B. LA QUESTION DE LA VOLATILITÉ DU PRODUIT DE CVAE RESTE NON RÉSOLUE

1. Une ressource instable

Un reproche régulièrement adressé à la CVAE par les élus locaux porte sur sa volatilité . En effet, cette imposition représente une part significative de leurs ressources de fonctionnement (plus de 8 %) et jusqu'à 18 % pour les régions 39 ( * ) . Dès lors, la volatilité du produit de CVAE rend difficile la préparation des budgets des collectivités territoriales, le montant finalement perçu pouvant varier de façon très importante.

Poids de la CVAE dans les recettes de fonctionnement
de chaque échelon en 2015

(en milliards d'euros)

Produit de CVAE

Recettes de fonctionnement

Ratio

Bloc communal

4,4

106,4

4,1 %

Départements

8,1

68,1

11,8 %

Régions

4,2

23,1

18,0 %

Total

16,6

197,6

8,4 %

Source : commission des finances du Sénat

Le graphique ci-dessous illustre la volatilité du produit de CVAE entre 2011 et 2016. Il compare son évolution moyenne sur cinq ans à son évolution annuelle constatée ; il montre également l'étendue des variations annuelles subies par les départements.

Évolution annuelle du montant de CVAE par département (2011-2016)

Évolution annuelle du produit de CFE

Évolution moyenne 2011-2016

Médiane des 10 départements ayant la hausse la plus importante

Évolution annuelle du produit

Médiane des 10 départements ayant la baisse la plus importante

Source : commission des finances du Sénat

Il est à noter que la volatilité serait encore plus forte à l'échelle du bloc communal .

2. Des variations difficilement lisibles pour les élus locaux

À cette volatilité du produit s'ajoute la difficulté à disposer d'estimations fiables suffisamment en amont de la préparation du budget des collectivités territoriales, malgré les informations transmises par l'administration , à la suite notamment de la convention de partenariat signée entre le ministère des finances et des comptes publics et les associations d'élus locaux en novembre 2014.

De premières simulations sont transmises fin juin , sur la base notamment des déclarations de liquidation et de régularisation de l'année précédente, de l'acompte de juin (représentant en principe la moitié de la contribution) et les déclarations des effectifs et des valeurs locatives. Ces simulations sont transmises uniquement, en dehors des départements et des régions, aux EPCI à fiscalité professionnelle unique et aux communes de plus de 20 000 habitants n'appartenant pas à un tel EPCI.

Fin septembre, de nouvelles simulations sont transmises , qui intègrent l'acompte acquitté le 15 septembre.

Enfin, entre mars et avril, chaque collectivité territoriale reçoit la notification définitive, accompagnée du fichier détaillant les informations relatives aux entreprises localisées sur son territoire.

3. Une nouvelle répartition qui corrige certains facteurs d'instabilité tout en en créant d'autres

La recherche d'une certaine stabilité des ressources fiscales des collectivités territoriales constituait l'une des explications du choix de la valeur ajoutée comme assiette du nouvel impôt local sur les entreprises (cf. supra ).

Pourtant, les modalités actuelles de répartition de la CVAE peuvent entraîner une instabilité pour les collectivités territoriales dans le cas d'un changement de statut juridique d'un établissement . En cas de filialisation, l'ancien établissement sort ainsi du champ de la clé de répartition pour constituer une entité autonome, ce qui peut avoir des conséquences importantes pour les collectivités concernées. À cet égard, l'application de la clé de répartition à l'échelle du groupe permettrait de neutraliser cet effet.

De même, l'instabilité peut également provenir des règles de calcul de la valeur ajoutée, et par exemple de la non prise en compte dans la valeur ajoutée fiscale des provisions pour dépréciation des immobilisations financières. En raison des moins-values de cessions liées à la crise de la dette souveraine grecque, de nombreuses sociétés d'assurance ont vu leur valeur ajoutée diminuer fortement en 2012. Cette perte s'est traduite, pour les collectivités sur le territoire desquelles beaucoup de sociétés d'assurances sont implantées, par une forte baisse de la CVAE qui leur a été reversée en 2014 40 ( * ) .

Les nouvelles modalités de répartition de CVAE accentueraient encore la volatilité de la répartition entre collectivités territoriales. L'importance de la part des groupes dans l'économie accentue ce risque. En effet, plus du quart des établissements recensés dans la répartition de la CVAE sont rattachés à des entreprises membres de groupes, représentant plus de la moitié des recettes totales de cette imposition .

Part des établissements fiscalement intégrés dans un groupe en 2016

Source : commission des finances du Sénat

Deux sources d'instabilité introduites par les nouvelles modalités de répartition doivent être distinguées :

- d'une part, les changements de périmètre des entités faisant partie du groupe ;

- d'autre part, à périmètre stable, les évolutions des effectifs et des bases foncières entre les différentes entités du groupe, qui influeront sur la répartition des recettes entre collectivités.

Surtout, les changements de périmètre sont très fréquents pour les groupes de sociétés. Ils ne se matérialisent pas nécessairement par une évolution dans l'implantation physique, mais peuvent résulter d'opérations comptables et fiscales plus aisées à mettre en oeuvre. De fait, la structure d'un groupe est plus « volatile » que l'implantation géographique des établissements. Ainsi, dans le cas où une entreprise mono-établissement est rachetée par un groupe ou dans le cas où elle acquiert elle-même une autre entreprise, formant dès lors un groupe, la répartition du produit de CVAE serait modifiée alors que tel ne serait pas le cas aujourd'hui.

En moyenne, 22 % des groupes connaissent une évolution de périmètre d'une année sur l'autre, dans des proportions moyennes représentant 60 % de l'actif brut, soit 511 milliards d'euros au total. Sur un cycle représentatif de trois exercices, ce sont ainsi 5,5 % des établissements assujettis à la CVAE, représentant 10 % du produit total, qui sont concernés par un changement de statut au sein de leur groupe.

Par ailleurs, s'ajoute l'incertitude liée à la surpondération pour les établissements à caractère industriel. Sans modification, l'entrée en vigueur de l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 élargirait la part de CVAE répartie en fonction des valeurs locatives et des effectifs. En effet, 1,4 milliard d'euros, correspondant à la CVAE due par les 50 000 entreprises mono-établissement intégrées à un groupe, serait désormais réparti en fonction des effectifs (2/3) et de la valeur locative (1/3) - au lieu de bénéficier au seul territoire d'implantation de l'établissement.

Dans ces conditions, la part de CVAE revenant à une collectivité territoriale pourrait se trouver modifiée en l'absence d'évolution des données propres à l'établissement qu'elle accueille. Tant la prévisibilité que la lisibilité de ces changements en seraient affectés. À rebours de l'objectif visé par les auteurs de l'amendement, cette nouvelle règle de calcul pourrait donc se traduire par une évolution du produit distribué en partie décorrélée de l'activité économique sur le territoire.


* 39 Cette proportion augmentera à compter de 2017, à la suite du transfert de la moitié de la part départementale.

* 40 « Fiscalité locale et entreprises », Conseil des prélèvements obligatoires, mai 2014, page 138.

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