B. CONCLURE RAPIDEMENT UN ACCORD SUR LA RÉPARTITION DU FINANCEMENT DES TRAVAUX POUR ÊTRE PRÊT À TEMPS

1. Le choix opportun d'une remise à niveau de l'enceinte privilégiant la maîtrise des coûts

Le dossier de candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a mis l'accent sur l'héritage des Jeux et sur la maîtrise budgétaire . Cet impératif a été rappelé dans la feuille de route du Premier ministre aux différents responsables - DIJOP, Solidéo et COJO 31 ( * ) .

Dans ce cadre, un montant initial de 70 millions d'euros dédiés à la rénovation du Stade de France avait été avancé 32 ( * ) , finalement réduit à 50 millions d'euros par le protocole d'accord des cofinanceurs signé le 14 juin 2018. Ce montant constitue de plus une enveloppe fermée : les travaux à programmer devront s'ajuster au montant préalablement défini.

Ce choix doit être soutenu : il répond à la fois aux attentes des Français et à la situation spécifique du Stade de France en 2024. Toutes les personnes entendues s'accordent à dire que le Stade de France est en bon état.

Envisager un montant supérieur de travaux aurait posé en des termes différents la question de la poursuite du contrat de concession. Or, qu'il s'agisse d'une résiliation anticipée ou d'une prorogation du contrat, les deux options auraient été préjudiciables aux intérêts de l'État. En outre, une fermeture temporaire du stade aurait été nécessaire, soulevant la question du traitement des conventions d'utilisation conclues entre le consortium et les fédérations françaises de football et de rugby, pour le renouvellement desquelles l'État a fortement insisté.

Surtout, compte tenu des interrogations qui entourent l'avenir du stade au terme de la concession et le rôle que doit y tenir l'État, procéder à des travaux d'ampleur pour 2024 aurait pu conduire à faire supporter par les finances publiques des investissements qui devront être réalisés par l'utilisateur ou le propriétaire ultérieur.

Ce choix judicieux s'accompagne néanmoins de trois inconvénients , qu'il importe de prendre en compte :

- d'abord, les travaux doivent être définis conjointement avec le consortium , qui en sera le maître d'ouvrage délégué, et devra également en financer une partie au titre de ses obligations contractuelles de gros entretien et renouvellement ;

- ensuite, les négociations avec le concessionnaire ne devront pas conduire à reporter le lancement effectif des travaux , dans la mesure où le chantier doit être livré au premier trimestre 2023 pour la bonne tenue de la coupe du monde de rugby ;

- enfin, une articulation avec l'utilisation ultérieure du stade doit être impérativement recherchée afin d'assurer l'héritage des investissements consentis dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques.

2. Une inertie préjudiciable à tous

Dans la réponse au référé de la Cour des comptes, le Premier ministre relevait que « les délais impartis pour la réalisation de ces travaux sont [...] exigeants pour tous, d'autant plus qu'ils doivent être réalisés en site occupé. Pour autant, ils sont réalistes et leur programmation technique ainsi que leur mode de financement seront arrêtés d'ici la fin de l'année 2018 ».

Au début du second semestre 2019, il n'en est rien . Selon la délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques, le retard est imputable aux désaccords avec le concessionnaire.

Pour autant, les auditions ont révélé une impréparation plus globale , qui ne résulte pas seulement de relations conflictuelles avec le consortium.

Cette analyse est d'ailleurs confirmée par la Cour des comptes, qui relève que le montant initial de 70 millions d'euros, sur la base duquel l'État s'est engagé auprès du CIO, « ne reposait sur aucune programmation précise des travaux : ni l'État, ni le concessionnaire (qui n'a pas été associé à la réflexion préalable à cette prise d'engagements) n'ont été en mesure de justifier cette enveloppe qui résulte d'une étude de faisabilité sommaire établie par les prestataires du GIE [groupement d'intérêt économique] Paris 2024 qui n'a fait alors l'objet d'aucune contre-expertise par les services de l'État. Au surplus, faute de précisions sur ce programme d'investissements et la nature des travaux en question, leur répartition entre les travaux qui relèvent du concessionnaire au titre de ses obligations contractuelles de maintenance et de renouvellement et ceux qui relèveraient d'investissements nouveaux pris en charge par l'État n'a pu être établie » 33 ( * ) .

Dix-huit mois plus tard, et malgré la signature du protocole d'accord entre cofinanceurs le 18 juin dernier, personne n'a été en mesure d'indiquer à votre rapporteur spécial si l'enveloppe de 50 millions d'euros correspond à un montant hors taxes ou toutes taxes comprises 34 ( * ) . C'est pourtant loin d'être un détail : compte tenu des besoins prioritaires à financer (cf. infra ), l'enveloppe restante pour l'enceinte elle-même pourrait ainsi varier de 30 % 35 ( * ) .

De même, l a répartition du cofinancement entre l'État et la région Île-de-France pour les 50 millions d'euros n'a jamais été précisée à votre rapporteur spécial.

3. La nécessité de conclure rapidement un accord entre l'État et le concessionnaire

En l'état, l'essentiel des travaux conduits a consisté à recenser les besoins exprimés par le comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO), afin de les chiffrer. Ils concernent la numérisation du stade, à la fois pour le spectateur avec des écrans, et pour les journalistes, le remplacement des sièges, la réfection des salons de réception et des travaux de mise en sécurité.

Deux facteurs de complexité doivent être relevés :

- d'une part, à propos du périmètre des travaux : les besoins portent à la fois sur l'espace concédé et sur les abords du stade, en particulier pour l'accessibilité depuis la ligne 13 de métro et les aménagements au bord du canal en bordure du Stade de France ;

- d'autre part, à propos du financement : les besoins relèvent à la fois de la stricte organisation des jeux, imputable au COJO, de l'entretien dû au concessionnaire, et d'une remise à niveau durable, relevant de la Solidéo et de l'enveloppe de 50 millions d'euros 36 ( * ) .

S'ensuit une double négociation à conduire, pour s'accorder avec le consortium sur le chiffrage estimé des besoins et sur leur éventuelle imputation au titre du gros entretien renouvellement. Ces négociations se sont ouvertes dans un climat de tension , ayant nécessité le recours à un tiers expert dont les travaux devraient être rendus au début du mois de juillet.

Une difficulté supplémentaire doit être relevée : le périmètre des dépenses relevant de l'enveloppe de 50 millions d'euros a été étendu aux abords du stade, en dehors de la surface concédée. Selon les indications communiquées à votre rapporteur spécial, l'État et les collectivités territoriales concernées ont convenu de deux travaux prioritaires portant sur les abords de l'enceinte - à savoir l'accessibilité depuis la ligne 13 de métro et les bords du canal (cf. schéma ci-après) - ce qui grèvera l'enveloppe d'environ 30 %.

Schéma des implantations prévues autour du Stade de France pour les
Jeux olympiques et paralympiques 2024

Source : commission des finances du Sénat, à partir du schéma initial de la région Île-de-France

Un montant d'environ 35 millions d'euros, sans qu'il soit précisé si ce montant s'entend hors taxes ou toutes taxes comprises, restera disponible pour financer les travaux demandés par le COJO.

L'ensemble des responsables convient que l'enveloppe déterminée ne permettra pas de financer l'intégralité des besoins identifiés par le COJO , d'autant plus que la tension sur les capacités de chantiers en Île-de-France et la réalisation des travaux dans une durée fortement contrainte en site occupé renchérissent considérablement la facture.

Deux étapes doivent encore être franchies avant le lancement effectif des travaux :

- d'abord, la conclusion d'un accord entre le consortium et l'État sur le chiffrage des besoins ainsi que sur leur mode de financement - part relevant du concessionnaire au titre du gros entretien renouvellement et part relevant du concédant ;

- ensuite, l'arbitrage entre le COJO et la Solidéo , sous l'égide de la DIJOP, pour définir les travaux prioritaires et ceux qui incombent à l'organisateur.

Il est indispensable de conclure rapidement ces deux étapes pour être en mesure de tenir les délais qualifiés d' « exigeants » par le Premier ministre lui-même 37 ( * ) en réponse au référé de la Cour des comptes à l'automne 2018 38 ( * ) .

Au-delà du défi de tenue des délais, il importe d'inscrire ces travaux dans le temps long , en articulation avec l'exploitation future du Stade de France à l'issue de la concession. Certes, de l'avis général, l'avenir de l'enceinte passe par sa spécialisation plus forte sur les sports de terrain et donc par la suppression de la piste d'athlétisme requise pour les Olympiades. Pour autant, les travaux doivent conduire à valoriser l'enceinte , en cohérence avec l'héritage que doivent laisser les Jeux olympiques et paralympiques.

C'est pourquoi il importe que la réflexion sur le modèle d'exploitation ultérieur du Stade de France aboutisse rapidement.

Recommandation n° 2 : afin d'assurer la livraison à temps de l'enceinte rénovée et de respecter les obligations financières de chacun, il importe de formaliser d'ici la fin de l'année 2019 un accord entre l'État et le concessionnaire sur les travaux nécessaires pour les Olympiades de 2024 et la répartition de leur financement .


* 31 Impératif rappelé par exemple à l'occasion de la signature du protocole d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 entre les différents financeurs le 14 juin 2018, le Premier ministre ayant déclaré : « Le président de la République a été très clair : nous devons respecter les enveloppes initiales. C'est une question, je l'ai dit, de crédibilité de notre candidature. C'est aussi une question de respect vis-à-vis des Français et du contribuable. [...] Ce montant doit donc être tenu. Et il le sera ».

* 32 Dont 60 millions d'euros de l'État et 10 millions d'euros du Conseil régional d'Île-de-France.

* 33 Cour des comptes, relevé d'observations définitives « Le contrat de concession du Stade de France », septembre 2018.

* 34 Selon les indications transmises, la question, toujours non traitée à ce jour, est de savoir si l'interposition de la Solidéo au titre de la convention de versement de la subvention établie avec le consortium écarte l'application de la TVA - la Solidéo n'étant pas bénéficiaire des travaux - ou si, au contraire, cette subvention doit être regardée comme octroyée par l'État et ainsi potentiellement assujettie à la TVA, sous condition que l'État soit considéré comme le bénéficiaire des travaux au titre du retour de l'enceinte à l'issue de la concession en 2025.

* 35 Compte tenu des besoins prioritaires à financer, d'un montant estimé de 15 millions d'euros HT, soit 18 millions d'euros TTC, l'enveloppe restante pourrait varier entre 26,7 millions d'euros et 35 millions d'euros selon qu'elle s'entend HT ou TTC.

* 36 Pour mémoire, s'y ajoutent également les travaux relevant de l'agenda d'accessibilité programmée (Ad'AP), financés par le programme 219 « Sport », et pour lesquels une enveloppe de près de 2,1 millions d'euros est prévue entre 2017 et 2022.

* 37 Voir la réponse au référé précité de la Cour des comptes, septembre 2018.

* 38 La Cour des comptes soulignait que « u n tel calendrier aurait probablement dû conduire à ce que la programmation de ces travaux soit d'ores et déjà arrêtée, ou prête à l'être à l'été 2018. Elle doit l'être impérativement avant la fin de cette année [2018], sauf à ne tenir ni les délais, ni les procédures que ces travaux exigeront ».

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