SECONDE PARTIE - LA CONTRIBUTION DU PITE À LA MISE EN oeUVRE DU PLAN GOUVERNEMENTAL POUR LE MARAIS POITEVIN : BILAN ET PERSPECTIVES

Au-delà des observations et propositions d'ordre général présentées précédemment, la présente mission de contrôle budgétaire s'est attachée à analyser la mise en oeuvre sur le terrain de l'une des actions du PITE, à savoir l'action 6 concernant le plan gouvernemental pour le Marais poitevin, afin de mieux appréhender les spécificités de ce programme budgétaire et de tracer des perspectives pour l'avenir.

L'action consacrée au Marais poitevin est la plus faiblement dotée du PITE. Les crédits ouverts en loi de finances pour 2017 ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2006, avec 1,2 million d'euro en AE et 1,6 million d'euros en CP. De plus, le plan gouvernemental ayant justifié sa création est achevé depuis 2013.

Dans ces conditions, se pose la question du maintien de cette action. En complément des rapports d'évaluation remis par les corps d'inspection compétents en 2014 et en 2016 19 ( * ) , des visites de terrain à la rencontre des acteurs locaux, l'audition des services gestionnaires et du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine ont permis de dresser un bilan de l'utilisation du PITE dans le Marais poitevin.

I. UN TERRITOIRE AU PATRIMOINE NATUREL D'EXCEPTION, CARACTÉRISÉ PAR UNE GOUVERNANCE TRÈS FRAGMENTÉE

A. HISTOIRE ET CARACTÉRISTIQUES NATURELLES DU MARAIS POITEVIN

1. Une zone humide aménagée par l'homme depuis le XVIe siècle

La zone humide du Marais poitevin s'étend sur près de 102 000 hectares 20 ( * ) , répartis entre deux régions - Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine - et trois départements - Vendée (64 000 hectares), Deux-Sèvres (8 000 hectares) et Charente-Maritime (25 000 hectares) . Il s'agit de la seconde zone humide de France métropolitaine après la Camargue.

Les premiers grands travaux de dessèchement du Marais poitevin ont débuté au XVI e siècle , sous le règne d'Henri IV, afin de permettre la valorisation agricole du territoire. Dans les marais desséchés, des sociétés de marais furent créées par les propriétaires à partir du milieu du XVII e siècle pour assurer collectivement l'entretien et la réalisation des ouvrages et gérer les niveaux d'eau. Les marais mouillés étaient quant à eux gérés par les paroisses, puis les communes. Jusqu'au milieu du XIX e siècle, le morcellement de la propriété dans les marais a ainsi conduit à un partage en de nombreuses petites parcelles, délimitées par des fossés, donnant au territoire ses caractéristiques actuelles.

Zone humide du Marais poitevin

Source : Établissement public du Marais poitevin, 2015

Après une période de mise en prairie de nombreuses cultures et le développement de l'élevage extensif, à la suite de l'exode rural qui toucha le territoire aux XIX e et XX e siècles, un mouvement de remise en culture des espaces, au détriment des prairies naturelles humides, est intervenu à partir du milieu des années 1970 ; la modernisation des moyens et techniques agricoles permettant en effet de mécaniser et d'intensifier le drainage des terres.

Aujourd'hui, environ 100 000 habitants vivent dans le périmètre de la zone humide du Marais poitevin, dont environ 48 000 hectares sont recouverts de surfaces agricoles cultivées , principalement dans la zone sud du marais tandis que l'élevage domine au nord.

L'histoire récente du Marais poitevin est ainsi marquée par les tentatives de reconquête des prairies humides et de recherche d'un équilibre entre usages agricoles et protection de la biodiversité. Le territoire a également été touché par la tempête Xynthia, qui a mis en lumière des carences en matière de protection du territoire des risques d'inondation.

Histoire récente du Marais poitevin

Jusque dans les années 1980

Marais poitevin aménagé dans une logique d'assèchement pour une mise en culture céréalière ou en polyculture-élevage

1992

Mise en demeure de la France par la Commission européenne pour non-respect de la directive « Oiseaux » dans le Marais poitevin

1997

Non renouvellement du label « parc naturel régional » du Marais poitevin (cas unique en France), puis création d'un parc interrégional sur un périmètre plus restreint

1999

Condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes pour non-respect de la directive « Oiseaux », suivi en 2002 d'un nouvel avis motivé

2002

Extension du site Natura 2000 du Marais poitevin (68 023 hectares)

2003

Mise en place du plan gouvernemental 2003-2013 pour le Marais poitevin et extension à 18 620 hectares du classement du site du marais mouillé

2005

Levée du contentieux communautaire

2010 (février)

Tempête Xynthia provoquant la submersion de 16 000 hectares et la mort de 33 personnes dans le secteur de la baie de l'Aiguillon

2010

Labellisation Grand site de France délivrée au parc interrégional pour la gestion des marais mouillés (18 550 hectares)

2011

Création de l'Établissement public du Marais poitevin (EPMP) chargé de coordonner et de mettre en oeuvre les politiques de l'État en matière de gestion hydraulique et de biodiversité et désignation d'un préfet coordonnateur pour le Marais poitevin

2014

Re-labellisation du Parc naturel régional du Marais poitevin (PNR)

2014

Première mission d'évaluation du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de la mise en oeuvre du plan gouvernemental 2003-2013 pour le Marais poitevin

2016

Seconde mission du CGEDD dressant un état des lieux actualisé des actions menées dans le cadre du plan gouvernemental 2003-2013 et présentation des orientations

Source : commission des finances du Sénat

2. Un territoire présentant des enjeux spécifiques de biodiversité, de gestion de l'eau et des risques d'inondation

Isolé de la mer au fil des siècles par les interventions humaines, le Marais poitevin est un milieu artificiel , s'étendant sur une zone en bord de mer de très faible altitude et qui, dès lors, ne peut se maintenir qu'à la condition d'être entretenu. La zone humide de 102 000 hectares est ainsi constituée de quatre types de marais :

- les marais desséchés (environ 46 820 hectares), isolés des crues par endiguement et rendus cultivables par drainage ou pompage ; ils concentrent de grandes cultures céréalières ;

- les marais mouillés (environ 32 262 hectares), inondables par accumulation des eaux de pluie ou lors des crues ;

- les marais intermédiaires (environ 18 768 hectares), potentiellement humides mais dont l'équipement en structures d'assèchement (digues, pompes) les rapprochent des marais desséchés ;

- les marais maritimes , secteurs en eaux saumâtres soumis aux marées (prés salés, vasières etc.) 21 ( * ) .

Les prairies naturelles humides , qui couvrent environ un tiers de la zone humide du Marais poitevin, et la baie de l'Aiguillon sont les espaces qui présentent le plus fort enjeu en terme de biodiversité en raison des 250 espèces qui y sont recensées, parmi lesquelles des espèces emblématiques du marais. On peut notamment citer, en matière de faune, le héron pourpré, la cigogne, la guifette noire, le râle des genêts, la barge à queue noire, la loutre ou encore l'anguille, amphibiens et, en matière de flore, la jussie aquatique, le jonc de Gérard ou l'orge maritime 22 ( * ) .

Afin de protéger ce patrimoine naturel fragile, une zone Natura 2000 s'étendant sur 68 023 hectares a été créée dans le périmètre de la zone humide du Marais poitevin en 1999, à la suite de la condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes 23 ( * ) . La zone Natura 2000 est en fait composée de trois zones : une zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive « Oiseaux » 24 ( * ) , une zone spéciale de conservation (ZSC) au titre de la directive « Habitats » 25 ( * ) et le site d'intérêt communautaire de la Sylve d'Argenson au sud-est du marais. À ce zonage s'ajoute la réserve naturelle nationale située dans la baie de l'Aiguillon, trois réserves naturelles régionales , le site classé situé dans le périmètre du marais mouillé poitevin ainsi que deux zones faisant l'objet d' arrêtés de protection de biotope , situées à proximité de la « Venise verte » et de Marans.

Les principaux dispositifs de protection des milieux naturels et des espèces

Source : Établissement public du Marais poitevin, 2015

Outre la préservation de la biodiversité, le Marais poitevin est confronté à un second enjeu : celui de la gestion de l'eau et des risques d'inondation . En effet, le marais et son bassin versant constituent un système hydraulique particulièrement complexe comportant plus de 8 000 km de canaux, 1 000 km de digues et 600 ouvrages hydrauliques qui compartiment le marais en 270 casiers hydrauliques, vers lesquels convergent différents cours d'eau, notamment le Lay, la Vendée et la Sèvre niortaise.

Zone humide et voies d'eau du Marais poitevin

Source : Établissement public du Marais poitevin, 2015


* 19 Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Rapport d'évaluation de la mise en oeuvre du plan gouvernemental 2003-2013 pour le Marais poitevin, juin 2014 ; CGEDD, Le Marais poitevin : état des lieux actualisées des actions menées à la suite du plan gouvernemental 2003-2013 et orientations, juin 2016.

* 20 Zone en violet sur la carte ci-dessous.

* 21 CGEDD et CGAAER, op. cit. , juin 2014, p. 14.

* 22 CGEDD, op. cit ., juin 2016, pp. 22-24.

* 23 Voir infra .

* 24 Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

* 25 Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

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