C. METTRE L'ACCENT SUR LA PRÉVENTION DE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE

1. Prévenir les arrêts et accompagner le retour au travail

Les arrêts de travail peuvent amorcer un processus de désinsertion professionnelle contre lequel il convient d'agir aussi précocement que possible.

a) Identifier de manière précoce les causes d'arrêt de travail

Si l'employeur n'est généralement pas responsable des problèmes de santé qui conduisent ses salariés à être en arrêt de travail, un plus fort absentéisme au sein d'une entreprise relativement aux entreprises comparables du même secteur peut résulter de facteurs sur lesquels elle peut agir.

Vos rapporteurs font donc leur la proposition formulée par le rapport Bérard-Oustric-Seiller consistant à fournir à chaque entreprise son profil d'absentéisme pour raisons médicales ainsi que des éléments de comparaison lui permettant d'évaluer sa performance. Ces informations pourraient être fournies par l'assurance maladies sur la base des données collectées au travers de la déclaration sociale nominative (DSN).

Proposition n° 37 : Demander à la CNAM de fournir à chaque entreprise les données relatives à l'absentéisme de ses salariés pour raisons de santé en comparaison avec les autres entreprises de sa branche.

Par ailleurs, ainsi que le recommande la HAS, il serait souhaitable que l'employeur informe le médecin du travail ou le SST en cas d'absences répétées ou prolongées d'un salarié. Ainsi averti, le médecin du travail pourrait intervenir auprès du salarié pour, le cas échéant, envisager des mesures favorisant son retour. Une telle obligation pourrait être fixée par voie règlementaire mais ne devrait pas être assortie de sanctions, un dispositif trop coercitif conduirait les employeurs à y voir une formalité administrative supplémentaire plus qu'une démarche proactive de prévention.

Proposition n° 38 : Prévoir une obligation pour l'employeur de signaler au médecin du travail les absences répétées ou prolongées d'un de ses salariés pour raison de santé.

b) Mieux coordonner les acteurs intervenant autour du travailleur

Un salarié en arrêt de travail peut être suivi par son médecin du traitant, par le médecin du travail et, le cas échéant, par le médecin conseil de l'assurance maladie. Les actions de ces trois professionnels gagneraient à être davantage mises en cohérence.

L'article L. 324-1 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne dont l'arrêt de travail se prolonge au-delà de six mois doit bénéficier d'un protocole de soins élaboré par son médecin traitant. La continuation du service des prestations est alors conditionnée à l'accomplissement « [des] exercices ou [des] travaux prescrits en vue de favoriser sa rééducation ou son reclassement professionnel ». Il conviendrait que ce protocole de soins soit construit en collaboration entre le médecin traitant et le médecin du travail.

Proposition n° 39 : Associer le médecin du travail à l'élaboration du protocole de soins en ce qui concerne les éléments favorisant le retour au travail.

c) Accompagner le salarié dans la reprise du travail

Les arrêts de travail longs sont un facteur de désinsertion professionnelle. Selon le rapport Bérard-Oustric-Seiller, « une personne arrêtée plus de 6 mois perdrait la moitié de ses chances de retrouver son travail, voire un travail ». Il convient donc d'agir afin de favoriser le retour vers l'emploi des travailleurs arrêtés pour raison médicale. Des recommandations en ce sens ont été formulées par la Haute autorité de santé (HAS) en février 2019 103 ( * ) .

Le rapport Bérard-Oustric-Seiller souligne le caractère insuffisamment généralisé de la visite de pré-reprise intervenant au bout de trois mois d'arrêt. Lorsqu'elles sont organisées, ces visites n'interviennent au demeurant bien souvent que quelques jours avant la reprise prévue du travail et ne permettent pas d'organiser cette reprise dans des conditions adaptées aux besoins du salarié. La HAS recommande elle aussi de « promouvoir par tout moyen la visite de pré-reprise ».

Face à ce constat, il serait pertinent de rendre la visite de pré-reprise obligatoire et de prévoir qu'elle a lieu non pas au bout de trois mois d'arrêt mais plutôt dans les trois mois à compter de l'arrêt, permettant ainsi aux acteurs concernés de l'organiser le plus tôt possible. La visite de pré-reprise doit être l'occasion d'élaborer le plan de retour au travail recommandé par la HAS.

Proposition n° 40 : Rendre la visite de pré-reprise obligatoire dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt et prévoir que cette visite doit permettre l'élaboration d'un plan de retour au travail.

En complément, il conviendrait que chaque SST dispose en son sein d'une cellule dédiée au maintien en emploi, ainsi que le recommande la HAS.

Proposition n° 41 : Inciter les SSTI, dans le cadre des CPOM, à organiser en leur sein une structure dédiée au maintien dans l'emploi.

L'une des tâches de telles structures serait, en lien avec le réseau Cap emploi, de sensibiliser et de former les employeurs de salariés en situation de handicap.

2. Lutter contre les processus de désinsertion professionnelle

Les mesures tendant à prévenir les arrêts de travail et à mieux articuler les actions de l'employeur et du trio médecin traitant-médecin conseil-médecin du travail sont de nature à identifier de manière plus précoce les risques de désinsertion professionnelle et à agir le plus tôt possible pour y remédier.

Par ailleurs, afin d'avoir une meilleure connaissance globale du problème, vos rapporteurs recommandent donc qu'il soit demandé aux médecins du travail de transmettre aux Direccte les avis d'inaptitude qu'ils rendent afin qu'une consolidation des statistiques puisse être réalisée au niveau national. De même, ils recommandent que les licenciements pour inaptitude soient recensés.

Proposition n° 42 : Recenser le nombre d'avis d'inaptitude prononcés chaque année ainsi que le nombre de licenciements pour inaptitude.

La prévention de de la désinsertion professionnelle passe également par une attention portée par l'employeur à la santé de ses salariés et par une anticipation des difficultés qui pourront, à terme, remettre en cause son aptitude à occuper son emploi. Cette attention doit être renforcée pour les salariés dont les conditions de travail justifient l'alimentation d'un compte personnel de prévention. La mobilisation du C2P, pour une formation, un passage à temps partiel ou une retraite anticipée, intervient par hypothèse alors que l'état de santé du salarié s'est déjà dégradé. Or, il conviendrait, pour les salariés dont les conditions de travail sont pénibles, de s'interroger en amont sur les possibilités d'évolutions au sein de l'entreprise vers un poste moins exposé.

L'entretien professionnel bisannuel prévu par l'article L. 6315-1 du code du travail peut être l'occasion pour l'employeur et son salarié d'évoquer les éventuelles aspirations du salarié à évoluer au sein de l'entreprise vers un poste moins exposé. Si rien ne fait obstacle aujourd'hui à ce que ce sujet soit abordé, la rédaction de l'article L. 6315-1 du code du travail pourrait être précisée en ce sens. Cette proposition fait écho aux recommandations n° 11 et 13 du rapport de nos collègues Monique Lubin et René-Paul Savary sur l'emploi des seniors.

Proposition n° 43 : Préciser la rédaction de l'article L. 6315-1 du code du travail relatif à l'entretien professionnel, afin de faire de cet entretien une occasion d'envisager des évolutions professionnelles vers des postes moins exposés.

Vos rapporteurs regardent par ailleurs avec intérêt les initiatives prises par les employeurs adhérant à un même SSTI consistant à envisager collectivement les possibilités de reclassement au sein d'une autre entreprise d'un salarié devenu inapte à occuper son poste.

Enfin, leur déplacement au Danemark a convaincu vos rapporteurs de la nécessité de donner la priorité au maintien d'une activité professionnelle, même minime, pour les travailleurs souffrant d'une réduction de leur capacité de travail. Une évolution de la perception de l'inaptitude est donc nécessaire, afin que disparaisse des esprits l'idée selon laquelle un travailleur déclaré inapte à son poste doit être exclu définitivement et totalement du monde du travail. Vos rapporteurs partagent ce sens la préconisation formulée par le rapport Bérard-Oustric-Seiller consistant à passer d'une indemnisation de l'incapacité à une compensation de la capacité réduite de travail.


* 103 Haute Autorité de santé, Recommandation de bonne pratique, Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs, février 2019.

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