G. AUDITION DE M. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES (8 mars 2018)

M. Alain Chatillon , président. - Nous avions produit un rapport sur l'industrie française en 2011, mais beaucoup de ses préconisations sont restées lettre morte alors que certains problèmes n'ont pas été réglés.

Aujourd'hui, ce ne sont pas les chiffres de l'économie qui nous inquiètent, car ils semblent bien s'orienter, mais l'état du tissu industriel. Trois cinquièmes des emplois industriels ont disparu durant les 35 dernières années, et les réformes mises en oeuvre depuis quelques années - regroupement des régions, suppression d'un certain nombre d'aides - nous inquiètent. Nous souhaitions attirer votre attention sur ces questions. Entre-temps, le Premier ministre a annoncé des mesures en faveur de l'industrie dont vous nous direz sans doute quelques mots.

Nous souhaitons une orientation des aides vers l'accompagnement des entreprises qui doivent engager des mutations : la robotisation, la digitalisation et l'importance d'internet. En ce qui concerne Alstom, notre inquiétude découle des décisions prises et des risques qu'elles comportent sur l'emploi. Il en va de même pour Airbus. Le rôle de l'État est d'accompagner les entreprises, mais aussi de garantir l'équilibre dans les territoires entre le pouvoir des régions, celui que s'arrogent les métropoles et les territoires ruraux.

M. Martial Bourquin , rapporteur. - Monsieur le ministre, comme l'a indiqué notre président Alain Chatillon, notre mission porte sur deux objets distincts : un cas très concret, Alstom, et une dimension plus prospective.

J'aimerais d'abord vous interroger sur le dossier Alstom. Nous sommes nombreux à penser que la taille est cruciale pour nos industries dans la concurrence européenne et mondiale, et cela explique, pour l'essentiel, le rapprochement avec un autre acteur du marché mondial. Toutefois, l'accession à une taille critique ne peut se faire à n'importe quel prix, et notamment pas au prix de la prise de contrôle de certains fleurons industriels par des groupes ou des capitaux étrangers. C'est ce qui, malheureusement, est en train de se passer avec Alstom.

Dans ce rapprochement, quelle a été la position de l'État français, qui bénéficiait d'un prêt d'actions de la part de Bouygues lui permettant d'exercer les prérogatives de premier actionnaire d'Alstom ? Comment l'État est-il intervenu, comme actionnaire ou comme puissance régalienne, dans ce dossier et quelles considérations l'ont poussé à accepter le principe d'un nouveau groupe à dominante étrangère ?

Monsieur le ministre, pourrions-nous disposer de l'accord conclu ? Les syndicats ne l'ont pas, la représentation nationale non plus, mais certains l'ont. Cela nous pose problème. Nous savons garder des secrets ! Nous voudrions avoir cet accord, pour rassurer, mais aussi parce que tout n'est pas terminé : l'Europe doit se prononcer, le décret Montebourg va être révisé, nous pourrions donc encore avancer des propositions pour préserver les intérêts français.

Douze sites de production français sont concernés, dans des métropoles, mais aussi dans de petits territoires ruraux. Nous craignons que les décisions futures ne soient guère favorables aux intérêts français. Pouvez-vous nous rassurer ?

Les modalités juridiques et capitalistiques du rapprochement entre Alstom et Siemens garantissent-elles la préservation des intérêts français sur le long terme ? Nous vous avons entendu déclarer que l'État actionnaire n'avait aucun intérêt à détenir seulement un strapontin dans le capital. Pourtant, pouvoir de contrôle et propriété du capital ne sont pas strictement corrélés ; on peut être influent sans être majoritaire en parts ou en droits de vote.

Dès lors, les accords conclus avec Siemens n'auraient-ils pas pu prévoir, sous la forme de droits de gouvernance spécifiques, des droits de veto permettant à notre pays d'avoir voix au chapitre sur les décisions stratégiques de la future entité Alstom-Siemens, par exemple les décisions de fusion, de scission ou d'apport partiel d'actifs ou encore celles qui prévoiraient le transfert du siège social et des centres de décision ?

Comment les effets du rapprochement avec Siemens ont-ils été pris en considération, à la fois pour les sites Alstom et pour leurs sous-traitants ? En plus des douze sites industriels en cause, il y a des centaines de sous-traitants.

On se souvient des conditions posées lors de la cession de la branche énergie d'Alstom à General Electric, elles étaient limitées et n'ont parfois pas été remplies. Où en est-on de l'amende à payer pour chaque emploi non créé ?

La presse s'est récemment fait l'écho du développement de la sous-traitance industrielle italienne dans la coentreprise GE Hydro de Grenoble, avec le transfert, semble-t-il nuitamment et sans les autorisations nécessaires, de certains éléments produits vers des sites transalpins du groupe. Cette situation montre qu'au terme des quatre ans de garantie du maintien des sites et de l'emploi qui figure dans l'accord avec Siemens, rien n'assure qu'il n'y aura pas un démantèlement des sites de production en France.

Par ailleurs, les organisations syndicales, au niveau national, se sont prononcées contre l'opération, tandis qu'au niveau européen, leur position a été de s'abstenir ou de voter contre. Cette position est-elle de nature à infléchir la teneur de l'accord négocié entre Alstom et Siemens et l'État peut-il, le cas échéant, y contribuer ?

Il semble que des négociations ont eu lieu entre l'État allemand, Siemens et IG Metall, avec la participation des Länder. Pourquoi de telles négociations n'ont-elles pas eu lieu entre les acteurs français et l'État ? Avez-vous l'intention de rencontrer les syndicats ?

L'achèvement de cette opération est soumis à sa validation par la Commission européenne, dans son rôle de gardienne d'une « concurrence libre et non faussée ». N'y a-t-il pas un certain paradoxe à vouloir créer des champions européens - c'est l'objectif affirmé de l'opération Siemens-Alstom - tout en étant soumis à des règles de concurrence européenne très strictes dont on peut craindre qu'elles conduisent à des cessions de sites industriels qui peuvent limiter la capacité d'action de champions européens ? Le droit actuel de la concurrence au niveau européen n'est-il pas, dans une certaine mesure, un obstacle à une politique industrielle européenne offensive ? Le Gouvernement français entend-il agir auprès des institutions sur ce point ?

Sur le volet plus général de la stratégie industrielle, plus nous avançons dans nos travaux, et plus nous doutons de l'existence même d'une politique industrielle effective en France. On ne peut se contenter de traiter des seuls aspects macroéconomiques, car la politique industrielle implique, avant toute chose, une vision microéconomique. Cette vision semble aujourd'hui devenue sinon défaillante, du moins sans portée concrète. Nous vous appelons à réagir !

Durant nos visites, dans des pôles de compétitivité comme dans des entreprises de dimension nationale, des dirigeants nous ont signalé des défaillances et nous ont fait part de leur besoin d'un signal clair et lisible en matière de politique industrielle. Notre mission revient ainsi d'un déplacement à Toulouse, où nous avons constaté l'inquiétude qui règne quant à l'avenir français d'Airbus. Les intérêts allemands y semblent de plus en plus favorisés, l'État allemand a même engagé une stratégie publique pour favoriser l'essor de son industrie aéronautique et aérospatiale pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de fabrication. Les équilibres à l'oeuvre aujourd'hui chez Airbus risquent d'en faire les frais. J'en veux pour preuve que les sites français d'Airbus ne seraient, semble-t-il, pas privilégiés pour l'établissement des chaînes de fabrication ou de montage des futures gammes d'avions.

Je souhaite que vous évoquiez spécifiquement la question des outils défensifs visant à assurer un contrôle sur les investissements étrangers directs et des moyens de verrouiller la position de certains actionnaires au sein d'entreprises stratégiques. Les outils dont dispose la France dans ce domaine sont clairement en retrait par rapport à ceux qui sont en vigueur non seulement à l'extérieur de l'Union européenne - je pense aux États-Unis - mais également à l'intérieur. L'Allemagne renforce ainsi son arsenal pour faire face à des prises de contrôle étrangères, notamment après le rachat de l'entreprise Kuka par des investisseurs chinois. Des annonces ont été faites récemment dans ce domaine par le Premier ministre ; pourriez-vous préciser vos intentions ?

La participation de l'État au capital d'entreprises industrielles peut être un moyen d'exercer un pouvoir d'orientation sur les décisions stratégiques des entreprises, mais la stratégie adoptée par l'État actionnaire le permet-elle vraiment ? Comment faire des participations de l'État un bras armé pour l'essor de notre industrie ?

On dit souvent, et je sais que c'est également votre position, qu'il y a un problème de croissance des entreprises industrielles en France, avec trop de PME et pas assez d'ETI. Il ressort de nos auditions que des financements sont disponibles, mais que l'un des obstacles à la croissance est la réticence des PME ou ETI, notamment familiales, à ouvrir leur capital, sans perdre pour autant le contrôle de leur société. Le Gouvernement envisage-t-il d'intervenir pour favoriser cette ouverture ?

Le Conseil national de l'industrie s'est réuni récemment et a décidé d'un certain nombre d'actions. La première d'entre elles est la réduction du nombre de filières. Qu'attendez-vous de cette modification et quel doivent être, selon vous, le rôle et l'apport d'une filière ? En quoi les nouveaux contrats de filières se distingueront-ils des engagements pris par le passé au sein des filières ?

Enfin, nous savons que le Gouvernement travaille sur la formation professionnelle. Il est nécessaire de renouveler l'attractivité des métiers de l'industrie, dont beaucoup d'emplois, qualifiés ou non, ne sont pas pourvus. Quelles orientations nouvelles le Gouvernement entend-il donner à la formation aux métiers de l'industrie ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Il était plus que temps que je vienne expliquer devant vous la stratégie industrielle du Gouvernement et du Président de la République. Elle existe, elle est volontariste, nouvelle et nous assumons des choix de rupture qui ont été retardés trop longtemps, conduisant notre industrie à perdre des emplois et des compétences : ce sont les rapprochements avec des groupes européens, la cession d'actifs ou l'investissement dans l'innovation de rupture.

Nous n'entendons pas piloter ou nationaliser l'industrie française, car cela conduirait à son effondrement. Celle-ci a besoin d'investissements, d'innovation, de compétences, de formation, de compétitivité, de réduction des coûts et de rassemblement pour être puissante.

Notre stratégie industrielle commence à donner des résultats, en particulier en matière d'emploi industriel, ce qui indique que nous allons dans la bonne direction. Je crois à l'avenir industriel de la France, comme j'ai affirmé ici même croire à l'avenir agricole de la France. Il s'agit d'un atout stratégique majeur de notre pays et mon action consiste à la défendre et à la développer.

Pour cela, nous devons inventer une voie nouvelle, qui passe par un certain nombre de choix. Le premier a été fait il y a plusieurs années. Des dispositifs visent ainsi à réduire les coûts et à améliorer la compétitivité de l'industrie et de l'économie en général ; ils seront maintenus et renforcés. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) deviendra ainsi un allègement de charges pérenne et définitif ; le crédit d'impôt recherche sera maintenu afin de préserver la capacité d'innovation de notre industrie.

Nous allons plus loin, en adoptant des mesures fiscales décisives. Nous allégeons ainsi la fiscalité sur le capital, dont l'industrie est très consommatrice. Certains poussent de hauts cris, en nous accusant de favoriser le capital par rapport au travail, mais l'un ne va pas sans l'autre et nous soutenons l'industrie en allégeant l'impôt sur le capital. Nous baissons également l'impôt sur les sociétés, car c'est indispensable au développement de notre industrie. Passer le taux d'imposition de 33 % à 25 % d'ici à 2022 nous garantit ainsi la compétitivité fiscale face à nos voisins.

L'obstacle principal à la croissance de notre industrie réside dans la difficulté à faire monter en gamme l'outil productif. Nous entendons favoriser ce que l'on appelle la compétitivité hors coûts. Cela consiste à rendre nos produits attractifs et performants, grâce à la technologie embarquée, le design, les marques, le savoir-faire. Nous faisons cela en viticulture, dans le secteur automobile, dans le décolletage, la chimie, le médicament, le luxe, etc. Nous avons une industrie exceptionnelle, ne lui mettons pas de bâtons dans les roues !

La loi à venir sur la croissance et la transformation des entreprises contiendra des mesures visant à aider les entreprises à grandir et à monter en gamme. Nous allons simplifier et alléger les seuils, faciliter la transmission d'entreprises pour favoriser le capitalisme familial et améliorer le financement grâce à l'assurance-vie et à l'épargne-retraite.

Il est de bon ton de dire que nous sommes les champions de l'innovation, mais nous pouvons faire mieux. Le crédit impôt recherche (CIR) est un socle qui n'est plus suffisant, il nous fait lever les blocages réglementaires et législatifs identifiés par la mission confiée à MM. Distinguin, Dubertret, Lewiner et Stéphan.

Notre faiblesse réside dans l'innovation de rupture. Nous allons donc mettre cette question sur le devant de la scène. Les transformations technologiques vont vite, nous devons donc financer ces innovations, y compris avec des moyens publics, ou nous perdrons la bataille et nous quitterons la course mondiale.

Il y a quelques années, j'avais pris connaissance d'une note affirmant que le lanceur renouvelable n'était qu'une lubie de milliardaire. Aujourd'hui, cette lubie marche, avec l'aide des installations de la NASA et le soutien des pouvoirs publics américains qui acceptent de payer plus cher les lancements institutionnels. Ce lanceur est devenu un concurrent redoutable d'Ariane 6.

Nous voulons faire la même chose pour l'intelligence artificielle, pour le stockage des énergies renouvelables, pour le véhicule autonome. Nous voulons nous donner les moyens d'investir dans des technologies dont nous ne savons pas si elles marcheront. Certaines d'entre elles, au moins, se développeront et garantiront que la France et l'Europe resteront dans la course.

Notre fonds pour l'innovation de rupture est doté de 10 milliards d'euros financés par des cessions de participations de l'État, qui généreront un rendement de 250 à 300 millions d'euros par an. C'est un point de départ. J'espère que demain ce fonds deviendra franco-allemand, puis, après demain, qu'il sera européen et doté de 2 milliards d'euros, soit l'équivalent de la Darpa américaine.

L'enjeu est historique. Nous devons consacrer des moyens financiers pour alimenter ce fonds, sinon nous affaiblirons notre industrie, mais surtout nous perdrons notre souveraineté technologique. Sans ces actions, nous nous servirons de voitures et d'avions qui seront guidés par des technologies étrangères.

Nous n'avons pas vocation à bâtir des champs éoliens off-shore dont nous construirions les mâts et les pâles, mais dont le système de stockage serait chinois ou américain. Ce sujet me tient très à coeur et je souhaite que la mobilisation soit nationale.

Pour réussir la montée en gamme, la formation est stratégique. À ce titre, les annonces de Muriel Pénicaud sont décisives pour l'avenir de l'industrie. Les ingénieurs, les chaudronniers, les soudeurs, les peintres, les mécaniciens ne sont aujourd'hui pas disponibles en nombre suffisant. Dans la mécanique agricole, par exemple, de nombreux emplois restent à pourvoir, par manque de formation.

Il faut opérer une révolution culturelle pour changer le regard que les générations nouvelles portent sur l'industrie. L'industrie, c'est du savoir-faire, des technologies, de la robotique, de la digitalisation, etc. Nous devons l'expliquer afin que le secteur redevienne attractif.

Baisser les coûts, améliorer la qualité, le troisième volet de notre stratégie est la restructuration des filières. Devant le dernier Conseil national de l'industrie, j'ai annoncé la constitution de dix comités stratégiques de filières. Il s'agit, pour les industriels, de mieux identifier les projets structurants, de mieux organiser les projets de recherche et développement, de mieux partager les données, de mieux répondre aux besoins de formation des filières.

Ayons la vision de l'industrie de demain, qui est autant un service qu'une production manufacturière. La vieille distinction entre industrie et services est stupide et dépassée. Quand Michelin vend un pneu, il vend également un service. S'il ne recueille pas les données générées par l'usage de ses produits, il ne fait pas son travail. Cette entreprise a parfaitement compris que cette frontière avait été abolie. L'organisation des filières doit donc permettre de lier production manufacturière et services.

Début avril, je rencontrerai la filière automobile. Les résultats de nos grands groupes sont exceptionnels, ils offrent la preuve que nous pouvons y arriver, que tout est possible pour l'industrie française ! Peugeot et Renault, dont on doutait de l'avenir, sont ultra-performants, et obtiennent d'excellents résultats.

Je n'oublie pas le diesel, qui est un sujet de préoccupation majeure. Nous avons constaté l'effondrement des ventes, il faut accompagner les sous-traitants, qui fabriquent des injecteurs ou d'autres éléments de moteurs, et travailler sur des solutions de remplacement et d'accompagnement. Nous ne laisserons tomber personne, et nous accompagnerons au mieux les filières les plus fragiles.

Cette restructuration des filières se fera sous une marque : la « French Fab » à l'insigne bleu comme celui de la « French Tech » est rouge. Avec le blanc, nous rassemblerons ce secteur derrière une seule bannière nationale, en proscrivant les querelles de clocher.

Pour que cette stratégie porte ses fruits, nous devons l'intégrer dans une dimension européenne. Ceux qui font une croix sur cette dimension font une croix sur notre industrie. Nous ne nous développerons que si nous exportons, dans le cadre d'un libre-échange réciproque. Le protectionnisme ne nous mènera nulle part et les guerres commerciales ne feront que des perdants. Elles empêcheront la compétition et l'émulation qui l'accompagne. Le libre-échange, ce n'est pas ouvrir grand les portes et fenêtres, mais mettre en place des règles de réciprocité : si un marché est ouvert en France, alors il doit être ouvert à l'étranger pour les Français.

Les règles environnementales que nous demandons à nos producteurs industriels d'appliquer doivent être exigées de ceux dont nous importons les produits, sauf à instaurer des règles tarifaires en compensation de ces règles environnementales : le libre-échange auquel je crois doit être fondé sur une stricte réciprocité, ce qui suppose évidemment que l'Europe soit capable de défendre plus efficacement ses intérêts. Nous travaillons à cet effet à un projet de directive, afin de mieux contrôler les investissements étrangers réalisés en Europe. Martial Bourquin y a fait allusion : l'affaire de la société allemande Kuka aurait dû marquer le réveil de l'Europe en matière de défense de ses intérêts industriels. Pour mémoire, Kuka, leader mondial de la robotique, a été racheté par un investisseur chinois avec le soutien d'aides d'État, pourtant interdites en Allemagne comme en Europe. Souhaitons que le projet de directive que je mentionnais précédemment inclue la possibilité de refuser de tels investissements au nom de la réciprocité des règles applicables !

Au niveau national, le Premier ministre l'a annoncé et je vous le confirme : dans le cadre du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, sera renforcé le régime de contrôle des investissements étrangers en France. Nous élargirons en particulier le champ de ce contrôle à de nouveaux domaines comme l'espace, le stockage de données, l'intelligence artificielle et les semi-conducteurs. Dans les entreprises stratégiques pour la France, des actions pourront être menées par l'État pour protéger les intérêts nationaux. Seront également améliorés la stabilité du capital des entreprises cotées, notamment en développant l'actionnariat salarié, et le fonctionnement opérationnel du dispositif de veille et de détection des menaces contre nos entreprises stratégiques au niveau du ministre de l'économie et des finances comme de la Présidence de la République, avec la tenue régulière d'un conseil de défense et de sécurité nationale sur les questions économiques. Enfin, nous renforcerons les dispositifs d'injonction et de sanction pour répondre plus efficacement aux défauts de demande d'autorisation et au non-respect des conditions fixées lors de la délivrance d'une autorisation.

Certains s'inquiètent du renforcement de cet arsenal, notamment les acteurs de la French Tech. Qu'ils n'aient crainte ! Nous n'érigeons pas de barrières mais améliorons nos capacités de contrôle. Plus un pays est ouvert, plus il doit être en mesure de se défendre : parce que la France est attractive pour les investisseurs, elle doit protéger ses entreprises stratégiques. Il n'existe pas d'opposition mais une complémentarité entre l'ouverture aux investisseurs étrangers et la protection effective de nos intérêts stratégiques.

Au niveau européen, il me semble indispensable de favoriser l'émergence de champions industriels. L'idée est souvent évoquée mais toujours en imaginant qu'il s'agit d'entreprises françaises, qui se seraient développées à l'échelle européenne. En réalité, un champion industriel européen rassemble les meilleures compétences de chaque pays, à l'instar des rapprochements entre STX et Fincantieri ou entre Siemens et Alstom.

Vos interrogations sur la fusion entre Siemens et Alstom sont parfaitement légitimes et je m'attacherai à y répondre précisément. Soyons clairs : la trajectoire financière d'Alstom demeure insatisfaisante en raison d'une trop faible rentabilité. Certes, des progrès ont été réalisés, mais la situation reste trop fragile pour envisager avec sérénité l'avenir de l'entreprise à dix ans, quinze ans ou vingt ans. Il aurait été irresponsable de la part de l'État de laisser Alstom seul et immobile, à l'heure où tous les acteurs mondiaux du ferroviaire se regroupent et se transforment à une vitesse spectaculaire. À titre d'illustration, la marge opérationnelle d'Alstom est en retrait de plusieurs points par rapport à celle de Siemens, mais aussi de Construcciones y auxiliar de ferrocariles (CAF), le constructeur ferroviaire espagnol, et de CRRC, le principal acteur chinois. Même si Alstom a réussi à augmenter son chiffre d'affaires de 40 % en cinq ans, effort pour lequel doivent être salués salariés, ouvriers et direction de l'entreprise, pour atteindre 7 milliards d'euros en 2017, il convient de rappeler que celui de CRRC s'établit à 28 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros à l'exportation. Telle est la réalité de la concurrence !

Il était en conséquence indispensable de consolider Alstom pour améliorer ses performances, renforcer ses sites de production et protéger ses salariés. Quelles étaient les options du Gouvernement ? D'aucuns auraient imaginé un mariage avec Thalès, mais Thalès, par ailleurs performant dans la signalisation mais moins dans le ferroviaire, ne le souhaitait pas. Quant à Bombardier, l'implantation de ses sites aurait généré des doublons et, partant, de nécessaires fermetures. Bombardier et Siemens étant en discussion sur un éventuel rapprochement, nous courrions le risque qu'un tel accord aboutisse. Alors Alstom, quatrième acteur mondial, aurait été distancé par un nouveau géant face auquel il n'aurait guère fait le poids. Il nous fallait donc décider, sereinement et avec une vision stratégique, de la création d'un champion franco-allemand du ferroviaire. L'accord entre Alstom et Siemens est entouré de garanties en termes d'emplois, de préservation des sites et de direction de l'entreprise. Cet accord sera disponible, pour les parlementaires qui souhaitent le consulter, au ministère de l'économie et des finances, afin de garantir le secret des affaires.

Le fait que l'État n'ait pas usé de son option d'achat sur les titres prêtés par Bouygues a également été critiqué par certains. Ce point mérite quelques explications techniques. L'État disposait d'une option d'achat à 35 euros pour 20 % du capital jusqu'au 6 octobre 2017. Avant l'annonce de l'opération de rapprochement, le 20 septembre 2017, le cours de l'action Alstom n'avait jamais dépassé 32 euros. En exerçant l'option d'achat à ce prix, l'État aurait perdu trois euros par action, soit environ 150 millions d'euros. Or, je ne crois pas que dilapider l'argent du contribuable fasse partie des attributions du ministre des finances... Après l'annonce du rapprochement, l'action a atteint 35,8 euros. Si l'État français avait alors exercé son option d'achat, il aurait fait échouer l'opération, entraînant un effondrement du cours de l'action Alstom. Cela aurait été irresponsable industriellement, puisque nous condamnions le rapprochement entre Siemens et Alstom, et stupide financièrement puisque nous aurions finalement perdu beaucoup d'argent car l'État se serait alors retrouvé avec 20 % du capital acquis à plus de 35 euros, pour un cours qui serait sans doute tombé sous le seuil de 30 euros. Au 7 mars, le prix de l'action s'établit d'ailleurs à 33 euros. Il me semble donc que ces critiques, provenant parfois de bords politiques dont nous aurions imaginé une réaction différente, font la part belle aux spéculateurs. Je suis, pour par part, comptable de l'argent des Français et responsable d'une stratégie industrielle ; je ne me livre pas aux opérations de spéculation auxquelles certains voudraient m'inviter.

Je crois, en conclusion, à l'avenir de l'industrie française et suis convaincu que nous avons de magnifiques perspectives ! Notre industrie repose d'abord sur des compétences et sur l'innovation, raison pour laquelle nous engageons des actions ambitieuses en matière de formation et l'apprentissage. L'innovation de rupture est absolument décisive, mais je ne crois nullement à cette idée un peu saugrenue selon laquelle existerait une industrie de demain en opposition totale à celle d'hier. L'industrie de demain est tout simplement l'industrie d'hier, qui se transforme radicalement, sans qu'il soit nécessaire, bien au contraire, de se débarrasser des outils industriels, des sites et des compétences. Prenez des exemples concrets ! Dans la vallée de l'Arve, les usines de décolletage ont plus d'un siècle d'existence ; pourtant, elles sont à la pointe des technologies : elles intègrent la numérisation et la robotisation et ont développé l'intelligence artificielle au niveau le plus pointu. Le décolletage n'a pas été abandonné au profit d'une autre industrie : il a été radicalement modernisé pour le rendre extraordinairement performant. Regardez la Cosmetic Valley ! Ses industries ont des décennies, voire des siècles, d'existence, mais savent se transformer. L'automobile est une tradition de plus d'un siècle en France ; la modernisation de son outil industriel a permis de conserver un savoir-faire absolument exceptionnel. Ces mutations n'interdisent nullement le développement parallèle de nouvelles industries de pointe, à l'instar de la finance ou de la recherche en matière technologique. C'est en pensant large, en pensant grand et en pensant neuf que l'on construira l'avenir de notre industrie !

M. Alain Chatillon , président. - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet exposé, qui apporte un certain nombre de réponses aux questions que nous posons. N'oublions pas toutefois l'industrie agro-alimentaire, qui permet la valorisation des produits de nos territoires. Les pôles de compétitivité, notamment dans ce secteur d'activité, sont dans l'expectative car s'achève, le 15 avril, la période de six années au cours de laquelle ils ont perçu chaque année 100 millions d'euros par pôle. J'ai créé, il y a plus de dix ans, le premier pôle de compétitivité agroalimentaire à vocation mondiale, qui compte 470 entreprises et 80 pôles de recherche sur les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie.

Mme Viviane Artigalas . - En octobre 2016, le gouvernement de l'époque avait annoncé plusieurs actions, dont la commande de quinze rames de TGV, pour éviter une brutale restructuration du site d'Alstom à Belfort. Vous aviez alors abondamment critiqué ces mesures, les qualifiant notamment de « solution irresponsable » lors d'une interview sur France 24 et Radio France internationale (RFI) le 4 octobre 2016. Je vous cite : « je considère que, depuis le début, l'État actionnaire aurait dû libérer les capacités de production industrielle d'Alstom, alléger les charges qui pèsent sur l'industrie, simplifier davantage les règles du droit du travail, simplifier les normes pour permettre à Alstom de se développer et de maintenir son site à Belfort ». Vous ajoutiez : « l'État n'a pas joué son rôle d'État actionnaire ; cela nous a amené à cette situation. J'aimerais que demain l'État actionnaire soit un tout petit peu plus prévoyant pour ne pas nous sortir des solutions irresponsables ». Il ne faut pas, je crois, confondre une politique qui libère les capacités de production avec le rôle d'un État actionnaire, même minoritaire, garant de la stabilité des entreprises sur notre territoire. Quelle est, monsieur le ministre, votre conception de l'État actionnaire ? Maintenant que vous êtes ministre de l'économie et des finances, quel devrait être, selon vous, la stratégie de l'État dans les entreprises dont il est actionnaire ?

Mme Valérie Létard . - Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps d'une présentation développée et extrêmement intéressante. On ne peut que partager l'ambition et le souffle que vous souhaitez donner à l'industrie du futur sur le territoire national ! Il est évident qu'il faut que chacun soit au rendez-vous pour accompagner la transition économique des territoires, être dans la course qui nous est imposée par la nouvelle donne économique et la nécessité de repenser notre industrie. L'État stratège doit travailler avec d'autres niveaux institutionnels que sont les régions et les intercommunalités, qui disposent de compétences en matière de développement économique. Comment engager les territoires, opérateurs économiques de proximité, dans cette perspective ? Les métropoles doivent être nos fers de lance, visibles à l'échelle du monde. Mais les territoires infrarégionaux et extra-métropolitains ont aussi de réelles potentialités. Les collectivités territoriales, qui investissement dans l'aménagement économique du territoire, ont besoin d'être mieux informées. Dans ma région, les cas d'Alstom et de Vallourec sont emblématiques. Sans connaître les perspectives de ces industries, comment investir dans des aménagements et accompagner les investissements ? Élus locaux, État stratège et industriels doivent travailler en confiance, en transparence et en vérité !

M. Fabien Gay . - Je vous interpelle régulièrement, monsieur le ministre, sur des questions industrielles. Je suis, pour ma part, disponible pour approfondir nos échanges. Vous avez une vision stratégique industrielle, je le reconnais, même si je ne la partage pas. Dans le cadre de cette mission d'information sur Alstom, nous avons rencontré de nombreux interlocuteurs, aussi bien au siège social de Siemens à Munich qu'au sein d'Alstom, en particulier M. Poupart-Lafarge. Chacun a évoqué le montage financier de l'opération en des termes divers : mariage entre égaux, fusion-absorption, voire donation. Quel rôle y a joué l'État ? La direction de Siemens nous a indiqué que le gouvernement allemand avait donné son accord au rapprochement. Je salue la mise à disposition de l'accord pour les parlementaires mais sa lecture ne nous renseignera pas sur la stratégie industrielle. Va-t-on privilégier le TGV ou l'ICE ? Au bout de quatre ans, que deviendront les emplois et les sites industriels en doublon sur le territoire ? Lesquels seront privilégiés ? Il y a notamment une question autour la signalisation, qui va être basée à Berlin. J'ai désormais saisi, même si je ne l'approuve pas, le montage financier de l'opération, mais j'aimerais mieux comprendre la stratégie industrielle.

M. Daniel Laurent . - Notre société est en totale et rapide mutation ; nous devons donc être extrêmement réactifs en matière de stratégie industrielle, que vous avez résumée par le triptyque « innovation, stabilité, compétitivité ». Je suis issu d'un milieu rural, que vous connaissez bien pour avoir longtemps été ministre de l'agriculture. Le président Chatillon évoquait à l'instant les pôles de compétitivité. Ils jouent, dans nos milieux ruraux, un rôle déterminant, bien que nous ayons laissé les métropoles aspirer l'industrialisation. Il convient de prendre conscience que ces territoires, qui bénéficieront prochainement du très haut débit, pourront accueillir les entreprises et loger leurs salariés dans de bien meilleures conditions que bien des villes. La stratégie industrielle nationale devra en tenir compte !

Mme Michèle Vullien . - La France n'est, au niveau mondial, que le quatorzième pays en matière d'investissements étrangers. Quelle stratégie faut-il mettre en oeuvre pour améliorer ce résultat ? Comment attirer les investissements étrangers sans se faire phagocyter ? Je pense par exemple aux Chinois, qui achètent des vignes... Je rentre d'un déplacement en Afrique avec le Président Larcher. Les Chinois y sont extrêmement présents. Comment éviter une telle dérive en France ?

M. Claude Kern . - Votre discours sur l'innovation m'a beaucoup plu ! Pour la première fois, j'entends un ministre de l'économie et des finances affirmer qu'il ne faut pas distinguer l'industrie des services. Je me souviens d'un de vos prédécesseurs, qui disait justement l'inverse : qu'en France nous n'avions plus besoin d'industrie et qu'il fallait développer les services. Je m'étais opposé à cette vision ! Nous avons déjà en France des usines 4.0, mais pas les formations que leur fonctionnement nécessite. Il faut agir rapidement dans ce domaine, compte tenu des lourdeurs de l'Éducation nationale pour mettre en oeuvre les réformes votées. Nous ne disposons pas de cinq ans pour réagir sur l'apprentissage, la formation, l'emploi et le développement de la culture de l'entreprenariat ! L'industrie se développe sans nous attendre... Le projet de loi relatif à la formation sera à cet égard décisif.

M. Martial Bourquin , rapporteur. - Merci, monsieur le ministre, de mettre enfin à notre disposition l'accord entre Alstom et Siemens. Il aurait été plus simple de commencer ainsi ! Vous devriez, je pense, rencontrer les syndicats, qui le demandent avec beaucoup d'empressement. Nous partageons votre volonté de créer un champion européen, mais nous nous interrogeons sur les conditions de cette opération. Ce matin, lors d'une audition, l'expression « prise de contrôle » a été utilisée pour la qualifier. Nous regarderons attentivement les garanties offertes par l'accord, notamment sur les fermetures de sites. Si votre conception de l'industrie est intéressante, elle pose des questions concrètes : par exemple, le fait pour l'Allemagne de pouvoir produire entièrement un aéronef modifie en profondeur les conditions de production aéronautique en France, notamment dans le cadre du groupe Airbus. Les territoires ont également besoin de réponses sur l'avenir des pôles de compétitivité. Permettez-moi enfin de vous contredire : si la suppression des impôts de production permet de développer la production, tel n'est pas le cas de la fiscalité du capital, dont la suppression ferait les beaux jours des Panama papers .

M. Bruno Le Maire, ministre . - Je maintiens qu'il est indispensable de baisser la fiscalité sur le capital pour encourager l'investissement dans les entreprises hautement capitalistiques. Quant aux impôts de production, je reste convaincu qu'ils sont trop lourds et pénalisent la compétitivité de notre industrie. Aussi avons-nous lancé, pour la première fois, un examen de tous les impôts de production qui pèsent sur les entreprises.

Je suis attaché aux pôles de compétitivité, que j'ai créés avec Dominique de Villepin. Il faut les renforcer, les rassembler et faire en sorte qu'ils soient aussi opérationnels et efficaces que possible.

Sur Alstom : les parlementaires qui le souhaitent pourront consulter l'accord au ministère de l'économie. Nous tiendrons une première réunion du comité de haut niveau de suivi des accords Siemens-Alstom le 22 mars. Je la présiderai moi-même, comme je m'y étais engagé : je tiens toujours mes engagements. Ce sera l'occasion de rencontrer à nouveau la direction, Henri Poupart-Lafarge et Joe Kaeser, ainsi que les syndicats. Je crois à cet accord entre Siemens et Alstom et je veillerai personnellement au respect des engagements pris sur l'activité, sur l'absence de départs contraints, sur le niveau d'emploi global et sur le niveau d'investissement en recherche et développement en France. Il n'y a pas de risque de doublon, car les technologies sont différentes : le placement des moteurs sur les rames n'est pas le même, notamment. De plus, contrairement à Bombardier, Siemens n'a pas un seul site de production en France dans le secteur du ferroviaire.

Ne nous voilons pas la face : les décisions prises par l'administration américaine sur les tarifs de l'acier et d'aluminium auront un impact direct sur nos activités en France et en Europe. L'augmentation de 25 % du tarif de l'acier et de 10 % de celui de l'aluminium va conduire à des surcapacités qui afflueront vers l'Europe, où elles feront baisser les cours, ce qui aura un impact sur notre outil de production. J'ai donc décidé de réunir tous les acteurs du secteur sidérurgique en France : Arcelor, Vallourec, Ugitech... J'examinerai directement avec eux dès la semaine prochaine les conséquences sur nos sites de production d'acier et d'aluminium des décisions prises par administration américaine. Cela nous permettra aussi d'engager une discussion avec la Commission européenne, chiffres à l'appui, sur les mesures de réponses nécessaires. Le Président la République effectuera un déplacement à Washington les 23 et 24 avril prochains : inutile de vous dire que ce sujet risque d'être à l'ordre du jour des discussions.

Nous devons redéfinir la place de l'État dans l'économie. Le rôle de l'État actionnaire, c'est d'abord celui des services publics. Je crois profondément au service public. La SNCF, par exemple, est un magnifique service public. Quand on croit au service public, on prend les décisions nécessaires pour le transformer et lui permettre de réussir l'ouverture à la concurrence et surtout pour qu'il rende un meilleur service aux clients - car les usagers de la SNCF sont des clients, qui ont le droit à un service de qualité. Cela vaut aussi pour EDF, qui est en train de transformer ses activités en développant massivement les énergies renouvelables.

En deuxième lieu, l'État actionnaire doit être présent dans des secteurs stratégiques, où notre souveraineté est en jeu ; je pense par exemple au secteur de l'énergie nucléaire. Chacun peut comprendre que dans ces secteurs stratégiques, l'État a une place à occuper.

Enfin, le rôle de l'État actionnaire, c'est aussi de garder une capacité d'intervention lorsque des déséquilibres sont manifestes et qu'il faut réagir face à des décisions du secteur privé qui seraient injustes ou iniques.

En revanche, ce n'est pas le rôle de l'État que de recueillir régulièrement des dividendes au lieu d'investir dans l'avenir des Français. Nous demanderons prochainement les autorisations législatives nécessaires pour céder un certain nombre d'actifs de l'État. Ces cessions, nous les ferons, avec le Premier ministre et avec le Président de la République, au moment que nous jugerons pertinent, et à notre rythme. Nous les ferons en fonction de la qualité des projets industriels qui nous seront proposés, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État et avec pour objectif principal le financement de l'innovation de rupture, c'est-à-dire la préparation de l'avenir des Français.

Si on veut résister à la Chine, il faut être capable de dire non à certains investissements et oui à d'autres. Nous travaillons, avec Jean-Yves Le Drian, à la demande du Président de la République, à l'élaboration d'une vraie doctrine, fondée sur un principe de stricte réciprocité.

Quant à l'usine 4.0, elle reste avant tout une usine. Tous ceux qui rêvaient d'une industrie sans usines ont vendu du vent aux Français : l'industrie, ce sont des usines, et il y a de la beauté, de la grandeur, du savoir-faire et de la technologie dans les usines.

L'usine de L'Oréal, par exemple, est robotisée, exceptionnellement moderne, elle intègre toutes les hautes technologies : elle traite en direct les données de vente à Shanghai ou en Corée, notamment, pour y adapter son rythme de production. Il n'empêche qu'au-delà de cette technologie, qui abolit la frontière entre industrie et services, il y a aussi des femmes et des hommes qui testent la qualité des produits, qui effectuent la maintenance des robots, et qui jugent au nez de la qualité des parfums qui sont vendus. Bref, l'humain garde toute sa place dans une usine.

M. Alain Chatillon , président. - Merci.

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