N° 571

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juin 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur les mutations et perspectives pour les économies des territoires français de l' océan Indien ,

Par M. Michel MAGRAS,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Magras, président ; Mme Aline Archimbaud, M. Guillaume Arnell, Mmes Éliane Assassi, Karine Claireaux, MM. Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Antoine Karam, Thani Mohamed Soilihi, vice-présidents ; M. Jérôme Bignon, Mme Odette Herviaux, MM. Robert Laufoaulu, Gilbert Roger, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean Bizet, Mme Agnès Canayer, MM. Joseph Castelli, Jacques Cornano, Mathieu Darnaud, Félix Desplan, Jean-Paul Fournier, Jean-Marc Gabouty, Jacques Gillot, Daniel Gremillet, Mmes Gélita Hoarau, Gisèle Jourda, MM. Serge Larcher, Nuihau Laurey, Jean-François Longeot, Mme Vivette Lopez, MM. Jeanny Lorgeoux, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Stéphane Ravier, Charles Revet, Didier Robert, Abdourahamane Soilihi, Mme Lana Tetuanui, MM. Hilarion Vendegou et Michel Vergoz.

Ouverture

Gérard LARCHER, Président du Sénat

Monsieur le Président, cher Michel Magras,

Mes chers collègues Sénatrices et Sénateurs,

Monsieur l'Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien,

Mesdames et messieurs les Présidents des organisations professionnelles et consulaires,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir ce matin au Palais du Luxembourg, siège du Sénat, dont la mission constitutionnelle - je le rappelle à chaque fois mais ce n'est pas inutile - est de représenter l'ensemble des territoires de la République, à l'occasion de cette Conférence économique de bassin, la dernière d'un cycle triennal destiné à donner une meilleure visibilité aux économies de nos collectivités d'outre-mer, à mettre en avant leurs spécificités et leurs atouts notamment en matière d'innovation et de recherche.

Ce mot d'accueil me donne aussi l'occasion de réaffirmer mon attachement aux outre-mer, y compris dans mes choix d'agenda ce matin, et l'ambition que nourrit notre Sénat pour les collectivités et les territoires ultramarins.

Ces conférences ont, en particulier, permis dans une logique de bassin océanique - et ce n'est pas une logique qui est simplement géographique - de montrer l'importance qui s'attache à une meilleure insertion de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional. La dimension régionale doit être au centre des stratégies de développement des outre-mer.

En outre, ces conférences témoignent de la proximité de notre assemblée avec le monde économique dont je salue les représentants présents à cette tribune mais aussi dans cette salle.

Nous avons pleinement conscience que ce sont vos entreprises qui créent des emplois et font vivre nos territoires.

Je tiens à saluer votre dynamisme. En effet, comme le rappelle le Président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), Jean-Pierre Philibert : il se crée proportionnellement plus d'entreprises dans les territoires d'outre-mer qu'en France métropolitaine.

L'éloignement, l'étroitesse des marchés et l'ensemble des défis liés à l'ultrapériphéricité vous conduisent constamment à faire preuve de créativité, d'imagination et d'innovation pour créer de la richesse.

À nous, les responsables politiques, de donner à vos entreprises un cadre juridique, un cadre fiscal, un cadre social qui soit clair et adapté en fonction des évolutions statutaires ou institutionnelles de vos territoires, afin de faciliter leur développement.

Je me réjouis de l'actualité législative récente qui a vu, grâce au Sénat et à votre implication personnelle, cher Président Michel Magras, la création d'un Small Business Act ultramarin à titre expérimental, assorti de dispositions prévoyant de manière permanente un plan de sous-traitance pour garantir notamment la participation des petites et moyennes entreprises locales aux marchés de plus de 500 000 euros remportés par de plus grandes sociétés.

Cette innovation, très concrète, très pragmatique - et qui va bien au-delà des discours que l'on entend souvent, mais qui ne se traduisent jamais dans les faits - correspond parfaitement au tissu économique ultramarin et doit permettre de faire émerger de nouveaux opérateurs.

Une autre avancée de la loi relative à l'égalité réelle des outre-mer : la possibilité pour tous les contribuables français d'investir dans les futurs Fonds d'investissement de proximité ultramarins (FIP-DOM-COM). Cette nouvelle réduction d'impôt majorée devrait permettre de soutenir notamment le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) pour les petites et moyennes entreprises, le tourisme et l'agriculture, en contribuant à renforcer leurs fonds propres.

Nous devons cependant sans doute aller plus loin en faveur de nos entreprises en leur redonnant des marges de manoeuvre. Il faudra bien alléger l'impôt sur les sociétés, y compris pour avoir la convergence indispensable dans la zone euro par exemple, en réduisant et en maîtrisant le coût du travail grâce à des allègements de charges sociales, en libérant l'activité bloquée par ce qu'il faut bien qualifier de « matraquage réglementaire », en créant un dispositif spécifique à l'outre-mer d'incitation à l'embauche. En résumé, vous permettre de créer de la richesse pour développer nos outre-mer et, par là même, lutter contre le chômage, mais aussi, tout simplement, développer la France.

Je souhaiterais également, en ouvrant ces travaux, remercier et féliciter chaleureusement une nouvelle fois le Président Michel Magras et l'ensemble de la Délégation à l'outre-mer, qu'ils soient ultramarins, qu'ils soient au coeur de la France. C'est bien une préoccupation de l'ensemble des sénateurs qui est traduite au travers de cette délégation. Je souhaite également remercier l'équipe administrative qui vous entoure, cher Michel Magras, pour le sérieux et la pertinence des travaux menés dans le cadre de cette délégation, travaux qui concourent à la qualité du travail législatif et de contrôle de notre Haute assemblée.

L'adoption, lors du récent examen du projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer, de préconisations formulées par notre délégation en matière de foncier à Mayotte et en Guyane, est là pour montrer des aspects très concrets.

Après le bassin Pacifique et ses trois collectivités, c'était en juin 2015, le bassin Atlantique et ses six territoires, c'était en mai 2016, nous abordons aujourd'hui le bassin océanique « Indien » avec deux départements (je leur dois une visite, c'est vrai) :

- Mayotte, aux surnoms évocateurs : île aux parfums pour les uns, île au lagon pour les autres, plus jeune département de France avec une population dont l'âge médian en 2012 était de 17,5 ans, contre 39 ans en moyenne en métropole. Territoire où il existe de nombreuses raisons d'espérer. Sa jeunesse en est une. En effet, si elle est bien formée, elle aura vocation à intégrer des secteurs porteurs de croissance. Mais il ne faut pas se voiler la face non plus, certains freins, que nous ne pouvons pas ignorer, existent, comme par exemple ceux liés à la complexité de la mise en place de la départementalisation, à la faiblesse des finances des collectivités locales ou à l'inquiétude face à la montée de l'insécurité ou à une immigration peu ou mal contrôlée.

- La Réunion, département le plus peuplé d'outre-mer avec plus de 840 000 de nos compatriotes, habituée à un taux de croissance soutenu par rapport à celui des autres territoires ultramarins, voire de métropole. L'enjeu réside donc pour les années à venir dans la capacité de son économie à poursuivre et à amplifier ce rythme de croissance. Elle possède, pour cela, de nombreux secteurs d'avenir, générateurs de développement : le tourisme, avec la montée en puissance de plusieurs hôtels haut de gamme ; le développement des croisières ; le numérique, avec l'ambition des acteurs économiques de faire de La Réunion une forme de Silicon Valley du numérique et de la e-santé, les économies vertes et bleues. De plus, la volonté des chefs d'entreprises de bâtir une Réunion forte et attractive, tout cela est une chance pour ce département.

Toutes deux ont la particularité d'être régies par l'article 73 de notre Constitution. Elles font parties intégrantes du territoire européen. L'acquis communautaire leur est donc pleinement applicable.

Sur le plan financier, l'Union européenne est un partenaire important des outre-mer, même s'il faut demeurer très vigilant face aux risques de remise en cause de la politique européenne de cohésion. C'est un point sur lequel je me suis entretenu avec Jean Bizet il y a peu, et avec le Président Juncker.

Les sommes mobilisées au titre du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) en faveur de l'ensemble des territoires ultramarins représentent près d'un quart de l'enveloppe totale allouée à la France. La dotation du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) représentent 8 à 10 % du total national.

Mais l'Europe est moins solidaire de ses outre-mer notamment dans le cadre des négociations commerciales en raison d'une politique qui paraît souvent déséquilibrée en faveur des pays tiers. Ce souci d'ouverture peut constituer une menace pour certaines grandes filières exportatrices dont la disparition aurait des conséquences dévastatrices pour des économies insulaires, par définition plus vulnérables et plus dépendantes. Cette situation est d'autant plus difficile à comprendre que ces filières de production portent les valeurs européennes d'exigences environnementale et sociale.

La France doit donc faire entendre sa voix devant les instances européennes. Le Sénat, tous groupes politiques confondus, est, me semble-t-il, particulièrement vigilant et prend sa part dans ce combat que nous ne pourrons gagner qu'ensemble.

L'adoption, par notre Haute assemblée, d'une résolution demandant à la Commission européenne d'empêcher ces pratiques pour préserver des pans vitaux de l'activité économique ultramarine, ainsi que l'action conjointe des socio-professionnels, du Gouvernement, des parlementaires nationaux et européens, et en particulier des sénateurs membres de notre délégation, commencent à porter leurs fruits. Là encore, avec le Président Michel Magras, le Président Jean Bizet qui préside notre commission européenne, je suis intervenu auprès du Président de la Commission européenne et de plusieurs commissaires européens, notamment Madame Corina Cretu en charge de la politique régionale et Madame Cécilia Malmström en charge du commerce.

Nous avons pu constater des résultats encourageants de nos démarches dans le cadre de l'accord avec le Vietnam où, grâce à notre appui sans faille, le gouvernement français a obtenu, in fine , l'inscription d'un contingent d'importation réduit de sucres spéciaux à droits nuls ou encore dans l'accord commercial avec l'Équateur, des dispositions favorables aux producteurs européens de banane ont finalement été acceptées. Mais il nous faut rester vigilant, il nous faut rester attentif, et ne pas intervenir au moment où il serait presque trop tard, pour faire porter l'intérêt de nos territoires ultramarins au plan européen.

Si la politique de l'Union européenne me paraît ainsi devoir être infléchie en matière d'échanges commerciaux, notamment agricoles, avec les pays tiers, il est nécessaire également que l'Europe adapte au climat de nos territoires ultramarins son processus d'élaboration des normes. C'est un sujet important. Là encore, notre délégation a fourni un travail remarquable en enquêtant dans le labyrinthe de la réglementation française et européenne, en repérant les défauts des procédures d'homologation et en montrant les lacunes du système de contrôle des importations qui au fond pénalisent nos outre-mer.

Le programme thématique de cette journée vous permettra d'aborder ces questions relatives aux liens européens si importants pour les économies ultramarines. Nul doute que ces échanges soient particulièrement enrichissants.

L'Europe, comme la France, oublie parfois qu'elle n'est pas que continentale. À nous de combattre cette propension et de promouvoir nos outre-mer, - y compris dans les débats que nous allons ouvrir notamment à Rome, la semaine prochaine, à l'occasion de l'anniversaire du Traité et que nous ouvrons dans le cadre du point que nous faisons sur le Brexit, parce que le Brexit est l'occasion d'une refondation de l'Union européenne.

Je vous souhaite donc une très bonne journée. Je suis très heureux d'avoir privilégié cette rencontre dans mon agenda de ce matin pour nous retrouver ainsi, un instant, dans l'océan Indien.

Très bonne journée.

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et messieurs les Parlementaires et Élus,

Messieurs les Présidents de chambres de commerce et d'industrie qui avez accepté notre proposition de partenariat pour la mise en oeuvre de la conférence d'aujourd'hui,

Monsieur l'Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien,

Monsieur le Directeur général des outre-mer,

Monsieur le Président de la Fédération des entreprises des outre-mer, cher Jean-Pierre Philibert, compagnon assidu de nos conférences océaniques,

Mesdames et messieurs les acteurs de notre journée consacrée aux enjeux économiques des départements de l'océan Indien,

Chers amis dont la présence nombreuse manifeste le vif intérêt suscité par nos outre-mer,

À la suite du Président du Sénat, Gérard Larcher, qui honore notre manifestation de sa présence et de son chaleureux message, je vous souhaite la bienvenue au Sénat, en mon nom propre et au nom de mes collègues de la Délégation aux outre-mer.

Nous parvenons aujourd'hui au terme de notre voyage autour du monde, commencé le 25 juin 2015 avec les territoires du Pacifique et poursuivi le 19 mai 2016 avec ceux des Amériques.

Le Président du Sénat, Gérard Larcher, nous a fidèlement accompagnés à chacune des étapes, marquant ainsi une nouvelle fois son attachement indéfectible à nos beaux territoires, et je tiens à lui dire ma reconnaissance. Pour ceux qui l'ignoreraient encore, il est à l'origine de la création de notre délégation, héritière d'une mission d'information sur la situation des départements d'outre-mer destinée à analyser les causes de la grave crise économique et sociale qui secouait en 2009 ces territoires. Depuis, l'Assemblée nationale nous a imités en créant une instance équivalente, et la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM), qui vient d'être définitivement adoptée, confère aux deux délégations un socle législatif.

Un des axes de travail de notre délégation sénatoriale est d'organiser des manifestations pour donner la parole aux acteurs locaux et, dès lors, oeuvrer pour une meilleure connaissance de nos territoires, trop souvent affublés de clichés, mais aussi contribuer à une prise en compte effective de leurs spécificités.

J'ai la faiblesse de penser que ces initiatives, de même que les études de fond que nous menons au sein de la délégation - en ce moment sur la thématique du foncier ou sur les normes applicables en matière agricole ou dans le secteur du bâtiment et des travaux publics - suscitent des avancées concrètes. Je ne citerai que deux exemples récents : les amendements adoptés lors de l'examen au Sénat du projet de loi EROM, créant une Commission de l'urgence foncière à Mayotte, ou l'initiative prise dernièrement à La Réunion par les acteurs du BTP d'organiser un groupe de travail pour faire le point sur les normes applicables en réponse à notre enquête. Ce travail en mode interactif est très enrichissant pour tous et je profite de la tribune d'aujourd'hui pour remercier de leur implication et de leur mobilisation les acteurs économiques locaux et les structures représentatives sectorielles et syndicales ou consulaires, les décideurs politiques locaux et les services de l'État, qui s'efforcent de répondre à nos interrogations. Des déplacements sur le terrain nous permettent de temps à autre de fortifier cette démarche coopérative : nous nous sommes ainsi rendus à Mayotte en octobre 2016 pour étudier la problématique foncière et nous nous rendrons à La Réunion la semaine prochaine pour toucher du doigt les difficultés liées aux normes en matière de construction.

Mais, pour l'heure, nous sommes fiers d'avoir fait venir au Sénat un grand nombre d'acteurs économiques mahorais et réunionnais pour dresser un panorama aussi complet que possible de deux départements aux singularités très marquées et aux personnalités fortes.

Après un portrait sectoriel de chacun dessiné par la première table ronde, nous aborderons dans la deuxième table ronde la question des moyens des entreprises et de leur environnement. Après un déjeuner convivial qui se déroulera salle René Coty auquel notre délégation a le plaisir de tous vous convier, nous reprendrons nos travaux avec une table ronde consacrée aux problématiques européennes. La quatrième et dernière table ronde s'articulera autour des thématiques de la solidarité et de l'innovation qui constituent deux axes majeurs pour le développement et l'épanouissement de nos territoires.

Avant de céder la parole à Jean-Pierre Philibert qui m'a fait l'amitié d'accepter d'assumer l'orchestration de notre matinée, je souhaite souligner que nos outre-mer sont les ambassadeurs de notre pays tout autour de la planète, dans chacun des océans, et qu'ils y sont porteurs de nos valeurs et d'un art de vivre qui en font des îlots de prospérité dans leur environnement régional. C'est évidemment le cas pour La Réunion et pour Mayotte, à la jonction des continents africain et asiatique et à proximité d'autres territoires insulaires tels que Madagascar, Maurice, les Seychelles ou les Comores : selon les chiffres de l'Insee de 2014, le produit intérieur brut (PIB) par habitant à La Réunion est ainsi près du double de celui des Seychelles et près du triple de celui de Maurice ; le coefficient multiplicateur avec celui de l'Afrique du Sud est de 4 et il s'accroît encore avec les Comores (33) et Madagascar (plus de 60). En 2012, le différentiel de PIB par habitant entre Mayotte et les Comores correspond à un rapport de 1 à plus de 13, et ce rapport est encore supérieur si l'on considère le Mozambique (18) ou Madagascar (23,5).

Ces quelques chiffres illustrent la chance d'être français mais confèrent également de lourdes responsabilités dans le maintien des équilibres régionaux. Qu'ils résultent de la mondialisation et des flux démographiques induits ou des évolutions climatiques, nos territoires sont aux avant-postes de tous les bouleversements ; terres d'expérimentation et d'innovation, ils sont à la fois intercesseurs, précurseurs et éveilleurs de conscience.

C'est cette richesse et ce caractère stratégique du rôle joué par nos outre-mer que devrait illustrer notre journée. Je nous souhaite à tous de fructueux travaux.

Je vous remercie.

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