EXAMEN EN DÉLÉGATION

La Délégation aux entreprises s'est réunie le jeudi 25 juin 2020 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le débat suivant s'est engagé :

Mme Annick Billon. - Je vous remercie, chers co-rapporteurs, pour cette présentation. Ce rapport sera publié dans un moment intéressant au vu de la situation que nous avons vécu ces derniers temps. Les Français se sont adaptés et ont pris l'importance de certains sujets comme le travail ou l'alimentation. Jusqu'en 2020, la RSE semblait être un sujet réservé aux grandes entreprises. Je vous félicite d'avoir mis en avant les PME et les TPE qui s'éloignent de ce parcours au vu des démarches et des coûts qu'il faut y engager. Vous avez également eu raison de souligner l'approche globale de la RSE, qui ne doit pas concerner que les questions environnementales mais également l'égalité salariale homme-femme ou bien l'environnement au travail, des thèmes qui pourraient inciter ces entreprises à s'engager dans cette démarche. La proposition n°6, qui évoque la simplification de la législation française en matière de reporting , ou rapportage financier RSE, peut intéresser les PME et les TPE et les rassurer sur les coûts d'implémentation de la RSE. Au niveau de l'entreprise, je vous rejoins sur la nécessité d'impliquer le conseil d'administration dans cette démarche afin de toucher tous les salariés et créer un « destin commun » à tous les niveaux. Concernant les marchés publics, on essaie aujourd'hui de privilégier les circuits-courts mais cela n'est pas toujours possible au vu de la législation en vigueur. Nous aurons des entreprises RSE performantes et efficaces si les contraintes sont partagées au niveau européen et même mondial, évitant ainsi de faire peser sur les entreprises françaises des normes supplémentaires.

M. Michel Canévet. - Je remercie les co-rapporteurs pour la qualité des propositions qui ont été présentées et qui mettent en évidence l'importance de cette notion de responsabilité sociétale des entreprises, que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer lors de la loi « PACTE ». Des solutions concrètes ont été exposées : un cadre référentiel simple pour les entreprises afin de leur laisser de la souplesse et des propositions au niveau national mais aussi européen. Il faut que la France ait un rôle de leader en la matière afin d'engager une dynamique et que la qualité du travail soit meilleure pour les salariés, contribuant ainsi à la réussite de l'entreprise. Comme Annick Billon, je rejoins les rapporteurs sur l'unique focalisation sur les questions environnementales : il faut aller beaucoup plus loin. Nous avons évoqué l'égalité professionnelle homme-femme, peut-être ne faut-il pas oublier l'insertion des personnes en situation de handicap. Au sujet des propositions sur l'égalité homme-femme, il faut veiller à ce qu'elles ne deviennent pas des contraintes desservant la cause défendue : dans le cadre de la loi « engagement et proximité », nous avons voté une disposition qui prescrivait que les adjoints élus soient alternativement des hommes et des femmes. Certaines municipalités se sont retrouvées avec plus d'hommes dans leur équipe du fait de l'obligation d'alternance sur la liste alors que les équipes souhaitaient faire figurer plus de femmes. J'utilise cet exemple pour illustrer le fait qu'il faille laisser de la souplesse et de l'initiative et ne pas chercher à aller trop loin dans la mise en oeuvre. Il ne faut pas que les contraintes soient contreproductives et trop rigides.

Concernant le numérique, dont l'importance dans la production et la communication en entreprise n'est plus à démontrer, nous devons faire attention à ce que cet aspect soit intégré dans la notion de RSE des entreprises afin d'éviter les contraintes et les atteintes vis-à-vis des personnes. Enfin, au sujet de l'écosystème des entreprises, il faut que les grandes entreprises soient, au titre de la RSE, très attentives à l'environnement des PME qui travaillent avec elles. L'économie doit reposer sur une pluralité d'acteurs économiques de tailles différentes et non pas que sur les très grandes entreprises. Des mesures de protection favorisant la création d'un écosystème d'entreprises de proximité ont été mises en place aux États-Unis dans les domaines du digital, de la protection des données ou bien de l'alimentation en application du Robinson-Patman Act , en vigueur depuis 1936, qui limite les pratiques anticoncurrentielles.

M. Guy-Dominique Kennel. - Je tiens à féliciter les rapporteurs pour ce travail de fond qui débouche sur un certain nombre de propositions que nous pouvons partager. Je constate que vous rejoignez les recommandations que nous avons émises, notamment pour le suramortissement des investissements pour la formation en RSE. Je pense que Pascale Gruny vous rejoindra également sur ce point. Vous avez mis l'accent sur la formation avec trois propositions à ce sujet, ce qui est central. Concernant l'axe 4 qui porte sur le soutien d'une démarche européenne et que je trouve très importante, je suis persuadé que si l'harmonisation à l'échelle européenne ne se fait pas, nous risquons d'handicaper les entreprises françaises si trop d'obligations en matière de RSE pèsent sur elles seules. Mon seul doute concerne le fait que vous proposiez un moratoire national sur de nouvelles informations financières jusqu'à l'harmonisation au niveau européen : ne craignez-vous pas que cela s'apparente à un report sine die , dans la mesure où il est possible que l'harmonisation ne se fasse jamais ? Il y a peut-être un risque inhérent à cette proposition.

M. Joël Labbé. - Je salue et remercie les collègues qui ont travaillé sur ce sujet très actuel et tourné vers l'avenir. J'évoquerai ce soir, lors du débat en séance publique, les 32 000 étudiants du Manifeste pour un réveil écologique qui se sont engagés à ne pas travailler dans les entreprises qui ne respecteraient pas les enjeux écologiques. Vous avez choisi à très juste titre un axe centré sur les PME et les TPE, leur situations évoquant ainsi l'importance de l'économie locale, un développement de proximité pérenne et des emplois non délocalisables. Au niveau européen, je vous rejoins sur les assouplissements concernant les marchés publics qui nous permettraient d'avoir des exigences non pas uniquement basées sur le prix mais également sur d'autres critères. À l'échelle internationale, nous avons déjà eu des débats sur la sous-traitance des multinationales, il faut faire en sorte qu'il y ait des obligations véritables et harmonisées à l'échelle de la planète concernant le travail des enfants ou encore l'utilisation de ressources, autant de sujets extrêmement actuels.

Mme Annick Billon. - Je pense que la RSE est, pour les TPE et les PME, le moyen d'interagir dans leur écosystème : c'est-à-dire avec les jeunes, à travers les écoles, mais également les élus locaux. Une formation à la RSE devrait également être dédiée à ces derniers afin qu'ils intègrent ces questions dans les marchés publics. La RSE s'intéresse à tous les sujets et c'est un moyen d'intéresser et de rassembler autour des entreprises, mal connues, qui participent au développement et à la richesse des collectivités.

Mme Élisabeth Lamure. - Les grandes entreprises sont contraintes en matière de RSE et utilisent ces éléments dans leur communication, ce qui constitue donc un avantage sur le marché. Nous nous sommes aperçus lors de nos rencontres que beaucoup de PME et de TPE faisaient de la RSE sans le savoir, dans leur management, la qualité des relations avec les salariés ou bien de par leur proximité avec leur écosystème. Afin que les PME acquièrent cette pratique de la RSE, il faut simplifier et apporter de la souplesse pour qu'elle soit accessible. Cette période difficile nous amène à remettre en question les méthodes de travail, les notions de croissance ou l'évolution des relations économiques. Nous avons essayé d'intégrer ces éléments et questionnements dans notre rapport, qui devraient permettre une pratique de la RSE dans toutes ses dimensions. Nos premières auditions étaient régulièrement liées aux questions environnementales, limitant alors le sujet qu'il faut élargir de façon thématique et à l'échelle planétaire. Sans obligation pour que toutes les chaînes soient concernées, il sera difficile d'y arriver. Pour répondre à Guy-Dominique Kennel, le moratoire ne devra effectivement pas durer trop longtemps et il faudra encourager les institutions européennes à se saisir du sujet ; nous en avons besoin, au même titre que d'une agence de notation extra-financière - toutes américaines aujourd'hui - avec des critères bien définis et cohérents avec les entreprises européennes.

M. Jacques Le Nay. - Ce moratoire national est un prélude à une harmonisation européenne. Nous nous sommes rendu compte que les grandes entreprises avaient un certain pouvoir en matière de labellisation, sujet déjà compliqué de par la multitude de labels existants. Nous préconisons que les fédérations professionnelles réfléchissent à un modèle de labellisation par métier. Pour répondre à Joël Labbé, nous avons rappelé dans notre rapport le besoin accru des millenials en matière d'écologie au travail et nous nous sommes appuyés sur Le Manifeste étudiant pour un réveil écologique que vous citiez, signé en 2018 par 32 000 étudiants de 420 établissements d'enseignement supérieur.

M. Joël Labbé. - Outre la diffusion des informations concernant la RSE, il faut former ceux qui n'y ont pas accès et faire en sorte que ces formations soient adaptées à l'entreprise. Il faut également que l'entreprise soit attractive pour les cadres de haut niveau : les étudiants peuvent se permettre aujourd'hui de choisir un employeur en accord avec leurs convictions éthiques.

Mme Élisabeth Lamure. - Les jeunes sont en effet très attentifs et ont certaines exigences vis-à-vis des entreprises, ce qui va dans le bon sens.

Je vous remercie pour votre écoute et je soumets donc ce rapport à votre approbation.

La Délégation autorise la publication du rapport.

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