B. UNE ORIENTATION DES FINANCEMENTS VERS LES ACTIONS PRÉVENTIVES QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉE

1. Malgré le volet préventif du PLAV, des pratiques agricoles qui doivent encore évoluer

En termes d'évolutions des pratiques agricoles, les résultats du PLAV 2 sont contrastés . Ainsi, entre 2014 et 2017, la quantité d'azote minéral épandue continuait à être en hausse dans la moitié des baies algues vertes. Seule 10 % de la SAU était concernée par une contractualisation en MAEC . Point satisfaisant toutefois, la part des exploitations agricoles converties à l'agriculture biologique est en très nette augmentation . Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement une diminution des fuites de nitrates, et ne constitue en soi pas un indicateur suffisant.

En outre, on constate une grande variabilité des résultats selon les territoires. Si près d'un millier d'exploitants agricoles sont concernés par au moins une action du volet préventif du PLAV 2, ceux-ci ne sont pas également répartis. En outre, ce chiffre est globalement en diminution, car le bilan du PLAV 1 faisait état de plus de 1 800 exploitations concernées . Si cette diminution correspond en partie à l'amélioration du ciblage des actions, elle ne doit pas masquer un tassement de l'investissement des agriculteurs.

Localement, des fragilités ont pu être relevées dans les dynamiques de mobilisation. Outre l'absence de données pour certaines baies, l'adhésion des agriculteurs peut nécessiter des efforts supplémentaires, en partie en raison du contexte agricole, voire historique, des baies.

Selon l'évaluation à mi-parcours, sur l'ensemble du PLAV 2, 19 accompagnements individuels, financés par le PITE, avaient été réalisés sur la baie de Concarneau, soit 11 % des exploitants éligibles. Ce nombre s'élevait à plus de 250 sur la baie de Saint-Brieuc, soit plus de 20 % des exploitants, ce qui représente les deux tiers des 400 conseils individuels mis en oeuvre depuis 2017 .

Principaux indicateurs utilisés actuellement dans le suivi du PLAV
sur les territoires des baies

Indicateur

Données

Part des surfaces en prairies et évolution des assolements depuis 2016

33 % de la SAU soit + 2,9 %

Surfaces en agriculture biologique en 2019

6,3 % de la SAU et 9,4 % des exploitations contre 2,3 % de la SAU en 2013

Évolution de la quantité totale d'azote épandue entre 2014 et 2017

Stabilité sur la moyenne des baies mais hausse dans 25 % d'entre elles

Évolution de la quantité d'azote minéral épandue entre 2014 et 2017

Stabilité sur la moyenne des baies mais hausse dans 50 % d'entre elles

Part des exploitations ayant contractualisé dans le cadre des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) en 2018

10 % des surfaces et 9% des exploitations

Évolution des surfaces concernées par les chantiers collectifs de couverts végétaux sur les territoires des baies en 2019

17 % de la SAU contre 5,9 % en 2017

Source : commission des finances d'après les documents de suivi du PLAV

Ce constat résulte notamment d'un déficit d'implication des acteurs économiques , et particulièrement des filières agroalimentaires . Or, la diminution des apports en nitrates ne peut être l'affaire des seuls exploitants . Les agriculteurs engagés dans l'amélioration des pratiques doivent être soutenus par l'ensemble de la filière, ce qui n'est pour l'heure pas le cas. Or, il n'est pas de changement de modèle agricole possible sans l'implication des filières agroalimentaires.

Si la connaissance des enjeux par les agriculteurs des bassins versants algues vertes s'améliore, elle reste insuffisante. En 2018, selon l'enquête « Bassins versants » conduite par la DRAAF Bretagne 42 ( * ) , les nitrates constituent l'enjeu le plus souvent cité par les agriculteurs dans les bassins versants (88 %) , suivi par les pesticides (63 %), puis les milieux aquatiques et zones humides (41 %).

Afin de davantage mettre l'accent sur le volet préventif, plusieurs pistes déclinées ci-après doivent être encouragées.

2. Une meilleure prise en compte des questions foncières

Le rapporteur spécial considère en premier lieu que l'outil foncier doit être davantage utilisé . Actuellement, l'action 02 du PITE couvre la convention triennale 2018-2021 avec le conservatoire du littoral. Le PITE ne finance aucune acquisition foncière, mais des actions d'animation en amont des transactions ainsi que de concertation entre agriculteurs et élus locaux afin d'établir un diagnostic sur les enjeux des acquisitions par le conservatoire du littoral.

Les attentes concernant le sujet foncier sont cependant fortes, dans un contexte de pression foncière élevée . L'ensemble des acteurs rencontrés par le rapporteur spécial a indiqué que l'éloignement du foncier du siège de l'exploitation freine la mise en oeuvre de pratiques « vertueuses ».

Le rapport CGEDD-CGAEER de 2015 43 ( * ) avait soulevé trois pistes afin de davantage prendre en compte ce sujet dans le cadre du PLAV 2 : une réorientation plus marquée des actions de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) sur des priorités environnementales ; le développement des réserves foncières au profit des collectivités à des fins environnementales, et le développement des échanges amiables. Le rapport concluait qu'il était nécessaire d'accélérer la mise en place des outils prévus. Ces constats sont toujours aussi pertinents actuellement.

Recommandation n° 11 : organiser un schéma de transmission du foncier axé sur le respect de priorités environnementales, réunissant la Safer et l'ensemble des partenaires du PLAV.

Les collectivités soulignent qu'elles n'ont pas les moyens de mener de réelles actions de préemption, y compris lorsqu'il s'agit de constituer des réserves foncières afin de préserver des zones humides. Ainsi, dans la baie de Lannion, seuls 30 hectares ont été préemptés en 2020. De telles surfaces restent anecdotiques au regard des besoins.

3. Recourir davantage à la conditionnalité

Dans le prolongement de ces questions foncières, il serait possible de conditionner l'achat de terrains agricoles par de nouveaux exploitants au respect de pratiques environnementales . Actuellement, une partie des aides soutenant les jeunes agriculteurs pour leur première installation est financée par des crédits nationaux. Dans les baies algues vertes, elles pourraient être conditionnées au respect des engagements du PLAV.

Recommandation n° 12 : conditionner, dans les zones les plus à risques, les aides à l'installation jeune agriculteur à des engagements visant à la mise en oeuvre de pratiques vertueuses, notamment concernant l'épandage.

En amont, des actions de formation dans les lycées agricoles devraient permettre d'aborder le sujet de la gestion des nitrates et de la construction de pratiques vertueuses. Des actions de formation existent déjà, mais elles sont rares et reposent sur le volontariat et la bonne volonté des établissements. Ces formations pourraient selon le rapporteur spécial bénéficier de financements au titre du PITE.

Recommandation n° 13 : financer par le biais du PITE des actions de formation dans les lycées agricoles de la région afin de sensibiliser les futurs exploitants à la gestion des flux de nitrates.


* 42 Enquête régionale 2018 sur les pratiques agricoles dans les bassins versants en Bretagne - Des pratiques culturales toujours en évolution, DRAAF Bretagne, janvier 2021.

* 43 Évaluation du volet préventif du plan 2010-2015 de lutte contre les algues vertes en Bretagne. Bilan et propositions. CGEDD-CGAEER, mai 2015.

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