la péréquation destinée à pallier les effets de sa politique pour certains territoires.

1. Une baisse cumulée des concours financiers de l'État de 17 milliards d'euros entre 2012 et 2016

Le quinquennat qui s'achève aura été marqué, pour les collectivités territoriales, par une diminution considérable et inédite par son ampleur des concours financiers que l'État leur verse , qui représentaient en 2012 près d'un quart de leurs recettes totales.

Dès le second semestre 2012, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait une stabilisation de ces concours en 2013, suivie d'une diminution de 750 millions d'euros en 2014 puis en 2015. Deux mois plus tard, en février 2013, ces montants étaient doublés. À la fin de la même année, la nouvelle loi de programmation des finances publiques prévoyait une diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros, étalée sur les années 2015 à 2017. Ainsi, en 2017, ces concours devaient diminuer de 12,5 milliards d'euros par rapport à leur niveau de 2013 .

Conformément aux souhaits du comité des finances locales (CFL), la baisse a été répartie entre échelons de collectivités en fonction de leurs recettes totales, puis, au sein de chaque échelon, en fonction d'autre clefs de répartition, non « péréquées », à l'exception de la répartition départementale. Le tableau ci-dessous retrace la baisse, baptisée « contribution au redressement des finances publiques » (CRFP), supportée par chaque échelon de collectivités.

À la suite de l'annonce du Président de la République en juin dernier d'une division par deux de l'effort demandé aux communes et aux intercommunalités en 2017, concrétisée dans le projet de loi de finances, la baisse atteindra finalement 11,5 milliards d'euros par rapport à 2012 .

Si l'on cumule l'ensemble des baisses intervenues jusqu'à présent, les collectivités territoriales ont, au total, perdu 17 milliards d'euros de dotations entre 2012 et 2016 - montant qui pourrait s'élever à 28,5 milliards d'euros en 2017 en vertu du projet de loi de finances pour cette année.

Tableau n° 27 : Répartition par échelon de collectivités territoriales
de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP)

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

Total

Communes

588

1 450

1 450

725

4 213

EPCI

252

621

621

311

1 805

Départements

476

1 148

1 148

1 148

3 920

Régions

184

451

451

451

1 537

Total

1 500

3 670

3 670

2 635

11 475

Total cumulé

1 500

6 670

17 010

28 485

-

Source : commission des finances du Sénat

Ce montant doit cependant être corrigé des hausses qu'ont pu connaître par ailleurs d'autres dotations de l'État, comme par exemple la mise en place de la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements en 2016 (800 millions d'euros). L'évolution de « l'enveloppe normée des concours financiers de l'État », qui est celle à laquelle s'applique la norme d'évolution fixée par la loi de programmation des finances publiques, retrace plus fidèlement l'effort demandé aux collectivités territoriales au cours du quinquennat qui s'achève.

Tableau n° 28 : Évolution de l'enveloppe normée des concours financiers de l'État

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant

48 828

48 825

47 291

43 803

41 117

39 121

dont baisse de la DGF depuis 2012

-

-

- 1 500

- 5 170

- 8 840

- 11 475

Évolution des concours financiers par rapport à 2012

-

- 3

- 1 537

- 5 025

- 7 711

- 9 707

-

- 0,0 %

- 3,1 %

- 10,3 %

- 15,8 %

- 19,9 %

Montant cumulé

-

- 3

- 1 540

- 6 565

- 14 276

- 23 983

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales et des annexes au projet de loi de finances pour 2017)

Comme le montre le tableau ci-dessus, cette enveloppe est, en 2016, en baisse de 7,7 milliards d'euros (- 15,8 %) par rapport à son niveau de 2012, ce qui, en cumulé, constitue un effort de 14,3 milliards d'euros .

2. Des dépenses considérables imposées aux collectivités territoriales

Au-delà de l'évolution des recettes locales, l'État agit aussi sur les dépenses des collectivités territoriales, que ce soit en imposant des normes nouvelles et coûteuses ou en transférant des compétences, sans les compenser de façon suffisante.

a) Le coût des normes imposées par l'État : 16 milliards d'euros en cumulé

Les normes adoptées par l'État, qu'elles aient un caractère législatif ou, plus fréquemment, réglementaire, impliquent souvent des dépenses supplémentaires pour les collectivités territoriales. On peut citer, pour reprendre les exemples les plus marquants du quinquennat, la réforme des rythmes scolaires qui a conduit les communes à mettre en place des activités périscolaires pour un coût d'environ un milliard d'euros, la revalorisation des agents de catégorie C de la fonction publique territoriale (420 millions d'euros) ou encore plusieurs hausses du revenu de solidarité active (RSA). Imposées par l'État mais financées par les collectivités territoriales, ces décisions impliquent des coûts considérables pour ces dernières, qui n'entraînent pas nécessairement de compensation de la part du premier .

Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) est consulté préalablement à l'adoption des mesures réglementaires dont le coût pèse sur les collectivités territoriales. La compilation de ses rapports d'activité permet de calculer le coût net imposé par l'État aux collectivités, c'est-à-dire en tenant compte des charges nouvelles, mais aussi des économies permises et des recettes nouvelles, comme par exemple le fonds d'amorçage de la réforme des rythmes scolaires. Le tableau ci-dessous retrace ce coût sur le quinquennat. Les données 2016 correspondent aux informations disponibles à ce stade ; le coût considérable résulte notamment de l'obligation de travaux d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire (plus de 4 milliards d'euros). Le coût net qui y figure est sans doute sous-évalué, car comme le notait en 2015 la Cour des comptes, « la plupart des coûts bruts [...] sont minimaux, tandis que les gains sont évalués à leur niveau maximal » 63 ( * ) .

Tableau n° 29 : Coût net des charges imposées par l'État
aux collectivités territoriales

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Coût brut en année pleine

1 580

1 853

1 411

556

6 244

Économies en année pleine

250

182

633

620

790

Recettes nouvelles en année pleine

139

469

205

912

-

Coût net en année pleine

1 191

1 202

573

- 976

5 455

Coût annuel cumulé depuis 2012

1 191

2 393

2 966

1 990

7 445

Coût total cumulé depuis 2012

1 191

3 584

6 551

8 541

15 986

Note de lecture : les chiffres 2016 sont provisoires.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Conseil national d'évaluation des normes)

Ainsi, entre 2012 et 2016, l'État a imposé en moyenne aux collectivités territoriales 1,5 milliard d'euros de dépenses nouvelles chaque année. En cumulé sur le quinquennat, ces normes ont représenté 16 milliards d'euros de dépenses supplémentaires obligatoires .

b) Le financement des allocations individuelles de solidarité : 32,7 milliards d'euros en cumulé à la charge des départements entre 2012 et 2016

Le financement des allocations individuelles de solidarité (AIS) que sont le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) constituent des dépenses contraintes particulières. Leur financement par les départements résulte d'un transfert de compétence qui, à ce titre, est compensé par l'État, mais au niveau des dépenses qu'il y consacrait au moment du transfert. Or, depuis lors, l'écart s'est accru entre les dépenses réalisées et les ressources transférées , malgré les moyens supplémentaires que l'État a parfois concédés. La situation économique ayant été particulièrement délicate au cours du quinquennat qui s'achève, cet écart n'a fait que s'empirer.

Le tableau ci-dessous retrace le reste à charge supporté par les départements, c'est-à-dire la différence entre les dépenses engagées au titre de cette politique de solidarité nationale et les ressources transférées par l'État.

Tableau n° 30 : Reste à charge supporté par les départements
au titre des allocations individuelles de solidarité

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

Dépenses

15 743

16 740

17 475

17 685

Reste à charge

7 107

8 469

8 355

8 455

Reste à charge cumulé

7 107

15 576

23 930

32 702

Note de lecture : les dépenses de RSA de 2015 correspondent à l'estimation du PLF 2016. Pour 2016, le montant des dépenses correspond à celui de l'année précédente auquel est appliquée l'hypothèse d'évolution prévue par le projet de loi de finances ; le reste à charge correspond à celui résultant d'un taux de couverture inchangé.

Source : commission des finances du Sénat

Entre 2013 et 2016, ce reste à charge s'est élevé à 8,1 milliards d'euros en moyenne chaque année , soit 12,5 % des dépenses de fonctionnement des départements. En cumulé, ces derniers ont dû dépenser 32,7 milliards d'euros du fait de la compensation insuffisante par l'État du transfert de ces allocations.

3. La hausse de la péréquation : 2,6 milliards d'euros supplémentaires à financer pour certaines collectivités

Afin, notamment, de pallier les effets des baisses de dotations qu'il imposait aux administrations publiques locales d'une part, l'État a décidé d'autre part de développer la péréquation, verticale - financée par l'État - ou horizontale - financée par les collectivités territoriales. Cette distinction n'a cependant aujourd'hui plus de sens, dans la mesure où les dotations de péréquation verticale sont comprises dans l'enveloppe normée des concours financiers de l'État. En d'autres termes, toute augmentation de ces dotations est nécessairement financée par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Pour ces dernières, le coût est par définition neutre, puisqu'il s'agit de prélever certaines d'entre elles pour financer les reversements à d'autres. Néanmoins, ces différents dispositifs ont participé à cette mise sous tension des collectivités territoriales , certaines se voyant confrontées à une baisse des concours de l'État, à une hausse de leurs dépenses contraintes et à une hausse des prélèvements au titre de la péréquation.

Tableau n° 31 : Évolution entre 2012 et 2016 des dispositifs de péréquation

(en millions d'euros)

2012

2016

Évolution

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU)

1 371

1 911

+ 540

Dotation de solidarité rurale (DSR)

891

1 242

+ 351

Dotation nationale de péréquation (DNP)

764

794

+ 30

Dotation de péréquation urbaine (DPU)

616

640

+ 24

Dotation de fonctionnement minimale (DFM)

777

823

+ 46

Dotation de péréquation des régions

183

193

+ 10

Sous-total péréquation verticale

4 602

5 603

+ 1 001

Fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC)

150

290

+ 80

Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF)

210

1 000

+ 850

Fonds péréquation des droits de mutation à titre onéreux

580

573

- 7

Fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée perçue par les départements

-

83

+ 83

Fonds de solidarité des départements de la région d'Île-de-France (FSDRIF)

-

60

+ 60

Fonds de solidarité des départements

-

537

+ 537

Fonds de péréquation des régions

-

60

+ 60

Sous-total péréquation horizontale

940

2 603

+ 1 663

TOTAL PÉRÉQUATION

5 542

8 206

+ 2 664

Source : commission des finances du Sénat

Au total, certaines collectivités territoriales ont dû faire un effort supplémentaire de 2,7 milliards d'euros pour financer les reversements à d'autres collectivités.

B. UN LEVIER FISCAL MANIÉ AVEC PARCIMONIE MALGRÉ LA RIGIDITÉ DES DÉPENSES LOCALES

1. Une forte rigidité des dépenses locales

Face à cet effort financier considérable à fournir, les collectivités territoriales n'ont pas la même souplesse que l'État . Il faut en effet rappeler qu'elles sont soumises à une « règle d'or », qui leur ouvre la possibilité de s'endetter pour les seules dépenses d'investissement, en excluant un financement par la dette des dépenses de fonctionnement. Dès lors, quatre leviers étaient à leur disposition :

- augmenter le taux des impôts locaux ;

- dégrader le solde de leur section de fonctionnement et compenser la perte sur la section d'investissement par un endettement accru ou en puisant dans leur trésorerie ;

- diminuer leurs dépenses d'investissement ;

- diminuer leurs dépenses de fonctionnement .

L'augmentation du taux des impôts n'était, en tout état de cause, possible que pour celles qui disposent encore d'un véritable pouvoir de moduler les taux des impôts leur étant affectés, ce qui limite cette possibilité essentiellement au bloc communal - taxe d'habitation et taxes foncières, cotisation foncière des entreprises - et dans une moindre mesure aux départements (taxe foncière sur les propriétés bâties). Cette solution était au demeurant difficile à mettre en oeuvre, dans un contexte de « ras-le-bol fiscal » nourri par les augmentations considérables du poids des prélèvements perçus par l'État et les administrations de sécurité sociale. Le recours à l'endettement était limité au cas des collectivités disposant d'un excédant suffisant de leur section de fonctionnement.

S'agissant des dépenses, diminuer les investissements a le mérite d'être une solution facile à mettre en oeuvre . En effet, ces dépenses ne sont pas rigides et il est toujours possible d'annuler des projets en cours ou du moins de les revoir à la baisse. Ce choix est cependant regrettable à long terme : au-delà des effets récessifs immédiats sur certains secteurs, notamment sur le bâtiment public, la dégradation de la qualité des infrastructures du pays - l'on rappellera que les collectivités territoriales représentent près des deux tiers de l'investissement public civil - aura in fine des conséquences sur la croissance .

Concernant les dépenses de fonctionnement , l'alternative consistait pour l'essentiel soit à diminuer le service rendu aux usagers, soit à diminuer les dépenses de personnel. Ces dernières dépenses sont cependant extrêmement rigides : le point d'indice de la fonction publique territoriale est fixé au niveau national par l'État et le statut de la fonction publique territoriale ne permet de diminuer les effectifs que dans la limite des départs à la retraite. De par leur rigidité, les dépenses de fonctionnement ne peuvent être diminuées qu'en anticipant largement l'évolution financière de la collectivité territoriale.

Or, la baisse des concours financiers s'est révélée imprévue et brutale . Imprévue car le candidat François Hollande s'était engagé à stabiliser leur niveau à celui de 2012. Il prévoyait ainsi de mettre en place « un pacte de confiance et de solidarité entre l'État et les collectivités locales garantissant les dotations à leur niveau actuel » 64 ( * ) . Imprévue encore car le montant réel de cette diminution n'a été connu qu'à l'automne 2014, soit en milieu de mandat. Elle s'est également révélée brutale car, une fois annoncée, elle a été menée sans laisser le temps aux collectivités territoriales de s'adapter à cette nouvelle donne financière.

L'ampleur inédite de l'effort demandé aurait nécessité que l'État prenne des dispositions permettant aux collectivités de réaliser des économies . Tel était à l'origine un des objectifs des réformes territoriales du quinquennat. Lors de la présentation des projets de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et relatif à la délimitation des régions, le Gouvernement indiquait qu'ils avaient pour but « de mettre les collectivités territoriales en mesure de tenir toute leur place dans [le redressement économique de notre pays] [et d'] assurer une plus grande efficacité de l'action publique » 65 ( * ) . André Vallini, alors secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, évoquait en mai 2014 un montant d'économies possibles compris entre 12 milliards et 25 milliards d'euros. Comme le notait la commission des finances du Sénat dans son avis sur ce texte 66 ( * ) , ces économies paraissaient peu crédibles et n'étaient d'ailleurs pas même chiffrées dans l'étude d'impact.

Ainsi, en définitive, les collectivités territoriales voyaient leurs ressources diminuer fortement et leurs dépenses augmenter, sans véritablement disposer de levier permettant de maîtriser ces dernières, en dehors d'une réduction de leurs investissements .

2. Des baisses des dépenses d'investissement...

Le levier de la baisse des dépenses d'investissement a effectivement été utilisé par les collectivités territoriales, alimentant une certaine inquiétude. Ainsi, en 2014, première année de la baisse des dotations, ces dépenses ont reculé de 7,8 %, avant de diminuer encore de 6,5 % en 2015. En 2016, d'après les chiffres provisoires, les investissements locaux semblent s'être stabilisés, tandis que l'exercice 2017 devrait voir, d'après les prévisions du Gouvernement, un redémarrage de l'investissement (+ 1,9 %).

Tableau n° 32 : Évolution des dépenses d'investissement
des collectivités territoriales

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

55,3

58,7

54,1

50,6

-

+ 6,1 %

- 7,8 %

- 6,5 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales)

L'on peut donc supposer que ce vecteur n'a été utilisé dans un premier temps, que pour ajuster rapidement le niveau des dépenses, et que les économies porteront désormais sur les dépenses de fonctionnement .

3. ...et un levier fiscal manié avec parcimonie

Si les dépenses ont donc été réduites, le levier fiscal a néanmoins lui aussi été utilisé . Le tableau ci-dessous montre qu'en 2015, le montant des impôts locaux est supérieur de 7,4 milliards d'euros à celui de 2012. En cumulé, 15 milliards d'euros supplémentaires ont été prélevés.

Tableau n° 33 : Évolution du montant des impôts locaux

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

Montant

72,3

75,8

76,4

79,7

Augmentation par rapport au niveau de 2012

-

3,5

4,1

7,4

Augmentation cumulée

-

3,5

7,6

15,0

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales)

Ce montant est important. Il doit cependant être relativisé au regard des évolutions retracées précédemment s'agissant des ressources et des dépenses contraintes des collectivités territoriales. De plus, il ne distingue pas (voir infra ) l'effet de l'augmentation du taux, décidée par les collectivités territoriales, et celui de l'augmentation de la base taxable , qui résulte de changements de situation ou de la revalorisation des valeurs locatives.

Le consensus des observateurs tend d'ailleurs à considérer que les collectivités n'ont utilisé le levier fiscal qu'avec parcimonie . Ainsi, dans son récent rapport sur les finances locales 67 ( * ) , la Cour des comptes note qu'un « examen synthétique du panier fiscal des collectivités locales fait apparaître qu'en la matière, elles disposent de marges de manoeuvre relativement limitées, dont elles ont fait un usage modéré dans la période récente ». Cette tendance se confirme en 2016 : la Cour des comptes observe pour l'année en cours « une relative stabilité des taux d'imposition » 68 ( * ) .

Plus précisément, votre rapporteur général a souhaité distinguer la part de l'augmentation des impôts locaux directs imputable aux collectivités , c'est-à-dire à la hausse des taux. En juin dernier, Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, indiquait devant votre commission que, en 2015, « les décisions de hausses de taux ne représentent qu'un quart de la hausse du produit fiscal de la taxe d'habitation, de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises » 69 ( * ) . Cette affirmation se vérifie sur l'ensemble du quinquennat, comme le montrent les tableaux ci-après.

Le produit des taxes portant sur les ménages (taxe d'habitation et taxes foncières) perçues par le bloc communal est en hausse de 5,4 milliards d'euros en 2015 par rapport à son niveau de 2011 (sur un total cette année-là de 35 milliards d'euros). Cependant, sur l'ensemble de la période, en cumulé, 88 % de cette augmentation du produit s'explique par l'évolution des bases (11,5 milliards d'euros) et 12 % par l'augmentation des taux (1,6 milliard d'euros). La hausse de ces derniers, sur la même période, s'élève en moyenne à 0,4 point pour la taxe d'habitation et de 0,6 point pour chacune des taxes foncières.

Tableau n° 34 : Augmentation du produit des taxes ménages perçues
par le bloc communal

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Augmentation du produit

+ 1 441,0

+ 1 323,0

+ 784,0

+ 1 836,0

dont due à l'évolution du taux

145,4

90,9

124,8

488,4

dont due à l'évolution de la base

1 295,6

1 232,1

659,2

1 347,6

Augmentation du produit par rapport à 2011

+ 1 441,0

+ 2 764,0

+ 3 548,0

+ 5 384,0

dont due à l'évolution du taux

145,4

236,4

361,2

849,5

dont due à l'évolution de la base

1 295,6

2 527,6

3 186,8

4 534,5

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales)

L'ordre de grandeur est le même pour les augmentations du produit de cotisation foncière des entreprises (CFE) : 83 % de la hausse s'explique par l'évolution des bases, 17 % par l'augmentation des taux.

Tableau n° 35 : Augmentation du produit de cotisation foncière
des entreprises perçue par le bloc communal

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

Augmentation du produit

+ 273

+ 39

+ 260

dont due à l'évolution du taux

42

23

22

dont due à l'évolution de la base

231

16

238

Augmentation du produit par rapport à 2011

+ 273

+ 312

+ 572

dont due à l'évolution du taux

42

65

86

dont due à l'évolution de la base

231

247

486

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales)

Le constat est en revanche différent pour les départements . S'agissant de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la hausse du produit s'explique pour un tiers par une hausse des taux. Entre 2011 et 2016, le taux moyen est en hausse de 1,5 point. Ce recours plus important au levier fiscal est cohérent avec la situation financière particulière de cet échelon , pour qui le financement des allocations individuelles de solidarité est une charge considérable.

Tableau n° 36 : Évolution du produit de taxe foncière sur les propriétés bâties
perçu par les départements

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Évolution du produit

+ 628,0

+ 613,0

+ 298,0

+ 430,0

dont due à l'évolution du taux

236,3

220,5

8,1

107,0

dont due à l'évolution de la base

391,7

392,5

289,9

323,0

Évolution du produit par rapport à 2011

+ 628,0

+ 1 241,0

+ 1 539,0

+ 1 969,0

dont due à l'évolution du taux

236,3

456,8

464,9

571,8

dont due à l'évolution de la base

391,7

784,2

1 074,1

1 397,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Observatoire des finances locales)

V. DES BAISSES D'IMPÔTS REPORTÉES APRÈS 2017

En dépit du « coup d'arrêt » donné aux baisses d'impositions entre 2016 et 2017 - afin d'assurer un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB au cours du prochain exercice -, ce qui se traduirait par une stagnation du taux de prélèvements obligatoires à 44,5 % du PIB entre ces deux années, le Gouvernement ne s'interdit aucunement d'afficher des réductions d'impôts qui n'auront une incidence - en particulier sur le déficit public - qu'à compter de 2018 . Il apparaît, en effet, que les engagements pris par le Gouvernement en matière fiscale pourraient substantiellement peser sur les finances publiques après l'achèvement du quinquennat en cours.

A. UNE MULTIPLICATION DES PROMESSES FISCALES

Au cours des derniers mois, le Gouvernement a multiplié les promesses fiscales pour les années à venir . En premier lieu, il a substitué à la baisse de charges de 5 milliards d'euros initialement prévue en 2017 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité une hausse du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), un renforcement des allègements de cotisations pour les travailleurs indépendants à hauteur de 150 millions d'euros, et une baisse de l'impôt sur les sociétés pour les seules PME - reportant aux années ultérieures la baisse du taux légal de l'impôt sur les sociétés qui devait intervenir en 2017 (voir supra ).

En second lieu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, il est prévu, notamment, une prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), une extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne et la création d'un crédit d'impôt en faveur des associations.

Ces différentes mesures ont, pour la plupart, en commun de ne produire des effets qu'à moyen terme, soit après 2017 .

1. Une hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Tout d'abord, l'article 44 du projet de loi de finances prévoit une hausse du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 6 % à 7 % à compter du 1 er janvier 2017 . Par suite, les entreprises pourront déduire de leur impôt sur les sociétés un crédit d'impôt égal à 7 % et non plus 6 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 SMIC ; toutefois, compte tenu du fonctionnement du CICE, les entreprises ne pourront bénéficier du « surcroît » de déduction qu'à compter de l'exercice 2018 - ce qui explique que l'incidence budgétaire de la hausse du taux du crédit d'impôt ne soit observée qu'à partir de cette dernière année (voir tableau ci-après). Le sursaut du coût budgétaire du CICE en 2021 est lié au remboursement du solde du montant de crédit d'impôt constitué en 2017 n'ayant pu être déduit par les entreprises intéressées entre 2018 et 2021.

Tableau n° 37 : Incidences budgétaires de la hausse du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

Impact pérenne

- 1 600

- 1 900

- 1 900

- 3 100

- 3 100

Source : étude d'impact de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2017

Si la hausse du taux du CICE représenterait un coût budgétaire de 1,6 milliard d'euros en 2018, son impact sur le déficit public devrait s'élever, cette même année, à 3 milliards d'euros , selon les données figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017. En effet, en application des règles de la comptabilité nationale, s'agissant des crédits d'impôt « restituables » 70 ( * ) , la créance des contribuables doit être enregistrée pour sa totalité l'année de sa formation - et ce même si les déductions ou le remboursement du solde n'intervient qu'ultérieurement.

2. Une baisse programmée du taux légal de l'impôt sur les sociétés

Ensuite, l'article 6 du projet de loi de finances prévoit une baisse progressive du taux légal de l'impôt sur les sociétés vers un taux de 28 % . En application de ce dispositif, en 2017, seules les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieraient de cette réduction du taux - les entreprises aujourd'hui soumises à un taux réduit de 15 % continuant d'en jouir jusqu'à 38 120 euros de bénéfices, se voyant ensuite appliquer un taux de 28 % pour les bénéfices compris entre 38 120 euros et 75 000 euros.

Le taux de 28 % trouverait, à compter de 2018, à s'appliquer à l'ensemble des entreprises dans la limite de 500 000 euros de bénéfices puis, à partir, de 2019, sans limite de bénéfices pour les entreprise réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 1 milliard d'euros. Le nouveau taux de l'impôt sur les sociétés ne concernerait, sans conditions, l'ensemble des entreprises qu'à compter de 2020.

Par suite, le coût budgétaire de la mesure n'augmenterait que progressivement ; limité à 0,33 milliard d'euros en 2017, celui-ci s'élèverait à 1,45 milliard d'euros en 2018 pour atteindre 7 milliards d'euros à partir de 2021 .

Tableau n° 38 : Incidences budgétaires de la baisse progressive
du taux d'impôt sur les sociétés

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

Impact pérenne

- 330

- 1 450

- 3 900

- 6 600

- 7 000

Source : étude d'impact de l'article 6 du projet de loi de finances pour 2017

3. Un crédit d'impôt pour la transition énergétique prolongé

Par ailleurs, l'article 10 du projet de loi de finances propose une prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique , ainsi que l'ouverture du cumul avec l'éco-PTZ sans conditions de ressources.

Tableau n° 39 : Incidences budgétaires de la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique et l'ouverture du cumul avec l'éco-PTZ

(en millions d'euros)

2017

2018

Impact pérenne

- 1

- 1 675

-

Source : étude d'impact de l'article 6 du projet de loi de finances pour 2017

Ces deux mesures représenteraient un coût budgétaire de 1 million d'euros en 2017 et de 1,7 milliard d'euros en 2018 .

4. Une extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne

L'article 47 du projet de loi de finances, quant à lui, vise à étendre le crédit d'impôt en faveur des services à la personne au bénéfice des foyers non imposables . Là encore, le coût budgétaire de cette mesure ne serait constaté qu'à compter de 2018, pour un montant de 1,1 milliard d'euros.

Tableau n° 40 : Incidences budgétaires de la baisse progressive
du taux d'impôt sur les sociétés

(en millions d'euros)

2017

2018

Impact pérenne

-

- 1 100

- 1 100

Source : étude d'impact de l'article 47 du projet de loi de finances pour 2017

5. La création d'un crédit d'impôt en faveur des associations

Enfin, l'article 49 bis du projet de loi de finances, introduit par l'Assemblée nationale, tend à créer un crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires pour les organismes à but non lucratif - soit, notamment, les associations. Fondé « sur le même mécanisme que le CICE » 71 ( * ) , ce crédit d'impôt représenterait un coût budgétaire de 600 millions d'euros au bout de trois ans , selon le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale. À supposer que ce dispositif fonctionne de manière analogue au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), son coût budgétaire approcherait 310 millions d'euros en 2018 et 370 millions d'euros en 2019 .

B. UNE DÉGRADATION DU SOLDE BUDGÉTAIRE PAR ANTICIPATION

Compte tenu de leur « effet report », les mesures annoncées dans le cadre du projet de loi de finances devraient contribuer à dégrader le solde budgétaire , et ce de manière significative, à compter de 2018 et plus encore à long terme - venant considérablement alourdir l'héritage budgétaire qui sera laissé à la majorité gouvernementale qui découlera des élections de 2017.

1. Des annonces en matière fiscale qui contribueraient à dégrader le solde budgétaire de 6,1 milliards d'euros en 2018...

Au total, le coût budgétaire de l'ensemble des baisses d'impôts annoncées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 atteindrait 6,1 milliards d'euros en 2018 , contre 331 millions d'euros en 2017.

Compte tenu des règles de décompte des crédits d'impôt en application des règles de la comptabilité nationale (voir supra ), ces mêmes mesures contribueraient à dégrader le solde public à hauteur de 7,9 milliards d'euros en 2018 .

Tableau n° 41 : Incidences budgétaires de la hausse du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

Impact pérenne

Hausse du taux du CICE

-

- 1 600

- 1 900

- 1 900

- 3 100

- 3 100

Baisse du taux d'impôt sur les sociétés

- 330

- 1 450

- 3 900

- 6 600

- 7 000

- 7 000

Prolongation du CITE

- 1

- 1 675

-

-

-

-

Extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne

-

- 1 100

- 1 100

- 1 100

- 1 100

- 1 100

Création d'un crédit d'impôt en faveur des associations

-

- 310

- 370

- 370

- 600

- 600

Total

- 331

- 6 135

- 7 270

- 9 970

- 11 800

- 11 800

Source : commission des finances du Sénat

2. ...et jusqu'à 11,8 milliards d'euros à long terme

À plus long terme, c'est-à-dire à l'horizon 2021 , les pertes de recettes associées aux promesses fiscales récemment faites par l'actuelle majorité gouvernementale pourraient représenter un coût budgétaire de 11,8 milliards d'euros .

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 9 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen de la communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur l'évolution des prélèvements obligatoires entre 2012 et 2016.

À l'issue d'un débat, la commission a autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/fin/travaux.html


* 1 Voir loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 2 Insee, « À la fin du deuxième trimestre 2016, la dette publique s'établit à 98,4 % du PIB », Informations rapide , n° 255, septembre 2016.

* 3 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 4 Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, p. 176.

* 5 Rapport d'information (n° 98, 2016-2017) d'Albéric de Montgolfier sur le projet d'instauration de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu fait au nom de la commission des finances du Sénat, 2 novembre 2016.

* 6 J.-M. Ayrault et P.-A. Muet, Pour un impôt juste, prélevé à la source , Paris, Fondation Jean Jaurès, 2015.

* 7 Françoise Fressoz, Le stage est fini , Paris, Albin Michel, 2015, p. 55.

* 8 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 9 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 10 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 11 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 12 OFCE, « Le quinquennat de François Hollande : enlisement ou rétablissement ? », OFCE Policy Brief, septembre 2016, p. 1.

* 13 Insee, Note de conjoncture , juin 2016.

* 14 Ibid. , p. 28.

* 15 Ibid. , p. 31.

* 16 Voir exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012, p. 10.

* 17 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 18 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 19 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 20 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 21 Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 26 février 2015, affaire C-623/13, Ministre de l'Économie et des Finances contre Gérard de Ruyter .

* 22 Rapport général (n° 164, 2015-2016), tome II, d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2016 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 19 novembre 2015, p. 16.

* 23 Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2013, p. 16.

* 24 Ibid. , p. 18.

* 25 Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2013, p. 16.

* 26 Décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 73.

* 27 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificatives pour 2014.

* 28 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 29 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 30 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 31 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 32 La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises est strictement comptable et ne tient pas compte des éventuels effets de l'incidence fiscale, soit des possibles reports de la fiscalité des contribuables « théoriques » vers d'autres acteurs.

* 33 M. Plane et R. Sampognaro, « Baisse de la fiscalité sur les entreprises mais hausse de celle des ménages », Le Blog de l'OFCE, 22 octobre 2015.

* 34 Les consommations ou investissements de certains opérateurs sont grevés d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui ne peut être déduite - s'incorporant, par conséquent, définitivement dans le coût de l'opération. Ce phénomène, appelé rémanence de TVA, résulte des règles prévues par la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dite directive « TVA », qui trouve à s'appliquer dans les États membres de l'Union européenne. Ainsi, certaines opérations d'agents économiques, bien que dans le champ d'application de la TVA, bénéficient d'une exonération et n'ouvrent donc pas droit à déduction ; il s'agit en particulier des activités bancaires et d'assurance. En outre, des exclusions spécifiques du droit à déduction peuvent être prévues, comme pour les dépenses de carburant ou de logement supportées par les entreprises au titre de leurs salariés ou dirigeants.

* 35 Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée , octobre 2009.

* 36 Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, p. 176.

* 37 Selon l'annexe méthodologique publiée par l'Insee, « les mesures de fiscalité indirecte [portant sur les ménages] sont appréhendées comme l'écart entre l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) et celui mesuré à fiscalité constante par Eurostat » (Insee, op. cit. , juin 2012, p. 34).

* 38 Voir exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012, p. 11.

* 39 Françoise Fressoz, op. cit. , p. 55.

* 40 Services de la Commission européenne, Rapport 2016 pour la France contenant un bilan approfondi sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques , Bruxelles, Commission européenne, 2016, p. 94.

* 41 Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 42 Exposé des motifs de l'article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2012, p. 31.

* 43 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 44 Voir rapport d'information (n° 789, 2015-2016) de Marie-France Beaufils sur le profil des bénéficiaires du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) fait au nom de la commission des finances du Sénat, 13 juillet 2016.

* 45 Rapport d'information (n° 763, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2017.

* 46 Voir article 7 du projet de loi de finances pour 2017.

* 47 Évaluations des articles du projet de loi de finances pour 2017, p. 43.

* 48 Article 8 du projet de loi de finances pour 2017.

* 49 Article 9 du projet de loi de finances pour 2017.

* 50 Services de la Commission européenne, op. cit. , p. 29.

* 51 Id.

* 52 Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, p. 141.

* 53 Voir F. Toubal et A. Trannoy, « L'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises », Les notes du Conseil d'analyse économique , n° 30, 2016 et Y. Bonnet et E. Saliot, Attractivité du territoire français pour les talents internationaux , Paris, Inspection générale des finances, 2016.

* 54 F. Toubal et A. Trannoy, op. cit.

* 55 Voir par exemple P. Egger, D. Radulescu et N. Strecker, « Effective labor taxation and the international location of headquarters », International Tax and Public Finance , vol. 20, n° 4, 2013, p. 631-652.

* 56 Assemblée nationale, compte rendu intégral de la 3 e séance du vendredi 6 février 2015, JORF du 7 février 2015, p. 1177.

* 57 D. Banquy et J. Munch, Les quartiers généraux des grandes entreprises en France , Paris, Inspection générale des finances, 2014.

* 58 Ibid. , p. 1

* 59 Id.

* 60 Ibid. , p. 2.

* 61 F. Toubal et A. Trannoy, op. cit. , p. 4.

* 62 N. Lorach et A. Sode, « Quelle sélectivité dans la réduction des dépenses publiques ? », La Note d'analyse - France Stratégie , n° 28, avril 2015.

* 63 Cour des comptes, Les finances publiques locales , Paris, La Documentation française, 2015, p. 96.

* 64 F. Hollande, Le changement, c'est maintenant. Mes 60 engagements pour la France , p. 35.

* 65 Étude d'impact du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, p. 6.

* 66 Avis (n° 184, 2014-2015) de Charles Guené sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République fait au nom de la commission des finances du Sénat, 11 décembre 2014.

* 67 Cour des comptes, Les finances publiques locales , Paris, La Documentation française, 2016, p. 105.

* 68 Ibid. , p. 81.

* 69 Sénat, audition de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, le mercredi 15 juin 2016, par la commission des finances.

* 70 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôt « restituables » correspondent aux crédits d'impôt tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôt qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».

* 71 Rapport général (n° 4125, XIV e législature), tome III, de Valérie Rabault sur le projet de loi de finances pour 2017, 13 octobre 2016, p. 230.

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