II. INTRODUCTION DES TABLES RONDES DE L'APRÈS-MIDI

Olivier BOMSEL,
Directeur de la chaire d'économie des médias à Mines ParisTech

1/ Quelle est la situation économique de l'audiovisuel en France ?

L'économie de l'audiovisuel est historiquement liée à la mise en place, dans les années 1980, du régime de concession des canaux hertziens, correspondant à une licence d'émettre concédée à des opérateurs privés en échange d'obligations de financement de contenus, et à la création de la chaîne Canal +. Le spectre hertzien donnait alors accès, de façon exclusive, aux téléspectateurs. Depuis les années 2010, voire avant, le modèle se trouve en crise.

2/ Comment en est-on arrivé à cette situation de crise ?

Les avantages octroyés aux chaînes de télévision ont désormais nettement perdu de leur valeur et, dès lors, les obligations de financement qui y sont attachées s'en trouvent moins justifiées. Ce déséquilibre ne va cesser de s'accroître avec le développement de moyens alternatifs d'accès aux contenus audiovisuels et nécessite, en conséquence, une révision desdites obligations. Internet permet, en effet, la diffusion de programmes grâce à la technologie dite over the top (OTT), qui s'imposera rapidement comme la forme dominante de consommation de contenus audiovisuels. Il faut désormais adapter l'écosystème audiovisuel à ce changement d'environnement technologique et économique.

Les relations entre les chaînes de télévision, qui réceptionnent le spectre et exploitent les fréquences hertziennes, et l'écosystème des producteurs ont prospéré sous le régime des obligations, permettant à environ 2 000 producteurs audiovisuels et 700 producteurs de cinéma - deux mondes cloisonnés - de s'établir sur le marché. Mais, alors que les producteurs demeurent propriétaires de droits économiquement dynamiques de propriété intellectuelle sur les contenus créés grâce, majoritairement, aux financements des chaînes, les actifs de ces dernières, réduits pratiquement à la concession d'une fréquence hertzienne en perte de valeur, n'ont cessé de s'appauvrir, tant et si bien que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) envisage de récupérer les fréquences au profit d'activités plus rentables que la télévision.

3/ Quelles solutions pour réformer l'audiovisuel français ?

Le déséquilibre économique constaté ne peut être rétabli qu'à la condition que les droits soient en partie rapatriés vers les chaînes et, en conséquence, que les producteurs expropriés d'autant, afin de compenser la perte de valeur des actifs des chaînes. N'ayez nul doute que les producteurs se défendront avec force d'une telle initiative, avec les armes de lobbying et d'écho médiatique ! Le pouvoir politique n'aurait que des coups à prendre dans une telle réforme... Le système français, affaibli, est à mon sens irréformable ! Les producteurs peuvent, en revanche, se tourner vers les nouvelles plateformes. Les chaînes peuvent aussi développer de nouvelles plateformes. Les chaînes en clair disposent, à cet égard, de moins d'avantages concurrentiels que les chaînes payantes, elles-mêmes en compétition défavorable avec les opérateurs étrangers, pour se lancer dans cette activité. Ainsi, pourrait émerger un nouvel équilibre économique de l'audiovisuel autour des plateformes OTT.

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