TRAVAUX DE LA COMMISSION :
AUDITION POUR SUITE À DONNER

Réunie le mercredi 10 mars 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

M. Claude Raynal , président . - Notre commission a demandé à la Cour des comptes, par une lettre du 20 janvier 2020, de lui remettre un rapport sur la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

À l'heure où le projet de loi « 4D » - pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification - pourrait contenir des mesures prolongeant la loi SRU, la conclusion de vos travaux est du plus haut intérêt pour le Parlement, et tout particulièrement pour le Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales. Tout le monde sait que de nombreuses communes n'atteindront pas leurs objectifs en 2025, donc la question est celle des conclusions que l'on en tire, en particulier au niveau législatif : prolonger la loi telle quelle, fixer de nouveaux objectifs, mieux adapter les modalités en fonction des situations locales...

La Cour des comptes est représentée par le président de la cinquième chambre, M. Gérard Terrien, accompagné des magistrats qui ont conduit cette enquête. Nous avons décidé, avec le rapporteur spécial Philippe Dallier, de convier également à cette audition « pour suite à donner », d'une part le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, M. François Adam, puisque son administration est destinataire des 9 recommandations faites par la Cour ; d'autre part la fondation Abbé Pierre, représentée par son directeur des études, M. Manuel Domergue, en qualité de « grand témoin » des politiques du logement. La Fondation s'exprime régulièrement au sujet de la loi SRU, par exemple dans son rapport annuel sur l'état du mal-logement.

M. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. - La Cour a été saisie de ce dossier il y a un an, et si le contexte sanitaire a compliqué notre tâche, rendant difficiles des visites sur place, nous avons réalisé une soixantaine d'entretiens avec les administrations, les bailleurs, les associations, la Caisse des dépôts et consignations, et nous nous sommes intéressés à cinq territoires en particulier : les Hauts-de-Seine, le Nord, la Charente-Maritime, les Alpes-Maritimes et le Val-de-Marne. Un travail préalable de la cinquième chambre nous a aidé.

La loi du 31 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a considérablement évolué, avec la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, pour laquelle l'abbé Pierre était venu au Parlement, la loi du 5 mars 2007, dite loi DALO, instituant le droit au logement opposable, la loi « Duflot » du 18 janvier 2013, la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), la loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 et la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). La loi SRU concerne près de 8 000 communes et un peu plus de 2 000 communes entrent dans le champ de l'article 55. Un millier d'entre elles n'atteignent pas le taux requis de logements sociaux et 280 sont dites « carencées » dans le triennal 2017-2019. Le montant des prélèvements nets totaux approche 100 millions d'euros chaque année. Cependant, la répartition territoriale montre une forte concentration du mécanisme sur les régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Nous avons constaté que le dispositif était désormais reconnu quant à ses objectifs et son efficacité : si la majorité de nos interlocuteurs souhaitent des adaptations, l'article 55 de la loi SRU n'est pas remis en cause dans son principe. Les services de l'État se sont beaucoup impliqués dans la mise en oeuvre de la loi. Nous constatons aussi un effet indéniable sur la production de logements sociaux : plus de la moitié des logements sociaux construits entre 2014 et 2016 l'ont été dans les communes soumises à la loi SRU. En Île-de-France, le nombre de communes disposant de logements locatifs sociaux était de 593 en l'an 2000 et de 691 en 2019. Cependant, la construction HLM n'a représenté en moyenne dans cette région que 18 % à 40 % de la construction neuve : il n'y a donc pas de rattrapage. Nous constatons également un effet beaucoup plus modéré sur la mixité sociale. En outre les résultats sont inégaux selon les communes : la moitié seulement des communes ont atteint l'objectif fixé. L'objectif pour 2025 ne sera pas atteint pour la moitié des communes, d'où les débats qui conduisent à la préparation de mesures dans la loi « 4 D ».

Dans le fonctionnement même du dispositif, nous avons constaté une recherche d'équilibre entre les principes légaux et la prise en compte des contraintes locales. Nous avons remarqué combien la production de logement a changé depuis vingt ans. Nous constatons encore, et c'est un point de différence avec le rapport de Thierry Repentin, une contradiction entre les compétences confiées aux intercommunalités en matière de logement, et la responsabilité reconnue au maire dans l'application de la loi SRU.

Cette loi a été appliquée de façon uniforme dans toutes les zones urbaines. Les spécificités locales ont été insuffisamment prises en compte, alors qu'il y a de fortes disparités, en particulier dans la pression foncière ou les contraintes limitant la constructibilité, sans parler des questions de peuplement. Les modalités de construction du logement locatif social ont fortement évolué elles aussi : la vente en état futur d'achèvement (VEFA) a pris de l'ampleur, avec des conséquences directes sur le financement, mais aussi sur la mixité des projets et les délais de réalisation.

Les modifications apportées pour plus de souplesse ont rendu l'ensemble parfois bien complexe. On le voit dans le recensement des communes soumises à la loi SRU, dans l'extension de l'inventaire des logements pris en compte. S'agissant des exemptions, l'indicateur de tension de la demande de logement social est fondé sur l'enregistrement national des demandes, lequel est erroné à 20 %, nous l'avons montré dans notre rapport public de 2020 ; de même, la notion de desserte des transports en commun vers le bassin d'emplois est relative et les contraintes de constructibilité sont difficiles à apprécier.

Nous avons aussi noté les difficultés du suivi et du bilan triennal, dès lors qu'on mêle des critères quantitatifs et qualitatifs relatifs à la nature des logements, avec des difficultés de conciliation entre eux et des arbitrages qui ne sont pas uniformes, provoquant des difficultés d'ajustement triennal. Enfin, l'établissement de la liste des communes carencées a constitué un enjeu important, dès lors qu'elle a eu un impact fort pour les communes concernées. Il faut donc que la loi précise la doctrine des exemptions et la gestion des reports d'une période triennale à la suivante.

Du côté du contrôle, nous estimons qu'il faut adapter les outils à la complexité du dispositif et à la diversité des acteurs. La bonne application de l'article 55 de la loi SRU mobilise les services de l'État. Le contentieux a progressé, il s'est complexifié et il faut mieux le suivre à l'échelon national car l'administration centrale ne dispose pas de toutes les informations, afin de mieux appréhender les adaptations éventuelles. Nous pensons qu'il faut aussi un ancrage régional, avec une expertise et un appui technique de niveau régional, alors que cette expertise et cet appui sont départementaux ou nationaux. Il faut améliorer les outils de suivi et le contrôle de la chaîne financière, le mécanisme d'intégration des données et il y a des difficultés avec le calcul des indices de tension. Il faut bien suivre l'utilisation du prélèvement qui est versé aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en précisant mieux le champ des dépenses déductibles de ces prélèvements. Enfin, si les moyens légaux de coercition existent, comment peuvent-ils être mis en oeuvre concrètement, en particulier lorsqu'ils consistent à faire reprendre par le préfet la compétence du permis de construire, ce qui suppose des moyens techniques dont il ne dispose pas nécessairement ? Il faut être pragmatique, la solution est aussi à rechercher du côté des retours d'expérience et de la diffusion des bonnes pratiques. Il faut aussi une harmonisation nationale, en clarifiant l'articulation entre la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), les services déconcentrés et la commission nationale SRU : l'organigramme est complexe. Il faut également plus d'adaptation à l'échelon local, en promouvant, nous semble-t-il, l'échelon régional, pour un appui technique et de l'expertise.

Nous avons enfin tenté d'anticiper l'échéance de 2025, sachant qu'environ 600 communes n'atteindront pas leurs objectifs légaux, ce qui implique d'adapter les règles. Les services déconcentrés de l'État sont pragmatiques, ils recherchent les solutions adaptées, en privilégiant le qualitatif ou le quantitatif selon les cas de figure, avec des problèmes de suivi des plans locaux de l'habitat (PLH). Notre rapport montre que même si l'objectif était de 20 %, plus de 100 communes ne l'atteindraient pas. Nous pensons qu'il faut rechercher une adaptation, en affinant la connaissance, par territoire, des situations difficiles, et mieux prendre en compte l'objectif de mixité sociale. La meilleure prise en compte des spécificités locales passe aussi par la contractualisation, avec les contrats de mixité sociale, par une approche intercommunale, mais aussi par un calendrier différencié pour tenir compte de certaines difficultés.

La principale adaptation consisterait donc à mieux prendre en compte les caractéristiques des communes carencées, intercommunalité par intercommunalité, et à avoir une application plus différenciée, sans changer le cap national. L'objectif de mixité sociale devrait conduire à une réflexion au-delà de 2025, qui intègre la démographie et les évolutions potentielles de la répartition territoriale.

Nous avons retenu 9 recommandations, qui s'adressent au ministère du logement : préciser la doctrine en matière de mécanisme d'exemption et de gestion des reports ; assurer le suivi des contentieux au plan national ; développer un rôle d'expertise au plan régional, d'harmonisation et d'appui technique au profit des services déconcentrés ; améliorer les outils de recensement et de suivi des situations locales ; inscrire l'obligation de rendre compte de l'emploi des sommes issues des prélèvements SRU pour les établissements publics de coopération intercommunale et pour les établissements publics fonciers et donner à l'État la possibilité d'agir en cas d'usage non conforme des crédits ; préciser, au niveau national, les conditions d'utilisation des moyens de l'État en cas de carence en assurant une diffusion des éléments de doctrine, ainsi qu'une information sur les expériences, les initiatives positives ; établir, dans la perspective de 2025, une projection précise de l'identité des caractéristiques des communes susceptibles de ne pas remplir leurs objectifs ; intégrer, dans l'enquête annuelle de suivi, des indicateurs pour mieux apprécier l'évolution de la mixité sociale ; enfin prévoir, pour certaines communes, une application différenciée du calendrier d'atteinte du taux de logements sociaux, en valorisant les objectifs de mixité sociale.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Merci pour cette enquête et ce rapport qui tombent à point nommé, avant le texte « 4 D » : c'est ce que nous espérions en vous passant commande, car nous savions que bien des communes n'atteindraient pas leur objectif légal en 2025, et que les meilleurs bâtisseurs pourraient se décourager des efforts qu'ils avaient faits.

Nous vous avons demandé de vérifier si les intentions du législateur ont été respectées, de voir comment l'État a mis en oeuvre le dispositif sur le terrain et comment les élus s'en sont saisis.

La loi, en 2000, avait deux objectifs : la construction et la mixité sociale - le premier a pris le pas sur le second, dont on ne parle plus guère. Depuis vingt ans, les règles ont changé : le législateur a renforcé les objectifs, les pénalités, les pouvoirs du préfet, mais aussi assoupli les exemptions, les possibilités de déroger, voire de gérer les objectifs à l'échelon intercommunal, les contrats de mixité sociale ont été prévus, qui ont cependant pu fixer des objectifs inférieurs à ceux de la loi, donc accepter une application à géométrie variable. Le paradoxe est que si l'on a durci et assoupli la loi pour mieux l'appliquer, les objectifs qu'elle a fixés ne seront, malgré tout, pas atteints.

Le constat d'ensemble, c'est que si l'on a construit plus de logements sociaux, pour atteindre ainsi les objectifs triennaux, la mixité sociale n'a pas été améliorée. Pour comprendre pourquoi, il faut regarder de plus près, à l'échelle des territoires. Si, dans certaines communes, la mixité sociale n'a pas progressé parce qu'on a construit des logements en prêts locatifs sociaux (PLS) plutôt qu'en prêts locatifs d'accession et d'insertion (PLAI), dans d'autres communes, par exemple dans mon département, la simple construction de logements sociaux supplémentaires pose des problèmes au regard de la mixité. C'est ce qu'indique l'indice de ségrégation territoriale : il se dégrade, malgré la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi SRU. Une politique de logement qui ne joue que sur le taux de construction peut-elle assurer une meilleure mixité ? Quel bilan faites-vous d'une trop faible utilisation des contrats de mixité sociale ? Nous avons des objectifs quantitatifs, ne faudrait-il pas un deuxième indicateur, par exemple le revenu médian par habitant ?

Nous savons, ensuite, combien l'application de la loi a varié sur le territoire, ce qui conduit à ce que 280 communes soient aujourd'hui carencées. J'ai rencontré Thierry Repentin, président de la commission nationale SRU, et son rapport démontre que sur 2 091 communes visées par l'article 55 de la loi SRU, 1 100 sont déficitaires, contre 767 qui ont atteint l'objectif légal - et que plus de 500 communes sont à plus de dix points de l'objectif, c'est considérable. L'écart ne sera pas rattrapé, ou bien il faudrait construire 600 000 logements sociaux d'ici 2025 dans ces seules communes, ce qui est bien sûr impossible.

Que faire pour continuer à construire des logements dans ces communes, mais avec des objectifs réalistes et atteignables ? Plusieurs hypothèses ont été formulées, sans que l'on sache celle que retiendra le Gouvernement dans son projet de loi « 4 D ». Un simple report à 2031 suffirait-il ? Je ne le crois pas. Thierry Repentin propose soit un objectif glissant, avec un rythme de rattrapage par période triennale, soit une échéance fixe mais plus tardive et déterminée en fonction du taux de logements sociaux déjà atteint. Une proposition différente serait de travailler sur les flux plutôt que seulement sur les stocks ; la Cour des comptes a écarté cette hypothèse, considérant qu'elle ne répondrait pas à l'objectif, mais est-ce si sûr ? Il me semble que cette proposition rapprocherait de l'objectif.

Un autre élément va jouer : la suppression de la taxe d'habitation et les exonérations de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux et qui sont en fait payées par les communes puisque l'État ne les compense quasiment plus. Thierry Repentin a fait remarquer qu'avec les règles actuelles, une commune carencée aurait avantage à construire du logement privé pour percevoir de la recette fiscale qu'elle utilisera ensuite pour payer les sanctions pour manque de construction sociale...

Sur les intercommunalités, la loi a prévu des expérimentations, mais le mécanisme est manifestement complexe ; qu'en pensez-vous ?

Enfin, on peut être surpris que l'État ne suive pas mieux les contentieux, alors qu'il y aurait certainement des leçons à en tirer.

M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. - Le rapport de la Cour des comptes a donné lieu à de nombreux échanges. Nous en partageons les conclusions et recommandations, avec quelques réserves cependant sur les recommandations 8 et 9, c'est-à-dire sur le suivi de la mixité sociale et sur le rôle à confier aux intercommunalités. Il faut renforcer les capacités de suivi et d'harmonisation des situations locales, c'est un enjeu bien identifié, même si la Cour des comptes relève la forte implication des services de l'État dans le suivi. Je rappellerai aussi l'importance que la ministre du logement accorde au dispositif SRU et à son application rigoureuse : c'est le sens de l'augmentation du taux de carencement des communes dans le triennal 2017-2019. La ministre souhaite que le projet de loi « 4 D » règle précisément le fonctionnement dans l'après 2025, sur la base des propositions de la commission Repentin.

La seule construction de logements sociaux ne suffit pas à créer de la mixité sociale ; la loi n'avait du reste pas cette perspective au départ, mais celle d'encourager une production plus élevée en volume et mieux répartie sur le territoire - et cet objectif est atteint pour une bonne part. En réalité, la mixité sociale est le résultat et relève de bien d'autres leviers que la seule construction, en particulier des politiques d'attribution, de la localisation fine dans le territoire communal, du niveau des loyers, de la part de l'accession sociale, autant d'éléments qui ne sont pas dans la loi SRU. Faut-il, dans ces conditions, un indicateur de mixité sociale pour mesurer l'efficacité de cette loi ? Je suis réservé, car on mesurerait un résultat sur lequel on manquerait de levier d'action, et si l'outil paraîtrait plus complet, il en serait moins fiable. Attention, pour l'évaluation, à ne pas fixer des objectifs pour lesquels on ne dispose pas de levier direct d'action.

Les disparités territoriales sont fortes, vous l'avez dit, et le Gouvernement prévoit d'inscrire dans le projet de loi « 4 D » un mécanisme inspiré du rapport Repentin, avec un dispositif glissant plutôt qu'un simple report. Le texte est en préparation, l'intention de la ministre est bien de régler précisément l'après-2025.

La question de la fiscalité est délicate. C'est un sujet connu qui prend une acuité plus forte avec la suppression de la taxe d'habitation. Il n'y a pas, pour le moment, de proposition pour faire évoluer ce point qui a été évoqué dans le débat au Sénat sur la production de logement. Le risque d'optimisation financière, rapporté par Thierry Repentin, existe effectivement.

Le rôle des intercommunalités est un sujet très délicat, la réponse ne saurait être définitive car les intercommunalités évoluent rapidement. La loi SRU est parvenue à des résultats très positifs en se fondant sur la responsabilité des communes, cet aspect est central dans la relation entre le préfet et les élus. La loi a autorisé, à titre expérimental, de choisir le cadre intercommunal plutôt que communal, mais avec des conditions précises, le Gouvernement étant resté prudent pour ne pas affaiblir la loi SRU ; aucune intercommunalité ne s'en est saisie à ce jour et il me semble peu probable que le projet de loi « 4 D » aille plus loin dans le sens d'une « intercommunalisation », sauf peut-être via la contractualisation dès lors que l'EPCI est responsable du PLH et qu'il peut être délégataire des aides à la pierre.

Enfin, nous sommes tout à fait d'accord avec la recommandation de renforcer le suivi national des contentieux.

M. Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre. - Merci pour votre invitation. Je constate que nous menons un vrai débat sur la loi SRU, loin des échanges de points de vue caricaturaux qui avaient lieu il y a quelques années encore. Le débat gagne en qualité avec le temps, la loi SRU apparaît de plus en plus comme une bonne loi parce qu'elle est simple, comprise par nos concitoyens, et qu'elle fixe un objectif commun ; elle est intelligente, parce qu'elle a su s'assouplir et laisser des marges de manoeuvre pour l'application ; elle mobilise l'opinion et je rappelle que l'abbé Pierre était venu en personne la défendre au Parlement. Cependant, l'article 55 ne résout pas tous les problèmes de la société française et c'est déjà un très bon résultat que d'avoir conduit à construire des logements sociaux dans des communes qui n'en avaient pas. Car l'objectif en la matière n'est pas seulement la mixité sociale, mais les conditions de logement de ceux qui vont bénéficier des logements construits, qui sont de bonne qualité et bien gérés, mieux répartis sur l'ensemble du territoire. Parmi les outils développés au gré des adaptations, les objectifs ciblés et qualitatifs, exprimés en logements PLAI et PLS, ont été très utiles face aux contournements de la loi ; ces objectifs qualitatifs ne sont intervenus cependant qu'en 2013 et leur incidence n'a donc pu être mesurée que dans le dernier triennal, après une certaine tolérance envers l'irrespect de la loi au cours de la première période triennale.

En réalité, il n'y a pas assez de nouveaux logements PLAI et l'on doit bien constater que les politiques d'attribution reposent souvent sur un accord implicite pour accueillir en priorité les ménages habitant déjà la commune et pour ne pas accueillir ceux qui sont les plus pauvres. Le sociologue Fabien Desage démontre bien que les arrangements locaux empêchent en réalité l'attribution des nouveaux logements sociaux aux ménages les plus pauvres, ce qui explique qu'en dépit des constructions neuves, l'indice de ségrégation sociale continue de se dégrader. Dans les outils de suivi et de régulation, il faudrait en réalité inclure la production de locaux privés - nous le faisons à travers la base des permis de construire Sitadel, qui établit l'usage du foncier par les communes et qui montre que dans bien des cas, si l'on peine à dégager du foncier pour des logements sociaux, on en trouve pour des locaux privés.

Il y a des cas limites, en particulier en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA). On est certes partis de loin, mais avec le laxisme du préfet, un écosystème local, une contestation explicite de la loi SRU par les élus locaux, par la majorité départementale voire régionale, l'État peine à faire appliquer la loi et se trouve un peu comme un professeur face à tellement de mauvais élèves qu'il hésite à punir toute la classe. Et comme, faute d'ingénierie et de volonté politique, l'État ne reprend pas la compétence urbanisme en cas de carence, comme la loi l'autorise à le faire, il ne va pas au bout de la sanction, y compris avec les communes qui sont carencées depuis vingt ans et qui, dans ce délai, ont vu leur taux de logements sociaux diminuer.

Nous avons, à la fondation Abbé Pierre, beaucoup travaillé avec la commission nationale SRU et nous nous associons au rapport de Thierry Repentin. Nous avons prévenu que l'échéance de 2025 ne serait pas tenue et qu'il fallait anticiper. Un dispositif pérenne avec un objectif glissant va dans le bon sens, à partir du moment où on le dote d'une « clause du dernier pas », car une commune pourrait toujours voir l'horizon reculer sans jamais l'atteindre tout en respectant les objectifs glissants ; comme le recommande la Cour des comptes, il convient en l'espèce d'avoir des objectifs différenciés, justement pour traiter de tels cas.

La définition des objectifs à l'échelle intercommunale ne nous semble pas une bonne idée, car les maires ont beaucoup de compétence en matière de logement, même si, en théorie, les intercommunalités développent les leurs. En réalité, sur la production et l'attribution, ce sont les maires qui ont la main, il est donc sain que le maire soit au centre du mécanisme SRU. Le travail remarquable fait par l'intercommunalité du Grand Poitiers, cependant, ne saurait servir d'exemple pour des communes comme Nice ou Cannes, car la situation n'y est pas du tout la même, du simple fait qu'il n'y a pas de tension sur le logement social à Poitiers, alors qu'elle est très vive sur la Côte d'Azur. Il faut donc faire attention dans les comparaisons.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du logement . - Je partage le propos de Philippe Dallier. L'application de la loi SRU pointe rituellement les difficultés en Île-de-France et en PACA. Certes, l'arithmétique ne joue pas en notre faveur, mais il faut voir d'où nous partons, le défaut de stratégie foncière qui a perduré pendant des décennies ; aujourd'hui, je ne connais pas un maire qui refuse de faire du logement social, la situation est bien différente d'il y a quelques années, je l'ai vue changer comme maire-adjointe au logement de Nice, où je rencontrais fréquemment des collègues farouchement opposés au logement social, disposés à payer les pénalités plutôt qu'à construire, et qui me disent aujourd'hui vouloir programmer du logement social pour leurs administrés. Pour certaines communes, le rattrapage est compliqué, d'autant que l'objectif a été relevé, et il faut aussi tenir compte des contraintes géographiques, de la protection de l'environnement, de la loi littoral, des risques sismiques... Il faut bien voir, aussi, que les communes attractives gagnent nécessairement en démographie, donc en logements privés, ce qui augmente encore le nombre de logements sociaux à construire pour se conformer à l'article 55 de la loi SRU - sans compter que la construction de nouveaux logements implique la réalisation d'équipements collectifs et d'infrastructures. L'objectif de 25 % ne sera donc pas atteint dans certaines communes, c'est clair.

La commission des affaires économiques a créé un questionnaire, qui sera mis en ligne sur le site du Sénat, pour permettre aux maires de nous faire remonter leurs difficultés à appliquer la loi, afin d'en tenir compte dans le projet de loi « 4 D ». Enfin, outre le logement social, on devrait aussi s'intéresser aux logements abordables pour les salariés, car les besoins sont importants. Dans la loi ELAN, nous avions intégré les logements à bail réel solidaire (BRS) dans le quota des logements sociaux : ne pourrions-nous pas faire de même pour les logements intermédiaires ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - En dépit de la loi SRU, la mixité sociale n'est pas atteinte partout. Ne faudrait-il pas prendre en compte aussi le parc privé, aux côtés du parc social ? Lorsqu'un locataire achète son logement, celui-ci change de statut et n'est plus comptabilisé dans le parc social. Pourtant, son occupant reste le même et ses revenus n'ont pas changé.

De même, pour atteindre les objectifs de la loi, ne pourrait-on pas, outre la construction, encourager davantage la rénovation ou la reconstruction de bâtiments existants ? On ferait ainsi d'une pierre deux coups avec les objectifs de la transition énergétique.

M. Michel Canevet . - Je partage les conclusions de la Cour des comptes sur la nécessité de prendre en compte de manière plus spécifique la situation des communes: Certaines communes, en raison des regroupements forcés opérés par les préfets à la suite de la loi NOTRe, se sont retrouvées en infraction avec la loi SRU. Dans certains territoires où l'attachement à la propriété individuelle est très fort, il est difficile de construire brutalement un grand nombre de logements sociaux, et de trouver des locataires. On risque de déstabiliser le marché local et d'aboutir à des aberrations.

Je soutiens aussi l'objectif de mixité sociale. Nous ne sommes pas capables de produire assez de logements sociaux publics pour atteindre nos objectifs. Pourquoi ne pas associer davantage le privé ? On pourrait envisager de mobiliser en faveur du logement l'épargne des Français qui a été accumulée pendant la crise.

Enfin, la fondation Abbé Pierre estime que l'on compte 300 000 mal-logés en France, mais combien ne veulent pas changer de logement ?

M. Thierry Cozic . - L'article 55 a eu des effets positifs sur la production de logements sociaux, en dépit de disparités selon les régions. Les maires ont parfois été accusés de ne pas jouer le jeu, notamment par la ministre du logement l'année dernière, pourtant ils ont fait de gros efforts.

La décision visant à faire supporter aux bailleurs sociaux le coût de la baisse des aides personnalisées au logement a pesé sur leur capacité d'investissement. À cela s'ajoute le désengagement financier de l'État : baisse des aides à la pierre, modalités de compensation de l'exonération de taxe foncière pour les logements sociaux, baisse du budget de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, suppression de la taxe d'habitation, etc. Cela ne risque-t-il pas de nuire à la réalisation d'objectifs nationaux toujours plus ambitieux ?

M. Claude Raynal , président . - La réponse est dans la question...

M. Didier Rambaud . - Le terme « logement social » fait peur et suscite bien des fantasmes. Nul candidat n'annonce dans son programme électoral qu'il veut réaliser plus de logements sociaux. Ils disent plutôt l'inverse et le premier réflexe d'un nouveau maire, comme à Bordeaux ou Lyon, est souvent d'arrêter les programmes de construction en cours. Il faut aussi reconnaître que la loi SRU ne s'est pas accompagnée d'une hausse de la mixité sociale.

Depuis le vote de la loi SRU, l'intercommunalité s'est développée. Il faut encourager la mise en place d'un nouveau couple entre les intercommunalités et les services déconcentrés de l'État. Je pense que les maires y sont prêts, dès lors qu'ils conservent le pouvoir d'attribution des logements.

Mme Christine Lavarde . - Le rapport met en évidence la décorrélation entre une compétence logement, qui relève des intercommunalités, et un calcul des seuils SRU et des pénalités, réalisé au niveau des communes. C'est nier les héritages et les réalités spatiales : certaines communes abritaient les usines et les ouvriers étaient logés à la périphérie, tandis que la commune centre faisait vivre le territoire par les retombées de son activité économique. On doit raisonner de manière globale à l'échelle du territoire, penser ensemble le développement économique et le logement.

Il ne suffit pas non plus de penser de manière quantitative mais aussi qualitative ; il faut prendre en considération la qualité des logements : un F5 n'est pas un studio, pourtant ils sont pris en compte de manière identique dans le calcul.

M. Sébastien Meurant . - Je m'exprime en tant que praticien du logement. Lorsque j'étais maire, j'ai souhaité faire un parcours résidentiel pour les habitants. Comme les prix du logement ont explosé en Île-de-France, les gens ne peuvent plus se loger. Les jeunes partaient, la population déclinait, et à leur suite, les services et les commerces. Le coût du logement social est lié au coût du foncier, et en région parisienne, il devient plus cher que le logement privé existant. Faut-il développer à tout prix le logement social : l'objectif ne devrait-il pas être que chacun ait un toit ? Les élus locaux sont prudents, car la population ne souhaite pas de nouvelles constructions. Pourtant les besoins augmentent : divorces, décohabitation, etc. Il faut aussi évoquer l'immigration : lorsque l'on accueille 400 000 personnes par an, qui se concentrent de surcroît dans certaines régions, il faut bien les loger ! L'essentiel est de construire. Une bonne loi doit être applicable et non remplie de bonnes intentions. Certaines communes n'ont plus d'espace constructible. Il faut aussi tenir compte des bassins de vie. Or le Val-d'Oise est en marge de tous les plans de développement de l'État. La loi SRU est inapplicable. Le bilan triennal ? Mais quel programme immobilier peut être réalisé en trois ans ? De plus, les permis de construire sont souvent contestés, de manière abusive souvent. Il faudrait aussi traiter cette question.

M. Christian Bilhac . - L'objectif de la loi, assurer la mixité sociale, n'est pas remis en cause, mais l'application de la loi soulève parfois des problèmes. Certaines communes ont choisi de ne pas respecter la loi en construisant des résidences de luxe afin de payer l'amende grâce au bénéfice dégagé. C'est inacceptable. Mais dans l'Hérault ou les Alpes-Maritimes, certaines communes n'ont simplement plus de terrains constructibles : zones inondables, restrictions des zones constructibles en raison des schémas de cohérence territoriale, etc. Inutile de faire l'autruche, certaines communes ne pourront jamais atteindre le quota de la loi SRU. Pourquoi ne pas réfléchir alors à un seuil de logements sociaux plus élevé, 35 % par exemple, dans les nouvelles constructions ?

J'attire aussi l'attention sur la situation des communes rurales : les bailleurs sociaux ne souhaitent pas construire dans ces communes, car les petits programmes coûtent trop cher à réaliser. Ne pourrait-on pas employer le produit des pénalités à financer l'ingénierie dans ces communes ?

Enfin, je rejoins aussi notre rapporteur général : est-il normal qu'un logement social acheté par son locataire sorte du quota ? Bref, je plaide pour davantage de pragmatisme.

Mme Isabelle Briquet . - Je veux aussi mettre l'accent sur la nécessité de prendre en compte l'aspect qualitatif des logements, l'état du parc existant et des loyers pratiqués. C'est important pour définir la part des logements PLAI et PLS dans les nouveaux programmes, notamment dans les zones détendues.

La suppression de la taxe d'habitation et l'exonération de taxe foncière pour le logement social font peser un grand risque sur la construction de logements sociaux.

M. Jean-Marie Mizzon . - Je partage les recommandations de la Cour des comptes. La septième vise à établir une projection précise de l'identité et des caractéristiques des communes susceptibles de ne pas remplir leurs objectifs en 2025. Est-ce pour graduer les pénalités ? Dans certaines communes, toute la surface communale disponible est déjà construite, à l'exception des zones Seveso ou inondables. On ne peut pas atteindre l'objectif de la loi, sauf à surconstruire. Ne mettons pas au pilori des communes qui ne peuvent pas atteindre les objectifs de la loi en raison de leur situation objective.

M. Jean-Michel Arnaud . - Les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet) vont probablement réduire les capacités de production dans les zones détendues et rurales, car ils limitent les zones constructibles dans ces aires. Il conviendrait de trouver une solution pour permettre la construction de logements sociaux. Dans les Hautes-Alpes, 70 % des habitants sont éligibles au logement social, mais il y a pénurie. De plus, les Hautes-Alpes sont classées en grande partie en zone C. De ce fait, on ne trouve pas, dans les zones touristiques, d'opérateur privé désireux d'ouvrir les programmes de logements neufs, destinés à des investisseurs, à du logement social pour loger les populations permanentes. Dans les zones détendues, il faudrait donc imaginer de nouveaux outils et créer de nouveaux zonages pour faciliter la création des programmes mixtes pour loger ceux qui travaillent sur place ou les plus démunis.

M. François Adam . - Vous avez bien décrit les contraintes qui s'accumulent en région PACA dans certains territoires. Vous avez aussi souligné l'inertie de la politique du logement. Si la construction de logement social a été négligée pendant longtemps, il faut du temps pour tenir les objectifs de la loi SRU.

Faut-il fixer des objectifs en matière de logements abordables ? La loi ELAN prévoit que les PLH de certaines agglomérations doivent comporter des objectifs de production de logement intermédiaire. Le ministère du logement est favorable à la production de logement intermédiaire, et la prolongation du dispositif Pinel va en ce sens. L'enjeu est d'éviter tout effet d'éviction par rapport au logement social. Je rappelle aussi que selon les critères du logement social, 70 % de la population française y est éligible.

La loi SRU a permis de construire des logements sociaux de qualité. Les bailleurs sociaux savent construire des programmes de qualité et le logement social n'est plus perçu comme du logement dégradé.

Nous manquons de recul sur l'impact du dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS) sur les bailleurs car il ne date que de 2018. Il nous semble toutefois que la situation des bailleurs reste saine et qu'ils peuvent investir. Leurs engagements pris en 2019 dans le cadre du pacte d'investissement pour le logement social signé avec l'État en témoignent. Il me semble que le référé de la Cour des comptes confirme cette appréciation.

Il est vrai qu'il y a une différence entre un deux-pièces et un cinq-pièces, mais, pour être applicables, les critères doivent rester simples et lisibles. La répartition des logements doit faire l'objet d'une discussion au niveau local entre les partenaires. Il semble toutefois difficile d'intégrer cette dimension dans le dispositif SRU, car ce serait trop complexe.

Vous avez évoqué les zones de redynamisation urbaine, qui ne sont souvent pas soumises aux obligations de la loi SRU en raison de leur population, mais il y a du logement social dans ces zones. Certains bailleurs interviennent en zone rurale et savent réaliser des programmes adaptés. Le Fonds national des aides à la pierre peut contribuer au financement.

L'équilibre entre constructions neuves et rénovation est un vrai sujet. Dans le projet de loi Climat et résilience, le Gouvernement proposera des objectifs ambitieux pour réduire l'artificialisation des sols. Mais la réalisation de logements sociaux peut aussi consister en des opérations d'acquisition-rénovation ou en des acquisitions d'immeubles sans travaux. Les bailleurs savent acheter des immeubles pour les transformer en logement social dans un cadre urbain contraignant. Cette voie devrait sans doute prendre de l'ampleur dans les territoires urbains où le foncier est rare.

Mme Dominique Estrosi Sassone . - Mais cela coûte plus cher !

M. François Adam . - C'est vrai.

M. Manuel Domergue . - L'idée de moduler les objectifs de la loi SRU en fonction de la taille des logements est souvent avancée, mais c'est très difficile. La loi SRU n'est pas un PLH ! Il serait absurde que la loi détermine le pourcentage de logements en fonction de leur surface, sans compter que les besoins de logements sociaux concernent surtout de petites surfaces.

Nous sommes pour la montée en puissance des intercommunalités pour les politiques de logement et d'attribution. Mais si on appliquait la loi SRU à l'échelle des intercommunalités, on la viderait de son contenu, chacune la respecterait ! Peut-être faut-il raisonner, dans les grandes métropoles, à l'échelle des arrondissements : les communes limitrophes du XVI e arrondissement de Paris se plaignent d'être sanctionnées au titre de la loi SRU, alors que ce dernier n'est pas pénalisé, car il bénéficie de la mutualisation avec les arrondissements où les logements sociaux sont plus nombreux. Si Paris respecte la loi SRU, l'indice de ségrégation est élevé entre arrondissements. Il en va de même à Marseille ou Lyon.

Notre but n'est pas de faire que du logement social : seules 1 035 communes ne respectent pas la loi et il manque simplement 600 000 logements sociaux. De même, si nous sommes attachés à prendre en compte uniquement les logements sociaux, et non d'autres formes de logements comparables, c'est pour éviter que les logements des marchands de sommeil ne soient considérés comme des logements sociaux, même si leurs locataires y seraient éligibles au vu de leurs conditions de ressources. De même, on ne peut pas assimiler les logements Pinel ou PLI (Prêt locatif intermédiaire) à des logements sociaux - les conditions ne sont pas les mêmes au regard des loyers, des ressources, de la gestion, etc. La loi SRU permet déjà d'inclure le parc privé à vocation sociale en cas de conventionnement avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), sous certaines conditions, ou les logements BRS, mais cela ne concerne que quelques centaines de logements.

De même, un logement social qui a été vendu à son occupant n'appartient plus au parc social, même si son occupant reste le même, car il n'est plus remis en location. Donc ne confondons pas la loi SRU avec un PLH pour ne pas complexifier. Quant à l'argument de la densité, la ville de Paris a réussi à passer de 12 % de logements sociaux en 2001 à 24 % aujourd'hui, tout en améliorant la qualité des logements, grâce, en partie, à des opérations d'acquisition-amélioration.

On ne peut que déplorer l'incohérence de l'État qui veut sanctionner davantage, mais qui, dans le même temps, coupe les vivres aux opérateurs. La Cour estime ainsi dans un référé récent que la RLS est une usine à gaz, avec des effets négatifs sur la production de logements sociaux, même si les bailleurs peuvent être en bonne santé financière. Le Gouvernement risque d'avoir beau jeu de reporter la responsabilité sur les élus locaux ou les bailleurs si les objectifs de la loi ne sont pas atteints, et réciproquement ! Il importe pourtant que tout le monde tire dans le même sens.

M. Gérard Terrien . - Vous avez évoqué l'association du secteur privé au secteur social. Notre rapport montre que la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) est une piste et, d'ailleurs, celle-ci se développe fortement.

La question des 300 000 mal-logés, dont 40 000 sans-abri, relève d'autres politiques publiques, mais je ne pense pas qu'ils ne souhaitent pas être relogés...

L'intercommunalisation semble une piste intéressante, mais il ne faut pas vider la loi SRU de son sens. Notre recommandation n o 7 ne vise pas à stigmatiser les communes qui ne respectent pas leurs objectifs, mais à comprendre pourquoi.

La construction et la mixité sociale ne relèvent pas du même temps, ni des mêmes politiques. La mixité relève aussi des questions d'éducation, de sécurité, etc. Quant à la RLS, la Cour vient de rendre un référé sur ce sujet, mais la question est vaste et nous entraînerait trop loin aujourd'hui...

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie.

La commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de M. Philippe Dallier.

Page mise à jour le

Partager cette page