C. DES AVANCÉES LÉGSILATIVES À CONFORTER DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS D'APPLICATION RÉGLEMENTAIRES

1. Une gouvernance territoriale de l'ANS largement précisée au Sénat

La loi NOTRe n'ayant pas permis de faire évoluer la compétence partagée en matière de sport, ne serait-ce que pour essayer d'organiser le rôle de chacune des collectivités, c'est une autre voie qui a été suivie à travers la création d'une agence ayant le statut de groupement d'intérêt public (GIP) dont la mission principale est de mutualiser des soutiens à des projets sélectionnés en commun afin de renforcer l'effet de levier et éviter le saupoudrage des crédits.

Le projet de loi déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat le 12 juin 2019 portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 comprenait trois articles dont un consacré à l'Agence nationale du sport. Cet article a été rajouté in extremis pour répondre aux objections soulevées par le Conseil d'État quant à la nécessité de prévoir dans la loi certains aspects du statut de la nouvelle Agence nationale du sport.

L'article 3 du projet de loi prévoyait ainsi que la nouvelle agence était « chargée de favoriser le sport de haut niveau et la haute performance sportive, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques, et de développer l'accès à la pratique sportive, dans le cadre de la stratégie définie par l'État dans une convention d'objectifs signée par l'Agence et l'État » . Ses modalités d'action étaient évoquées dans des termes très généraux puisque le texte précisait seulement qu'il lui revenait d'apporter « son concours aux projets et aux acteurs, notamment les fédérations sportives, contribuant au sport de haut niveau, à la haute performance sportive et au développement de l'accès à la pratique sportive » . Il n'était donc pas précisé explicitement dans le texte initial que l'agence avait pour vocation de soutenir les projets initiés par les collectivités territoriales . Seul le régime juridique du GIP, les relations avec l'État, les ressources financières et les contrôles des juridictions et des autorités administratives étaient mentionnés, le Gouvernement prévoyant de développer les autres actions de l'agence par voie réglementaire.

L'examen de ce projet de loi par le Sénat en première lecture a permis de compléter de manière importante le texte en le recentrant sur la création de l'Agence nationale du sport et en définissant précisément sa gouvernance territoriale.

La loi du 1 er août 2019 prévoit ainsi la création dans chaque région d'une conférence régionale du sport. Cette conférence comprendra des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport, du ou des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive, du mouvement sportif et des autres personnes physiques et morales intéressées par le développement du sport, en particulier les organisations professionnelles représentatives des acteurs du monde économique.

La conférence régionale du sport sera chargée d'établir un projet sportif territorial tenant compte des spécificités territoriales et ayant pour objet :

1° Le développement du sport pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire ;

2° Le développement du sport de haut niveau ;

3° Le développement du sport professionnel ;

4° La construction et l'entretien d'équipements sportifs structurants ;

5° La réduction des inégalités d'accès aux activités physiques et sportives ;

6° Le développement des activités physiques et sportives adaptées aux personnes en situation de handicap ;

7° La prévention de et la lutte contre toutes formes de violences et de discriminations dans le cadre des activités physiques et sportives pour toutes et tous ;

8° La promotion de l'engagement et du bénévolat dans le cadre des activités physiques et sportives.

Le projet sportif territorial donnera lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d'orientation et de financement qui devront préciser les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s'engagent à conduire ainsi que les ressources humaines et financières et les moyens matériels qui leur seront consacrés, dans la limite des budgets annuellement votés par chacun de ces membres . À noter que, si ces engagements pris au niveau régional s'inscriront dans le cadre d'une démarche de programmation stratégique, leur mise en oeuvre restera soumise à l'élaboration d'un plan de financement au niveau local.

Afin d'assurer une certaine cohérence entre l'action respective de la conférence régionale du sport et celle des conférences territoriales de l'action publique, l'article L. 112-14 du code du sport prévoit que la conférence régionale du sport devra être consultée lors de l'élaboration du projet de convention territoriale d'exercice concerté de la compétence sport avant son adoption par la conférence territoriale de l'action publique prévue à l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales.

À noter, enfin, que la conférence régionale du sport élit son président en son sein. Cette précision ajoutée lors du débat parlementaire visait à prévenir toute mainmise de l'État sur la gouvernance territoriale de l'Agence au niveau territorial.

Autre apport important du Sénat, le code du sport a été enrichi d'un nouvel article L. 112-15 qui prévoit que « chaque conférence régionale du sport institue, dans le respect des spécificités territoriales, une ou plusieurs conférences des financeurs du sport » . Celles-ci sont composées de représentants de l'État, des régions 11 ( * ) , des communes, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport, des métropoles 12 ( * ) , du ou des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive, du mouvement sportif 13 ( * ) et du monde économique 14 ( * ) .

La loi prévoit que toute autre personne physique ou morale susceptible de contribuer à la mise en oeuvre du projet sportif territorial peut participer à la conférence sous réserve de l'accord de la majorité des membres de droit.

Enfin, et c'est un autre apport important du Sénat, la loi dispose que la conférence des financeurs du sport élit son président en son sein , ce qui exclut a priori une présidence exercée par un représentant de l'État.

2. Des précisions réglementaires et conventionnelles à suivre avec vigilance

L'inscription dans la loi à l'initiative du Sénat des principes essentiels de la gouvernance territoriale de l'ANS a eu pour mérite d'accélérer le déploiement de l'Agence sur le terrain. Alors qu'au printemps dernier les représentants des associations d'élus estimaient que la gouvernance territoriale ne prendrait pas forme avant au moins deux ans , le directeur général de l'ANS estime maintenant que l'agence sera opérationnelle au premier trimestre 2020. L'initiative du Sénat a donc permis d'accélérer le calendrier et de permettre au sport pour tous d'être traité avec les mêmes attentions que le sport de haut niveau .

Pour autant, à la demande des représentants des collectivités, de nombreux aspects de la gouvernance territoriale n'ont pas été tranchés dans le cadre de la loi du 1 er août 2019 afin de préserver une nécessaire souplesse et de laisser du temps pour la concertation entre les acteurs. Il revient donc aux décrets d'application prévus par les nouveaux articles L. 112-14 et L. 112-15 du code du sport de déterminer le détail des modalités d'application de la gouvernance territoriale.

Le contenu des décrets d'application sera d'autant plus essentiel qu'il reviendra à clarifier dans les faits les modalités de l'exercice coordonné de la compétence partagée dans le sport tant à travers la définition de la stratégie territoriale que des modalités d'attribution des subventions . L'incertitude sur le contenu des décrets d'application est d'autant plus grande que les associations d'élus auditionnées ont pu donner le sentiment de ne pas avoir une position commune parfaitement établie. Le risque existe dans ces conditions que les décrets viennent limiter la dimension décentralisatrice de la réforme.

Plusieurs aspects ont en particulier retenu l'attention de vos rapporteurs. Si la loi précise que les conférences régionales des sports et les conférences de financeurs élisent leurs présidents, la loi n'a pas déterminé sur quelles structures permanentes elles pourront s'appuyer. Or, il n'est pas indifférent que le secrétariat général de ces conférences soit assuré par les services de l'État ou des moyens mobilisés par les collectivités territoriales.

De même, les contours des conférences des financeurs du sport n'ont pas été arrêtés afin de laisser de la souplesse . Pour autant, il semble difficile d'imaginer que la création de ces conférences ne réponde à aucune règle précise et que les structures se multiplient pour répondre à chaque demande locale. L'organisation de la compétence partagée justifie précisément de structurer le territoire afin en particulier, de clarifier les règles du jeu pour les petites communes et les petits clubs qui avaient du mal jusqu'à présent à se situer aux carrefours des flux de subventions.

Outre les dispositions réglementaires attendues, vos rapporteurs souhaitent demeurer vigilants sur les dispositions conventionnelles prévues par la loi pour préciser la répartition exacte des rôles et des moyens entre l'État et l'Agence nationale du sport. Le ministère des sports revendique en effet de conserver une influence sur les projets locaux à travers l'effet de levier constitué par les crédits attribués à l'ANS. Il est dans ce cas légitime pour les collectivités territoriales et le mouvement sportif d'exiger que cette influence de l'État soit proportionnelle aux moyens qu'il entend attribuer à l'agence. Or, les premières indications budgétaires présentées dans le cadre du PLF 2020 laissent entrevoir des crédits significativement inférieurs au montant des moyens identifiés comme nécessaires.

Vos rapporteurs souhaitent donc rappeler l'État à ses engagements y compris sur le plan des moyens. Ce sera le sens des douze préconisations présentées dans la dernière partie du présent rapport d'information.


* 11 Selon le cas, de la région et des départements, de la collectivité de Corse, des collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou de la collectivité de Nouvelle-Calédonie.

* 12 Selon le cas, des métropoles, de leurs éventuels établissements publics territoriaux et de la métropole de Lyon.

* 13 Des instances locales ou, à défaut, nationales du Comité national olympique et sportif français, du Comité paralympique et sportif français, des fédérations sportives agréées et des ligues professionnelles.

* 14 Des représentants locaux ou, à défaut, nationaux des organisations professionnelles représentatives des acteurs du monde économique.

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