II. GARANTIR LES CONDITIONS D'UNE OUVERTURE RÉUSSIE À LA CONCURRENCE

L'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire prévue par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire

La loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018 prévoit l'ouverture à la concurrence progressive des services de transport de voyageurs, en application de la directive 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016. Cette directive, pilier du quatrième paquet ferroviaire, élargit le droit d'accès au réseau à tous types de transport de voyageurs y compris nationaux .

S'agissant des services non conventionnés (dits « commerciaux ») de voyageurs nationaux, l'article 8 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit leur ouverture à la concurrence à partir du 1 er janvier 2019 en vue d'une exploitation à partir de décembre 2020 ;

Conformément aux articles 14, 18 et 19 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, les services conventionnés 11 ( * ) font l'objet d'une ouverture progressive à la concurrence , avec des possibilités de dérogations . À partir du 3 décembre 2019 et jusqu'au 24 décembre 2023, l'État et les régions pourront attribuer des contrats de service public de transport ferroviaire de personnes après publicité et mise en concurrence. Après 2023, la loi pose le principe de l'attribution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs par voie de mise en concurrence.

D'ores et déjà, et comme l'a précisé Philippe Tabarot, vice-président de la commission transports de Régions de France et vice-président délégué aux transports, à l'intermodalité et aux déplacements de la région Sud, plusieurs régions se sont engagées dans une ouverture de leurs lignes à la concurrence .

La réussite effective de l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire dépend en grande partie de la faculté à garantir aux nouveaux entrants un accès à l'infrastructure dans des conditions équitables, non discriminatoires et transparentes .

Les intervenants de la table ronde ont évoqué à plusieurs reprises des incertitudes quant à la mise en oeuvre de ces conditions . Les principaux points de blocage mentionnés concernaient l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure - SNCF Réseau - d'une part et l 'existence de barrières à l'entrée pour les nouveaux entrants d'autre part.

A. L'INDÉPENDANCE DU GESTIONNAIRE D'INFRASTRUCTURE EN DANGER

L'ordonnance du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF 12 ( * ) , prise sur le fondement des articles 5 et 34 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, précise les dispositions de la loi en ce qui concerne le fonctionnement et la création du groupe public 13 ( * ) . Elle fixe notamment les nouveaux contours du groupe public unifié et de ses filiales, selon le schéma ci-dessous :

Source : Arafer, Avis n° 2019-028 du 9 mai 2019 relatif au projet d'ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF.

D'après l'Arafer, dans son avis sur le projet d'ordonnance, « l'inscription de mesures concrètes de sauvegarde de l'indépendance du gestionnaire d'infrastructur e dans les textes régissant son fonctionnement et sa gouvernance traduisant l'affirmation des principes généraux d' impartialité et d' indépendance apparaît donc indispensable pour garantir l'effectivité de ces principes ainsi que celui d'égalité d'accès des entreprises ferroviaires à l'entreprise ».

Or, plusieurs intervenants de la table ronde ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure , telle que prévue par l'ordonnance du 3 juin 2019.

D'après Claude Steinmetz, président de l'Association française du rail (AFRA), cette indépendance serait « menacée », notamment en raison de la composition du conseil d'administration de SNCF Réseau .

Pour Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) : « le fait que les trois administrateurs de la holding de tête puissent constituer une minorité de blocage [au sein du conseil d'administration de SNCF Réseau] sur des décisions [...] pose une question d'indépendance ». L'Arafer avait d'ailleurs considéré dans son avis sur le projet d'ordonnance que cette disposition était « de nature à attribuer à la société holding un pouvoir exorbitant sur les décisions stratégiques du gestionnaire d'infrastructure » 14 ( * ) .

À ce titre, Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, avait estimé 15 ( * ) que le projet d'ordonnance n'était manifestement pas en mesure d'assurer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure alors même que la loi visait à envoyer un signal fort aux nouveaux entrants dans le secteur du transport ferroviaire de voyageurs.

Pour Frédéric Saint-Geours, président du Conseil de surveillance de la SNCF, le système institué par l'ordonnance permet toutefois de garantir « l'indépendance pour ce qui concerne les fonctions essentielles et l'intégration pour ce qui concerne le reste des grandes orientations nécessaires à la vie d'un groupe unifié ».

Au total, Bernard Roman a précisé que les inquiétudes liées à l'indépendance de SNCF Réseau correspondent à une « difficulté inhérente » au système verticalement intégré qui a été choisi .


* 11 Les services conventionnés sont répartis en trois grandes catégories :

- les services régionaux TER , faisant l'objet de conventions de service public entre les régions et SNCF Mobilités ;

- les services Transilien , faisant l'objet d'une convention entre Ile-de-France Mobilités et SNCF Mobilités ;

- les services de trains d'équilibre du territoire (TET) , dits Intercités , faisant l'objet d'une convention conclue entre l'État et SNCF Mobilités.

* 12 Ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF .

* 13 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF .

* 14 Arafer, Avis n° 2019-028 du 9 mai 2019 relatif au projet d'ordonnance portant diverses dispositions relatives à la nouvelle SNCF .

* 15 Ordonnance sur la gouvernance de la SNCF : le Gouvernement doit revoir sa copie, 28 mai 2019 .

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