B. L'ÉVOLUTION DU REGARD DE LA SOCIÉTÉ

Plusieurs évolutions engagées de longue date ont entraîné un changement dans la manière dont les troubles psychiatriques sont perçus par la société. Le mouvement de désinstitutionalisation amorcé dans les années 1960 et l'attention croissante portée à la santé mentale au regard du vivre-ensemble ont contribué à mieux faire reconnaître la place des personnes qui souffrent de troubles psychiatriques au sein de la société.

1. Les institutions promeuvent la santé mentale positive et le bien-être

Pour l'OMS, « la santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d'un individu et du bon fonctionnement d'une communauté . »

Cette définition portée au niveau international, en mettant l'accent sur la santé mentale positive, est particulièrement large et ambitieuse. De plus en plus, les institutions s'y réfèrent pour fonder leurs actions.

En France, c'est notamment le cas de l'Éducation nationale, pour laquelle cette évolution n'allait pas de soi. Devant la mission d'information, l'inspecteur d'académie Jean-Louis Brison a relevé que : « l'institution scolaire a été rétive durant des années - et elle l'est encore - à la psychologie générale des adolescents, les collégiens et lycéens devant laisser de côté leurs états d'âme, leur singularité personnelle, individuelle et, le cas échéant, linguistique, pour devenir en quelque sorte de purs esprits, acceptant la discipline scolaire dans le seul but d'apprendre et de travailler. La souffrance intense de ces jeunes gens et leurs pathologies ne figurent pas dans la culture de l'éducation nationale » 13 ( * ) . Une évolution semble avoir eu lieu avec la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République de 2013 14 ( * ) qui consacre les notions de bienveillance et de bien-être au sein de l'institution scolaire.

La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a elle aussi marqué sa volonté de mieux intégrer cette approche. Selon les éléments transmis à la mission d'information par l'administration centrale, la démarche « PJJ promotrice de santé » qui se déploie depuis 2013 veille à la mobilisation de l'institution dans son ensemble pour intégrer les questions de santé et de bien-être des mineurs dans les prises en charge judiciaires.

Les multiples instances qui participent à l'éducation tendent ainsi à dépasser le cadre strict de leurs missions pour se reconnaître un rôle dans la promotion de la santé mentale des jeunes . Dans ce contexte, une attention plus grande est portée à des comportements ou phénomènes pouvant susciter ou traduire un mal-être.

2. L'évolution des mentalités vers la déstigmatisation

La déstigmatisation des maladies mentales et des malades est nécessairement lente. Cette question soulève des enjeux sanitaires d'autant plus importants que le fait de se sentir stigmatisé peut constituer un motif de non-recours aux soins .

Il semble néanmoins exister aujourd'hui une réelle volonté de reconnaître la maladie psychique comme étant une maladie comme les autres. De fait, depuis le début des années 2000, la société est désormais plus disposée à parler de santé mentale et de psychiatrie. Avec la diffusion des connaissances, chacun se reconnaît plus facilement concerné, voire responsable.

Pour Mme Isabelle Coutant, « il est intéressant d'observer à quel point la psychiatrie s'est diffusée dans la société. Chacun, éducateur ou juge, diagnostique lui-même des troubles du comportement, avec l'idée que la psychiatrie constitue le recours » 15 ( * ) .

L'approche promue pour aborder la question du handicap psychique est de pousser vers une meilleure prise en compte de la capacité des personnes à l'autonomie. Pour le sociologue Alain Ehrenberg, ce « changement est devenu éclatant avec la montée en puissance des problématiques portées par la réhabilitation et le rétablissement. Leur but central est de permettre aux personnes atteintes de troubles mentaux sévères et durables de surmonter leur handicap psychique en développant leurs capacités le plus largement possible malgré la persistance de symptômes. Le changement de l'esprit du soin peut se résumer en un mot : avant on compensait les handicaps du patient tandis qu'aujourd'hui, on joue sur les atouts de l'individu » 16 ( * ) . Le parcours vers une plus grande autonomie des personnes tend à les faire considérer comme « handicapable[s] » selon l'expression reprise par M. Ehrenberg.

Enfin, il est aujourd'hui admis que, pour déstigmatiser, des campagnes destinées au grand public sont plutôt contreproductives et qu'il convient donc de mener des actions d'information en favorisant la diffusion continue des connaissances sur le mal-être et les troubles psychiatriques. Dans le même objectif, Mme Claude Finkelstein, présidente de la Fédération Nationale des Associations d'usagers en PSYchiatrie (Fnapsy), a également souligné le rôle joué par l'inclusion scolaire pour faire évoluer les mentalités afin de développer un nouveau regard sur le handicap 17 ( * ) .


* 13 Audition du mardi 10 janvier 2017.

* 14 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (voir infra).

* 15 Audition du mercredi 15 février 2017.

* 16 Audition du mercredi 8 février 2017.

* 17 Audition du mardi 21 février 2017.

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