II. URBANISME, VILLE ET LOGEMENT

A. LOI N° 2018-1021 DU 23 NOVEMBRE 2018 PORTANT ÉVOLUTION DU LOGEMENT, DE L'AMÉNAGEMENT ET DU NUMÉRIQUE (ELAN)

À mi-avril 2021, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN , est applicable à 81 % .

La loi ELAN avait pour objet de traduire la stratégie quinquennale en matière de logement du Gouvernement. Elle comporte quatre titres visant à construire plus, mieux et moins cher, à faire évoluer le secteur du logement social, à répondre aux besoins de chacun et à favoriser la mixité sociale et enfin à améliorer le cadre de vie.

Le projet de loi déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale comportait 65 articles. À l'issue de la navette parlementaire, le nombre d'articles a été multiplié par plus de trois pour atteindre 234 articles . 19 d'entre eux ont cependant été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui a estimé dans sa décision 2018-772 DC du 15 novembre 2018 qu'il s'agissait de « cavaliers législatifs ».

À la date de rédaction de ce rapport, sur les 91 mesures d'application attendues (cinq mesures s'étant ajoutées dans le calcul au 1 er janvier 2021 du fait de l'entrée en vigueur différée d'un article), 74 ont été prises et 17 sont encore attendues, pour un taux d'application de 81 %. 18 mesures non prévues par la loi ont par ailleurs été publiées. Sur les cinq rapports attendus par le Parlement, aucun n'a été remis par le Gouvernement pour le moment.

L'application de la loi ELAN entre 2020 et 2021

À mi-avril 2020, la loi ELAN était applicable à 78 %, 67 mesures ayant été prises sur les 86 alors attendues à l'époque.

1. Dispositions en matière d'urbanisme

62 articles du titre I er de la loi ELAN rassemblent des mesures en matière d'urbanisme (deux autres articles ayant été déclarés contraires à la Constitution). Parmi ceux-ci, 49 articles n'appellent pas de mesures règlementaires d'application et sont donc d'application directe.

Les articles 46 et 50, d'application directe, prévoient néanmoins la prise de trois ordonnances relatives aux documents d'urbanisme, portant respectivement sur les rapports de hiérarchie des normes entre les différents documents, sur le schéma régional d'aménagement et sur le schéma de cohérence territoriale, cibles de réformes d'ensemble. Ces ordonnances ont toutes été prises .

Les articles 5 et 29, instituant deux expérimentations relatives au permis d'innover et à l'occupation temporaire de locaux vacants, prévoient en outre la remise de rapports d'évaluation au Parlement, qui devront être remis à l'issue de la période d'expérimentation.

Treize articles nécessitent des mesures règlementaires d'application. Douze de ces treize articles (4, 8 à 10, 16, 20, 25, 29, 30, 32, 45 et 49) sont aujourd'hui applicables, portant le taux d'applicabilité des mesures relatives à l'urbanisme à 98%, comme lors du bilan d'application de l'année précédente. La quasi-totalité des mesures d'application attendues en matière d'urbanisme a été prise dans le délai de six mois suivant la promulgation de la loi que s'était fixé le Gouvernement.

Outre les rapports d'expérimentation prévus par les articles 5 et 29, ne reste attendu qu'un arrêté d'application relatif à la téléinstruction des demandes d'urbanisme (article 62).

a) Deux ordonnances relatives aux documents d'urbanisme ont été publiées en juin 2020

En application des habilitations données à l'article 46 de la loi ELAN, le Gouvernement a publié deux ordonnances le 17 juin 2020 . Si la loi ELAN prévoyait que celles-ci soient prises avant le 24 mai 2020, l'article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a prolongé ce délai d'habilitation de quatre mois, le fixant au 24 septembre 2020.

• L'ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale (II de l'article 46 de la loi ELAN) qui opère une réforme du périmètre, de la structure et du contenu des SCoT, applicable à compter du 1 er avril 2021. Si les communes n'ont plus l'opportunité d'être à l'initiative d'un SCoT ; la réforme doit permettre d'associer plus largement d'autres parties à son élaboration (associations d'usagers, organismes publics...). Son périmètre est élargi au bassin d'emploi plutôt qu'au bassin de vie. Désormais, le SCoT pourra désormais valoir Plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou projet de territoire pour un pôle d'équilibre territorial et rural. Enfin, l'ordonnance a modifié les différents documents composant le SCoT, qui contiendra désormais un « projet d'aménagement stratégique » (qui remplace le PADD), le document d'orientations et d'objectifs, simplifié au passage, et des annexes (qui reprennent le contenu du rapport de présentation, désormais supprimé).

Il convient toutefois de noter que le contenu de l'ordonnance semble dépasser sinon le champ, au moins la finalité de l'habilitation donnée par la loi ELAN, qui indique que les modifications visent à « tirer les conséquences de la création du [SRADDET] et du transfert de la compétence en matière de plan local d'urbanisme aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ».

• L'ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d'urbanisme (I de l'article 46 de la loi ELAN) a simplifié les rapports hiérarchiques entre documents d'urbanisme. Le rôle intégrateur du SCoT est appuyé : il devra être compatible avec les divers documents thématiques de rang supérieur, et c'est via la compatibilité au SCoT que le PLU(i) intégrera ces enjeux (sans compatibilité directe avec les documents thématiques). En outre, les différents liens de prise en compte sont tous remplacés par un lien de compatibilité, à l'exception des objectifs du SRADDET et des programmes d'équipement. Surtout, au lieu de délais distincts de mise en compatibilité des documents avec chaque document supérieur, une échéance unique est fixée tous les trois ans, à laquelle les collectivités devront assurer la compatibilité de leur document avec l'ensemble des évolutions intervenues . Enfin, l'ordonnance formalise l'existence des « notes d'enjeux » produites par l'État pour améliorer l'information et l'accompagnement des collectivités au cours de la procédure d'élaboration de leurs SCoT et PLU(i).

L'ordonnance ne couvre pas l'intégralité du champ ouvert par l'habilitation. En particulier, le 5° de l'article 46, rédigé à l'initiative du Sénat, et qui prévoyait que «  seuls le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme ainsi que les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme qui concernent l'ensemble du territoire couvert par ledit plan doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale » n'a pas été traduit dans l'ordonnance.

Un projet de loi de ratification de ces deux ordonnances a été déposé par le Gouvernement le 9 septembre 2020 , conformément au délai de trois mois prévu par l'article d'habilitation.

b) Les mesures d'application des dispositions relatives à la dématérialisation du traitement des demandes d'autorisation d'urbanisme sont en cours d'élaboration

La loi ELAN a prévu à l'article 62 la mise en oeuvre obligatoire d'une procédure permettant la réception et l'instruction dématérialisée par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des demandes d'autorisation d'urbanisme. Cette procédure doit être opérationnelle au 1 er janvier 2022 , pour toutes les communes de plus de 3500 habitants. Il est prévu qu'un arrêté détermine les modalités de sa mise en oeuvre.

Comme l'avait déjà souligné le rapport d'application des lois pour l'année 2019-2020, aucun arrêté n'a pour l'instant été pris pour préciser la procédure dématérialisée qui devra être mise en place par les communes et EPCI.

Interrogée par la commission, la DHUP indique que l'arrêté d'application est en cours d'élaboration, ayant fait l'objet des consultations obligatoires au cours du mois de mars 2021, conjointement à un décret portant diverses mesures relatives aux échanges électroniques en matière de formalités d'urbanisme. Cet arrêté « relatif aux modalités de mise en oeuvre des téléprocédures et à la plateforme de partage et d'échange pour le traitement dématérialisé des demandes d'autorisation d'urbanisme », qui sera bientôt pris, devrait entrer en vigueur au 1 er janvier 2022.

La DHUP a souligné que le ministère travaille sur différentes solutions logicielles, en partie déjà opérationnelles, dans le cadre la suite « XX'AU » qui permet le traitement dématérialisé des actes d'application du droit des sols.

La plateforme « Plat'AU » permettra de connecter les systèmes d'information des différents acteurs de la chaîne de traitement. Après expérimentation, une première version de la plateforme a été livrée en juillet 2020 à 20 communes . Des versions ultérieures ont été livrées le 15 avril 2021.

Des solutions additionnelles sont également développées pour les acteurs sollicités dans le cadre de l'instruction ne disposant pas de système d'information (comme les commissions par exemple), ainsi que pour les communes non compétentes en matière d'autorisations d'urbanisme.

La DHUP signale qu'il a été demandé aux DDT(M) d'élaborer des plans de déploiement des solutions logicielles, visant un raccordement de nombreuses collectivités en août et septembre 2021.

En parallèle, le service AD'AU, lancé en 2020, permet aux demandeurs d'autorisations d'urbanisme de déposer leur dossier en ligne. Près de 14 500 demandes en ligne auraient été enregistrées entre mars 2020 et mars 2021.

c) Les expérimentations prévues par la loi en matière de « permis d'innover » et d'occupation de bureau vacants devront faire l'objet d'un bilan communiqué au Parlement

Les expérimentations autorisées par les articles 5 et 29, relatives au « permis d'innover » et à l'occupation temporaire de locaux vacants à fins d'hébergement, devront faire l'objet de rapports au Parlement en tirant un bilan, respectivement au terme de la période d'expérimentation prévue par la loi et six mois avant ce terme.

Deux rapports seront donc attendus en novembre 2025 concernant le « permis d'innover », et en juin 2023 concernant l'occupation temporaire de locaux vacants.

Sollicitée par la commission, la DHUP indique n'avoir pas connaissance, à ce jour, de « permis d'innover » délivré sur le fondement des dispositions de la loi ELAN.

En matière d'occupation temporaire de locaux vacants , la DHUP informe que trois sociétés ont été agréées, pour une action dans les départements de l'Eure, des Bouches-du-Rhône et à Paris, entre autres. La commission n'a pas pu recueillir de données chiffrées relative aux nombres de personnes accueillies ou aux types de bâtiments concernés, la DHUP indiquant que « le caractère récent de ces agréments n'a pas permis, à ce jour, une évaluation du dispositif » .

2. Dispositions en matière de rénovation des centres-villes

Parmi les dix-sept articles relatifs à la revitalisation des centres-villes, quatorze articles sont d'application directe et trois nécessitaient des mesures d'application, qui ont été prises en 2019 . Ces articles sont donc entièrement applicables.

3. Les mesures en faveur du bâtiment et du logement
a) Quelques nouvelles mesures d'application ont été prises
(1) Mesures pour faciliter la construction de bâtiments
(a) Retrait et gonflement des argiles

L' article 68 prévoit la réalisation d'une étude géotechnique préalable à la vente d'un terrain constructible et à la construction d'un nouvel immeuble dans les zones exposées au retrait-gonflement des sols argileux. Cet article prévoit l'adoption de trois mesures d'ordre réglementaire qui ont désormais été publiées .

Un décret en Conseil d'État précisant ses conditions d'application, notamment les modalités de définition des zones concernées , le contenu et la validité des études géotechniques et, enfin, les contrats qui sont exonérés d'étude géotechnique en raison de l'ampleur limitée du projet, a été adopté le 22 mai 2019 47 ( * ) . Ce décret précise bien les critères de définition des zones concernées et les contrats exonérés d'étude, mais renvoie à des arrêté le soin de déterminer les zones concernées et le contenu des études géotechniques.

Mais ces arrêtés qui n'avaient pas été adoptés afin de permettre son entrée en vigueur au 1 er janvier 2020, l'ont enfin été en juillet 2020.

Un premier arrêté du 22 juillet 2020 définissant les zones exposées , pris en application de l'article L. 112-20 du code de la construction et de l'habitation , précise les critères à prendre en compte pour évaluer l'exposition des formations argileuses au phénomène de retrait-gonflement et fournit une carte des zones exposées au phénomène .

Un deuxième arrêté du 22 juillet 2020 définit le contenu des études géotechniques .

Par ailleurs, un décret définissant des techniques de construction particulières à respecter par le constructeur d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte ne comportant pas plus de deux logements lorsqu'il choisit de ne pas suivre les recommandations de l'étude géotechnique a également été adopté le 25 novembre 2019 48 ( * ) . Cependant, ce décret ne précise que les objectifs que ces techniques particulières doivent permettre d'atteindre. Il s'agit des objectifs suivants :

- limiter les déformations de l'ouvrage sous l'effet des mouvements différentiels du terrain tant par la conception et la mise en oeuvre des éléments de structure et de fondation que par le choix des matériaux de construction ;

- limiter les variations de teneur en eau du terrain à proximité de l'ouvrage dues aux apports d'eaux pluviales et de ruissellement ainsi qu'à la végétation ;

- limiter les échanges thermiques entre l'ouvrage et le terrain adjacent.

Si ce décret s'applique aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2020, sa bonne application était cependant soumise à l'adoption d'un arrêté. Il s'agit du troisième arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction

(b) La consommation énergétique des bâtiments

Plusieurs mesures étaient relatives à la consommation énergétique des bâtiments et émissions polluantes.

La loi ELAN a renforcé les pouvoirs de certaines autorités règlementaires, qui se sont saisies de ces nouvelles possibilités.

C'est par exemple le cas en matière d'utilisation de certains appareils de chauffage contribuant fortement aux émissions de polluants atmosphériques, qui peut désormais être interdite par arrêté préfectoral dans le cadre des plans de protection de l'atmosphère, aux termes de l'article 74 de la loi ELAN qui modifie l'article L. 222-6 du code de l'environnement. Un tel arrêté a ainsi été pris en Haute-Savoie, visant à interdire le chauffage à bois à foyer ouvert 49 ( * ) .

Par ailleurs, l' arrêté du 10 novembre 2020 relatif au niveau de performance énergétique globale prévu au o du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est venu préciser le niveau de performance énergétique exigé des logements pour le bénéfice du dispositif « Cosse - Louer abordable », introduit dans le code général des impôts par la loi de finances rectificative pour 2016 (en remplacement du « Borloo ancien ») et modifié par l'article 162 de la loi ELAN. Ce dispositif vise à inciter les propriétaires à remettre sur le marché locatif des logements privés à des loyers abordables, en les faisant bénéficier dans ce cas d'une déduction d'impôt.

Si l'arrêté susmentionné n'est pas pris stricto sensu en application de l'article 162 de la loi Elan, ce dernier se bornant à préciser le niveau de la déduction fiscale prévue, il permet indirectement sa bonne application, puisque cette dernière dépend de la fixation du seuil de performance énergétique que le bien loué doit respecter, même si cette condition a été introduite dans la loi dès 2016.

Aux termes de l'arrêté du 10 novembre 2020, le contribuable qui signe avec l'Anah une convention « Louer mieux » doit désormais justifier d'une consommation conventionnelle en énergie primaire du logement inférieure à 331 kWh/m 2 /an, ce qui revient à exclure du dispositif les logements des classes F et G du diagnostic de performance énergétique, qui sont les plus énergivores.

(2) Mesures relatives à la réorganisation du secteur social et destinées à favoriser la production de logements sociaux : Gouvernance de l'ANRU

Les articles 89 et 90 réforment la gouvernance et le fonctionnement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Cette réforme nécessite des décrets d'application.

Un premier décret a été pris en application de l'article 89 . Il s'agit du décret n° 2019-438 du 13 mai 2019. Il adapte la composition du conseil d'administration et précise les missions du commissaire du Gouvernement. Il organise les consultations écrites du conseil d'administration et précise les délais de transmission des documents et des délibérations à cette instance. Il institue un comité d'audit auprès du conseil d'administration.

Un deuxième décret, en application de l'article 90 , est le n° 2020-11 du 7 janvier 2020 relatif au contrôle économique et financier de l'État sur l'ANRU qui définit l'autorité chargée de cette mission, le CGEDD, et les conditions dans lesquelles elle s'exerce.

Le troisième est le décret en Conseil d'État n° 2020-540 du 6 mai 2020 . Il précise les modalités spécifiques de contrôle économique et financier de cette agence. L'article 90, introduit en séance publique au Sénat par le rapporteur, vise en effet à soumettre la gestion financière et comptable de l'ANRU aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales . Pour ce faire, le décret adapte le texte constitutif de l'agence pour :

• en préciser le régime comptable et financier ;

• modifier les délégations des compétences du directeur général aux agents de l'établissement ;

• prévoir la signature électronique des actes.

(3) Mesures relatives au parc privé : améliorer les relations bailleurs/locataires, faciliter le fonctionnement des copropriétés et lutter contre l'habitat indigne
(a) Diagnostic global et financier aux fins de résiliation du bail dans le cadre du DALO

Le deuxième alinéa de l'article 119 de la loi ELAN, modifie l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. L'article ainsi modifié prévoit que le diagnostic social et financier réalisé au stade de l'assignation aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation du bail par l'organisme désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, est réalisé selon des modalités et un contenu précisé par décret.

Ce décret n° 2021-8 a été publié le 5 janvier 2021 . Il précise que ce diagnostic est réalisé par un intervenant social ou juridique relevant de l'organisme compétent désigné à cette fin par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. Afin de réaliser ce diagnostic, l'organisme propose au locataire un entretien dans un délai de quinze jours ouvrés suivant la saisine de l'organisme par le représentant de l'État. L'absence de réponse du bailleur ou du locataire ne fait pas obstacle à la transmission du diagnostic au juge. Par ailleurs, le décret précise que le diagnostic est établi conformément à un formulaire dont le modèle est fixé par arrêté et comporte des rubriques obligatoires comme la situation familiale du locataire assigné, la situation d'endettement locatif et les dispositions mises en place pour y remédier, les préconisations et observations de l'intervenant social et juridique, les éventuelles observations du locataire ou du bailleur et les besoins de relogement et les démarches engagées à cette fin.

(b) Habitat indigne

Comme évoqué précédemment, quatorze articles visaient à renforcer l'arsenal juridique mobilisable par les pouvoirs publics en vue de lutter contre l'habitat indigne . La plupart était d'application directe.

La nouveauté de l'année est la publication de l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 en application de l'article 198 qui habilitait le Gouvernement harmoniser et simplifier les polices en la matière.

Le délai d'habilitation prévu par la loi étant de dix-huit mois, l'ordonnance aurait normalement dû être prise avant le 23 mai 2020. Compte tenu de la crise sanitaire toutefois, l'article 14 de loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a repoussé ce délai de quatre mois, le nouveau délai limite de publication de l'ordonnance ayant alors été établi au 23 septembre 2020.

En France, plus de 5 000 arrêtés sont pris chaque année par les préfets, maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour engager des procédures coercitives visant à lutter contre l'habitat indigne.

L'ordonnance apporte donc des simplifications attendues et importantes aux procédures en créant une nouvelle et unique police administrative spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles, en remplacement de plus d'une dizaine de procédures existantes relevant de plusieurs codes (santé publique, construction et habitation). Le déroulement procédural est par ailleurs uniformisé qu'il s'agisse d'une procédure engagée par le préfet (pour ce qui relève de la santé), le maire ou le président de l'EPCI (pour ce qui relève de la sécurité ).

L'ordonnance renforce aussi la capacité des maires à intervenir dans des délais très brefs dans un cadre sécurisé pour l'autorité publique en permettant le recouvrement des frais liés à l'exécution d'office des mesures, mais également pour les occupants en leur faisant bénéficier d'un régime de protection adapté.

Enfin, l'ordonnance permet de favoriser l'organisation au niveau intercommunal des outils et moyens de lutte contre l'habitat indigne par deux voies : en facilitant le transfert des pouvoirs du maire au président d'EPCI, lorsqu'il résulte d'une volonté locale exprimée, et en assouplissant les conditions de délégation des pouvoirs du préfet au président d'EPCI , lorsque celui-ci est désireux d'investir davantage le champ de la lutte contre l'habitat indigne.

Le rapporteur regrette qu'il n'ait pas été possible de désigner une autorité unique responsable de la lutte contre l'habitat indigne comme le Sénat l'avait voté, 11 juin 2019, dans le cadre de la proposition de loi de M. Bruno Gilles et craint que les mesures de transfert descendant ou montant vers l'EPCI ne soient un entre-deux qui conduise à rendre illisibles les responsabilités en la matière sur le territoire.

L'ordonnance est entrée en vigueur le 1 er janvier 2021. Le projet de loi n° 2020-175 ratifiant l'ordonnance a été déposé sur le bureau du Sénat le 2 décembre 2020.

Enfin, cette ordonnance a donné lieu à la publication du décret d'application n° 2020-1711 du 24 décembre 2020 , qui vise à apporter les précisions nécessaires à la mise en oeuvre de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations notamment en matière de procédure contradictoire ou d'exécution des arrêtés pris au titre de cette police. Par ailleurs, le décret opère un toilettage de dispositions règlementaires devenues caduques du fait de l'harmonisation des procédures de police administrative spéciale utilisées en matière de lutte contre l'habitat indigne.

(4) Le droit de la copropriété

Le Sénat avait contribué à l'adoption de plusieurs mesures en matière de copropriété.

L'article 215 prévoyait deux habilitations à légiférer par ordonnances en matière de copropriété .

La première ordonnance réformant le droit de la copropriété a été prise le 30 octobre 2019 . Il s'agit de l'ordonnance n° 2019-1101. Elle introduit une profonde réforme de la copropriété modifiant les rapports entre le syndic, le conseil syndical et les copropriétaires. Elle modifie les règles de majorité et introduit le vote par correspondance. Elle adapte certaines règles en fonction de la taille de la copropriété, surtout pour les plus petites. En revanche, elle n'instaure pas de plan pluriannuel de travaux obligatoire. Enfin, elle facilite les mises aux normes pour personnes à mobilité réduite.

Cette ordonnance a donné lieu à la publication d'un décret d'application n° 2020-834 du 2 juillet 2020. Il vient préciser les conditions d'organisation d'une assemblée générale à la demande de tout copropriétaire afin de faire inscrire à l'ordre du jour une ou plusieurs questions concernant ses droits ou obligations, les informations à transmettre par un copropriétaire souhaitant faire réaliser des travaux d'accessibilité et les conditions d'inscription obligatoire à l'ordre du jour de l'éventuelle opposition de l'assemblée générale à de tels travaux, les modalités de vote par correspondance (conditions de délais, de transmission du formulaire de vote au syndic, de prise en compte du vote), l'encadrement de l'exercice des délégations accordées au conseil syndical par l'assemblée générale, les modalités de mise en oeuvre de la consultation des copropriétaires dans les petites copropriétés, les mesures concernant les syndicats ne comprenant que deux copropriétaires et les modalités de mise en oeuvre de nouvelles procédures judiciaires introduites par l'ordonnance du 30 octobre 2019.

Enfin, un arrêté du 2 juillet 2020 a fixé le modèle du formulaire de vote par correspondance aux assemblées générales.

S'agissant de l'ordonnance de codification des lois relatives à la copropriété, le travail devant la commission de codification a débuté en juin 2019 mais n'est pas arrivé à son terme avant l'échéance de l'habilitation.

b) Certaines dispositions sont encore inapplicables
(1) Mesures relatives à la construction des bâtiments : le carnet numérique

L e carnet numérique, initialement introduit par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dont le dispositif a été précisé à l'article 182, suppose l'adoption de mesures règlementaires pour être applicable. Mais les projets de décret et d'arrêté auraient reçu un avis défavorable du Conseil d'État, en décembre 2019, empêchant son entrée en vigueur au 1 er janvier 2020 dans le neuf. Il a pour but de créer un service en ligne sécurisé, destiné à informer sur l'état d'un bien immobilier, sur sa performance environnementale et sur les travaux dont il a fait l'objet.

(2) Secteur social

La réorganisation du secteur social suppose encore l'adoption de mesures règlementaires.

(a) Loi SRU - « Expérimentation Daubresse »

Plusieurs dispositions modifiant la loi SRU sont immédiatement applicables. Tel est le cas de la disposition décomptant les logements objets d'un bail réel solidaire et les logements financés par un prêt social location-accession (PSLA). Il en va de même de l'allongement de 5 à 10 ans de la durée de décompte des logements locatifs sociaux, de la mise en oeuvre d'un nouveau calendrier applicable aux communes entrant dans le champ d'application de la loi SRU, ainsi que de l'exclusion de l'application de la loi SRU des communes d'Ile-de-France de moins de 3 500 habitants n'appartenant pas à l'unité urbaine de Paris. En revanche, l'expérimentation dite « Daubresse », prévue par l'article 130, permettant de mutualiser les objectifs de construction de logements sociaux entre communes d'un EPCI dans le cadre d'un contrat intercommunal de mixité sociale suppose un décret d'application déterminant les intercommunalités éligibles à l'expérimentation.

(b) Gouvernance d'Action Logement

À l'article 102 , le décret n° 2019-500 du 22 mai 2019 relatif aux modalités de fonctionnement du comité des partenaires du logement social a bien été pris. Ce comité est chargé d'émettre des avis sur les orientations et sur le suivi de la distribution des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction. L'affectation de ces moyens financiers est assurée, depuis la réforme du groupe Action Logement par l'ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016, par la filiale Action Logement Service (ALS) dans le respect des principes de non-discrimination. Le comité associe donc Action Logement, les collectivités territoriales et les différents acteurs du logement social. L'article 102 de la loi a précisé la composition des collèges des membres du comité, les modalités de désignation de ces membres ainsi que certaines des règles de fonctionnement du comité. Le décret précise les modalités d'élection du président et du vice-président du comité et les conditions d'organisation de sa première réunion après renouvellement de ses membres, ainsi que les personnes qui sont invitées aux réunions du comité. Il prévoit l'établissement d'un règlement intérieur fixant les règles de fonctionnement usuelles.

Mais faute de l'arrêté de nomination prévu par la loi et faute de convocation par le ministre du logement, ce comité des partenaires est resté lettre morte.

De plus, la loi prévoit, parallèlement, une modification de la gouvernance d'Action Logement, en mettant fin à certaines interdictions de cumul de fonctions entre les conseils d'administration d'Action Logement Groupe, structure faîtière, et ses filiales. Or, le décret, non prévu directement par la loi, mais devant acter ce changement de statut n'a lui non plus toujours pas été publié.

Ces retards sont la cause d'une gouvernance dysfonctionnelle au sein d'Action Logement, sans que le groupe puisse y porter remède. Plusieurs rapports de contrôle l'ont d'ailleurs souligné.

Lors de l'exercice précédent de contrôle d'application des lois, le Gouvernement a affiché sa volonté de ne pas appliquer la loi et indiquant vouloir réformer à nouveau le groupe Action Logement. Des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux. La commission qui a constitué un groupe de suivi sur ce sujet reste extrêmement vigilante sur l'issue de ces discussions afin de garantir l'intégrité du groupe paritaire et des moyens dédiés au logement.

c) Mesures relatives au parc privé : améliorer les relations bailleurs/locataires, faciliter le fonctionnement des copropriétés et lutter contre l'habitat indigne

L' article 199 permet à l'État de céder gratuitement les terrains de son domaine public maritime en Guadeloupe et en Martinique à des organismes agréés identifiés par les communes et exerçant des activités en faveur du logement et de l'hébergement des personnes défavorisées. Il modifie l'article L. 5112-4 du code général de la propriété des personnes publiques, dont le dernier alinéa prévoit l'adoption d'un décret en Conseil d'État pour déterminer les conditions dans lesquelles les terrains autres que ceux libres de toute occupation peuvent être cédés aux communes, aux organismes d'habitat social ou, depuis la loi « ELAN », à ces organismes agréés identifiés par les communes. Si un toilettage des dispositions réglementaires d'application de cet article (articles R. 5112-2 à R. 5112-12 du code) pourrait être envisagé pour y intégrer la mention des « organismes agréés exerçant les activités mentionnées à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation », le Gouvernement n'estime pas nécessaire d'y procéder, en l'absence de difficulté d'instruction liée à ce sujet en pratique.

d) État de publication des ordonnances

La loi ELAN comprenait dix habilitations à légiférer par ordonnances, dont sept dans le secteur du logement et du bâtiment . Votre commission est particulièrement attentive à leur adoption et à leur contenu. En effet, le rapport sur l'application des lois au 31 mars 2018 de notre collègue Valérie Létard avait montré que non seulement le recours aux ordonnances ne permettait pas de légiférer plus vite mais que dans un certain nombre de cas le gouvernement n'utilisait pas l'habilitation qui lui avait été donnée voire préférait finalement légiférer selon la procédure législative ordinaire.

Liste des ordonnances de la loi ELAN

Article

Objet

Terme de l'habilitation

article 65

Adaptation du contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan dans le cadre de la préfabrication

22 mai 2019

Article 88

Politique des loyers dans le parc social

22 mai 2019

Article 88

Transfert différé des quotes parts de parties communes en cas de création de copropriété au sein d'un immeuble HLM

22 mai 2019

Article 198

Habitat indigne

22 mai 2020

Article 215

Codification du droit de la copropriété

22 novembre 2020

Article 215

Fonctionnement des copropriétés

22 novembre 2019

Article 217

Bail numérique

22 mai 2020

Sur les dix, deux ont été abandonnées .

Outre les modifications du droit de la copropriété, la loi ELAN, par son article 215 , habilitait le gouvernement à codifier le droit de la copropriété issue de la loi de 1965 et de ses multiples réformes. Elle précisait que le Gouvernement pourrait « apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ». Mais cette codification a été abandonnée sans plus d'explication que la survenance de la crise sanitaire.

La loi contenait également certaines dispositions relatives à la numérisation des contrats de location . L' article 217 habilitait pendant dix-huit mois le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, des dispositions tendant à définir un régime d'agrément des prestataires assistant les propriétaires et les locataires dans l'établissement d'un bail d'habitation à l'aide d'outils numériques et à améliorer la connaissance des données relatives à ces contrats. L'an passé, au moment du déclenchement de la crise sanitaire, le chantier concernant cette ordonnance n'avait pas débuté. Le délai d'habilitation est désormais expiré .

4. Mesures permettant l'accélération du déploiement des infrastructures numériques dans un cadre équilibré

Toutes les mesures d'application ont été prises dans ce domaine.


* 47 Décret n° 2019-495 du 22 mai 2019 relatif à la prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux.

* 48 Décret n° 2019-1223 du 25 novembre 2019 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

* 49 Arrêté n°PAIC-2019-0150 du 3 décembre 2019.

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