V. EXAMEN DU RAPPORT

Jeudi 11 octobre 2018

M. Roger Karoutchi, président . -. Notre ordre du jour de ce matin comprend l'examen du rapport que la délégation a décidé de consacrer au pacte entre les générations. Je rappelle que nous avons fait, le 5 juillet dernier, avec Nadia Sollogoub, un point d'étape sur ce rapport. Les débats qui ont suivi cette présentation ont été très fructueux. Je vais donc passer la parole à nos trois rapporteurs pour qu'ils nous exposent aujourd'hui leur rapport complet.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur . - Devant la complexité du sujet, nous avons choisi de retenir deux angles d'attaque. Le premier est celui des transferts économiques entre générations, avec en particulier un questionnement sur l'opposition entre une génération parfois qualifiée de « dorée », celle des baby-boomers, et des générations postérieures, qui seraient « maltraitées ». Le second porte plutôt sur la dimension symbolique des relations intergénérationnelles. Nous avons voulu savoir quels rapports les différentes générations, et notamment les générations montantes, entretiennent avec la politique, le travail ou l'éducation et comment leurs relations s'organisent et se transforment dans ces différents champs.

Concernant la partie sur les transferts économiques entre les générations, je ne ferai que rappeler les principales conclusions, car cette partie a fait l'objet du rapport d'étape du 7 juillet dernier.

Le système de solidarités économiques entre les générations est assis sur le Pacte mis en place à la Libération. Ce Pacte a été, et sera encore, fortement affecté par le vieillissement de la population et par des mutations économiques telles que le ralentissement des gains de productivité, la persistance d'un chômage de masse et l'intensification de la concurrence en économie ouverte. Depuis 50 ans, le vieillissement est le principal moteur de la hausse des transferts intergénérationnels. Face à ces changements du contexte économique et démographique, le Pacte a déjà fait l'objet de réformes nombreuses et profondes, tant au niveau du financement, que de la nature et du montant des prestations versées.

Pour l'avenir, il faut souligner que nous ne nous trouvons pas face à un « mur de dépenses » infranchissable. Certes, la croissance des dépenses liées aux transferts entre générations va se poursuivre dans les décennies à venir, portée par les dépenses de santé et de dépendance. Cette dernière constitue sans doute le principal défi à relever : nous avons plus de 20 milliards d'euros à trouver d'ici à 2060 pour y faire face. Toutefois, globalement, l'augmentation considérable des transferts publics relativement au PIB constatée jusqu'à présent devrait s'interrompre. C'est un vrai changement par rapport aux tendances passées. Selon les projections du Haut conseil du financement de la protection sociale de juin 2017, même dans le scénario économique le plus pessimiste, on devrait avoir une stabilisation au niveau de 31 % du PIB des dépenses liées aux transferts intergénérationnels vers 2040. Dans les scénarios économiques plus optimistes, le poids de ces dépenses devrait même baisser sensiblement.

Plus qu'une impasse financière, ce qui met le Pacte sous tension, c'est en réalité le risque d'une répartition inéquitable de l'effort de solidarité entre les générations. Un tel déséquilibre pourrait, d'une part, nuire à l'efficacité économique. La contribution pesant sur les 26-59 ans a en effet fortement augmenté depuis 40 ans : + 8 points de PIB par tête. Alourdir encore la contribution des actifs crée un risque de blocage de leur consommation et de leur investissement. Sur le plan de la justice sociale, on doit aussi se demander s'il est juste d'imposer des prélèvements supplémentaires aux jeunes générations alors même qu'elles sont confrontées à un marché du travail peu favorable et vont connaître d'inextricables difficultés d'accès à un logement devenu inabordable. On peut imaginer qu'une gestion du Pacte inefficace ou injuste conduise à un scénario de l'exil : les jeunes bien formés et employables, issus des familles peu ou pas dotées en patrimoine, auraient tout intérêt à s'installer dans un autre pays pour éviter les prélèvements destinés à financer les transferts vers les séniors s'ils ne peuvent accéder au logement par le seul fruit de leur travail. Le second risque d'une gestion déséquilibrée du Pacte est politique. Les classes moyennes dépourvues de patrimoine économique, emportées dans la spirale du déclassement alors même qu'elles ont été lourdement mises à contribution pour financer la solidarité intergénérationnelle, pourraient être tentées par les votes extrêmes.

Pour dépasser les tensions du Pacte actuel, il est proposé en premier lieu de redéfinir les conditions du partage intergénérationnel en s'appuyant sur les « nouveaux âges » de la vie que sont la période d'entrée dans la vie adulte et la « séniorité active ». Repenser la solidarité intergénérationnelle entre cinq âges et non plus seulement trois permettrait d'envisager plusieurs « deals » intergénérationnels gagnants.

C'est le cas par exemple de la cohabitation intergénérationnelle. Les jeunes en phase d'entrée dans la vie adulte ont du temps mais pas de logement : ils pourraient échanger ce temps avec des séniors qui ont un logement surdimensionné et ont besoin de présence. Des expériences se développent déjà dans ce sens, mais pour changer d'échelle, il y a sans doute des adaptations juridiques importantes à réaliser, notamment sur la loi de 1989 sur les relations locataires-bailleurs.

On peut également envisager de valoriser et de mobiliser l'appétence des générations montantes pour les formes directes et concrètes d'engagement citoyen, afin d'en faire un outil de la solidarité intergénérationnelle. Nous proposons de donner un cadre clair et protecteur à ces formes d'engagement citoyen au service de la solidarité, de les valoriser pas seulement symboliquement. Récompenser la vertu civique pourrait se faire de diverses manières : par des unités de valeur dans les études, par la création de droits sociaux tels que des mécanismes de garantie publique pour faciliter l'accès au logement ou au crédit.

Enfin, il faut affirmer plus nettement la place de la « séniorité active » dans la chaîne de la solidarité intergénérationnelle. Nous proposons ainsi de réfléchir à la mobilisation des séniors dans le financement de la dépendance grâce à un système d'assurance obligatoire qui serait assis sur les revenus et le patrimoine et qui fonctionnerait selon le principe : « le 3 e âge finance le 4 e ». Nous appelons également à consolider le statut de fonction pivot des plus de 50 ans en travaillant encore sur le statut de l'aidant et sur l'organisation du temps de travail à l'échelle de la vie. Dans un contexte de hausse du taux d'emploi des séniors, il est indispensable de trouver les moyens de prolonger la vie active sans menacer en même temps l'entraide générationnelle et l'engagement bénévole.

Le second grand axe de nos propositions repose sur une meilleure prise en compte du patrimoine dans le jeu des solidarités intergénérationnelles. La question du patrimoine est en effet revenue au premier plan après une période d'éclipse. Les actifs possédés par les Français représentent aujourd'hui huit années de revenu disponible, contre seulement quatre en 1980. Or, ce patrimoine, dont la valeur a explosé, est dormant. Il est constitué de biens immobiliers et de placements financiers improductifs. Par ailleurs, les flux successoraux représentent une part croissante du revenu national : bientôt un tiers du revenu national, ce qui nous renvoie à la situation de la fin du XIX ème siècle. Enfin, le patrimoine est fortement concentré entre les mains des séniors et se transmet désormais de séniors à séniors, car l'âge où on hérite va bientôt atteindre 60 ans. Un premier enjeu est de mobiliser le patrimoine des séniors au service des besoins des séniors eux-mêmes, notamment pour financer la dépendance. Un deuxième défi est d'accélérer la transmission vers les jeunes. Enfin, nous devons trouver des modalités de mobilisation et d'accélération de la transmission du patrimoine qui ne fassent pas exploser les inégalités intragénérationnelles et qui évitent l'apparition d'une société « héritocratique » contraire aux valeurs de mérite individuel.

Le rapport propose plusieurs pistes pour répondre à ces enjeux.

En premier lieu, il recommande, comme condition préalable à toute réforme du patrimoine, de rassurer les séniors sur la question de la dépendance. Il faut « décrisper » la question patrimoniale en apportant une réponse collective à l'enjeu de la dépendance. Cela renvoie à une proposition déjà évoquée : celle d'une prise en charge de la dépendance sur le principe « le 3 e âge finance le 4 e ».

Il recommande également de faciliter juridiquement et fiscalement les transmissions du vivant, via divers dispositifs. Pour renforcer le poids des incitations positives, on pourrait aussi compléter le dispositif incitatif par une sur-taxe des héritages familiaux en cas de conservation du patrimoine malgré les facilités nouvelles offertes pour le transmettre plus vite.

La troisième piste consiste, dans un souci de réduction des inégalités intragénérationnelles, à affecter les recettes de la taxation des transmissions à des programmes de soutien aux jeunes et à la solidarité intergénérationnelle, par exemple le financement des primo accédants, des écoles de la deuxième chance ou de la formation continue.

Enfin, il est indispensable de développer les formes de viager intermédié, en s'appuyant par exemple sur les expériences menées dans ce domaine par la Caisse des Dépôts et consignations ou sur les travaux de la Chaire « Transitions démographiques, transitions économiques » en matière de vente anticipée occupée. Dans la même veine, on peut réfléchir à un viager hypothécaire « dépendance », c'est-à-dire un dispositif ouvert seulement aux personnes qui entrent en dépendance, ainsi qu'aux moyens de rendre le viager possible en-dehors des zones 1, peut-être grâce à un système de garantie de l'État.

Mme Fabienne Keller, rapporteur . - J'aborde maintenant la seconde partie de notre rapport, celle qui a trait à la recomposition des liens entre les générations dans les sphères de la démocratie, du travail et de l'éducation.

On assiste à une reconfiguration du rapport des générations à la vie politique, avec, d'un côté, une montée de l'indifférence par rapport au jeu électoral classique et, de l'autre, un essor de formes alternatives d'engagement citoyen chez les jeunes.

Concernant la participation électorale, on observe une forte participation des séniors à chaque élection et on fait le constat inverse pour les jeunes. Ce constat est connu. Ce qui l'est moins, c'est que le fossé intergénérationnel semble se creuser.

On reste en effet politiquement jeune (et donc fortement abstentionniste) de plus en plus longtemps. Selon Anne Muxel, un individu peut être considéré comme jeune du point de vue de la participation électorale jusqu'à 40 ans. Le pic de participation entre 18 et 20 ans, qui coïncide avec l'accès à la majorité et au droit de vote, est en effet suivi d'un décrochage électoral chez les 20-30 ans et la participation rattrape le taux moyen de participation seulement vers 40 ans. Au fur et à mesure que la jeunesse s'allonge, les comportements électoraux typiques de la jeunesse tendent donc eux-aussi à se prolonger.

Par ailleurs, le lien très fort traditionnellement observé entre niveau d'éducation et participation politique n'est plus aussi net chez les jeunes. La forte hausse du niveau de formation des jeunes observée depuis la fin des années 1980 aurait dû entraîner une participation électorale plus importante. Or, les générations de jeunes plus éduquées que les précédentes boudent plus fortement le système électoral.

Enfin, on note qu'il se produit une transformation du sens de l'abstention. Celle-ci correspond de plus en plus à un acte d'expression démocratique critique, et non plus à une forme de passivité. Cette évolution est liée au fait que les plus jeunes pensent le vote comme un droit et non comme un devoir, ce qui implique le droit de refuser de voter. C'est une différence importante entre les jeunes et les séniors.

Ce grand écart pourrait alimenter deux scénarios sombres concernant l'avenir de nos institutions démocratiques. Le premier concerne l'apparition d'un « pouvoir gris » et la confiscation ou le « verrouillage » de la démocratie par les plus âgés en raison de leur surreprésentation électorale. On reste cependant circonspect devant ce scénario. D'une part, cette thèse du verrouillage n'a jamais été mise en évidence sur le plan empirique. Rien ne démontre que le vote exprime des intérêts générationnels spécifiques, autrement dit qu'il existe un vote de classe d'âge des séniors. Les campagnes électorales et le débat politique ne se structurent pas en termes d'oppositions générationnelles d'intérêts ou de projets. Les enquêtes électorales et les études politiques montrent plutôt que les séniors s'inquiètent de l'avenir du pays et des générations plus jeunes. Quant aux jeunes, si certains considèrent que la génération précédente est avantagée et qu'ils ne bénéficieront pas de la même retraite, ils n'expriment pas pour autant de ressentiment à son égard.

Le second scénario est celui d'une progression de l'abstention chez les séniors. C'est peut-être le principal risque pour la démocratie représentative : voir la désaffection pour la vie politique gagner progressivement l'ensemble des classes d'âges, y compris les séniors, sous l'effet d'une crise durable de la représentation, de l'efficacité et de l'exemplarité du politique. On pourrait alors voir apparaître des séniors abstentionnistes au fur et à mesure que vieillissent ceux que Brice Teinturier appelle les « PRAFs » (ceux qui n'en ont Plus Rien À Faire).

Ces tendances inquiétantes ne sont cependant pas les seules qu'on observe dans le champ politique. On voit en effet que la crise de la participation des jeunes s'accompagne de la diffusion ou de l'émergence de formes alternatives de participation. Il se produit donc peut-être moins un refus de la participation politique qu'une transformation des formes d'engagement de la jeunesse. Celle-ci se tourne plus volontiers vers une participation non conventionnelle ou protestataire. Surtout, l'engagement politique des jeunes se réalise de plus en plus à bas bruit, dans des formes d'action directes et concrètes, « sous les radars » de la vie politique. Ils veulent faire directement et constater les effets de ce qu'ils font. C'est ce que fait remarquer la sociologue Cécile Van de Velde : « On observe (...) une politisation accrue des vies. Des petits actes quotidiens - consommer, manger bio, aider la voisine âgée, choisir sa vie, quitter un travail salarié qui ne plaît pas... - sont souvent associés à un discours très réflexif contre la société. Ils deviennent codés comme des actes politiques. Ça veut dire qu'on a conscience de changer le système, à petits pas : “à défaut de changer les vies, je change ma vie” ; “le changement c'est maintenant et c'est moi !” ».

Cette reconfiguration du rapport à la politique offre donc des points d'appui pour remobiliser les jeunes citoyens. Le rapport envisage les pistes suivantes.

La première est citée pour le principe mais ne constitue sans doute pas une voie pertinente : il s'agit de l'abaissement de l'âge du droit de vote. Cette mesure renforcerait mécaniquement le nombre de jeunes qui participent aux élections mais sans doute de façon très marginale, car on sait que le pic de participation lors de l'accès à la majorité électorale est suivi d'un décrochage fort et durable. Autrement dit, le fond du problème n'est pas le droit de vote des jeunes, mais leur désir de l'exercer.

La deuxième piste est de faciliter l'abord de la participation politique. Pour toute une partie de la jeunesse, la participation politique continue en effet à se heurter à des barrières culturelles fortes. Il existe une sorte de « cens caché » de nature culturelle. Il faut donc lever ces barrières culturelles par la mise en place d'un travail d'information, d'éducation, d'encouragement, d'accompagnement et d'expérimentation à l'exercice du vote. Pour cela, nous pensons qu'il faut privilégier une socialisation politique plus « horizontale », passant par des médiations perçues comme légitimes par les jeunes. On pourrait par exemple utiliser le service civique comme levier de la mobilisation politique des jeunes.

Un autre axe de réflexion porte sur le renforcement de la capacité du monde politique à entendre les attentes que nos concitoyens expriment à « bas bruit » à travers leur participation aux réseaux sociaux ou des actes du quotidien codés comme des actes politiques. Il faut rendre audible ce qui se dit sur ces fréquences. Le travail politique de terrain y contribue depuis longtemps, mais cela ne suffit plus car le terrain a changé. Comme l'a souligné Brice Teinturier devant la délégation, si le numérique pose un certain nombre de problèmes aux institutions démocratiques, il constitue aussi une partie de la solution à la crise. Les nouveaux canaux d'information et les communautés qui se forment ponctuellement peuvent aider à trouver des solutions afin de compléter la démocratie représentative traditionnelle.

La quatrième piste est de travailler à associer davantage les jeunes sous forme consultative dans les décisions les concernant. Cela pourrait passer par le développement, au niveau local ou national, de panels consultatifs de jeunes citoyens et par leur association à des études d'impact générationnelle qui évalueraient les conséquences des choix collectifs sur la situation de la jeunesse.

Enfin, comme l'a indiqué précédemment ma collègue, il faut davantage valoriser et mobiliser l'appétence des générations montantes pour les formes d'engagement citoyen concret, en leur donnant un cadre clair et protecteur.

M. Julien Bargeton, rapporteur . - J'en viens maintenant au thème des relations intergénérationnelles dans le domaine du travail. On observe une reconfiguration du rapport des générations au travail qui s'opère aux deux extrémités de la vie professionnelle : chez les actifs les plus âgés (les 55-64 ans) et chez les jeunes qui entrent ou s'apprêtent à entrer dans la vie professionnelle.

Du côté des séniors, le fait marquant est le passage d'une logique de partage intergénérationnel du travail, qui a prévalu au cours de la période 1975-2010, à la logique actuelle de maintien des séniors sur ce marché. Cela résulte de la suppression des dispositifs de préretraite et de dispense de recherche d'emploi, ainsi que de l'allongement de la durée de cotisation retraite et du recul de l'âge de la retraite. Le taux d'emploi des 55-64 ans a fortement augmenté depuis 2010 et ce mouvement devrait se poursuivre, surtout sur la tranche d'âge 60-64 ans.

Le maintien des séniors sur le marché du travail se heurte pourtant à des difficultés. Selon les études du Conseil d'orientation de l'emploi, le choc de la digitalisation va transformer profondément environ 50 % des emplois dans les années à venir, entraînant en particulier la multiplication des emplois demandant de mobiliser des compétences qualifiées de « transversales ». Or, parmi les 55-64 ans, voire les 50-64 ans, la maîtrise de ces compétences est moins répandue que dans les autres catégories d'âges. Les plus de 50 ans rencontrent donc des difficultés spécifiques devant la transition numérique.

Cela s'ajoute à toute une série de handicaps, tels que des salaires en moyenne plus élevés qui ne reflètent pas forcément un surcroît de productivité, un niveau de formation initiale en moyenne plus faible que les actifs plus jeunes, un capital « expérience » menacé de déclassement dans un contexte de redéfinition profonde des métiers ou encore un défaut d'actualisation des qualifications lié à un accès insuffisant à la formation continue.

Ces éléments font redouter un « scénario noir » de l'emploi des 55-65 ans, avec un développement du chômage de longue durée ou des phénomènes de déclassement professionnel si les séniors, pour éviter le chômage, sont contraints de consentir une perte de salaire ou de qualification ou d'accepter des formes précaires d'emploi.

Pour éviter ce scénario, il apparaît indispensable d'activer les politiques de l'emploi en direction des séniors, en particulier en développant leur formation continue, clé du renforcement de leur employabilité. Il faut sans doute également adapter les conditions de travail à leurs spécificités, ce qui passe par des investissements pour améliorer l'ergonomie des postes, ou encore par une adaptation des rythmes de travail. La collectivité dans son ensemble subirait sans doute un effet « boomerang » en cas de scénario noir. On note par exemple déjà que la hausse du taux d'emploi des séniors s'est accompagnée d'une forte hausse des dépenses liées aux arrêts maladie depuis dix ans. Par ailleurs, les 55-65 ans jouent un rôle central dans l'entraide familiale et la vie associative, de sorte qu'une fragilisation de leur situation socio-économique conduirait à la fragilisation de ces mécanismes de solidarité intergénérationnelle.

Mme Fabienne Keller, rapporteur . - Je me place maintenant à l'autre extrémité de la vie active, du côté des plus jeunes. Le fait marquant dans ces générations montantes est le développement d'un rapport nouveau au travail. On note chez elles une forte progression de l'importance accordée aux aspects « intrinsèques » du travail. Elles expriment en effet des attentes plus élevées que les générations précédentes en termes d'épanouissement personnel au travail. L'intérêt et l'utilité des tâches, ainsi que le sens du travail effectué, sont des éléments essentiels - alors que leur aînés, tout en attachant une forte importance au travail en général, avaient plutôt tendance à mettre en avant la sécurité de l'emploi, le salaire ou les possibilités de promotion.

On observe également une forte progression des conceptions « polycentriques » de l'existence, ainsi qu'une convergence des modèles professionnels de genres. Plus que leurs aînés, les jeunes sont préoccupés par la conciliation entre le travail et les autres centres de l'existence (vie personnelle, vie familiale, engagement associatif ou politique...). Il y a ainsi un refus croissant des jeunes hommes de reproduire un modèle parental masculin centré sur le travail, ce qui les rapproche des représentations traditionnellement féminines du travail. Inversement, on relève un désir croissant des jeunes femmes de faire carrière et de s'épanouir dans leur travail - ce qui les rapproche du modèle professionnel traditionnellement masculin.

Or, toutes ces attentes paraissent, à bien des égards, en contradiction avec la réalité actuelle du monde du travail. On observe dans ce dernier des indices d'une forte dégradation des conditions de travail depuis 35 ans. Intensification des tâches, recul de l'autonomie, formes de management plus « agressives » : le constat de cette dégradation est clairement mesuré par toutes les enquêtes sur le travail, qu'il s'agisse des enquêtes de la DARES, de la Fondation de Dublin ou de la CFDT. Le phénomène, depuis longtemps sorti du monde de l'industrie, touche désormais une grande partie du secteur des services et se diffuse des emplois peu qualifiés vers les postes très qualifiés et d'encadrement.

On observe également la diffusion d'un sentiment de perte de sens du travail. Ce phénomène accompagne bien sûr la dégradation objective des conditions de travail, mais il s'explique aussi par des facteurs culturels plus nouveaux. Le développement des attentes intrinsèques vis-à-vis du travail semble en effet conduire à un abaissement du seuil de tolérance aux tâches et instructions « absurdes » ou à l'élaboration desquelles on n'a pas été associé. On remarque ainsi l'essor du thème des bullshit jobs et le rejet de plus en plus marqué des « métiers à la con » qui touche désormais des emplois de cadres, stables, qualifiés et bien payés. Les cabinets de recrutement signalent également une désaffection croissante des jeunes diplômés pour les grandes organisations relativement anonymes. Alors que le besoin de sens devient un critère de choix professionnel essentiel, les avantages matériels ne suffisent plus à les attirer. Enfin au-delà de la « révolte des premiers de la classe » qui se reconvertissent vers des métiers porteurs de sens, la sociologue Cécile Van de Velde attire l'attention sur la frange de ceux qu'elle appelle les « loyaux critiques » : ils ont réussi à l'école et au travail, mais ils n'y croient plus. Ils ne se plaignent pas, mais ils développent un discours radicalement critique contre le système.

Devant le risque d'une crise sociétale du travail, il faut se demander comment réconcilier l'idéal du travail et sa réalité.

Le préalable à cette réconciliation est peut-être d'abord de reconnaitre la réalité de ce problème. De fait, la crise du travail fait encore relativement peu débat dans notre pays, sans doute pace qu'elle est occultée par une autre crise, celle de l'emploi. Dans un contexte de chômage de masse et de développement de la précarité, tout se passe comme si se soucier de la qualité du travail était considéré comme un luxe qu'on ne peut pas se permettre, sinon comme un obstacle dans la lutte contre le chômage. Les différences de perception entre générations contribuent sans doute aussi à cette occultation : là où les plus jeunes voient un « travail à la con », les plus anciens voient un bon poste qu'on ne peut se permettre de refuser.

Trois choses pourraient accélérer une prise de conscience. D'abord, la crise du travail commence à toucher le coeur même du système, à savoir les salariés les mieux intégrés et les mieux formés. Il y a donc un enjeu fort pour les entreprises à les attirer et les fidéliser. Par ailleurs, les comparaisons internationales révèlent qu'il existe un problème spécifiquement français en matière de dégradation des conditions de travail. C'est ce que montrent les éditions successives de l'enquête internationale de référence réalisée par la Fondation de Dublin. Enfin, les comparaisons internationales montrent aussi qu'il n'y a pas d'arbitrage entre la quantité et la qualité de l'emploi. Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède font globalement mieux que la France, à la fois en matière de chômage, de taux d'emploi et de qualité de l'emploi.

Rapprocher le monde professionnel des attentes des générations montantes suppose de mieux répondre à la quête de reconnaissance des salariés. Le défaut de reconnaissance par les pairs et la hiérarchie des contributions de chacun ou bien le déni des difficultés rencontrées dans l'accomplissement du travail sont en effet des causes majeures de mal-être au travail, de démobilisation et de perte d'efficience. Alors que le travail se transforme et fait de plus en plus appel à des compétences difficiles à observer et mesurer (par exemple, l'intelligence émotionnelle et la capacité d'écoute, la créativité et l'initiative dans la résolution de problèmes, la capacité à planifier, etc.), il est nécessaire de faire évoluer aussi les formes de management et d'évaluation, de manière à rendre visible ce déploiement d'intelligence protéiforme. Sans cela, la réalité du travail ne sera ni connue ni reconnue. Le défi, pour les entreprises, est d'inventer et de déployer une évaluation « au fil de l'eau », au plus près des situations de travail réelles. Il est également de passer du modèle traditionnel du supérieur hiérarchique qui donne des ordres indiscutables (le « chef ») à l'accompagnant qui impulse, fédère, mobilise, écoute et conseille.

Réconcilier la réalité et l'idéal du travail suppose aussi de mieux prendre en compte la conception polycentrique de l'existence portée par les nouvelles générations. Aujourd'hui, en France, les entreprises font preuve d'une faible capacité à concilier impératifs professionnels et extraprofessionnels, en partie en raison de la prégnance d'un modèle culturel à la fois masculin et daté qui exige une totale disponibilité des salariés tout au long de leur carrière et qui subordonne les opportunités de promotion au sacrifice des finalités extraprofessionnelles. Ce modèle de gestion de la ressource humaine présente un double risque : celui de priver les entreprises de nombreux talents féminins, mais désormais aussi masculins ; celui de promouvoir des managers sur le modèle du « chef » à l'ancienne, en décalage avec la culture des salariés qu'ils dirigent, de moins en moins légitimes et donc de moins en moins en capacité de mobiliser les talents nécessaires à la réussite de l'entreprise. Pour faire évoluer ce modèle, il faut développer la réflexion sur l'adéquation des temps de travail aux attentes des salariés et aux besoins des entreprises en tentant de concilier qualité de vie, compétitivité et emploi. En particulier, repenser l'organisation du temps de travail tout au long de la vie peut permettre aux personnes d'adapter leur rythme de travail en fonction de leurs besoins à différents âges.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur . - Pour terminer ce tour d'horizon de l'évolution des relations entre les générations dans différentes sphères de la vie sociale, nous en venons à un aspect fondamental des relations intergénérationnelles : celui de la transmission de la culture.

Un constat s'impose d'emblée : l'apprentissage et la transmission du savoir sont des activités bousculées par des évolutions culturelles, économiques et techniques profondes. La première d'entre elles est le développement de voies d'accès au savoir nouvelles et non contrôlées par les institutions jusque-là en charge de former les esprits. La multiplication des sources d'informations et de savoirs, notamment avec Internet, permet en effet l'accès immédiat à une information abondante sans aucun filtre institutionnel, ce qui crée une situation de concurrence inédite pour l'école. Cette dernière voit sa légitimité et son autorité fragilisées. Elle doit aussi s'adapter à un déplacement des enjeux éducatifs, la priorité passant de l'effort de mémorisation au développement du sens critique et de la capacité à trier. Enfin, l'école est contrainte d'apprendre à articuler son modèle d'apprentissage fondé sur l'effort personnel avec des logiques de coopération en réseau.

La deuxième mutation qui bouleverse les conditions du travail éducatif est l'affirmation de plus en plus pressante d'une demande de différenciation de l'offre éducative. Ce phénomène a une double cause. Idéologique d'abord : il se diffuse au sein de la société une conception de l'éducation qui assigne au système éducatif une finalité d'épanouissement personnel des élèves. Mais il y a également une cause plus pragmatique, à savoir le souci de renforcer l'efficacité du système éducatif pour lutter contre l'échec scolaire, ce qui conduit à critiquer le caractère trop uniforme du modèle classique d'enseignement et son inadaptation à certains élèves.

M. Julien Bargeton, rapporteur . - La troisième mutation est l'accélération de l'obsolescence des savoirs et des compétences techniques dans un contexte de progrès technique et d'innovation économique perpétuels. La transformation incessante des métiers rend nécessaire le renforcement de la capacité des personnes à s'adapter à cet environnement professionnel changeant. Il s'en suit là-encore un déplacement des enjeux éducatifs : il ne s'agit plus de former un individu une fois pour toutes, de l'équiper d'un stock de compétences, mais de lui donner les moyens cognitifs de se former tout au long de sa vie. Ainsi, la maîtrise de compétences transverses et de savoirs fondamentaux structurants qui permettent de renouveler ses connaissances deviennent prioritaires.

Ces trois mutations favorisent l'émergence d'un nouveau modèle éducatif. Le premier trait caractéristique de ce modèle est la redéfinition de la relation entre l'enseignant et l'élève. Le professeur ex cathedra , qui transmet un contenu plus ou moins figé de connaissances, est incité à laisser la place au guide ou au mentor qui oriente et accompagne. Deuxième caractéristique : la diffusion de pratiques pédagogiques plus horizontales, plus participatives, plus coopératives et plus inductives. Enfin, ce modèle éducatif place l'expérimentation pédagogique au coeur du système. Il admet que différencier les méthodes et les rythmes d'apprentissage permet de faire réussir des élèves qui avaient échoué dans le cadre scolaire classique. L'École 42 et l'École « Cuisine mode d'emploi », que la délégation a visitées, en sont l'illustration. Mais au-delà des écoles expérimentales, le mouvement touche en réalité déjà l'ensemble de l'Éducation nationale.

Aller plus loin dans la différenciation de l'offre pédagogique et l'expérimentation suppose une évolution profonde de l'organisation administrative du système éducatif vers une moindre centralisation et une plus large autonomie des acteurs. Au-delà du corps enseignant, c'est l'ensemble des fonctions d'encadrement et de pilotage au niveau local et central qui seraient poussées à évoluer, impliquant une révolution culturelle dans la plupart des métiers du système éducatif, ainsi qu'une adaptation profonde des pratiques de recrutement, de formation et de promotion - qu'il s'agisse des chefs d'établissements, des personnels d'inspection ou des services centraux ou rectoraux.

Toutefois, une telle évolution demeure encore une simple éventualité car elle se heurte à des injonctions contradictoires. D'un côté en effet, le système éducatif est poussé à « bouger » par les demandes de personnalisation de l'éducation et les transformations liées à la révolution digitale. De l'autre, il est paralysé par une forme d'indécision collective : la Nation dans son ensemble n'est pas au clair sur l'école qu'elle souhaite mettre en place. Elle assigne à l'école de multiples finalités qui possèdent chacune sa légitimité mais qui ne forment plus aujourd'hui un ensemble cohérent. Il faut éduquer mieux en éduquant moins cher, personnaliser l'enseignement tout en continuant à forger la Nation, et surtout aider les élèves à s'épanouir tout en opérant un tri scolaire et social extrêmement sévère dès le plus jeune âge. On demande à l'école de respecter deux maximes contraires : « sois toi-même » et « passe ton bac d'abord » !

De fait, la compétition scolaire n'a jamais été aussi intense : très tôt dans le parcours éducatif, le travail d'apprentissage est placé sous le diktat de la performance et du benchmark . Ce phénomène est lié à la crise de l'emploi, mais aussi plus largement à la crainte du déclassement social. Il a des conséquences négatives en cascade admises par tous :

- un climat anxiogène, très dévalorisant pour les élèves les moins « performants » au regard des critères de l'excellence scolaire, mais aussi psychologiquement épuisant pour les élèves qui réussissent le mieux ;

- l'angoisse de l'orientation et la peur de faire les mauvais choix dès le plus jeune âge ;

- des stratégies familiales de recherche de l'environnement optimum qui se font au détriment de la mixité sociale et qui sapent la capacité de l'école à créer du lien et à « faire nation » ;

- le tout avec une performance moyenne du système très faible.

Faire en sorte que l'école cesse d'être une machine à trier les enfants dès le plus jeune âge constitue un enjeu majeur des relations intergénérationnelles. Il est urgent de trouver les moyens :

- d'immuniser beaucoup plus longtemps qu'aujourd'hui les parcours éducatifs et le travail de formation des esprits contre les angoisses liées aux choix de l'orientation et à la peur de l'échec. Il faut reconnaître aux jeunes le temps du choix ;

- de reconnaître aussi un droit à l'échec et au rebond. Il faut que les enfants, les familles et tous les acteurs du système éducatif échappent à la peur de l'échec initial. Développer les écoles de la seconde chance, instituer des possibilités de rebondir peuvent aider les acteurs à retrouver cette confiance ;

- de valoriser d'autres voies de réussite et d'autres modes de transmission, en particulier l'apprentissage et les métiers manuels.

Mme Marie Mercier . - Concernant le rapport des générations aux élections, ne faudrait-il pas différencier votre analyse en fonction du type d'élection ?

M. Yannick Vaugrenard . - L'obsolescence des connaissances ne doit-elle pas conduire à renforcer encore plus la formation générale des jeunes, pour favoriser la culture, l'esprit critique et la curiosité ? Une enquête d'opinion récente révélait que plus de 40 % des jeunes pensent que nous pourrions essayer un autre système que la démocratie. On voit bien que le travail d'éducation est essentiel et que nous avons encore beaucoup à faire pour convaincre la jeunesse et lui proposer quelque chose de crédible et de mobilisateur.

Vous avez souligné l'existence d'une crise du travail, de jeunes résignés mais qui n'y croient plus. La notion de respect est ici essentielle. Il y a une volonté d'être respecté et d'avoir son mot à dire dans son travail. Avoir un bon salaire ne suffit pas. Il faut répondre à ces attentes fortes.

Je conviens que l'enjeu de mobiliser le patrimoine et d'accélérer sa transmission est essentiel. Mais je voudrais aussi souligner l'importance de l'enjeu des inégalités de patrimoine. 10 % des plus riches possèdent 55 % du patrimoine national. Or, vous proposez seulement de contenir les inégalités de patrimoine. Je crois qu'il faut être plus ambitieux ! Il faut réduire les inégalités de patrimoine.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Vous avez souligné quelque chose de juste : apprendre à réfléchir est plus important qu'additionner les savoirs. Les briques de savoir, Internet nous les apporte aujourd'hui aisément - avec toutefois cet enjeu de la fiabilité des informations et de la capacité à trier ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Il faut donc insister sur l'enjeu éducatif de former des esprits capables de réfléchir et de faire preuve de sens critique.

En revanche, j'ai été surpris quand vous avez parlé de la nécessité de s'immuniser contre le stress du choix. La vie n'est faite que de choix. Il est dangereux de faire croire qu'on ne doit pas choisir.

M. Jean-François Mayet . - Je suis d'accord avec cette dernière intervention. Je veux dire aussi que je suis surpris par le pessimisme du diagnostic qui est fait concernant le rapport de la jeunesse au travail. La France n'est pas en état d'échec complet ! C'est vrai que nous avons un niveau élevé de chômage des jeunes. Mais ceux qui font des études poussées et qui partent ensuite travailler à l'étranger, pourquoi le font-ils ? Pour être intégrés à une société peut-être plus moderne que la nôtre et aussi pour avoir des salaires plus importants. Parce que le salaire est une chose importante. Pardonnez-moi, mais il y a un côté un peu cupide que j'apprécie finalement assez, parce que c'est cela qui fait marcher les choses. Donc je ne suis pas pessimiste. Nous fabriquons des élites que les étrangers essaient d'attirer. Il y a bien une raison à cela. C'est parce que nos élites sont de qualité.

Mme Michèle Vullien . - Je ne suis pas entièrement convaincue par le discours sur la dégradation du travail. Dans le travail aujourd'hui, il n'y a pas un chef qui dit et tout le monde qui exécute. Il y a du travail en réseau, de la coopération - même dans le travail d'usine, si tant est qu'on ait encore une industrie. D'ailleurs, je pense que la perte du sens du travail est en partie liée au développement d'emplois de services. Peut-être aussi que les plus âgés ont baissé les bras sur la transmission. Nous avons le devoir de dire aux jeunes que l'avenir n'est pas forcément ailleurs. Peut-être que les salaires sont plus élevés en Angleterre ou en Suisse, mais qu'en est-il de la protection sociale ? Cette protection a un coût. Les gens partent et reviennent parce qu'ils se rendent compte que la France, ce n'est pas si mal que ça. Il faut insuffler de l'espérance à la jeunesse.

M. Julien Bargeton, rapporteur . - Nous sommes dans un monde où il faut former des citoyens, leur donner des outils de compréhension. La seule chose qu'on sait, c'est qu'on ne sait pas ce qu'on aura besoin de savoir demain.

Concernant le stress du choix, la question est de savoir si on doit l'imposer aux jeunes dès le plus jeune âge. Bien sûr que la vie est faite de choix, mais notre système éducatif est entièrement construit là-dessus. Est-ce une bonne chose ?

Je ne pense pas que notre rapport soit pessimiste, notamment en ce qui concerne les jeunes et le travail. Les jeunes ont envie d'une cause. Nous disons qu'il y a chez eux une envie de travailler et de fortes attentes vis-à-vis du travail, un besoin de sens et d'accomplissement dans le travail. C'est un discours optimiste.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur . - Dans ce rapport, nous faisons des constats et nous imaginons des scénarios qui appellent parfois à la vigilance sur certaines questions, mais nous sommes aussi force de proposition pour améliorer les choses. Donc je ne partage pas le sentiment de pessimisme que certains d'entre vous ont pu ressentir.

Concernant le rapport au travail, il y a un écart entre ce que nous enseignons aux jeunes - épanouis-toi, pas de plafond de verre, etc - et la réalité d'un monde du travail qui est encore très hiérarchique et peu participatif. Il y a là une articulation à travailler.

Il ne s'agit pas de s'immuniser contre le stress du choix, mais de faire en sorte qu'à chaque âge on soit assez fort pour faire les bons choix sans stress. Il faut qu'à tout âge les énergies puissent se mobiliser et que chaque âge dispose des moyens matériels et non matériels pour trouver sa place et se réaliser.

Concernant les inégalités, je suis sensible à vos remarques. Nous avons eu le souci constant, au cours de ce rapport, de les prendre en compte - qu'il s'agisse des inégalités entre générations, au sein des générations, entre les territoires, entre les salariés et les indépendants, etc.

Mme Fabienne Keller, rapporteur . - Ré-intéresser les jeunes à la politique : nous faisons des propositions, mais le débat est ouvert et il n'existe pas de solution évidente. Je crois toutefois beaucoup à l'expérimentation de la vie politique et de la prise de responsabilité. C'est la meilleure des éducations à la vie citoyenne.

Concernant la peur du choix, nous disons simplement qu'il faut reconnaître un droit à l'erreur, un droit à expérimenter. C'est le caractère trop précocement déterministe du système éducatif actuel dont nous analysons les limites.

Le rapport fait quelques constats qui peuvent paraître pessimistes. Mais la tonalité du rapport serait pessimiste si nous en restions à ces constats ! Or, nous faisons de nombreuses propositions constructives. Il faut bien faire des constats pour pouvoir apporter des réponses. C'est sur ces réponses qu'il faut insister. Notre rapport montre qu'il n'y a pas de conflit entre les générations mais des liens de solidarités multiples et très forts. Il faut simplement traiter le problème de cette jeunesse qui ne se sent pas toujours à sa place.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Vraiment, dans la rédaction du rapport, qu'on ne laisse pas sous-entendre que c'est mieux à l'étranger. La France est le plus beau pays du monde, même s'il est à l'arrêt.

Mme Christine Lavarde . - Sur la question de la pression du choix trop précoce, prenons garde à ne pas généraliser un phénomène qui est peut-être surtout parisien. Est-ce ainsi dans le monde rural ?

La délégation autorise la publication du rapport d'information sous le titre « Inventer les solidarités de demain face à la nouvelle donne générationnelle ».

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