C. UNE NÉCESSAIRE MISE EN COHÉRENCE DES ACTIONS

De nombreux interlocuteurs de la mission d'information ont souligné les limites de la coexistence d'un aussi grand nombre de dispositifs, difficiles à appréhender par les jeunes, mais également par les acteurs locaux en charge de l'insertion, des effets de concurrence ou de cloisonnement pouvant en outre réduire l'efficacité de la prise en charge des bénéficiaires.

Comme l'a souligné lors de son audition M. Louis Schweitzer 204 ( * ) , la difficulté tient cependant moins à ce foisonnement qu'à la capacité, sur le terrain, à proposer aux jeunes qui en ont besoin - et qui ne sont pas toujours repérés par les structures compétentes - la formule la plus adaptée à leur situation.

1. L'action des missions locales
a) L'articulation entre les missions locales et Pôle emploi

Les 436 missions locales pour l'insertion, réparties sur plus de 6 800 sites, jouent un rôle essentiel dans la mise oeuvre de proximité du droit à l'accompagnement des jeunes en difficulté. Le code du travail (art. L. 5314-2) précise qu'elles ont pour objet « d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi ».

Leur action doit donc être complémentaire de celle mise en oeuvre par Pôle emploi. Actuellement, la coordination entre ces deux acteurs est formalisée par un accord cadre, cosigné par l'État, dont le dernier a été conclu en 2015 et reconduit par avenant en 2018.

Cet accord, qui prévoit notamment la délégation par Pôle emploi à la mission locale du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), a fait l'objet d'une évaluation par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) 205 ( * ) , qui a souligné en décembre 2018 les voies d'amélioration qui existent en la matière, soulignant notamment que la délégation de PPAE « se caractérise par des complexités et un défaut de fluidité », qui ne permet pas de suivre et d'accompagner de la manière la plus optimale les jeunes faisant appel à Pôle emploi ou aux missions locales.

Ce rapport recommande de remplacer la délégation de PPAE par un « accompagnement délégué pour les jeunes » (ADJ) qui se traduirait par un premier accueil commun et par la suppression des doubles circuits qui existent encore aujourd'hui. L'Igas formule également plusieurs propositions de nature à permettre une meilleure articulation des actions respectives de Pôle emploi et des missions locales (rapprochement des offres de service, possibilité pour les conseillers Pôle emploi de tenir des permanences au sein des points d'accueil des missions locales, modernisation des systèmes d'information, développement d'une culture partagée...).

Enfin, l'Igas recommande la création, dans chaque bassin d'emploi, d'une équipe commune partenariale associant des personnels des missions locales et de Pôle emploi, chargée du repérage des jeunes en difficulté, notamment dans les QPV et les zones rurales.

La DGEFP a indiqué dans ses réponses à la rapporteure que « des travaux doivent s'engager » pour la refonte de cet accord cadre, sur la base du rapport de l'Igas. Il semble en effet urgent d'agir pour moderniser le cadre de coopération construit en 2015. La note conjointe adressée aux réseaux du service public de l'emploi et aux services déconcentrés de l'État en novembre 2019 marque un premier pas dans la direction d'une meilleure coordination.

Une coopération renforcée est en outre prévue dans le cadre du déploiement du plan « 1 jeune 1 solution ». Une note conjointe de Pôle emploi, de l'Apec et de l'UNML datée du 17 novembre 2020 insiste ainsi sur la nécessité de rendre plus fluides les parcours et de garantir un accompagnement adapté à chaque jeune et prévoit la mise en place d'actions coordonnées des trois réseaux et des services déconcentrés en direction des jeunes mais également des entreprises 206 ( * ) . Cette instruction a d'ailleurs donné lieu à la conclusion d'un avenant, pour 2021, à l'accord-cadre de 2015 entre Pôle emploi et les missions locales. Selon l'UNML, cette démarche « a permis de poser une clé de voûte sur les pratiques partenariales déjà bien avancées en la matière sur les territoires » 207 ( * )

Si une telle démarche de coordination des acteurs du service public de l'emploi est possible pour la mise en place d'un plan ponctuel et dans un contexte de crise sanitaire, il serait utile qu'elle devienne la norme des relations entre ces acteurs.

Recommandation : rénover le cadre de la coopération entre Pôle emploi et les missions locales par la conclusion d'un nouvel accord cadre permettant de mieux articuler leurs actions.

b) L'organisation territoriale

Les missions locales prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public (GIP) et leur création résulte généralement de l'initiative de collectivités territoriales 208 ( * ) . Leur réseau est animé par l'UNML, créée en 2003, mais chacune d'entre elle demeure autonome, sous réserve des missions qui leurs sont confiées par la loi. Ainsi que le soulignait le rapport de l'Igas en 2018, l'autonomie des missions locales et leur capacité d'initiative « font leur force ». Toutefois, face à un risque d'inégalité dans l'accès à l'offre de service en faveur des jeunes, un renforcement de l'organisation du réseau serait souhaitable.

Ainsi, quand certaines missions locales interviennent à l'échelle d'un département, comme dans les Landes, d'autres ont un périmètre beaucoup plus restreint, ce qui entraîne une certaine fragmentation des acteurs sur un même territoire 209 ( * ) , qui manque parfois de pertinence.

La rapporteure considère que c'est bien souvent à l'échelle départementale qu'il convient d'agir afin de proposer aux jeunes des solutions d'insertion, notamment afin d'assurer une cohérence avec l'action du conseil départemental.

L'Igas estimait également dans son rapport que la fusion de missions locales de trop petite taille serait pertinente.

Recommandation : inciter les missions locales à se regrouper à l'échelle départementale lorsqu'une échelle plus fine n'apparaît pas plus pertinente.

c) Vers une extension de la compétence des missions locales ?

Une conception traditionnelle conduit à considérer que les jeunes souffrant de freins périphériques à l'emploi relèvent de la compétence des missions locales tandis que les autres relèveraient davantage de Pôle emploi. Cette distinction, qui peut être difficile à effectuer en pratique, n'est pas cohérente avec la démarche dans laquelle s'inscrit le plan « 1 jeune 1 solution ».

En effet, même pour des jeunes dont on pourrait considérer qu'ils n'ont pas de frein périphérique, la recherche d'un accès direct à l'emploi n'est pas toujours la solution la plus adaptée. L'UNML estime nécessaire de « donner la possibilité aux jeunes de choisir à partir d'une vision d'ensemble du ``champ des possibles'' concernant les démarches qu'ils peuvent engager », et estime que les missions locales, « par leur ancrage territorial, les relations partenariales qu'elles animent, les solutions qu'elles mobilisent et le périmètre large des thématiques qu'elles abordent » sont à même de jouer ce rôle.

La rapporteure estime donc qu'il est souhaitable de mettre fin à la segmentation des publics et de permettre aux missions locales, qui le font parfois déjà, d'agir en faveur de l'ensemble des jeunes de leur territoire. En effet, les missions locales constatent que s'orientent vers elles de nouveaux publics, souvent plus âgés, tels que des étudiants en situation difficile ou souhaitant se réorienter ou des jeunes de 25 à 30 ans sans perspectives d'insertion professionnelle. Elles constituent souvent, sur le terrain, les structures les plus à même de mener des actions de proximité autour desquelles pourrait s'organiser un service public de l'insertion des jeunes sur lequel la réflexion mérite d'être engagée.

En parallèle, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2021 210 ( * ) , il conviendrait d'améliorer la démarche d'évaluation des missions locales. La Cour relève notamment que le travail d'accompagnement social est insuffisamment valorisé et que l'assimilation de la notion de sortie positive à l'obtention d'un emploi ou d'un contrat en alternance est restrictive.

Recommandation : réaffirmer le rôle des missions locales en tant qu'acteur central de l'insertion des jeunes et engager une réflexion sur l'organisation d'un service public de l'insertion des jeunes.

2. La mise en oeuvre de l'obligation de formation

La loi pour une école de la confiance a créé une obligation de formation pour les jeunes sortis du système scolaire avant leur majorité. Cette obligation, entrée en vigueur le 1 er septembre 2020, suppose une étroite collaboration de tous les acteurs afin d'identifier l'ensemble des solutions mobilisables sur les territoires pour les jeunes décrocheurs. Selon le DGEFP, un comité de pilotage régional associant les services de l'État, les collectivités et les missions locales a ainsi été mis en place « dans la plupart des régions ».

La mise en place d'un système d'information permettant l'identification des jeunes décrocheurs, en cours d'élaboration selon les informations données à la rapporteure par la DGEFP, devrait faciliter les échanges d'informations entre les différents acteurs.

3. Un manque de lisibilité et des risques de concurrence et d'éviction

La fragmentation des dispositifs en faveur de l'insertion des jeunes peut être source d'illisibilité tant pour les bénéficiaires potentiels que pour les acteurs chargés de les orienter.

En outre, ces dispositifs peuvent entrer en concurrence les uns avec les autres leur implantation territoriale n'étant pas suffisamment réfléchie 211 ( * ) . Dans son évaluation de l'Épide, la Cour des comptes note notamment que les objectifs quantitatifs assignés aux missions locales pour le déploiement de la Garantie jeunes ont pu entraîner une baisse des orientations vers l'Épide et donc des recrutements dans ce dispositif, alors même que ses capacités d'accueil ont été développées sur la période récente.

Recommandation : mettre en cohérence les différents dispositifs en direction des Neet pour limiter les risques de concurrence et définir une politique d'orientation déclinée en fonction des besoins individuels.

Enfin, l'évaluation des dispositifs au regard du taux de sorties vers l'emploi ou vers une formation qualifiante, qui détermine leur financement, peut introduire un biais dans la sélection au détriment des jeunes les plus éloignés de l'emploi ou inciter à des orientations qui ne sont pas nécessairement les mieux adaptées à la situation du jeune. À titre d'exemple, l'orientation d'un jeune ayant bénéficié d'un Pacea vers l'Épide n'est pas considérée comme une sortie positive pour la mission locale alors que cette solution peut être pour lui le début d'un parcours d'insertion réussi.

Recommandation : remettre en question les règles de financement qui créent des biais dans le recrutement et l'orientation des jeunes en difficulté par les acteurs de l'insertion professionnelle.

Spécificités des principaux dispositifs d'insertion des jeunes

Pacea
(dont Garantie jeunes)

Épide

E2C

SMV

SMA

Public

Jeunes de 16
à 25 ans

« en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle »

Jeunes de 18
à 25 ans

« sans diplôme ou en voie de marginalisation sociale » jouissant de ses droits civiques

Jeunes de 16
à 25 ans « dépourvus de qualification professionnelle ou de diplôme »

Jeunes de 18
à 25 ans « exclus du marché de l'emploi »,

aptes physiquement, jouissant de leurs droits civiques

Jeunes nés dans les départements et territoires d'outre-mer en difficulté

Durée

24 mois max.

8 à 24 mois

48 mois max.

8 à 12 mois 212 ( * )

6 à 12 mois 213 ( * )

Allocation mensuelle

Pacea : Allocation individualisée

GJ : 497,01 €

Partiellement cumulable avec des revenus d'activité

210 € + 90 € de prime capitalisée

200 € (mineurs)

500 € (majeurs) 214 ( * )

Volontaires stagiaires : 345 €

Volontaires experts :

745 €

Volontaires stagiaires : 340,5 €

Volontaires techniciens :

900-1 600 €

Hébergement/
restauration

Non

Oui, en semaine

Non

Oui

Oui

Effectifs annuels

Pacea seul : 340 000 (+80 000)

GJ : 100 000 (+50 000) 215 ( * )

Env. 3 200

Env. 15 600

Env. 900

2020 : 4 194 dont 2 993 volontaires stagiaires

(2019 : 5 787 dont 4 591 VT)

Taux de sortie positive

GJ : 70 % 216 ( * )

52 %

63 %

70 %

76,2 % (81 % en 2019)

Sources : Cour des comptes, documents budgétaires, SMA, ministère des armées

4. Harmoniser les allocations

Les différents dispositifs en faveur des jeunes s'accompagnent d'allocations ou de rémunération et de différents avantages en nature (hébergement, nourriture notamment) qui varient fortement d'un dispositif à l'autre.

Alors que l'allocation PACEA est individualisée et plafonnée, la Garantie jeunes s'accompagne d'une allocation forfaitaire alignée sur le montant du RSA. Les dispositifs relevant essentiellement de la formation professionnelle (E2C) ouvrent droit à la rémunération forfaitaire prévue pour les stagiaires de la formation professionnelle, dont le montant varie avec l'âge. Enfin, l'Épide, qui propose une solution d'internat en semaine, verse à ses volontaires une allocation dont le montant est relativement faible, d'autant plus qu'ils doivent assumer des frais de logement, d'hébergement ou de transport chaque week-end.

La revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle intervenue le 1 er mai 2021 217 ( * ) , si elle a été bienvenue, a mis en évidence le manque de cohérence d'ensemble, puis qu'elle a par exemple concerné les élèves des E2C mais pas ceux de l'Épide.

Recommandation : aligner la rémunération des différents dispositifs, le cas échéant en tenant compte des avantages en nature procurés.

5. Agir plus efficacement vers les publics éloignés des dispositifs existants : l'exemple du PRIJ en Île-de-France

Face à la fragmentation des dispositifs en faveur de l'insertion des jeunes 218 ( * ) et à la difficulté de capter les publics les plus éloignés de l'emploi, la préfecture de la région Île-de-France a mis en place depuis 2018 un plan régional pour l'insertion de la jeunesse (PRIJ).

Selon les termes du préfet de région, ce plan « s'appuie sur le constat selon lequel malgré la multitude des dispositifs d'insertion s'adressant aux jeunes, un certain nombre d'entre eux échappent à l'offre existante » 219 ( * ) .

Il ne s'agit pas d'un dispositif supplémentaire mais d'une méthode, qualifiée de « volontariste et fédératrice » 220 ( * ) permettant d'orienter chaque jeune en difficulté vers l'une des solutions existantes.

Ce plan repose sur la constitution, à l'échelle d'un ou plusieurs quartiers, de groupes opérationnels chargés de repérer les jeunes Neet , de prendre contact avec eux (« aller vers ») pour leur proposer un accompagnement personnalisé (« faire avec »).

Généralement composé du délégué du préfet et des représentants de la commune, de la mission locale, de Pôle emploi, de l'éducation nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse, de la caisse d'allocations familiales et des associations de prévention spécialisée, le groupe opérationnel échange sur les situations individuelles des jeunes et les solutions d'orientation. Il assure le suivi de leur parcours. Le groupe opérationnel favorise aussi la connaissance mutuelle des différentes structures en charge de l'insertion dans un territoire et de leur offre de service. Ce décloisonnement est l'un des principaux apports du PRIJ.

Une autre avancée majeure tient à la transmission de la liste des décrocheurs aux groupes opérationnels par les services de l'éducation nationale , prévue par une convention entre l'État et la région 221 ( * ) . Ainsi, un contact systématique peut être établi avec les jeunes concernés, ce qui est loin d'être le cas dans les dispositifs habituels de soutien à l'insertion.

Cette démarche est un élément extrêmement important pour mettre en oeuvre d'un accompagnement adapté à la situation de jeunes qui ne s'adressent pas spontanément aux services publics ou structures d'insertion, ou avec lesquels le suivi s'interrompt après les premiers contacts. Elle contribue également à lutter contre les phénomènes de non-recours , dont M. Louis Schweitzer a souligné l'ampleur devant la mission d'information 222 ( * ) . L'expérience du PRIJ pourrait d'ailleurs inspirer la mise en place de territoires « zéro non-recours » qu'il suggère.

L'accompagnement des jeunes au quotidien est réalisé par des référents de parcours (conseillers en insertion professionnelle, éducateurs, médiateurs ou travailleurs sociaux). Ils ont mission d'effectuer le repérage, y compris en allant à leur rencontre sur le terrain lorsqu'un contact téléphonique n'a pas pu être établi, de mobiliser le jeune et de participer à l'orientation et au suivi du parcours.

Ce plan régional s'articule avec les dispositifs de droit commun, gérés notamment par les missions locales, mais aussi avec les initiatives lancées récemment au niveau national, notamment le plan « 1 jeune 1 solution » et l'obligation de formation pour les 16-18 ans.

Si le pilotage global est assuré par la préfecture de région, les préfets de départements et, surtout, les préfets délégués à l'égalité des chances (PDEC) sont fortement mobilisés. Au niveau de chaque territoire, la gouvernance associe étroitement les collectivités territoriales (départements, communes) et les acteurs de terrain (missions locales notamment) selon des modalités qui varient d'un territoire à l'autre.

Le déploiement du PRIJ suppose une coordination poussée entre les différents acteurs de l'insertion sociale et professionnelle : services de l'État, de Pôle emploi, caisses d'allocations familiales, missions locales, collectivités territoriales, tissu associatif...

Au 31 mars 2021, près de 5 000 jeunes avaient été accompagnés depuis le lancement du PRIJ et le taux de sorties positives était de 45,5 % .

Lancé initialement dans 77 quartiers, il couvre désormais 95 QPV. Il a été décidé cette année d'étendre le PRIJ à 102 nouveaux quartiers, ce qui couvrira 197 des 272 QPV d'Île-de-France et 87 % des Franciliens résidant en QPV.

Le PRIJ fait l'objet d'une évaluation in itinere confiée à l'association FORS recherche sociale, qui a publié un rapport en janvier 2021. Elle met en lumière une appropriation inégale du plan selon les situations locales , avec des groupes opérationnels actifs et des acteurs privilégiant la cible des jeunes les plus exclus, alors que pour d'autres, les cloisonnements peinent à être levés et la teneur des échanges comme les résultats restent limités. Elle conclut à la pertinence de la démarche , fondée sur de nouvelles modalités de repérage et une meilleure mobilisation des dispositifs présents sur le territoire.

Schéma de la prise en charge des décrocheurs dans le cadre du PRIJ

Source : Rapport d'évaluation du PRIJ, FORS-recherche sociale, janvier 2021

Le PRIJ dans l'agglomération Roissy Pays de France

La rapporteure de la mission d'information a rencontré le 8 juillet 2021 à Sarcelles , à l'antenne de la mission locale Val-d'Oise-Est , les principaux acteurs du plan régional d'insertion pour la jeunesse dans l'agglomération Roissy Pays de France.

Le Val-d'Oise présente une population jeune (45 % de moins de 30 ans) et peu qualifiée. Dans l'Est du département, le taux de chômage des jeunes est de 32,9 % contre 28,2 % pour l'ensemble du département et 25,9 % pour l'Île-de-France.

La communauté d'agglomération Roissy Pays de France compte 42 communes et 352 000 habitants. Le PRIJ couvre l'ensemble des QPV de l'agglomération, qui représentent 120 000 habitants répartis sur 8 communes. Sur ce périmètre, plusieurs groupes techniques opérationnels ont été mis en place et se réunissent tous les deux mois pour examiner la situation de chaque jeune repéré, définir une proposition d'orientation et effectuer le suivi des situations précédemment traitées.

Au cours des échanges avec les représentants de l'État, des communes, de la mission locale et des associations de prévention spécialisée, il a été souligné que le PRIJ s'appuie sur l'existant, mais renforce les synergies, la capacité de réponse de chaque partenaire s'enrichissant de l'expertise des autres participants. Le repérage actif effectué par les référents de parcours permet de toucher des jeunes « invisibles » aux yeux des structures institutionnelles, et pourtant très visibles dans l'espace public. Le travail collaboratif autour du parcours du jeune permet notamment de lever plus rapidement et plus efficacement les freins périphériques à l'insertion (logement, santé, freins administratifs ou sociaux).

Depuis le lancement du PRIJ au sein de l'agglomération en 2019, 646 jeunes ont été accompagnés, dont 336 (52 %) ont eu une sortie positive.

Le PRIJ emploie actuellement 15 personnes (coordination, référents de parcours, adultes relais) pour un budget annuel d'environ 850 000 euros.

Cette initiative de l'État déconcentré démontre à la fois les limites de la fragmentation de l'action publique en faveur de l'insertion des jeunes et les résultats qui peuvent être obtenus grâce à une coordination volontariste et une démarche « d'aller vers » : identification plus complète des jeunes nécessitant un accompagnement, orientation plus adaptée vers les dispositifs existants, meilleure prise en compte des « freins périphériques » (logement, mobilité, obstacles administratifs), réduction des phénomènes de non-recours.

Toutes les régions du territoire national ne se prêtent pas à la mise en place d'un tel pilotage régional. Il conviendrait toutefois que l'État étudie attentivement ce qu'il a mis en place - par l'intermédiaire de la préfecture de région - en Île-de-France 223 ( * ) et identifie les éléments de ce plan qui peuvent être essaimés ailleurs, notamment en transposant aux zones rurales, par exemple sous la responsabilité des sous-préfets, ce que le PRIJ prévoit dans les QPV.

Recommandation : mettre en oeuvre une analyse des résultats obtenus par le PRIJ en termes de repérage des jeunes en difficulté et de décloisonnement de leur accompagnement afin d'en tirer des enseignements et déterminer les éléments susceptibles d'être essaimés en dehors de l'Île-de-France, y compris dans les territoires ruraux.

Les cités de l'emploi

Inspirées des cités éducatives, les cités de l'emploi consistent en une coordination renforcée des acteurs de l'emploi à l'échelle d'un territoire, dans le cadre d'un contrat de ville, afin d'améliorer le repérage des personnes éloignées de l'emploi et leur orientation vers les solutions existantes. Le dispositif est co-piloté, au niveau local, par le préfet et une collectivité territoriale (souvent un EPCI). La forme que prend la gouvernance locale de chaque projet est laissée à l'appréciation des acteurs, qui doivent s'appuyer sur les instances locales existantes.

Au niveau national, le dispositif est animé par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), en lien avec la DGEFP.

Une enveloppe de 100 000 euros par an peut être attribuée pour fournir les moyens d'ingénierie nécessaires.

La philosophie de ce dispositif est proche de celle du PRIJ, même si les cités de l'emploi ne concernent pas que les QPV ni que les jeunes. Six territoires couverts par le PRIJ bénéficient d'ailleurs d'une labellisation au titre des cités de l'emploi.

Alors qu'une expérimentation avait été lancée à partir de 2020 dans 24 territoires, le Premier ministre a annoncé, dans le cadre du comité interministériel des villes (CIV) réuni le 29 janvier 2021, la création de 60 nouvelles cités de l'emploi en 2021.

Une instruction publiée en mai 2021 224 ( * ) demandait ainsi aux préfets de départements de faire remonter une liste de sites candidats à la labellisation.


* 204 « Cela peut donner l'impression d'un foisonnement vu d'en haut, mais si la réalité est que, où que vous soyez, il y ait quelqu'un à qui vous adresser ou qui vienne à vous, le problème ne se pose pas. », audition de M. Louis Schweitzer, 26 mai 2021.

* 205 Igas, Évaluation du partenariat renforcé entre Pôle emploi et les missions locales , rapport n° 2018-058R, décembre 2018.

* 206 Source : réponses de la DGEFP au questionnaire de la rapporteure.

* 207 Source : réponses de l'UNML au questionnaire de la rapporteure.

* 208 L'article L. 5314-1 du code du travail dispose que les missions locales peuvent être constituées entre l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations.

* 209 À titre d'exemple, le département des Pyrénées-Atlantiques, voisin des Landes, compte une mission locale pour le Pays Basque et trois pour le Béarn (Pau ; Mourenx-Oloron-Orthez ; Béarn-Adour pour le nord-est du département).

* 210 Cour des comptes, rapport public annuel 2021, Tome II, Les relations entre le ministère du travail et les acteurs associatifs .

* 211 La Cour des comptes pointe notamment les limites de l'implantation territoriale de l'Épide, résultant de la disponibilité d'anciens sites militaires.

* 212 Le contrat de volontaire stagiaire (jeunes sans diplôme) est d'une durée de 8 à 12 mois non renouvelable. Le contrat de volontaire expert (jeunes ayant au moins un CAP) est d'une durée de 12 mois renouvelable quatre fois.

* 213 Le parcours de volontaire stagiaire peut prendre la forme d'un cursus court (6 ou 8 mois) pour les jeunes titulaires d'un CAP ou d'un BEP ou un cursus long (8 à 12 mois) pour les jeunes sans diplôme. Un contrat de volontaire technicien a une durée de 12 mois, renouvelable 4 fois.

* 214 Barème de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle tel que revalorisé par le décret n° 2021-522 du 29 avril 2021.

* 215 Source : Documents budgétaires 2021. Le plan de relance prévoit l'accompagnement en Pacea de 130 000 jeunes supplémentaires, dont 50 000 en Garantie jeunes.

* 216 Source : Projet annuel de performance 2019, prévision pour 2019. Pour les exercices suivants, l'indicateur a été modifié et ne comptabilise plus les sorties vers une formation.

* 217 Décret n° 2021-522 du 29 avril 2021 fixant les taux et les montants des rémunérations versées aux stagiaires de la formation professionnelle.

* 218 La préfecture de la région Île-de-France recensait ainsi 54 dispositifs distincts.

* 219 Préfecture de région Île-de-France, Kit pratique pour le déploiement et l'essaimage du PRIJ en Île-de-France .

* 220 Préfecture d'Île-de-France, réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 221 Une charte déontologique validée par la Cnil encadre les échanges d'informations nominatives relatives aux jeunes suivis.

* 222 « La plupart des experts estiment qu'environ un tiers des personnes qui ont droit une prestation ne l'exercent pas. », audition de M. Louis Schweitzer, 26 mai 2021.

* 223 Il ressort des auditions de la mission que le PRIJ est une initiative lancée sans que les administrations centrales ou le Gouvernement en soit à l'origine.

* 224 Instruction du Gouvernement du 12 mai 2021 relative à l'extension territoriale du programme Cité de l'emploi ; NOR : TERB2102503J.

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