C. LA CONSOLIDATION DE L'ÉTAT DE DROIT

La Commission européenne devrait présenter, au cours du premier trimestre 2019, une initiative non-législative visant à renforcer le cadre européen pour l'État de droit. Il convient de rappeler que l'Union européenne s'est déjà dotée d'un dispositif permettant de sanctionner un État membre en cas de violation grave et persistante des droits fondamentaux. Introduit par le traité d'Amsterdam (1997), l'article 7 du traité sur l'Union européenne (TUE) donne en effet la possibilité de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas les valeurs fondatrices de l'Union. La procédure, récemment activée pour la Pologne puis la Hongrie, n'a pour l'heure débouché sur aucune sanction.

La Commission européenne avait adopté, en mars 2014, un cadre destiné à prévenir l'utilisation de l'article 7 du TUE. Ce cadre a pour objectif de permettre à la Commission de trouver une solution avec l'État membre concerné. Lorsqu'il existe des indications claires d'une menace systémique sur l'État de droit dans un État membre, la Commission peut lancer une « procédure pré-article 7 » en engageant un dialogue avec l'État membre concerné. Le processus comprend trois étapes :

- évaluation par la Commission européenne de toutes les informations utiles afin d'apprécier s'il existe des indications claires d'une menace systémique envers l'État de droit. Si la Commission conclut qu'un tel risque existe bel et bien, elle engage alors un dialogue avec l'État membre concerné, en lui transmettant son « avis État de droit », qui constitue un avertissement à cet État, et en étayant ses préoccupations. Elle donne à l'État membre concerné la possibilité de répondre ;

- recommandation de la Commission européenne adressée à l'État membre concerné si le problème n'a pas trouvé de solution satisfaisante ;

- suivi de la recommandation de la Commission européenne. Faute de suivi satisfaisant dans le délai imparti, la Commission pourra recourir à l'un des mécanismes prévus à l'article 7 du TUE.

La Commission européenne souhaite aujourd'hui enrichir ce cadre. Dans l'attente du détail des mesures qui seront préconisées, vos rapporteurs rappellent - comme le groupe de suivi du Sénat sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne dans son rapport de février 2017 - la nécessité de réaffirmer l'Union européenne, longtemps réduite à un espace économique, comme une communauté de droits et de valeurs, alors même que les droits de l'Homme et les valeurs fondamentales semblent aujourd'hui relativisés, voire menacés dans les discours des dirigeants de certaines grandes puissances mondiales, mais aussi au sein de certains États membres.

Adopté en 1992, le préambule du traité sur l'Union européenne rappelle l'attachement de tous les États membres aux principes de liberté, de démocratie, au respect des droits de l'Homme, aux libertés fondamentales et à l'État de droit, mais aussi aux droits sociaux fondamentaux. Aux termes de l'article 2 du traité sur l'Union européenne, l'Union est ainsi fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit et des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Dans ces conditions, doit émerger une société européenne caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité, et l'égalité entre les femmes et les hommes.

La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, élaborée en 2000, est venue consolider les droits personnels, civils, politiques, économiques et sociaux des citoyens et résidents européens, consacrés par les traités, le législateur ou la Cour de justice de l'Union européenne, pour renforcer leur visibilité. La charte est devenue juridiquement contraignante en 2009. Elle reprend les principes de la Convention européenne des droits de l'Homme, ratifiée par ailleurs par tous les États membres. L'inscription dans les traités de la référence à la Convention européenne des droits de l'Homme (article 6 du traité sur l'Union européenne) comme la charte des droits fondamentaux vient aussi rappeler les ambitions de l'Union européenne en la matière.

L'affirmation de nos valeurs passe également, selon vos rapporteurs, par un renforcement de la présence de l'Union européenne sur certains théâtres d'opérations militaires, à l'heure du désengagement américain. La dynamique enclenchée en 2016, dans le cadre de la stratégie globale de l'Union européenne, doit désormais être poursuivie. Des instruments ont été mis en place, avec l'activation de la coopération structurée permanente prévue par le traité de Lisbonne. Il reste désormais à concrétiser cet effort. Vos rapporteurs estiment à ce titre que des liens étroits devront être conservés avec le Royaume-Uni après son retrait de l'Union européenne, et que les investissements des États membres dans son domaine devront être pris en compte dans l'examen annuel de leur situation budgétaire. Il s'agit, à terme, d'affirmer l'Union européenne comme une puissance militaire et lui permettre ainsi de faire respecter les valeurs qu'elle défend.

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