B. LES ACCORDS DE COOPÉRATION MONÉTAIRE, UNE TRADUCTION DIRECTE DANS L'ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE FRANÇAISE

1. Les accords de coopération monétaire trouvent leur pendant budgétaire dans un compte de concours financiers, non doté en crédits

Créé par l'article 46 de la loi de finances pour 2006 10 ( * ) , le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » est le pendant budgétaire des accords de coopération monétaire conclus entre la France et les quinze pays précités 11 ( * ) . Il se compose de trois programmes , pour chaque accord monétaire : « relations avec l'Union monétaire ouest-africaine » (P811), « relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale » (P812), « relations avec l'Union des Comores » (P813).

Ce compte peut sembler, de prime abord, d'un intérêt limité, puisque cela fait maintenant plusieurs années qu'il n'est pas doté de crédits budgétaires et qu'il ne fait l'objet d'aucun rapport annuel de performance 12 ( * ) . Il est pourtant essentiel : il permet de retranscrire l'engagement budgétaire assumé par la France au titre de la garantie de convertibilité . Le risque d'appel en garantie étant très faible, le rapporteur spécial approuve chaque année dans son rapport budgétaire sa non dotation en crédits, tout en rappelant que ce compte de concours financiers constitue la clé de voûte des accords de coopération monétaire 13 ( * ) .

C'est bien le fait que le risque d'appel soit extrêmement faible qui justifie l'absence de crédits et non, comme ont pu l'affirmer certains observateurs 14 ( * ) , une réticence de la France à apporter sa garantie . Bien que les garanties soient de nature différente, une logique similaire préside la dotation du programme 114 « Appels en garantie » de la mission « Engagements financiers de l'État » : le montant des crédits inscrits en loi de finance initiale, évaluatif, dépend de l'appréciation du risque d'appel en garantie. Comme Olivier Vallée, économiste, l'a expliqué lors de son audition, il y a toujours eu des difficultés, dans le débat public, à appréhender ce que signifiait une garantie : les détracteurs du franc CFA voient à tort dans le « 0 » inscrit sur la ligne budgétaire du compte de concours financiers le refus par la France d'assumer la garantie qu'elle octroie dans le cadre des accords de coopération monétaire.

Lors de son audition, Mario Giro, ancien vice-ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale dans le gouvernement italien, a souligné l'écart entre cette « petite ligne du budget en France » et ce « sujet énorme et très symbolique en Afrique », un sentiment partagé par les rapporteurs.

2. Au sein de la direction générale du Trésor et de la Banque de France, quelques effectifs sont dédiés à la gestion de la coopération monétaire avec la Zone franc

Au-delà du compte de concours financiers, les rapporteurs se sont également intéressés aux autres conséquences budgétaires de la Zone franc, notamment au regard des effectifs consacrés à cette mission. Si d'autres services des ministères économiques et financiers peuvent être mobilisés par la gestion de la coopération monétaire (Agence France Trésor, contrôleur budgétaire et comptable ministériel), ce sont surtout la Banque de France et le Trésor qui gèrent cette coopération monétaire :

- au sein de la direction générale des statistiques, des études et de l'international de la Banque de France, un service constitué de sept économistes est dédié à la Zone franc et au Développement. C'est ce service qui gère la coopération monétaire. La partie institutionnelle de cette activité est financée par l'État dans le cadre d'une convention de services signée entre la Banque de France et le ministère de l'économie le 29 mars 1994 et révisée le 16 juin 2011 ;

- au sein du Trésor, la gestion de la coopération monétaire est assurée par une partie du service des affaires multilatérales et du développement (SAMD). Cela représente environ trois à quatre équivalents temps pleins (ETP).

Si la nature du dialogue avec l'UMOA devrait être modifiée par la réforme annoncée du franc CFA en Afrique de l'Ouest, le volume des effectifs dédiés à la gestion de la coopération monétaire ne devrait pas évoluer, compte tenu de la poursuite des relations avec la BCEAO et du maintien des activités traditionnelles pour la zone Cemac et pour les Comores.

3. Les réserves de change des banques centrales de la Zone franc sont rémunérées à un taux aujourd'hui avantageux

Les rapporteurs ont rappelé que les dépôts des banques centrales de la Zone franc sur leur compte d'opération au Trésor français étaient rémunérés aux taux plancher de 0,75 % (BCEAO et BEAC) et de 2,5 % (BCC) pour la part de ces avoirs soumis à l'obligation de centralisation auprès du Trésor.

La rémunération des avoirs extérieurs nets déposés par la BCEAO,
la BEAC et la BCC

Pour la BCEAO et la BEAC, les règles sont les suivantes :

- une rémunération au taux de facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne (aujourd'hui 0,25 %) pour la part des avoirs devant obligatoirement être déposés auprès du Trésor (50 %), avec un taux plancher de 0,75 %. C'est ce taux qui s'applique actuellement ;

- une rémunération au taux principal des opérations de refinancement de la BCE pour la part des avoirs ne rentrant pas dans l'obligation de dépôt, soit 0 % aujourd'hui.

Pour la BCC, les règles sont les suivantes :

- une rémunération au taux de facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne (BCE) pour la part des avoirs devant obligatoirement être déposés auprès du Trésor (65 %), avec un taux plancher de 2,5 %. C'est ce taux qui s'applique actuellement ;

- une rémunération au taux principal des opérations de refinancement de la BCE pour la part des avoirs ne rentrant pas dans l'obligation de dépôt, soit 0 % aujourd'hui.

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019, « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Gestion-dette-et-tresorerie-Etat.pdf

Le compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État » retrace dans sa section 1 les opérations budgétaires relatives à la gestion de la dette et de la trésorerie. Cette section est équilibrée par des versements de crédits du budget général (programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État »). En 2019, la rémunération des dépôts de l'ensemble des correspondants du Trésor s'est élevée à 177 millions d'euros, dont 62,6 millions d'euros en 2019 pour les banques centrales africaines 15 ( * ) .


* 10 Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 11 Comme le précise en page 5 l'étude d'impact du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine, la garantie de convertibilité ne relève pas d'une garantie de l'État au sens de l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Elle s'apparente davantage à un mécanisme de prêt, d'où la création d'un compte de concours financiers ad hoc http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2986_etude-impact.pdf

* 12 Il n'existe plus de rapport annuel de performances depuis le projet de loi de finances pour 2011 et la dernière note d'analyse de l'exécution budgétaire de la Cour des comptes sur ce compte de concours financiers date de 2012, pour l'exercice budgétaire de l'année 2011.

* 13 Rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances par M. Albéric de Montgolfier. Tome III - Les moyens des politiques publiques et les dispositions spéciales. Annexe 13 - Engagements financiers de l'État, par le rapporteur spécial Mme Nathalie Goulet (p.28). http://www.senat.fr/rap/l19-140-313/l19-140-3131.pdf

* 14 Voir par exemple Fanny Pigeaud, « Réforme du franc CFA: les députés français mal informés par leurs techniciens ? », 24 février 2020. https://blogs.mediapart.fr/fanny-pigeaud/blog/220220/reforme-du-franc-cfa-les-deputes-francais-mal-informes-par-leurs-techniciens-0

* 15 Rapport annuel de performance des comptes de commerce, annexe au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2019 et Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019, « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Gestion-dette-et-tresorerie-Etat.pdf .

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