B. NE PAS S'ENFERMER DANS UNE OPPOSITION ENTRE ATTÉNUATION ET ADAPTATION

Le portage politique des politiques d'adaptation s'est longtemps heurté à un frein idéologique lié à l'histoire de l'émergence des politiques climatiques. Scientifiques, acteurs politiques et associatifs ont en effet longtemps mis l'accent exclusivement sur les enjeux de l'atténuation. C'était rationnel dès lors qu'on pensait qu'une mobilisation forte sur l'atténuation pouvait nous dispenser d'un effort sur l'adaptation. Cela traduisait également la crainte qu'une politique favorable à l'adaptation se fasse au détriment des nécessaires efforts d'atténuation. D'une certaine manière donc, on peut dire que le thème de l'adaptation est longtemps resté une sorte de tabou.

Celui-ci doit désormais être levé. Pour renforcer la légitimité des démarches d'adaptation, on peut s'appuyer sur des arguments forts :

- l'argument du pragmatisme . Les impacts négatifs du changement climatique sont là et ils vont s'aggraver. C'est un fait. La population doit donc être protégée contre ses impacts inévitables ;

- l'argument de la synergie . Les efforts d'adaptation ne contredisent aucunement les efforts d'atténuation - au contraire. L'adaptation peut être un accélérateur des politiques d'atténuation, car une partie non négligeable des solutions d'adaptation contribuent aussi à la réduction des émissions de GES - par exemple, la rénovation thermique ou le développement de l'agroécologie vont être à la fois des mesures d'adaptation et d'atténuation ;

- l'argument de l'intérêt . Il est beaucoup plus difficile de mobiliser quelqu'un pour « sauver la planète » que pour améliorer sa situation personnelle. On peut le déplorer d'un point de vue moral, mais c'est ainsi. Or, les politiques d'atténuation, même si elles correspondent sans le moindre doute à l'intérêt bien compris de chacun de nous sur le long terme , sont souvent perçues comme des politiques altruistes, reposant sur la mise entre parenthèse à court terme de certains intérêts nationaux.

L'argument est connu : la France représente à peine 1 % des émissions mondiales de GES ; ce constat alimente donc la crainte que les efforts de notre pays pour réduire ses émissions se diluent au niveau international et restent sans effet sur la situation globale - surtout si les pays fortement émetteurs ne font pas d'efforts de leur côté.

Cette crainte en alimente une seconde : que la France fasse preuve de naïveté en visant une réduction forte de ses émissions, alors qu'elle-même est déjà très faiblement émettrice par rapport à ses concurrents et partenaires, et qu'elle finisse par payer sa « vertu écologique » par une perte de compétitivité.

Ce type d'arguments, qui contribuent fortement à freiner la mobilisation pour réduire les émissions de GES, est sans objet contre les politiques d'adaptation, car ces dernières établissent un lien direct et visible entre les investissements consentis par chaque pays dans l'adaptation et son retour sur investissement. Chaque pays, chaque territoire, chaque personne bénéficie en effet directement des efforts qu'il consent pour se protéger et s'adapter. Il n'y a donc pas de risques de « passager clandestin » et de jeux non coopératifs.

C'est la raison pour laquelle, si on prend soin d'optimiser la synergie entre mesures d'adaptation et d'atténuation, on a tout intérêt à s'appuyer sur la lisibilité et l'acceptabilité plus grandes des politiques d'adaptation pour dynamiser les efforts d'atténuation.

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