CHAPITRE 3 : LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE LA MOBILITÉ DURABLE

Nos territoires connaissent une dynamique de fond, observée à l'échelle planétaire ces dernières décennies : le phénomène d'urbanisation. Les espaces urbains ne cessent de s'étendre et, avec eux, les enjeux de transport et de mobilité deviennent essentiels. Cette mobilité nécessite aujourd'hui de devenir durable, c'est-à-dire de reposer sur des services publics plus performants pour les usagers et dont l'empreinte écologique est moins lourde sur l'environnement.

Comme l'indiquait notre collègue Louis Nègre, président du Groupement des autorités responsables de transport (GART) lors de son audition devant votre délégation, « après une phase, entre les années 1970 et jusqu'à la fin des années 1990 où nous avons tout misé sur la voiture, nous avons amorcé, depuis les années 2000, un virage progressif vers les transports collectifs : bus, métro, tramway, vélo ou auto-partage ». Cette évolution s'explique, selon lui, par le fait que « nos villes doivent désormais faire face au problème majeur que sont les embouteillages, à la fois facteur de congestion, qui n'est pas souhaitables économiquement, et vecteur de pollution génératrice d'émissions de gaz à effet de serre, qui n'est souhaitable ni pour l'environnement ni pour la santé ».

C'est sous la pression de ces nouvelles contraintes que les collectivités territoriales organisent désormais les transports publics de demain. Et si, au titre de leurs compétences, elles sont bien en première ligne dans ce domaine, elles doivent également répondre aux attentes très fortes des usagers. Pleinement conscients de ces changements, les élus locaux ont déjà entrepris de restructurer leurs réseaux de transports collectifs en imaginant la meilleure manière de desservir les différentes franges de leurs territoires. « C'est dans ce contexte que les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont par exemple ressuscité, depuis les années 1980, les tramways » relevait lors de son audition Guy Le Bras, directeur général du GART. « La France est très compétitive dans ce secteur et dispose même de champions nationaux comme Alstom par exemple. C'est aussi le cas en matière de téléphériques, avec des leaders français comme l'entreprise iséroise Poma » .

Brest, dans le Finistère, a d'ailleurs été la première ville française à mettre en service un téléphérique urbain, le 19 novembre 2016, pour relier les deux rives du fleuve côtier brestois, la Penfeld. Avec 19 millions d'euros d'investissement, ce projet innovant doit permettre de désengorger les deux ponts existants et de répondre aux enjeux liés à la construction d'un éco-quartier sur le territoire de la commune. Première mondiale, cette utilisation du téléphérique comme transport urbain au service de la mobilité durable témoigne de la capacité d'innovation des élus locaux et inspire même d'autres collectivités. Toulouse et Orléans ont récemment opté pour ce mode de transport collectif afin de desservir certains de leurs quartiers. Les collectivités l'envisagent aujourd'hui comme un moyen d'intermodalité, s'insérant dans un réseau de transport public existant.

Car si dans les agglomérations importantes et densément peuplées, la palette de solutions qui s'offre aux élus locaux est large (train, métro, tramway, bus), ces solutions doivent surtout être pensées en fonction des besoins. C'est le sens de l'intermodalité, devenue essentielle dans l'organisation des transports. Là encore, Louis Nègre soulignait devant vos rapporteurs « la France est un modèle. Nous disposons d'opérateurs de niveau mondial et nos champions nationaux font du modèle français de transport public, une référence dans le monde ».

Si notre pays est en avance en matière d'intermodalité, c'est aussi parce que le cadre législatif et la gouvernance la favorisent. En témoigne la loi du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), qui confie aux régions le pouvoir d'organiser l'intermodalité à travers des schémas régionaux de l'intermodalité. Ainsi, en l'absence d'une autorité organisatrice de transport unique, le schéma régional de l'intermodalité permet de coordonner à l'échelle régionale les politiques conduites en matière de mobilité par les collectivités publiques en ce qui concerne l'offre de services, l'information des usagers, ou encore la tarification et la billettique. Reste que, comme l'indique le président du GART : « Cette intermodalité va être très difficile à mettre en oeuvre dans le cadre des nouvelles régions dont le périmètre a été trop élargi. Il y a un problème fondamental d'échelle » .

Or la complémentarité des services et des réseaux est nécessaire pour assurer une intermodalité efficace. L'intermodalité, en offrant un ensemble de solution de mobilités et en rendant leur usage compétitif par rapport à l'automobile, est d'autant plus cruciale dans les territoires peu denses (périurbain, rural), où la prédominance des véhicules particuliers reste entière. C'est dans cette perspective que vos rapporteurs ont regardé avec intérêt les nouvelles potentialités offertes par la mobilité collaborative basée sur les technologies numériques (VTC, acteurs du covoiturage sur Internet, locations de voitures entre particuliers, etc.). Ainsi que le confirmait note collègue Louis Nègre « le secteur des transports et de la mobilité vit une véritable révolution, avec la découverte, chaque jour, de nouveaux services pour les usagers ».

Par ailleurs, l'intermodalité est également, et de plus en plus, conditionnée par le développement de la billettique unique. Concrètement, les systèmes de billettiques multimodaux (train, bus, car, vélo, auto-partage) permettent aux usagers de bénéficier d'une offre globale de transport, c'est-à-dire de pouvoir emprunter une pluralité de modes de transport dans leurs déplacements. De nombreuses agglomérations françaises sont aujourd'hui engagées dans ce type de services, qui permettent aux voyageurs d'effectuer un parcours multimodal avec un seul titre de transport. La ville de Saint-Etienne , dans la Loire, a ainsi retenu l'attention de vos rapporteurs ; elle déploie, depuis juillet 2016, une application smartphone qui délivre aux utilisateurs une information multimodale sur l'ensemble des modes de transports disponibles pour un trajet déterminé, ainsi que sur le parcours le plus optimal, et leur permet aussi d'acheter leurs titres de transport en ligne et de les valider.

Face au problème de la saturation des équipements et des infrastructures de transport, les nouvelles technologies numériques offrent donc des réponses adaptées à la mobilité durable. De nombreuses initiatives intéressantes sont actuellement expérimentées par des collectivités territoriales françaises ou étrangères. À l'étranger, vos rapporteurs se sont intéressés à l'action lancée par la ville d'Amsterdam , qui a mis en place un stationnement intelligent grâce à un système de « Flash car ». En pratique, des voitures équipées de caméras à reconnaissance de plaques d'immatriculation circulent dans la municipalité et détectent instantanément les automobilistes ne s'étant pas acquittés de leur stationnement. Plus de 1 000 plaques d'immatriculation sont ainsi vérifiées par heure, sans intervention d'agents à pied pour effectuer les rondes de contrôle. Cette innovation a permis d'améliorer la rotation des places vacantes, de fluidifier le trafic et donc de réduire la pollution. De façon non négligeable, la collectivité a aussi pu accroitre ses recettes en luttant efficacement contre la fraude du paiement en voirie.

Le stationnement intelligent est une composante à part entière dans la révolution de la mobilité durable. De nombreuses collectivités françaises l'ont déjà bien compris. À l'image de la ville de Calais , qui a mis en service une application smartphone pour gérer rationnellement le stationnement par l'échange d'informations. Concrètement, grâce aux données collectées (taux d'occupation des places de stationnement par zone géographique et par période, évolution dans le temps et l'espace, taux de rotation des places de stationnement, habitudes de recherche et de stationnement des usagers), l'application permet d'être guidé vers les places libres ou vers les rues où les probabilités de trouver une place sont élevées, ou même d'être informé, en fonction des profils d'usagers, des places de stationnement bientôt libres sur la voirie. Cette innovation a permis de diminuer la congestion urbaine et les rejets de CO 2 en réduisant considérablement le temps de recherche de places de stationnement.

La ville de Rotterdam a également retenu l'intérêt de vos rapporteurs car elle a organisé, depuis 2008, un système de lissage des pics de trafic par points, afin de fluidifier la circulation urbaine. Concrètement, les automobilistes participants ont été équipés d'un boitier embarqué qui géolocalise leur véhicule et analyse leurs habitudes de circulation. Les données recueillies ont permis d'inciter financièrement les usagers à ne pas utiliser leurs voitures aux heures de pointe et, depuis son lancement, ce dispositif a modifié les comportements des automobilistes en se traduisant par une réduction de 8 % du trafic aux heures de pointe.

L'intérêt de vos rapporteurs s'est également porté sur les véhicules à conduite autonome, à l'image du projet initié par la métropole du Grand Lyon , dans le Rhône, qui expérimente depuis cette année le bus sans chauffeur avec accès gratuit dans le périmètre d'un quartier de la ville. Cette innovation, qui rappelle le succès de la première ligne de métro complétement automatisée à Paris, doit permettre de réduire les externalités négatives liées à la pollution pour les usagers et de rationaliser la demande de personnel tout en garantissant le principe de continuité du service public des transports. Cette initiative pionnière mérite d'être soulignée, car la France accuse un retard dans le déploiement de ces systèmes autonomes alors que dans de nombreux pays, États-Unis en tête, l'intérêt pour la voiture sans chauffeur est grandissant. Les experts prévoient qu'à l'horizon 2020, cette technologie sera très largement développée. Il ne faudrait donc pas que nos territoires et nos entreprises prennent du retard sur un marché où les protagonistes majeurs sont aujourd'hui essentiellement américains (Google, Apple et Tesla) et viennent tous de la Silicon Valley.

Enfin, si la mobilité est devenue un enjeu crucial, la question des sources d'énergie qui l'alimentent n'en demeure pas moins importante. C'est dans ce sens que le législateur a souhaité, dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, encourager l'électricité, le gaz ou encore l'hydrogène dans les transports publics. Encore peu développé, l'hydrogène peut pourtant constituer une solution pertinente. L'intérêt de vos rapporteurs s'est également porté sur l'action développée par la métropole de Nantes , en Loire-Atlantique. Depuis 2016, celle-ci a mis en service des véhicules de transport propres fonctionnant à l'hydrogène, tant pour les véhicules de ses agents publics que pour les navettes fluviales utilisées par les usagers. Ces véhicules présentent l'avantage d'une pollution quasiment nulle et d'une réduction des externalités sonores pour les riverains. Lors de son audition, Guy Le Bras, directeur général du GART, regrettait toutefois que « la France soit aujourd'hui en retard dans ce domaine alors même que notre pays dispose de champions nationaux, comme par exemple l'entreprise Air Liquide ».

I. LA MÉTROPOLE DE SAINT-ETIENNE : UNE APPLICATION SMARTPHONE DÉVELOPPÉE POUR MUTUALISER L'OFFRE DE TRANSPORT

A. LES OBJECTIFS

En juin et juillet 2016, Saint-Etienne accueillait plusieurs matchs de la coupe d'Europe de football. C'est notamment pour recevoir et assurer la circulation dans les meilleures conditions des milliers de supporters attendus, que la métropole, en partenariat avec le réseau de transports publics STAS, a développé une application smartphone.

L'objectif était que l'usager puisse disposer d'une application simple lui permettant d'accéder à des informations actualisées pour construire le parcours multimodal le plus optimal et valider ses titres de transport. L'autre objectif était de mobiliser les technologies les plus innovantes pour accroitre l'attractivité du territoire et rendre les services de transport plus performants.

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