IV. LES IMPACTS : D'UNE POLLUTION VISUELLE À UN RISQUE SANITAIRE MAJEUR

A. LES IMPACTS SOCIO-ÉCONOMIQUES

Il est très difficile d'évaluer l'impact économique de la pollution plastique. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement estime qu'à l'échelle mondiale, les dommages annuels causés aux environnements marins atteignent 8 milliards de dollars.

Les secteurs les plus impactés sont ceux de la pêche, du tourisme et du transport maritime.

1. Les impacts sur la pêche

Une étude de 2013 107 ( * ) évalue à 61 millions d'euros le coût des déchets sauvages pour l'industrie européenne de la pêche, soit 1 % des recettes générées par les captures réalisées par la flotte de l'Union européenne en 2010.

Dans son rapport sur la Méditerranée, le WWF évalue à 138 millions d'euros le montant des pertes du secteur de la pêche pour l'ensemble des pays du pourtour méditerranéen.

Cette évaluation intègre les pertes de revenus liées à une moindre capture de poissons, l'allongement des durées de pêche (nettoyage et réparation des filets), la dégradation des filets et les avaries des bateaux provoquées par les macrodéchets.

À long terme, les filets fantômes peuvent avoir un impact non négligeable sur les stocks de poissons. Dans le Golfe du Lion, 2 à 3 % des stocks halieutiques seraient capturés par les filets de pêche abandonnés.

2. Les impacts sur le tourisme

La pollution plastique a plusieurs effets sur le secteur du tourisme.

Elle altère la valeur esthétique des lieux pollués et limite les opportunités de loisirs, diminuant la fréquentation et occasionnant une perte de revenus pour l'ensemble des acteurs économiques qui dépendent du tourisme. Ce n'est pas un hasard si de nombreux labels environnementaux (« ports propres » ou « pavillon bleu ») ont été lancés pour garantir aux touristes une gestion des déchets efficace et, par conséquent, la propreté des lieux.

La pollution plastique entraîne également des coûts supplémentaires aux collectivités locales chargées de la collecte et du traitement des déchets. En raison de l'afflux de touristes, la quantité de déchets augmente. Par ailleurs, certains lieux peu fréquentés en dehors des périodes touristiques, comme les plages par exemple, doivent être nettoyés régulièrement, voire quotidiennement en haute saison.

Vos rapporteurs ont réalisé une enquête auprès de l'ensemble des communes littorales françaises 108 ( * ) .

L'enjeu du nettoyage des littoraux

Une enquête auprès des communes littorales a été réalisée dans le cadre de la mission afin de les interroger sur les opérations de nettoyage de leurs rivages -qu'il s'agisse des rivages maritimes (côtes ou plages) ou de ceux des étendues d'eaux continentales (lacs principalement) - (cf. annexe III).

Les réponses à l'enquête montrent que seulement 29 % des communes littorales sont épargnées par la pollution de leurs plages par des déchets plastiques. Les communes sont conscientes que la présence de ces déchets altère leur image. Afin d'assurer leur attractivité, elles s'efforcent donc de nettoyer les plages, les côtes ou les rivages de leurs territoires ; en particulier en été, lorsque la fréquentation saisonnière est la plus importante.

Selon l'enquête, 85 % des communes littorales sont concernées par des opérations de nettoyage. Dans 63 % des cas, c'est la commune elle-même qui en est à l'initiative. 63 % des opérations de nettoyage font appel à des partenaires (principalement des associations de protection de l'environnement).

Les déchets ramassés sont triés dans 82 % des opérations de nettoyage (58 % partent en valorisation matière, 22 % en enfouissement et 20 % en valorisation énergétique).

Les réponses recueilles dans le cadre de l'enquête ont également été valorisées pour chiffrer le coût des opérations de nettoyage : il s'élève, annuellement, à 6 570 euros par kilomètre de rivage. Ce ratio, même s'il doit être considéré avec précautions considérant le manque de précision associé à certaines réponses, permet d'effectuer une évaluation du coût de la pollution plastique des littoraux à l'échelle de la France métropolitaine. Pour un littoral qui s'étend sur 5 853 kilomètres, le coût de nettoyage annuel se chiffrerait donc à 38 millions d'euros.

Source : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Selon Yann Wehrling 109 ( * ) , le coût du nettoyage des plages s'élèverait à 630 millions d'euros par an au niveau de l'Union européenne.

Selon le WWF, le secteur du tourisme en Méditerranée verrait ses recettes amputées de 268 millions d'euros par an en raison de la pollution plastique.

3. Les impacts sur la plaisance et le transport maritime

La pollution plastique engendre des coûts de maintenance à la suite des avaries mécaniques causées par les macrodéchets. Les filets sont particulièrement redoutés : ils peuvent s'enlacer autour des hélices, des ancres et des gouvernails. Par ailleurs, les ports et les marinas doivent entreprendre régulièrement des opérations de nettoyage et de dragage . Enfin, une partie des coûts des secours en mer sont générés par des actions de sauvetage de navires endommagés par la pollution plastique.

Une étude de 2009 110 ( * ) s'intéresse au chiffrage des dommages causés par les déchets marins aux services de ferry à grande vitesse de Hong Kong. Leur coût est estimé à 19 000 dollars par navire et par an. La même étude chiffre à 279 millions de dollars le montant des dommages causés à l'industrie du transport maritime dans la région de la coopération économique Asie-Pacifique. Cette évaluation doit être considérée avec prudence compte tenu du manque de données sur le sujet.

Selon l'étude du WWF sur la Méditerranée, les pertes liées à la pollution plastique subies par les activités maritimes dans cette zone s'élèveraient à 235 millions d'euros.

Les préjudices économiques de la pollution plastique ne se limitent pas aux seules activités en mer mais concernent également les infrastructures portuaires : les coûts supportés par les ports du Royaume-Uni, pour les opérations de nettoyage, se chiffrent annuellement à 2,4 millions 111 ( * ) d'euros ;

Une étude 112 ( * ) de 2012 évalue à 300 000 euros le coût total de nettoyage des déchets du port de Barcelone ; la ville de Marseille a acheté un bateau pour aspirer les déchets flottants dans le vieux port. Lors de l'audition des représentants de Port Camargue, il a été présenté la mise en place, depuis trois ans, d'un service de collecte des déchets sur le plan d'eau fonctionnant entre deux et sept jours par semaine selon les saisons. Au total, Port Camargue verse une redevance spéciale de 200 000 euros à la collectivité compétente pour couvrir les coûts liés à la collecte des déchets.


* 107 Acoleyen et al.

* 108 Enquête réalisée du au auprès de communes littorales, avec l'appui de l'AMF. Le taux de réponse à l'enquête est de 9 %.

* 109 Ambassadeur de France chargé des questions d'environnement.

* 110 McIlgorm et coll.

* 111 Mouat et al, 2010.

* 112 Brouwer et al, 2015.

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