II. MIEUX IDENTIFIER ET MIEUX SOUTENIR LES ENTREPRISES FRANÇAISES DE L'ÉTRANGER

A. MIEUX IDENTIFIER LES ENTREPRISES FRANÇAISES DE L'ÉTRANGER

1. Référencer les EFE

Les entreprises françaises de l'étranger, créées, dirigées ou ayant un investisseur déterminant de nationalité françaises, même de droit local, doivent être mieux identifiées.

Ce constat a été celui de la 33 ème session plénière de l'Assemblée des Français de l'étranger qui s'est tenue du 5 au 9 octobre derniers.

Si la définition de l'entreprise française est claire pour nos institutions (une entreprise dûment enregistrée en France et pouvant, entre autres, opérer à l'étranger), cette définition ne couvre pas la réalité complète de l'entreprenariat français et encore moins celle des entreprises de Français de l'étranger. Lesquelles exercent dans des secteurs d'activité très divers mais ne sont ni identifiées ni répertoriées par quelque organisme que ce soit. Selon la définition qui a été donnée par le Conseil National des conseillers du commerce extérieur de la France dans le cadre de son enquête, les EFE sont des entreprises créées localement à l'étranger, fondées ou détenues par des citoyens de nationalité française implantés à l'étranger sans relation capitalistique ou structurelle directe avec un établissement enregistré en France. Typiquement, on en trouve beaucoup dans certains secteurs comme le tourisme, la gastronomie, l'hôtellerie, le commerce, mais ce n'est pas exhaustif. Ces entreprises n'ont donc actuellement aucune reconnaissance, aucune aide officielle, au motif qu'elles ne sont pas enregistrées en France, qu'elles ne paient pas d'impôts. Malgré tout, il faut noter qu'elles contribuent très fortement à la chaîne extérieure du commerce de la France et, en fin de compte, à la préservation d'emplois en France. En règle générale, elles sont rarement financées par les banques locales françaises et elles ne bénéficient que de très peu d'aides publiques locales. La première chose à faire est de leur donner un statut, une définition, de les répertorier et de les enregistrer. Une telle procédure permettrait également, sur le plus long terme, de les rattacher durablement aux réseaux d'affaires francophones locaux.

Source : Compte-rendu de la 33ème session plénière
de l'Assemblée des Français de l'étranger, octobre 2020

L'Assemblée des Français de l'étranger a adopté, à l'unanimité, un voeu dans ce sens, lors de cette session d'octobre dernier.

Elle demande que soit créé « un statut propre aux EFE qui leur permette d'être reconnues par les pouvoirs publics », au motif que les EFE, « entreprises créées localement à l'étranger, fondées ou détenues majoritairement par des citoyens de nationalité française établis à l'étranger, sans relation capitalistique ou structurelle directe avec un établissement enregistré en France, ne sont pas reconnues par les pouvoirs publics ». Alors qu'elles « participent à l'activité économique française et à son rayonnement, et devraient être intégrées aux dispositifs du commerce extérieur de la France et aux mesures de soutien des entreprises françaises victimes de la crise », cette « absence de statut des EFE ne leur permet pas d'être éligibles à un ensemble d'aides publiques et privées ».

Cette difficulté d'identification a également été évoquée lors de la table ronde organisée par la Délégation aux entreprises, le 19 novembre 2020. Ainsi, pour M. Alain-Pierre Mignon, président de la Caisse des Français de l'étranger : « Connaît-on les entreprises françaises à l'étranger de façon exhaustive ? Une liste par secteur, des données sur la contribution réelle au commerce extérieur par secteur n'existe nulle part. Nous manquons d'informations pour être en capacité de prendre des décisions ciblées et pertinentes afin de venir en aide à ces sociétés » .

Une telle identification est à la fois nécessaire et difficile comme l'a reconnu, devant l'Assemblée des Français de l'étranger, M. Jean-Philippe Kiel, conseiller à Zurich en Suisse : « les entreprises françaises qui sont établies là-bas ont des statuts suisses. La qualification aussi, ou la définition, des entreprises françaises à l'étranger est difficile. Est-ce qu'on parle d'un actionnaire situé en France ? Ou est-ce que l'on parle de personnes de nationalité française qui sont les représentants légaux de ces sociétés ? C'est à dire inscrits au registre du commerce dans les pays respectifs ? Mais je pense qu'il est de l'intérêt, à la fois des chambres de commerce, et des pouvoirs publics et des services économiques au sein des différents pays, et aussi au niveau de l'action des conseillers de commerce extérieur, de pouvoir appréhender cette population ».

Cependant, la dissociation entre le dirigeant nominal et le dirigeant réel d'une entreprise a déjà été opérée en droit , avec la directive 2015/849/UE du 20 mai 2015, qui impose, la constitution d'un registre central permettant d'identifier les bénéficiaires effectifs des sociétés et entités juridiques constituées sur leur territoire (le « registre des bénéficiaires effectifs »), dans l'objectif de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Le « bénéficiaire effectif » est défini 9 ( * ) comme la ou les personnes physiques qui possèdent ou contrôlent, directement ou indirectement, la société déclarante. En aucun cas, il ne peut s'agir d'une personne morale. Le bénéficiaire effectif est :

- soit, la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de la société déclarante;

- soit, la ou les personnes physiques qui exercent, par d'autres moyens, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d'administration ou de direction de la société déclarante ou sur l'assemblée générale de ses associés ou actionnaires;-soit, uniquement à défaut d'identification d'un bénéficiaire effectif, selon les deux critères précédents, la ou les personnes physiques qui occupent directement ou indirectement (par l'intermédiaire d'une ou plusieurs personnes morales) la position de représentant légal de la société déclarante.

La méthodologie d'un tel recensement pourrait être réalisée par le Conseil national de l'information statistique , lequel assure la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique et doit ainsi « mettre en lumière les nouveaux besoins , dans une démarche prospective ».

Cette dimension pourrait être intégrée à l'occasion de la mise à jour des outils de statistique économique dans le cadre de l'application du règlement-cadre sur les statistiques d'entreprises, nommé FRIBS ( Framework Regulation Integrating Business Statistics ) adopté en 2019. Ce règlement-cadre couvre en effet « les statistiques sur les chaînes d'activité (ou de valeur) mondiales, c'est-à-dire sur les externalisations, délocalisations et créations d'activité à l'étranger et relocalisations d'activité. Ce domaine, important pour l'analyse des questions de mondialisation, fait jusqu'à présent l'objet d'enquêtes pilotes, réalisées dans certains pays de l'Union européenne sur une base volontaire » 10 ( * ) .

Proposition 1 : confier au Conseil national de l'information statistique (CNIS), avec le concours de l'INSEE, la définition d'une méthodologie permettant d'identifier une entreprise française à l'étranger.

2. Confier leur recensement local aux opérateurs de terrain

L'identification concrète des entreprises concernées devrait être décentralisée.

Les acteurs de terrain pourraient s'en voir confier la responsabilité, au vu des grilles d'analyses proposées par l'INSEE, compte tenu de la diversité des situations locales selon les pays d'implantation et les secteurs d'activité.

C'est la solution qui a été évoquée par Mme Geneviève Beraud-Suberville, Présidente de la commission du commerce extérieur, du développement durable, de l'emploi et de la formation de l'Assemblée des Français de l'étranger. Cette reconnaissance des entreprises françaises leur permettrait d'être répertoriées, et enregistrées auprès des ambassades et consulats ainsi que des organismes d'accompagnement à l'export et aux entreprises. Cette labellisation serait confiée à un comité local « situé autour de l'ambassade ou du consulat, qui intégrerait ces organismes (CCI, Business France, clubs d'affaires...) et qui travaillerait à partir d'un cahier des charges, tout en ayant une marge décisionnaire en fonction de la situation, notamment juridique locale. Notre commission a demandé que les conseillers des Français de l'étranger soient membres de droit de ces comités ».

Pour M. Renaud Bentégeat, Président de CCI France International, ce serait un « net progrès ». Pour lui, « les CCE, CCIFI et représentants de l'administration devraient se retrouver dans cette démarche » de reconnaissance de l'entreprise française à l'étranger.

Proposition 2 : confier à un « comité d'identification des EFE », placé sous la responsabilité des services économiques des ambassades, et constitué de toutes les parties prenantes du commerce extérieur, le soin de recenser localement les entreprises françaises de au vu de la méthodologie élaborée par le Conseil national de l'information statistique (CNIS).

3. Développer les études comparatives des politiques de nos principaux partenaires commerciaux

Lors de la table-ronde du 26 novembre 2020 organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat, M. Gabriel Cumenge, sous-directeur Financement international des entreprises de la Direction Générale du Trésor (DGT) au ministère de l'Economie et des Finances, a annoncé que « les résultats d'une première enquête sur l'existence de dispositifs comparables dans les autres pays européens » seraient attendus pour la fin du mois de décembre.

La Délégation aux entreprises du Sénat a effectué, avec l'aide des services économiques des ambassades dans les pays qui sont nos principaux partenaires commerciaux, un recensement rapide des dispositifs d'aide existants.

Il convient de pérenniser ce travail de veille.

Proposition 3 : pérenniser le travail de veille des dispositifs d'aides de nos principaux partenaires commerciaux à leurs propres ressortissants implantés à l'étranger.


* 9 Voir les articles L. 561-2-2,L. 561-46 à L. 561-50, R. 561-1 à R. 561-3etR. 561-55 à R. 561-63 du code monétaire et financier.

* 10 « FRIBS : un nouveau cadre commun pour les statistiques d'entreprises européennes » Christel Colin, directrice des statistiques d'entreprises, INSEE, Courrier des statistiques, N3, décembre 2019.

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