V. DE L'INTERCOMMUNALITÉ À LA SUPRACOMMUNALITÉ ?

La troisième partie de ce rapport sera consacrée à l'intercommunalité, ses promesses et ses réussites, mais aussi ses dysfonctionnements et les réformes envisageables.

Qu'il suffise ici de dire qu' aux yeux d'un nombre grandissant d'élus, la coopération intercommunale risque d'être dévoyée en supracommunalité . Dans un souci d'efficacité de l'action publique, le législateur a souhaité que toutes les communes de France soient regroupées en établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, ce qui a conduit certaines communes à y être intégrées contre leur gré. C'est une chose. Mais le relèvement à 15 000 habitants, sauf exceptions, de la population minimale de ces établissements a également forcé à de très nombreuses fusions, au risque de désorganiser des habitudes de travail en commun et de diluer des projets de territoire 47 ( * ) . La loi a enfin imposé le transfert d'un nombre croissant de compétences aux EPCI à fiscalité propre, pour des raisons point toujours justifiées.

Dans les très grandes intercommunalité issues de la loi « NOTRe », les maires des petites et moyennes communes peinent à se faire entendre. C'est d'autant plus vrai que, depuis la décision Salbris du Conseil constitutionnel de 2014 48 ( * ) , il n'est plus possible de s'écarter sensiblement du principe de la représentation démographique proportionnelle pour la répartition des sièges au sein des organes délibérants des EPCI. Dès lors, ces maires ont le sentiment de voir le pouvoir leur échapper, au bénéfice des délégués de la ville centre et des communes les plus peuplées, voire d'une administration qui tend à prendre le pas sur les élus.

Cette situation n'est pas sans remède. La coopération intercommunale peut et doit être le moyen de renforcer les communes, pour peu que l'on accepte de revenir à ses principes .

VI. UN STATUT DE L'ÉLU QUI RESTE À CONSOLIDER

Il faut également dire un mot des insuffisances du statut des élus locaux et notamment des élus municipaux, qui contribuent au sentiment de lassitude qui s'est emparé de certains d'entre eux.

Les problèmes, à cet égard, sont bien identifiés :

- la difficulté pour les élus de concilier leur vie familiale et professionnelle avec l'exercice de leur mandat ;

- les pertes de revenus qui s'ensuivent et la faiblesse du régime indemnitaire des élus locaux - rappelons que les deux tiers des conseillers municipaux ne perçoivent aucune indemnité, et que l'indemnité maximale du maire d'une commune de moins de 500 habitants culmine à 661 euros bruts mensuels ;

- la protection sociale et le régime de retraite des élus, qui ont certes été améliorés au cours des dernières années, mais manquent encore de lisibilité ;

- la formation des élus, pour leur permettre d'assumer leurs tâches d'une complexité juridique et technique croissante ;

- le risque pénal qui pèse sur eux, notamment en raison d'une jurisprudence contestable et contestée relative au délit de prise illégale d'intérêts 49 ( * ) .

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a mené au cours de l'année parlementaire 2017-2018 un important travail sur ces différents sujets 50 ( * ) . Votre rapporteur fait siennes ces conclusions et espère qu'elles seront prises en compte par le Gouvernement.

Proposition n° 9 :   Mettre en oeuvre les propositions de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les conditions d'exercice des mandats locaux.


* 47 Article 33 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République . La loi « NOTRe » s'est traduite par une forte réduction du nombre des EPCI à fiscalité propre, passé de 2 062 en 2016 à 1 266 en 2017, soit une diminution de 39 %. En janvier 2018, la France comptait 1 263 EPCI à fiscalité propre (outre la métropole de Lyon).

* 48 Décision du Conseil constitutionnel n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, Commune de Salbris .

* 49 Votre rapporteur renvoie, sur ce point, à son rapport sur la proposition de loi n° 466 (2017-2018) relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale , article 20. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l17-546/l17-546.html .

* 50 Faciliter l'exercice des mandats locaux , rapport d'information n° 642 (2017-2018) au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, six tomes. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-642-6-notice.html .

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