B. DES FINANCEMENTS QUI DEMEURENT CEPENDANT FRAGILES ET VOLATILES

1. Un financement éclaté

En 2015, les ressources des missions locales s'élevaient au total à 640,4 millions d'euros .

L'État constitue le principal financeur des missions locales (46 % du total des financements), devant les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (18 %) et les régions (16 %).

Répartition des principaux financeurs en 2015

Source : Délégué ministériel aux missions locales, Bilan d'activité des missions locales 2015-2014, avril 2017

Le financement des missions locales apparaît donc éclaté, faisant intervenir, au total, près d'une dizaine d'acteurs différents .

La part de chaque financeur varie en outre selon les régions, voire selon les structures. Comme le note l'Igas dans son rapport de 2016 précité, « en métropole, deux régions ont une part des subventions en provenance de l'État inférieures à 39 % (Île-de-France et Rhône Alpes) tandis que celle-ci dépasse 49 % pour six autres régions (Basse Normandie, Bourgogne, Centre, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées) . S'agissant des deux autres financeurs principaux, le conseil régional d'une part, et l'ensemble EPCI et communes d'autre part, les variations sont elles aussi importantes d'une région à l'autre, bien que d'une ampleur légèrement inférieure dans le cas des conseils régionaux ».

Au niveau infrarégional, l'Igas souligne que « pour différentes missions locales appartenant à une même région, voire à un même département, il existe des variations significatives dans la répartition des différents financeurs . Ainsi, dans plusieurs régions (Alsace, Corse, Franche Comté, Limousin), il a été constaté un niveau élevé de dispersion de la subvention versée par l'État aux missions locales. S'agissant de la subvention versée par les départements, le niveau de dispersion est également élevé dans certaines régions (Alsace, Corse, Franche Comté, Midi-Pyrénées), ce niveau de dispersion résultant davantage de choix politiques différents concernant le financement des missions locales entre les conseils départementaux d'une même région que de variations importantes des subventions versées par un même conseil départemental aux missions locales de ce département ».

2. Une situation financière globalement saine mais laissant apparaître de fortes disparités selon les structures

Les charges des missions locales en 2015 s'élevaient à 657,1 millions d'euros.

Les dépenses de personnel, qui s'élevaient à plus de 456,5 millions d'euros, représentaient une part majoritaire de ce montant (70 %) .

Compte de résultat des missions locales en 2015

Charges

Total

Produits

Total

Marchandises : Achats

2 110 900

Ventes de marchandises

7 394

Marchandises : Variation de stocks

- 2 305

Production vendue : Biens

25 082

Matières premières et autres approvisionnements : achats

3 715 443

Production vendue : Services

2 884 680

Matières premières et autres approvisionnements : variation de stock

352 472

Production stockée

- 2 881

Autres achats et charges externes

110 891 651

Production immobilisée

0

Impôts, taxes et versements assimilés

29 409 618

Produits nets partiels sur opérations à long terme

45 852

Salaires et traitements

322 636 101

Subventions d'exploitation

610 996 753

Charges sociales

133 876 348

Reprises sur dépréciations, sur provisions et amortissements

10 707 194

Dotations aux amortissements et dépréciations

8 176 246

Transferts de charges de personnel et autres transferts de charges

16 964 682

Dotations aux provisions

10 013 588

Cotisations

772 459

Subventions accordées par l'association

2 045 755

Autres produits

6 107 582

Autres charges

8 761 940

Total charges d'exploitation

631 987 757

Total produits d'exploitation

648 508 797

Résultat d'exploitation

16 521 040

Déficits transférés

22 461

Excédents transférés

53 744

Total charges financières

551 089

Total produits financiers

1 362 400

Dotations financières aux amortissements, dépréciations et provisions

46 513

Résultat financier

811 311

Résultat courant avant impôts

17 363 634

Total charges exceptionnelles

10 513 672

Total produits exceptionnels

7 174 663

Résultat exceptionnel

- 3 339 009

Participation des salariés aux résultats

8 438

Impôts sur les sociétés

57 861

Engagements à réaliser sur ressources affectées

13 974 365

Report des ressources non utilisés des exercices antérieurs

9 400 140

Total des charges

657 115 643

Total des produits

666 499 744

Excédent ou déficit

9 384 101

Source : Délégué ministériel aux missions locales, Bilan d'activité des missions locales 2015-2014, avril 2017

La situation financière globale des missions locales était excédentaire en 2015, l'écart entre les produits et les charges s'élevant à un peu plus de neuf millions d'euros .

Dans son rapport précité, l'Igas relevait néanmoins qu'en 2016 environ 30 % des missions locales présentaient un niveau de trésorerie ne couvrant pas plus d'un mois d'activité (contre 2,4 mois de dépenses en moyenne en 2014 et 2015).

Elle notait en outre qu'en 2015 , une structure sur quatre était en situation de déficit .

Au total, selon la mission, « le risque d'une détérioration de la situation financière du réseau en 2016 paraît élevé ».

3. Un financement fluctuant

Le risque de détérioration de la situation financière des missions locales tient en partie au caractère fluctuant de leurs ressources .

Ainsi, comme le notait l'Igas dans son rapport de 2016 précité , les missions locales « souffrent de plusieurs difficultés structurelles qui sont aujourd'hui renforcées sous l'effet du retrait, ou de la menace de retrait, de certains financeurs » .

En particulier, la mission relevait « une instabilité chronique des financements des missions locales et un manque de visibilité » imputable à deux facteurs : d'une part, un socle de financement qui n'a pas significativement évolué en dépit de profonds changements qui ont affecté les missions locales ainsi que des financements fléchés vers certains dispositifs, à l'instar de la Garantie jeunes, dont la dynamique « peine à entrer en adéquation avec l'évolution des charges des missions locales » et, d'autre part, un retrait de certains financeurs, en particulier de collectivités territoriales, en lien avec la diminution des dotations de l'État . L'Union nationale des missions locales (UNML) a ainsi indiqué à vos rapporteurs spéciaux que des diminutions des subventions régionales pouvant aller jusqu'à 10 % pouvaient être constatées dans certaines régions (Île-de-France, Rhône-Alpes, etc.), nécessitant d'envisager une diminution du nombre d'emplois dans les structures concernées.

La mise en place d' une conférence des financeurs devrait permettre une meilleure coordination de ces derniers .

Il conviendrait de poursuivre cette logique en mettant en place de telles structures au niveau local , les évolutions constatées au niveau national pouvant masquer d'importantes disparités sur le terrain.

Recommandation n° 3 : pour permettre une meilleure coordination entre les différents financeurs des missions locales, mettre en place des conférences locales des financeurs, sur le modèle de ce qui existera au niveau national.

Les ressources des missions locales sont également dépendantes des crédits dont elles bénéficient au titre des dispositifs nationaux dont elles assurent le portage.

Ainsi, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 7 avril 2011, les missions locales ont perçu 105 millions d'euros versés par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au titre de l'accompagnement les jeunes en situation de décrochage. La non-reconduction de ce dispositif s'est logiquement traduite par une diminution des ressources des missions locales .

De même, les crédits consacrés à l'accompagnement des emplois d'avenir sont passés de 30 millions d'euros en 2013 à 10 millions d'euros en 2017, soit une diminution de 20 millions d'euros .

Enfin, le schéma de versement des subventions liées à la mise en oeuvre de la Garantie jeunes par les missions locales apparaît inadapté.

Une partie de ces aides fait l'objet d'un cofinancement par le fonds social européen (FSE) et l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) à hauteur de 55 millions d'euros en 2017. Ce cofinancement ne concerne que les régions éligibles à l'IEJ, c'est-à-dire celles dont le taux de chômage des jeunes était supérieur à 25 % au 31 décembre 2012.

Il s'établit sur la base d'un forfait de 3 600 euros par jeune (dont 1 600 euros pour l'accompagnement et 2 000 euros pour l'allocation). Les crédits européens prennent en charge 91,89 % de ce forfait soit 3 308 euros par jeune.

Sur les 1 600 euros liés à l'accompagnement, une avance de 70 % pour les missions locales entrant dans le dispositif (vague 7) et de 50 % pour les autres (vagues 1 à 6) est versée à la signature de la convention entre les services de l'État et la mission locale. Le versement du solde est conditionné à la réalisation d'objectifs quantitatifs, quantitatifs et au respect des obligations de reporting par les missions locales.

Modalités de versement des crédits d'accompagnement de la Garantie jeunes

Source : commission des finances du Sénat

Des contrôles des pièces justificatives et des informations renseignées par les missions locales sont réalisés par les services de l'État selon les modalités figurant dans le schéma infra .

Processus de contrôle des services de l'État

Source : Note DGEFP du 31 juillet 2015 relative au processus de contrôle et de gestion de la Garantie jeunes pour 2015

Or, d'une part, les objectifs quantitatifs peuvent être surévalués et, d'autre part, les critères de performance retenus apparaissent excessifs (taux de sortie positive de 100 %) .

Ainsi, comme l'a indiqué l'UNML à vos rapporteurs spéciaux, ce mode de financement fait craindre aux missions locales une « perte financière sèche », alors qu'elles mobilisent les moyens à hauteur des financements attendus dès le premier jour d'entrée du jeune dans le dispositif . Selon la mission locale de Paris, sur les 1 600 euros de crédits d'accompagnement, seuls 70 % sont effectivement perçus par la structure .

Il apparaît par conséquent nécessaire de fixer des cibles plus réalistes, telles que des taux de sortie positive de 70 % à 80 %, comme le suggère l'Igas.

Recommandation n° 4 : afin de sécuriser les financements liés à la mise en oeuvre de la Garantie jeunes, fixer des objectifs qualitatifs plus réalistes.

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