C. QUE FAIRE ?

Vu de Sirius, la réponse est simple : le contraire de ce qui a été fait ces cinquante dernières années, autrement dit reconstruire ce que la Grande Transformation néolibérale a détruit, qu'il s'agisse du système financier et de ses finalités, de l'équilibre social, de l'État interventionniste providence.

Sauf qu'un tel programme, même par étapes graduées, n'a aucune chance d'être appliqué.

À ce jour en effet, et pas plus dans un avenir proche pensable, aucune majorité politique, aucun gouvernement n'aura même l'idée de le faire.

Quand bien même l'aurait-il dans un pays - à l'exception peut-être, des USA - les économies, intérêts et forces politiques sont trop imbriqués pour qu'il puisse prospérer.

Le piège s'est refermé.

L'oligopole financier mondial aux commandes contrôle par ses obligés nationaux des pans suffisamment importants de l'économie pour neutraliser toute tentative un peu sérieuse de réforme comme il en fut de celles soutenues pourtant par le G20.

Il faut se rappeler aussi la manière dont Bruxelles et Francfort ont réduit la Grèce, berceau de la civilisation européenne, dont le vieux continent porte le nom d'une de ses princesses mythologiques, à la misère, pour l'exemple et le salut des banques.

Une honte !

Le filet des engagements réciproques consignés dans des traités trompeurs, les intérêts croisés sont tels que la réussite de la plus petite réforme est devenue impossible. Alors les réformes substantielles !

Adam Tooze, au terme d'une analyse fouillée de la dernière décennie va plus loin. Pour lui, les crises multiformes qui se succèdent depuis 2008 sont les multiples épisodes et facettes d'une seule et même crise : celle de l'Empire américain.

Pour être le plus voyant, le krach financier et ses suites ne sont que des pièces de ce vaste ensemble politique, économique et géostratégique.

Il n'y a pas, d'un côté le système financier dont on peut décortiquer la mécanique, les ratés responsables de la crise puis les réparations, les modifications de conduite permettant d'en éviter la répétition et, de l'autre, la sphère économique, sociale et politique subissant un processus qui la domine.

Il n'y a pas le krach financier, ses conséquences et comment faire pour qu'il ne se reproduise pas, mais des mécaniques financières, économiques, géopolitiques, sociales et politiques qui, ensemble, font système. C'est à ce niveau qu'il faut envisager l'évolution de la situation car, encore une fois, le système financier néolibéral et ses excès, la stagnation économique, le chômage de masse, l'explosion des inégalités sociales, la dérive oligarchique des systèmes sociaux et politique, en un mot la sécession des citoyens, qu'elle qu'en soit la forme - absentéisme électoral ou « populisme » - ne sont pas séparables.

On ne peut avoir l'un sans tous les autres.

On aimerait donner raison à Jean-Michel Naulot quand il dit que « La seule question valable ne consiste pas à se demander : que ferait-on en cas de nouvelle crise ? Mais bien comment l'anticiper pour la prévenir ? » , sauf que les forces politiques susceptibles de soutenir un tel programme restent introuvables à ce jour.

Tant que la crise ne sera qu'une probabilité même très forte, qu'existera un espoir de sauver le nouveau Titanic néolibéral, ses armateurs, ses assureurs, ses officiers et les passagers de première classe, l'attentisme primera.

Le problème n'est pas de rédiger une illusoire ordonnance de prescriptions pour sortir du piège mais de rassembler les forces susceptibles de soutenir un tel programme. Le problème n'est ni théorique i technique,, il est politique.

« Les fondements du système monétaire moderne sont politiques, on ne peut y échapper, rappelle Adam Tooze (...) L'argent et le crédit, tout comme la structure du secteur financier qui les chapeaute, sont créés par le pouvoir politique, des conventions sociales et les règles juridiques, contrairement aux chaussures de sport, au Smartphone et au baril de pétrole. La monnaie fiduciaire est au sommet de la pyramide monétaire moderne. Créée et sanctionnée par les États, elle ne repose sur rien si ce n'est son cours légal. »

Le système bloqué, actuellement en place, n'est pas le produit du destin mais d'une politique. Les transformations permettant de le débloquer seront celles d'autres politiques. Ceci dit, qu'aucune politique significative de changement ne peut aujourd'hui aboutir ne saurait être une invitation à attendre passivement mais à se préparer au naufrage inéluctable.

S'y préparer pour limiter les dégâts et préparer l'avenir.

Le mode de traitement calamiteux du krach de 2008 est une invitation à ne pas répéter l'erreur de croire que quelques bricolages du système financier dispenseraient d'une réforme de fond en comble du système néolibéral global.

Pour un pays comme la France, s'y préparer appelle :

- d'une part la révision des modalités de fonctionnement du système financier, du financement de l'économie réelle, et une politique de relance économique ;

- d'autre part, le déblocage des institutions politiques qui les conditionnent ainsi que de faire face démocratiquement aux conséquences de la crise et de conduire les révisions institutionnelles appelées par la situation.

1. Se préparer à l'effondrement du système financier et à ses conséquences économiques

Dans un premier temps, il s'agit d'augmenter autant que les forces contraires le permettent la résilience du système bancaire en réduisant ses liens avec les acteurs de la finance parallèle plus spéculatifs et les moins contrôlables et en recentrant le système bancaire sur sa mission sociale historique : financer l'économie.

Comme le montre excellemment Adair Turner, le mal n'est pas l'endettement mais l'endettement qui n'a pas pour contrepartie une création de richesse nouvelle, l'endettement spéculatif qui se traduit seulement par la hausse du prix des titres de propriété de valeurs déjà existantes.

Il n'est pas de moyen plus efficace de préparer le système bancaire à affronter la tempête et de le préserver de l'effondrement. Le traitement de la spéculation immobilière, vu son importance fera l'objet d'une attention particulière.

Les 10 premières propositions vont dans ce sens :

1. Réduire la dépendance du système financier à la finance parallèle 303 ( * ) ;

2. Limiter strictement le financement bancaire aux opérations de fusions acquisitions des grandes entreprises ;

3. Limiter strictement le financement des hedge funds en limitant l'effet de levier à 5 ou 6 304 ( * ) ;

4. Publier dans une annexe un bilan des interdépendances avec la finance parallèle, ainsi que la liste et les caractéristiques des « véhicules d'investissements spécialisés » 305 ( * ) ;

5. Interdire l'usage de véhicules de titrisation immobilière par les banques ;

6. Adopter la solution britannique pour la séparation bancaire ;

7. Réviser la liste officielle des paradis fiscaux et obliger la publicité des moyens en personnel et financier, de l'activité qui y sont déployés ;

8. Rendre obligatoire un ratio de levier de 10 % 306 ( * ) et moduler le montant autorisé des prêts en fonction de leur affectation ou non à la création de richesses nouvelles 307 ( * ) ;

9. Généraliser l'obligation de passage par une plateforme de compensation pour l'ensemble des produits dérivés 308 ( * ) ;

10. Interdire les prêts immobiliers spéculatifs, dans les zones tendues, à partir d'un montant à définir par la loi.

Il s'agit ensuite de se préparer au moment où, le système financier global se bloquant et le système bancaire s'affaiblissant, quelles que soient les précautions prises, les besoins de l'économie appelleront le concours d'un dispositif de financement de secours.

Construire un tel dispositif par le recyclage de l'épargne des Français - très importante - sur le modèle existant avant la loi bancaire de 1984 et les vagues de privatisations qui suivirent, est donc indispensable si on entend éviter l'approfondissement de la stagnation économique et l'envolée du chômage qui ne manquerait pas de suivre un nouveau krach.

Cette restructuration du système financier serait accompagnée d'une politique interventionniste de relance par l'investissement à laquelle seront associées les collectivités territoriales, acteurs économiques malmenés sous les trois derniers quinquennats et pourtant majeurs.

Ainsi, avec des dépenses d'investissement de 45,5 Md€ en 2018, les collectivités territoriales sont-elles, et de très loin, le premier investisseur public français.

Quant à leurs dépenses de fonctionnement - 169 Md€ en 2018 - elles sont les stimulants permanents de l'économie locale.

Leur rôle économique est non seulement ignoré mais très difficilement repérable dans la comptabilité publique. Outre les dépenses et les investissements classiquement recensés dans les budgets, existe en effet tout un ensemble de partenaires économiques qui ne le sont pas comme agissant pour le compte des collectivités territoriales : concessionnaires, entreprises publiques locales, sociétés d'économie mixte, offices divers 309 ( * ) .

Cette politique d'investissement serait accompagnée d'un soutien indirect à la consommation à travers le développement du service public, des aides aux dépenses contraintes qui pèsent le plus sur les classes populaires et une bonne partie des classes moyennes.

S'y ajouteraient des dispositions visant à combattre l'évasion fiscale, à inciter les multinationales à investir et créer des emplois en France plus qu'elles ne le font aujourd'hui, à la différence des multinationales américaines, italiennes ou allemandes.

Les 12 propositions suivantes vont dans ce sens :

11. Réorienter l'activité bancaire vers le financement de l'économie :

- Par la réduction des activités à caractère spéculatif : augmentation de la taxe existante sur les transactions financières, taxation du trading haute fréquence ;

- Par la fixation d'un pourcentage de 50 % de prêts aux entreprises (avec un minimum pour les PME, très petites entreprises et start up) dans le bilan des groupes bancaires ;

- Par la taxation des financements immobiliers à but spéculatif ;

- Par la limitation stricte des activités exercées dans les paradis fiscaux ;

12. Renforcer la lutte contre l'évasion fiscale en supprimant totalement le « verrou de Bercy » et en autorisant la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) à prendre des initiatives sans autorisation préalable de la DGFIP ;

13. Recréer un puissant circuit de collecte de l'épargne destinée au financement de l'économie et de l'immobilier nouveau non spéculatif autour de la CDC, la BPI, la Banque Postale et éventuellement des banques partiellement ou totalement renationalisées ;

14. Dynamiser le rôle économique des collectivités locales : suppression des restrictions de dépenses, augmentation significative de la DGE, remplacement du formalisme comptable de la Cour des comptes et des chambres régionales par une expertise en matière d'investissements et de développement ;

15. Réduire progressivement puis supprimer les aides ou exonérations fiscales à la « politique de l'offre » qui a montré son inefficience et contrôle de l'utilisation de celles-ci ;

16. Réaliser un grand emprunt national destiné au financement d'un programme de grands travaux, réseaux et moyens destinés aux transports en commun (ferroviaire particulièrement) et aux économies d'énergie ;

17. Aider au pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes par l'amélioration de services publics de la vie courante ;

18. Moduler la fiscalité applicable aux firmes transnationales (FMN) en fonction des investissements et emplois créés ou maintenus en France 310 ( * ) ;

19. Lutter contre la fraude fiscale ;

20. Lancer des plans publics de logements ;

21. Renforcer la politique d'aide personnalisée au logement;

22. Interdire la titrisation immobilière.

Il s'agit enfin de redéployer la politique européenne dans un sens plus favorable aux intérêts de la France qu'actuellement.

Outre le traitement des questions relatives à la politique de relance qui viennent d'être évoquées, il importe de revoir le partenariat français « privilégié » avec l'Allemagne et de réviser les mécanismes plus ou moins conformes aux Traités qui, à l'usage, sont apparus très pénalisants pour la France.

Celle-ci étant le second contributeur au budget européen, derrière l'Allemagne - de loin principal bénéficiaire de la mécanique qui s'est progressivement mise en place - il serait logique de moduler sa contribution en fonction des progrès de la révision de cette situation inacceptable.

C'est le sens des trois propositions suivantes :

23. Renoncer au mirage du « couple franco-allemand » et rechercher les convergences d'intérêts communs avec l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce ;

24. Moduler le versement de la contribution financière de la France aux avancées en matière de :

- dumping fiscal entre partenaires européens. Une conférence des Chefs d'État annuelle, sur ce sujet sera tenue ;

- réduction des déficits et excédents en matière d'échanges de marchandises et de services intra européens 311 ( * ) ;

- réduction de l'excédent budgétaire allemand 312 ( * ) ;

- révision de la parité de l'euro, notamment par rapport aux autres monnaies 313 ( * ) ;

- création d'euro-bonds et mise en oeuvre du plan européen d'investissement ;

- contrôle de la circulation des capitaux spéculatifs en Europe 314 ( * ) ;

- lutte contre les paradis fiscaux ;

25. Remplacer le Système européen de stabilité financière par un financement de ces créances par la BCE.

2. Débloquer les institutions politiques

De son séjour aux USA, l'aristocrate Tocqueville avait tiré la conclusion que la supériorité de la démocratie américaine sur le système aristocratique était de permettre la correction des erreurs : « Le grand privilège des Américains, écrit-il , est de pouvoir faire des fautes réparables. » 315 ( * )

La caractéristique de l'oligarchie technico-financière qui a conquis l'Empire américain c'est précisément, au nom de sa supériorité intellectuelle, de son incroyable réussite financière et politique, d'avoir construit un système de domination non réparable dans le cadre institutionnel ce qui lui assurait une protection totale contre tout assaut démocratique.

Et c'est l'efficacité même de cette démocratie Potemkine, tel l'hubris de la tragédie antique, qui l'a perdue.

N'étant pas réparable, la « démocratie libérale occidentale » doit donc être remplacée.

Mais par quoi ? Toute la question est là.

Au vu de l'histoire de l'entre-deux-guerres, des expériences du socialisme non démocratique stalinien, et plus encore du fascisme, on se met à douter que ce sera inévitablement par la démocratie, même si ce fut le cas du New Deal, démocratique, libéral et interventionniste !

Rappelons une fois encore Polanyi : « On peut décrire la solution fasciste à l'impasse où s'était mis le capitalisme libéral comme une réforme de l'économie de marché au prix de l'extirpation de toutes les institutions démocratiques. » (La Grande Transformation)

Aujourd'hui, comme nous l'avons constaté, les mouvements populistes les plus nombreux et qui dans de nombreux pays sont au pouvoir n'ont rien d'anti-libéraux, ils le sont même souvent plus que ceux qu'ils critiquent pour d'autres raisons et dont ils espèrent prendre la place. Beaucoup par contre se passent de la façade démocratique affichée par les néolibéraux ayant pignon sur rue.

Ce sont, avec des nuances qui tiennent aux situations et plus encore à leurs adversaires, des mercantilistes, plus ou moins agressifs à l'extérieur et autoritaires à l'intérieur.

Vu les problèmes que posent dans beaucoup de pays européens la constitution de majorités de gouvernement stables, à moyen terme vu le malaise et les bouillonnements sociaux entretenus par une crise qui n'en finit pas de finir, on se dirige vers la multiplication de coalitions de libéraux de droite et de populistes opportunistes.

Et la France qui se croit protégée de l'extrême droite par sa constitution consulaire n'est pas à l'abri d'une telle issue. Au contraire, ce pourrait être son tendon d'Achille.

En effet, si l'élection d'une représentante du Mouvement National aux présidentielles est peu probable, à l'heure actuelle, celui d'un ou d'une représentant(e) d'une coalition à laquelle participerait l'extrême droite ne l'est pas. On prendra alors conscience de l'effet amplificateur du mode de scrutin majoritaire.

La démocratie néolibérale étant la tentative de concilier légitimité démocratique et une légitimité mercantile qui s'imposerait à la démocratie, sauf à croire à l'harmonie préétablie ou à constater dans les faits qu'elle apporterait l'abondance - ce qui ne fut pas le cas - elle ne pouvait qu'échouer, ce qu'elle fit magistralement par deux fois en deux cents ans.

Ce qui confirme que démocratie et néolibéralisme sont incompatibles.

On en est revenu là où on en était dans l'entre-deux-guerres.

Or un replâtrage populiste autoritaire du néolibéralisme en état de faillite serait reculer pour mieux sauter.

Il ne permettrait ni le déblocage économique, ni de stopper la dérive financière explosive actuelle et encore moins de restaurer la confiance dans les institutions républicaines et la foi en l'avenir.

Ce que seul un nouveau New Deal permettrait.

D'où la nécessité de redonner vie à la démocratie représentative et aux institutions parlementaires qui restent - malgré l'étendue de leurs démissions - le lieu le plus légitime où la souveraineté populaire peut s'exprimer.

Les préconisations de réforme qui suivent sont faites dans cet esprit :

- des préconisations a minima dans la mesure où un règlement du problème au fond supposerait la révision constitutionnelle qu'appelle la situation et que les forces politiques au pouvoir ne sont pas prêtes d'accepter ;

- des préconisations d'avant naufrage qui ne l'éviteront pas mais qui devraient faciliter une reconstruction démocratique de la société et de l'économie qui subsisteront.

Comme l'aurait avoué de Gaulle à Alain Peyrefitte, la Constitution de la V e République a été conçue pour gouverner sans majorité, situation que le Général avait trouvée à son retour au pouvoir et dont il avait pu mesurer les inconvénients avant- guerre.

L'origine du problème actuel c'est que, conçue pour porter remède à un système parlementaire assis sur des majorités faibles et changeantes, type III e et IV e République, la Constitution de la V e République a fonctionné avec des majorités solides puis en béton, progressivement en oubliant l'usage du référendum - ou en en contournant les résultats comme en 2005 -, ni dissolution anticipée de la chambre des députés même après le fiasco de Jacques Chirac en 1997 !

D'un « parlementarisme rationalisé », progressivement et de réforme constitutionnelle en réforme constitutionnelle, on est passé à un « parlementarisme lyophilisé », puis à un régime de type consulaire où l'hôte de l'Élysée devenu chef de la majorité parlementaire en même temps que chef de tout le pouvoir exécutif, concentre tous les pouvoirs.

Un régime qui ignore la séparation des pouvoirs et où le Parlement a été réduit, avec sa complicité active, au rôle de chambre d'enregistrement.

Paradoxe des paradoxes, après le passage de la vague néolibérale, ce chef suprême se retrouvant à la tête d'une administration très affaiblie, d'où la nécessité pour lui de s'appuyer sur les moyens et les intérêts privés, et sur une oligarchie triée sur le volet faisant le lien avec eux.

Ainsi était née une organisation politique, un système « collusif » certes original mais revenant à l'antique confusion entre intérêt public et intérêts privés (voir partie V).

Telle est donc la forme prise en France par la démocratie Potemkine libérale (voir partie VI).

Restaurer la démocratie délibérative suppose donc de redonner du pouvoir au Parlement, par la réforme de son mode d'élection et la restauration du débat parlementaire ;

26. Faire précéder l'élection présidentielle par les élections législatives ;

27. Remplacer, pour les élections législatives, le scrutin majoritaire par une élection à la proportionnelle dans des circonscriptions infra départementales ;

28. Revenir à l'égalité des temps de parole médiatiques (y compris privés) pour les candidats aux élections présidentielles ;

29. Redonner du temps de parole aux parlementaires et mieux répartir ce temps 316 ( * ) ;

30. Renforcer les moyens d'expression des minorités ;

31. Subordonner l'exercice du droit du Gouvernement à limiter l'examen de ses projets de loi à la démonstration de l'urgence ;

32. Réformer la LOLF dont l'organisation nuit à la compréhension des choix budgétaires du Gouvernement sans aucun des avantages qui étaient annoncés ;

33. Réformer le mode de mise en oeuvre de l'article 40 de la Constitution qui progressivement installe une tutelle du Conseil constitutionnel sur le Parlement et le prive de son droit d'initiative et d'amendement en :

- limitant la possibilité d'invoquer préalablement l'article 40 au Gouvernement et aux présidents des assemblées. La décision doit faire l'objet préalablement au débat d'une notification écrite suffisamment motivée ;

- limitant l'extension de la notion de « charges publiques » à celles de l'État au sens de la Constitution et non de la jurisprudence européenne.

34. Supprimer la « règle de l'entonnoir » 317 ( * ) et l'usage extensif et arbitraire de l'article 45 qui, pour gagner du temps, obsession des modernisateurs, à commencer par les responsables des assemblées, revient à tourner la règle de la double lecture 318 ( * ) ;

Il s'agit, enfin, de dissoudre l'État collusif, et pour cela :

35. Limiter les possibilités de pantouflage et les allers retours entre haute fonction publique et emplois dans le privé ;

36. Revoir le mode de nomination dans les grands corps en séparant la formation de ses membres en deux temps - ENA, puis après un temps d'expérience sur le terrain, Institut spécialisé - et en réduisant les nominations au tour extérieur ;

37. Modifier le mode de nomination du Gouverneur de la Banque de France de manière à assurer son indépendance par rapport au lobby bancaire ;

38. Renforcer l'ingénierie publique de manière à réduire la dépendance de l'État à l'expertise privée.

Le dilemme est donc clair : ou attendre le naufrage en espérant qu'il ne viendra pas, ou s'y préparer, car il aura lieu, vu l'incapacité des responsables politiques et financiers d'y remédier.

Quand aura-t-il lieu ? Sans préavis ou après avoir expérimenté une forme de néolibéralisme autoritaire de droite extrême ? Nul ne le sait.

Ce qui importe cependant c'est de préparer le retour des « Trente glorieuses », ce qui suppose la renaissance d'une social-démocratie méritant son nom et d'une droite sociale soucieuse de l'intérêt national. Comme aurait dit le Général de Gaulle : « vaste programme ! »


* 303 « Peu de progrès ont en effet été accomplis en ce qui concerne les autres entités de ce que l'on désigne à présent sous l'expression "d'intermédiation de crédit non bancaire", en particulier sur la question de la dimension systémique de certains gestionnaires d'actifs. » Laurent Clerc

* 304 « Prenons les hedge funds : ils sont tous, sans exception, domiciliés dans les paradis fiscaux et on a renoncé depuis 2008 à plafonner leurs effets de leviers. Voici deux mesures efficaces : limiter l'effet de levier à 5 ou 6, et domicilier le hedge fund là où le gérant exerce son activité, c'est-à-dire à Londres et à New York. » Jean-Michel Naulot

* 305 « Le bilan social de l'accroissement de l'activité intra financière est négatif. Un système plus complexe d'intermédiation de crédit a rendu le système financier plus instable et la crise plus probable, et, en facilitant la création de crédit, il a aggravé le poids du surendettement après la crise. » Adair Turner.

* 306 C'est le rapport entre le montant des fonds propres et des actifs.

* 307 L'objectif ne peut être seulement de stabiliser le système, de régler la question des établissements systémiques mais « de gérer la quantité de crédit et d'influencer son allocation dans l'économie réelle. » Adair Turner

* 308 « 7 % des produits dérivés servent l'économie, donc 93 % de ces produits servent à spéculer ou faire des jeux qui ne servent à rien pour l'économie réelle. Taxer la production spéculative de dérivés ou forcer tous les produits dérivés à passer par des chambres de compensation : vous réduisez aussitôt tous les produits non liquides ». « Si vous vous mettez à facturer les ordres annulés, vous en ferez drastiquement chuter le volume, car c'est devenu une méthode. » Jean-Michel Naulot

* 309 À noter, vu l'importance, dans les dépenses des collectivités, des travaux publics et des services exécutés par des acteurs locaux que celles-ci figurent parmi les moins génératrices d'importations.

* 310 La particularité des FMN françaises par rapport aux autres (notamment américaines) est d'investir et de créer des emplois à l'étranger en rapatriant les bénéfices. Selon le CPII, en effet, l'économie française se distingue par l'importance de l'implantation à l'international de ses entreprises. Elles employaient en 2014, 6 millions de personnes à l'étranger contre par exemple 5 millions pour les entreprises allemandes dont le PIB est supérieur de 50 % à celui de la France, 1,8 million de personnes pour l'Italie. Une tendance qui s'est accentuée puisque de 2007 à 2014, le chiffre d'affaires et le nombre d'employés des multinationales françaises ont crû deux fois plus vite que dans les multinationales allemandes et italiennes.

* 311 Il est significatif que le principal partenaire commercial pour les exportations de biens des pays de l'UE (2016) soit un autre membre de l'Union européenne, à l'exception de l'Allemagne, de l'Irlande, du Royaume-Uni et de quelques très petits états, les États-Unis étant surtout la destination de leurs exportations.

* 312 L'excédent allemand représente 9 % de son PIB. S'il n'était que de 6 %, cela permettrait d'injecter 90 Md€ en plus dans la zone euro, par le biais d'une hausse des salaires ou en augmentant les dépenses publiques allemandes. (Romaric Godin)

* 313 Le fait que l'euro soit légèrement sous-évalué, compte-tenu de la structure de l'économie allemande, lui a permis de booster ses exportations dans un contexte où les partenaires commerciaux allemands en Europe ne pouvaient pas dévaluer leur monnaie. En outre, la monnaie unique permet à l'Allemagne de dégager des excédents beaucoup plus forts que ses voisins européens et d'investir ensuite son épargne sans crainte dans le reste de l'Europe.

Ainsi, dans son étude « External Sector Report » de 2017, le Fonds monétaire international calcule que l'euro était sous-évalué d'environ 18 % pour l'Allemagne et qu'il était surévalué de 6,8 % pour la France ( Res Publica , Note du 20 août 2018).

* 314 « Actuellement, le principe de libre circulation des capitaux coûte fiscalement à la France entre 60 et 80 Md€. On peut retrouver une base fiscale contrôlable, en disant aux gens : « si vous voulez acheter une entreprise, vous pouvez faire circuler vos capitaux, mais si c'est pour spéculer, non ». Jacques Sapir.

Significatif aussi que les échanges de la France avec l'Allemagne soient structurellement déficitaires, que les balances commerciales avec les autres pays européens de l'Allemagne et les Pays Bas soient excédentaires quand les autres sont déficitaires, les écarts se creusant pour l'Allemagne dont l'excédent commercial avec l'ensemble de ses partenaires européens était de 160,3 Md€ en 2017.

* 315 De la démocratie en Amérique.

* 316 Cela peut passer par une augmentation des temps de débat consacrés à l'examen d'un texte, des temps de parole des groupes ou des parlementaires, actuellement réduits à la limite du ridicule.

On peut envisager aussi l'attribution d'un temps de parole global par groupes à répartir à la convenance des groupes entre discussion générale, présentation d'amendements, explications de vote...

* 317 La « règle de l'entonnoir » telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui interdit d'amender en seconde lecture les dispositions adoptées par les deux chambres en première lecture.

* 318 La dynamisation du débat public passe par la suppression de la règle actuelle consistant à distribuer le temps de parole entre les groupes à proportion de leurs effectifs comme si, plus on est nombreux, plus on a de choses intéressantes à dire, ce qui est loin d'être prouvé.

Quand le Gouvernement dispose du soutien de la majorité dans une assemblée, les projets de loi et les propositions qu'il soutient sont défendus par le ministre en séance, le rapporteur et le groupe majoritaire, ce qui a un effet plus soporifique que stimulant.

Quand ce n'est pas le cas, le Gouvernement qui dispose d'un temps de parole aussi important qu'il le souhaite pour présenter ses projets et répondre aux critiques, dispose du soutien des groupes de la majorité présidentielle. Autant dire que dans ce cas non plus l'expression de points de vue hétérodoxes n'est pas facilitée.

Il est donc souhaitable d'accorder forfaitairement un minimum décent de temps d'expression aux minorités ou par une répartition du temps entre groupes pour partie à égalité, pour partie proportionnellement à leurs effectifs.

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