B. RÉAFFIRMER L'IMPORTANCE D'UNE « POLITIQUE NATIONALE DU SPORT »

1. Clarifier la gouvernance du sport et mieux encadrer le rôle de l'ANS
a) Le nécessaire rétablissement d'un ministère des sports de plein exercice

La mission, sans remettre en cause l'apport de l'ANS, souhaite préserver le rôle du ministère des sports dans la définition de la politique nationale du sport ainsi que dans sa mise en oeuvre. Elle réaffirme son attachement à l'existence d'un ministère de plein exercice à un moment où le rattachement opéré auprès de l'éducation nationale fait craindre une disparition pure et simple d'un département ministériel pérenne et autonome.

L'existence d'un ministère de plein exercice constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour essayer d'obtenir un budget suffisant en faveur du sport. Le rattachement du ministère en charge des sports au ministère de l'éducation nationale ne peut, dans ces conditions, que susciter les plus vives inquiétudes quant à l'avenir des moyens publics qui seront dévolus au sport et qui ont connu une baisse sensible depuis 2017. Comme l'a remarqué notre collègue Michel Savin lors de la présentation du plan de relance le 3 septembre dernier, « le sport est le grand oublié » du plan de relance, ce qu'il juge, à juste titre, « regrettable et dommageable ».

Même si les membres de la mission sont conscients de l'intérêt qu'il peut y avoir à limiter la taille des gouvernements, ils estiment dans leur majorité que la problématique du sport ne se limite pas aux aspects relatifs à l'éducation. Ils existent d'autres dimensions propres au sport toutes aussi essentielles comme la santé, le rayonnement, l'attractivité territoriale, l'emploi qui justifient pleinement de le considérer comme un sujet en lui-même suivi par un ministère de plein exercice.

Proposition 1 : Rétablir un ministère des sports de plein exercice en renforçant ses compétences régaliennes notamment en matière de contrôle.

b) Une articulation entre l'ANS et le ministère en charge des sports à consolider

La création de l'Agence nationale du sport associée avec la « rétrogradation » du ministère des sports en ministère délégué auprès du ministre de l'éducation nationale crée un risque que les questions réputées « sérieuses » (les investissements en infrastructures sportives, la politique du haut niveau, le développement de l'emploi dans le secteur du sport, l'élaboration des objectifs des fédérations) relèvent dorénavant d'une structure indépendante dirigée par des hauts fonctionnaires tandis que le champ d'intervention du ministre se verrait cantonné à des questions essentiellement sociétales ou à des politiques de prévention.

L'existence d'une politique nationale du sport dotée d'un véritable budget débattu chaque année au Parlement suppose que le ministre en charge des sports continue à disposer des leviers nécessaires à son action et que la politique du sport puisse faire l'objet d'un débat devant le Parlement. La délégation de cette compétence à une agence ouvre, au contraire, la voie à un éloignement entre les acteurs en charge de la politique du sport et les institutions chargées de veiller au contrôle démocratique.

Lors de son audition par la mission, le directeur général de l'ANS a certes indiqué qu'il participait chaque semaine à une réunion avec la ministre en charge des sports et les principaux responsables du ministère. Mais le même directeur général a également rappelé devant la mission que l'Agence avait sa « gouvernance propre, avec un conseil d'administration qui prend ses propres décisions souveraines, qui s'imposent à l'organisation de l'agence » 5 ( * ) . Il a indiqué par ailleurs que la relation entre l'Agence et le ministère était « une relation de tutelle à opérateur » mais il a aussi reconnu « qu'un rôle presque politique lui est confié » . Or les membres de la mission estiment précisément que ce rôle « politique » pour être convenablement exercé doit associer étroitement le ministre en charge des sports qui est responsable politiquement. L'Agence ayant le statut de GIP, rien ne s'oppose à ce que sa présidence soit exercée par un membre du Gouvernement. C'est pourquoi la mission propose de confier au ministre en charge des sports la présidence non exécutive de l'ANS 6 ( * ) afin de rappeler la persistance d'une politique nationale du sport fondée sur des principes (solidarité, excellence, exemplarité) et des choix de développement (sport amateur, sport santé, territoires ruraux et carencés...).

Proposition 2 : Consolider une politique nationale du sport en confiant la présidence non exécutive de l'ANS au ministre en charge des sports.

2. Instaurer un régulateur indépendant pour contrôler et évaluer les politiques sportives
a) Une absence de « régulateur » du secteur devenue prégnante

Depuis plusieurs années la politique nationale du sport s'est engagée dans une voie plus partenariale en promouvant notamment le recours à des conventions d'objectifs. Cette évolution s'inscrit dans une tendance plus générale de l'action publique qui vise à associer davantage les acteurs concernés par des politiques données et à remplacer les décisions unilatérales des autorités centrales par des actions plus concertées. Or cette évolution s'accompagne généralement de la création d'une autorité de régulation qui a pour rôle selon les cas de s'assurer du respect des règles, d'évaluer les résultats et de garantir l'équité. Si le secteur du sport a connu une multiplication des acteurs et des délégations de compétence à leur bénéfice il n'existe pas aujourd'hui de « régulateur du sport » indépendant en charge de superviser le fonctionnement de l' « écosystème » du sport.

Lors de son audition par la mission, André Barbé, président de section à la 3 ème chambre de la Cour des comptes, avait par exemple estimé que les conventions signées par les fédérations avec l'État s'apparentaient « davantage à des catalogues d'intentions qu'à des instruments de pilotage conjoint ». Il a également estimé qu' « il devrait être possible de s'appuyer sur la délégation accordée par l'État pour exiger l'élaboration de règles déontologiques et éthiques ». Mais encore faudrait-il qu'une instance puisse contrôler l'application de ces règles et en matière d'éthique nul doute que cette instance se devrait d'être indépendante. On peut rappeler également que la loi n° 2017-261 du 1 er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, a prévu que toutes les fédérations délégataires devaient se doter d'un comité d'éthique et de déontologie 7 ( * ) . Or, comme l'a observé Frédéric Pacoud, rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études du Conseil d'État lors de son audition par la mission : « selon le rapport sur la nouvelle gouvernance du sport rédigé en 2018 par Patrick Bayeux et Laurence Lefèvre, seulement un cinquième des fédérations avaient mis en place un tel comité à cette date » .

L'utilité d'une « Haute autorité » se fait également sentir concernant l'organisation des élections au sein des fédérations. Avec le développement du recours à des modalités d'élection des présidents de fédérations qui privilégient le suffrage universel direct, se pose également la question de la sincérité et de l'équité des scrutins. Faut-il déterminer un plafond pour le financement des « campagnes » et comment assurer son contrôle ? Est-il nécessaire de mieux réglementer l'utilisation des moyens de la fédération par le président sortant pour garantir une certaine équité ? Comme l'a reconnu Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État lors de son audition : « s'il est important d'assurer l'égalité des électeurs, l'égalité des candidats ne doit pas être laissée de côté ». Les membres de la mission estiment que puisque les élections fédérales sont de plus en plus disputées, il pourrait être utile que les campagnes soient davantage « encadrées » par un arbitre impartial qui pourrait contrôler les dépenses de campagne et se prononcer sur les irrégularités constatées.

b) La nécessité d'envisager la création d'une « Haute autorité » du sport

Les membres de la mission sont tout à fait conscients que de nombreux contrôles sont déjà exercés sur les fédérations (inspections, Cour des comptes, Contrôle d'État...). Mais il s'agit le plus souvent de contrôles complexes et lourds qui interviennent de manière non systématique et longtemps après les faits examinés. La création d'un régulateur agissant « en temps réels » et dans une logique d'accompagnement plus que de sanction permettrait de faire aboutir l'évolution du modèle sportif français vers une gouvernance plus partenariale. Interrogé sur la création d'une telle « Haute autorité », le directeur général de l'ANS a convenu qu'« un contrôle externe apportera certainement la neutralité d'une vision professionnelle et empreinte d'une vision externe » mais il a également insisté sur les risques que pourrait présenter un « sur-contrôle ». Un équilibre doit donc être recherché.

Les membres de la mission considèrent donc qu'une réflexion pourrait être menée sur l'intérêt de créer une « Haute autorité du sport » qui serait chargée de veiller au bon fonctionnement de tous les organes qui concourent à la politique du sport. Cette réflexion pourrait, par exemple, prendre la forme de la nomination par le Gouvernement d'un parlementaire en mission qui serait chargé d'évaluer les avantages et les inconvénients que présenterait la création d'une nouvelle autorité qui devrait être légère dans son fonctionnement et peu coûteuse dans son organisation.

Proposition 3 : Engager une réflexion sur la création d'une Haute autorité du sport chargée de réguler les relations entre les différents acteurs, de garantir leur transparence et d'évaluer leur performance.


* 5 Audition du directeur général de l'ANS du 3 juillet 2020, voir le compte rendu reproduit en annexe du présent rapport.

* 6 L'article 15 de la convention constitutive de l'ANS prévoit actuellement que « le président est désigné par l'assemblée générale sur proposition du ministre en charge des sports ».

* 7 Voir l'annexe 3 sur le suivi des chartes et comités d'éthique.

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