Rapport d'information n° 543 (2021-2022) de Mme Annick BILLON , M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 février 2022

Disponible au format PDF (3,1 Moctets)

Synthèse du rapport (586 Koctets)


N° 543

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 février 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) établissant le « bilan des mesures éducatives
du quinquennat »,

Par Mme Annick BILLON, M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER,

Sénatrices et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

L'ESSENTIEL

Le quinquennat a été riche de réformes en matière éducative. Si certaines sont issues de dispositions législatives, et notamment de la loi pour une école de la confiance, d'autres n'ont fait l'objet que de débats limités au Parlement, à l'image de la réforme du lycée. Aussi, la commission de la culture a souhaité dresser un bilan du quinquennat en matière éducative, à travers l'analyse de six objectifs et mesures phares : le lien entre école et société, l'abaissement de l'âge d'instruction à trois ans, le développement de l'école inclusive, la priorité donnée au primaire à travers les politiques de limitation des effectifs de la grande section au CE1, la réforme du lycée et l'attractivité du métier d'enseignant .

Pour les rapporteurs, dans de nombreux cas, la mise en oeuvre de ces réformes donne l'impression d'une politique publique menée dans la précipitation, à la mise en oeuvre mal accompagnée. Au final, de nombreux objectifs n'ont pas été atteints conduisant à un sentiment de « naviguer à vue », de « générations d'élèves cobayes » ou une déception pour le personnel enseignant.

Face à ce constat, la commission a adopté les 36 propositions des rapporteurs.

I. D'UNE LOI POUR L'ÉCOLE DE LA CONFIANCE À UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR LA DÉFIANCE

Le renforcement du respect envers l'institution scolaire ainsi que l'instauration d'une relation de confiance entre la société et l'école étaient au coeur des ambitions du ministre. Cet objectif n'a pas été atteint.

Seulement 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société et moins d'un Français sur deux estime que l'institution scolaire est efficace dans la transmission des savoirs fondamentaux.

La relation entre les personnels de l'éducation nationale et leur ministre est fortement dégradée . La multiplication des injonctions (vademecum, « guides », foires aux questions) sont autant de circulaires déguisées qui brident l'autonomie des établissements publics locaux d'enseignement et la liberté pédagogique des enseignants .

II. L'ABAISSEMENT DE L'ÂGE D'INSTRUCTION À 3 ANS : UNE RÉFORME SYMBOLIQUE INSUFFISAMMENT ACCOMPAGNÉE

En 2018, la quasi-totalité des enfants de 3 ans, - cette proportion atteignant 99,9 % pour les 4 ans et 100 % pour les 5 ans - était déjà scolarisée, par la volonté de leurs parents. La loi n'a fait que suivre un mouvement ancien de société .

• À Mayotte et en Guyane, une mise en oeuvre inachevée

« L'école de la République est la maison commune de toute la jeunesse de France. À ce titre, elle doit apporter à tous les élèves, où qu'ils se trouvent sur le territoire, dans l'hexagone comme outre-mer, la même chance de réussir et la même envie de saisir cette chance » (Jean-Michel Blanquer, examen du projet de loi pour une école de la confiance au Sénat, mars 2019).

Deux départements, Mayotte et la Guyane, étaient plus particulièrement concernés par cette loi en raison du taux significativement plus faible de scolarisation des élèves de maternelle (respectivement 77,9 % et 77,7 %) que la moyenne nationale (99,8 % à la rentrée 2020).

2 800 enfants en Guyane et 6 200 enfants à Mayotte en âge d'aller en maternelle ne sont toujours pas scolarisés. Interrogé par les rapporteurs, le ministère se fixe comme objectif une scolarisation de tous les enfants dès 3 ans pour 2025, soit plus de 6 ans après l'entrée en vigueur de la loi . Pour les six générations d'élèves concernées, ce sont des temps essentiels d'apprentissage perdus .

• Un abaissement non accompagné de l'âge d'instruction obligatoire

L'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire ne s'est pas traduit par une politique d'accompagnement des enseignants et des personnels. Trop peu de modules de formation continue sont destinés aux enseignants exerçant en maternelle, notamment sur l'accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers. L'action principale du Gouvernement se traduit par la rédaction de deux guides à destination des enseignants : « pour enseigner le vocabulaire à l'école maternelle » et « pour préparer l'apprentissage de la lecture et de l'écriture à l'école maternelle ».

Au lieu de multiplier ces guides, qui limitent la liberté pédagogique des enseignants, les rapporteurs recommandent des efforts massifs en termes de formation initiale et continue .

III. DES PROGRÈS EN FAVEUR DE L'ÉCOLE INCLUSIVE MAIS UNE POLITIQUE À POURSUIVRE

Sur le quinquennat, les crédits dédiés à l'école inclusive ont progressé de 65 % pour atteindre 3,5 milliards d'euros dans le budget pour 2022. Le nombre d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) a augmenté de 33 % sur l'ensemble du quinquennat .

• Les PIAL, un nouveau mode de gestion des ressources humaines

Depuis la rentrée 2021, l'ensemble du territoire national est couvert par des PIAL (pôles inclusifs d'accompagnement localisés).

Les PIAL sont principalement un outil de gestion des ressources humaines, permettant de répondre au plus vite aux besoins d'accompagnement .

Leur mise en place a entraîné de profondes évolutions du métier d'AESH comme l' augmentation du nombre d'élèves suivis de manière simultanée et l'uniformisation à la hausse des quotités de travail proposées. Certains PIAL ont pris un engagement moral en termes de distance maximale entre les lieux d'affectation des AESH ou organisent des réunions de pré-rentrée pour entendre leurs souhaits d'affectation. Les rapporteurs recommandent de généraliser ces initiatives.

• Une évolution des conditions de recrutement des AESH, qui demeurent précaires

Les conditions de recrutement des AESH se sont améliorées lors de ce quinquennat. Principalement recrutés auparavant sous le statut de contrats aidés, ils le sont désormais en CDD de trois ans renouvelable une fois avant de se transformer en CDI. Ils bénéficient désormais d'une formation initiale de 60 heures. Certains PIAL ont entrepris un recensement des besoins de leurs AESH pour proposer des modules adaptés.

Les rapporteurs appellent à un renforcement de la formation des AESH, en partant de leurs besoins. Il est inacceptable que certains financent sur leurs fonds propres des formations pour prendre en charge les besoins des élèves qu'ils accompagnent .

Les conditions de rémunération ont progressé mais demeurent précaires. Un AESH perçoit pour l'accompagnement complet d'un élève du primaire - soit 24 heures - une rémunération mensuelle brute de 978 euros. Les AESH sont des acteurs essentiels du service public de l'école inclusive : les rapporteurs préconisent d'améliorer leurs perspectives et parcours de carrières .

Par ailleurs, l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par une compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain. Un trop grand nombre de demandes d'accompagnement trouve leur origine dans un défaut de formation des personnels ou d'adaptation des conditions d'accueil d'un élève.

IV. L'ÉCOLE PRIMAIRE : « PRIORITÉ DES PRIORITÉS »

• Le dédoublement des classes de grande section au CE1 en éducation prioritaire : une promesse en cours de réalisation

Promesse de campagne présidentielle, le dédoublement des classes de CP et CE1 situées en zone d'éducation prioritaire a commencé à la rentrée 2017 et se fait de manière progressive. 100 % des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire sont désormais dédoublées . Le dédoublement des classes de grande section sera achevé au plus tôt à la rentrée 2023 - mais on constate une baisse nette des effectifs moyens en grande section dès cette année.

• Des premiers résultats mitigés au regard des moyens importants consacrés

Le dédoublement des classes à des effets positifs en mathématiques, notamment pour les élèves les plus en difficulté. Néanmoins, le budget conséquent n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP + .

Cette réforme doit s'accompagner d'une vigilance toute particulière pour les classes de CE2 à CM2 : + 6 à 7 élèves par classe en CE2, du fait de la fin du dédoublement.

• Des interrogations sur les moyens consacrés à la réduction des effectifs

En avril 2019, le Président de la République a annoncé un plafonnement à 24 élèves des effectifs des classes de grande section au CE1 hors éducation prioritaire, en plus du dédoublement en éducation prioritaire. Ces deux mesures - dédoublement et plafonnement - nécessitent 19 300 emplois . Sur l'ensemble du quinquennat, seuls un peu plus de 7 000 ETP ont été créés.

La différence entre les moyens nécessaires et les ETP créés est de plus de 12 200 ETP .

Baisse démographique, fin du dispositif « plus de maîtres que de classes » - sans évaluation -, et réforme de la formation initiale comblent en partie cette différence. Les rapporteurs appellent néanmoins à une vigilance particulière dans le suivi de ces réformes : elles ne doivent pas se faire au détriment des moyens de remplacement ou par des suppressions de postes .

V. UNE RÉFORME DU LYCÉE AU MILIEU DU GUÉ

• Un premier bilan en demi-teinte

À la rentrée 2019, 426 triplettes ont été choisies par au moins un élève au niveau national. Il faut désormais 15 triplettes de spécialités pour retrouver 80 % des élèves de première . Mais, élèves et enseignants ont l'impression de naviguer à vue, dans une réforme mise en place de façon précipitée. Il est en effet difficile de choisir les spécialités et options sans connaître les attendus de l'enseignement supérieur.

• L'orientation : clé de voûte du nouveau système, mais parent pauvre de l'éducation nationale

« À partir de la seconde, et jusqu'à l'enseignement supérieur, les élèves passent à une autre étape, plus autonome, fondée sur des choix responsables, en étant accompagnés. C'est le sens de la réforme » (Jean-Michel Blanquer, débat au Sénat sur la réforme du lycée, octobre 2018).

des professeurs principaux et 65 % des proviseurs n'ont reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d'orientation . L'accompagnement des élèves fait aujourd'hui défaut.

Faute de dotation horaire globale (DHG) suffisante, dans un contexte de réforme du lycée fortement consommatrice d'heures pour les enseignements de spécialité et les options, de nombreux élèves ne bénéficient pas de leurs 54 heures d'orientation annuelles. La réforme du lycée risque d'accroître les inégalités territoriales entre les lycées où ces heures peuvent se dérouler et les autres qui, faute de DHG suffisante, ne sont pas en mesure de les organiser .

Les lycées de petite taille connaissent des difficultés fortes, non seulement pour programmer des heures d'orientation mais aussi pour proposer suffisamment de spécialités et d'options.

• Une prise en compte de la réforme perfectible par l'enseignement supérieur

Les réformes sur l'orientation et la réussite des étudiants et du lycée ont été conçues en silo et mises en oeuvre de manière parallèle, alors qu'elles auraient dû être liées.

Les filières du supérieur doivent davantage se mobiliser afin de prendre en compte la réforme du lycée : trop de filières sont dans une attitude attentiste ou estiment que le tronc commun suffit, allant à l'encontre de l'esprit de cette réforme.

VI. ENSEIGNANT : UN MÉTIER EN MANQUE D'ATTRACTIVITÉ ?

des enseignants se demandent s'ils n'auraient pas mieux fait de choisir une autre voie professionnelle que l'enseignement.

des enseignants estiment que leur pouvoir d'achat s'est dégradé ces cinq dernières années, une proportion largement supérieure à l'ensemble de la fonction publique (56 % estiment avoir subi une telle dégradation).

• Une réforme de la formation initiale qui a du mal à atteindre ses objectifs

La réforme des INSPÉ avait notamment pour objectif de renforcer la professionnalisation des futurs enseignants par l'inscription dans les maquettes pédagogiques, d'une part de stages d'observation puis en responsabilité devant les élèves, et d'autre part, par une part accrue de cours réalisés par des professionnels de terrain .

Or, trop peu de stages devant élèves sont proposés par les rectorats : en moyenne 1 contrat pour 1,6 étudiant pour le premier degré, 1 pour 1,5 étudiant pour le second degré - avec des différences fortes selon les disciplines -, et 1 pour 3,2 formations conseillers principaux d'éducation (CPE). En outre, les INSPÉ dépendent des moyens mis à disposition par les rectorats pour assurer la part des cours par des professionnels de terrain.

Pour les rapporteurs, il est nécessaire d'avoir une action volontariste du ministère afin de s'assurer que l'objectif d'une meilleure préparation des étudiants à leur futur métier d'enseignant soit atteint : meilleure valorisation des stages devant les élèves, lors des concours de recrutement ; proposition d'un stage pour tous les étudiants en master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) par les rectorats ou encore mise à disposition de moyens pour que le pourcentage des cours réalisés en INSPÉ par des professionnels de terrain respecte les textes réglementaires.

• Une revalorisation salariale à 1,16 milliard d'euros en 2021-2022 à poursuivre

À la suite du Grenelle de l'éducation, les enseignants ont bénéficié de primes et de revalorisation. Elles concernent principalement les débuts de carrière . En 2022, le périmètre de la prime d'attractivité doit être élargi et bénéficier à 58 % des professeurs, CPE et Psy-EN.

Les rapporteurs estiment que ces efforts doivent être poursuivis. Au-delà de primes, ils préconisent une accélération des rendez-vous de carrière, afin d'améliorer la rémunération des enseignants .

LES 36 PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

1. Défendre systématiquement par la hiérarchie toute remise en cause de l'autorité de l'enseignant ou les contestations d'enseignement, notamment par la mise en place automatique de la protection fonctionnelle pour les enseignants et garantir la même célérité dans le suivi des dépôts de plainte des enseignants que pour d'autres personnes chargées d'une mission de service public.

2. Garantir aux établissements publics locaux d'enseignement la capacité d'agir dans leurs domaines d'autonomie.

3. Attribuer aux directeurs d'école la capacité de décision à la dérogation à l'assiduité scolaire en petite section de maternelle, en instaurant un contrôle a posteriori du DASEN à des fins d'harmonisation des pratiques.

4. Accompagner l'accueil précoce des enfants en maternelle par une politique de formation commune des enseignants et des ATSEM à la spécificité de l'accueil de ces très jeunes enfants.

5. Introduire un module spécifique à la maternelle dans les INSPÉ.

6. Éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés en petite section.

7. Prévoir, dans chaque plan départemental et académique de formation, des formations continues spécifiques à la maternelle, et notamment à l'accueil des élèves à besoins particuliers.

8. Évaluer les conditions et la qualité d'accueil, ainsi que les coûts directs et indirects pour les collectivités locales de l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire.

9. Assurer par les PIAL une couverture de territoires limités, tenant compte de la géographie, afin de limiter les temps de trajets entre établissements pour les AESH.

10. Prendre en compte le trouble dont souffre l'enfant, d'une part, et les formations et expériences de l'AESH, d'autre part, dans l'affectation de celui-ci.

11. Renforcer la formation des AESH notamment dans le cadre de leur formation continue, en partant de leurs besoins.

12. Augmenter la base semaine de calcul actuellement fixée à 41 semaines, afin d'améliorer la rémunération des AESH.

13. Encourager le recours à la mise à disposition, afin d'assurer un accompagnement de l'enfant pendant le temps périscolaire, dans le respect du droit du travail pour l'AESH.

14. Réaliser au cours des années scolaires 2021-2022 et 2022-2023, les formations des enseignants sur l'école inclusive prévues en 2019 et 2020, mais reportées pour cause de pandémie.

15. Assurer un continuum dans l'accueil des enfants en situation de handicap et augmenter les places dans les établissements médico-spécialisés.

16. Prévoir une formation systématique portant sur le niveau de la classe dédoublée qu'a en charge l'enseignant, telle qu'ont pu en bénéficier les enseignants concernés par les premiers dédoublements.

17. Accompagner les enseignants dans le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement cette réduction d'effectifs dans les classes.

18. Renforcer, pour les classes du CE2 au CM2 ne bénéficiant pas de mesures de dédoublement, les mesures d'accompagnement scolaire, pour que les avantages en termes d'acquisition des connaissances du dédoublement ne se dissipent pas.

19. Introduire pour tous les élèves de première et de terminale un enseignement de mathématiques, pouvant prendre la forme de mathématiques appliquées.

20. Garantir une information et un accompagnement de qualité pour les élèves sur les enseignements de spécialités et les options, afin d'éviter une combinaison de choix les conduisant dans une impasse pour la poursuite de leurs études.

21. Lutter contre les stéréotypes de genre associés à certains enseignements et favoriser l'orientation des filles vers les spécialités et poursuites d'études scientifiques.

22. Prévoir une dotation horaire spécifique pour les établissements isolés ou de petite taille, afin de garantir un déploiement équitable de la réforme du lycée.

23. Garantir la présence des options « mathématiques expertes », « mathématiques complémentaires » ou encore de « droit et grands enjeux du monde contemporain » dans tous les établissements et les exclure du calcul de la dotation horaire globale.

24. Permettre, à titre dérogatoire et pour un nombre restreint d'établissements, le recours à un enseignement hybride (en alternant enseignements présentiel et à distance) et en évaluer le résultat du point de vue de l'élève, de l'établissement et de l'enseignant.

25. Inscrire les 54 heures annuelles d'orientation dans la grille horaire des enseignements des lycées généraux et technologiques.

26. Sanctuariser les heures d'orientation, en plus de la dotation horaire globale afin de permettre à chaque établissement de disposer des marges de manoeuvre suffisantes pour les mettre en place.

27. Renforcer la formation des professeurs principaux et référents en matière de conseil pour la poursuite d'études.

28. Mieux mobiliser et coordonner l'ensemble des acteurs de l'orientation - équipe pédagogique, CIO, régions, établissements de l'enseignement supérieur - afin d'accompagner au mieux les élèves.

29. Définir et mettre en oeuvre une politique nationale et académique volontariste garantissant à chaque étudiant en master MEEF de pouvoir bénéficier d'un stage, tel que le prévoit sa maquette de formation.

30. Mieux prendre en compte, pour les étudiants faisant le choix du master MEEF, les stages de terrain, en valorisant davantage ses expériences devant les élèves dans les concours de recrutement.

31. Définir une politique nationale et académique volontariste pour mettre à disposition en master MEEF des professionnels de terrain afin de respecter l'objectif de la réforme des INSPÉ.

32. Labelliser dès la licence des parcours d'études permettant de préparer aux métiers de l'enseignement.

33. Accélérer les rendez-vous de carrière, afin de revaloriser les rémunérations pour les enseignants.

34. Développer les échanges de bonnes pratiques entre les enseignants.

35. Valoriser la formation continue dans le déroulement de carrière.

36. Mettre en place une « formation initiale continuée » permettant un meilleur accompagnement de l'enseignant durant ses premières années d'exercice.

I. D'UNE LOI POUR L'ÉCOLE DE LA CONFIANCE À UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR LA DÉFIANCE

A. RENFORCER LE RESPECT DÛ AUX PROFESSEURS : UN OBJECTIF AU CoeUR DE LA LOI POUR UNE ÉCOLE DE LA CONFIANCE

Renforcer le respect de la société envers les enseignants et l'institution scolaire. Tel est l'objectif affirmé par le ministère à travers l'article 1 er de la loi pour une école de la confiance de juillet 2019. Lors de son examen, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale a déclaré devant le Sénat : « la question de la dignité des professeurs et de leur juste place dans la société est évidemment au coeur du sujet [...] je le dis très clairement : cet article entend renforcer le respect dû aux professeurs » et d'ajouter « le titre de ce projet de loi pour une école de la confiance fait de ce dernier terme le fondement de notre projet. » 1 ( * ) . À cet égard, le nouvel article L. 111-3-1 du code de l'éducation, introduit par cette loi précise que « l'engagement et l'exemplarité des personnels de l'éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l'établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l'égard des professeurs, de l'ensemble des personnels et de l'institution scolaire » .

B. UNE INSTITUTION SCOLAIRE BOUSCULÉE

1. Des interrogations fortes sur la capacité de l'institution scolaire à remplir ses missions

Force est de constater que cet objectif n'est pas atteint au regard de la défiance de la Nation envers l'institution scolaire. Le sondage réalisé pour le Sénat par l'institut CSA, à l'occasion de l'Agora de l'éducation qui s'est tenue le 26 janvier dernier en témoigne : 53 % des Français estiment que l'école fonctionne mal , cette proportion atteignant 76 % chez les enseignants. Le système éducatif actuel a du mal à prendre en charge efficacement ses principales missions.

Capacité de l'institution scolaire à prendre en charge les missions suivantes

Grand public

Parents d'élèves

Enseignants

L'acquisition des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui)

44 %

57 %

38 %

La préparation aux études supérieures

40 %

47 %

34 %

La transmission des principes de la République

36 %

51 %

52 %

La résorption des inégalités

31 %

41 %

23 %

L'orientation des élèves

29 %

37 %

34 %

Source : « Perceptions et attentes vis-à-vis du système scolaire : regards croisés des Français et des enseignants », sondage réalisé pour le Sénat par l'institut CSA, janvier 2022

L'avenir de l'école semble morose : 65 % du grand public est pessimiste pour son avenir ; cette proportion atteignant 79 % chez les enseignants.

À de nombreuses reprises, le ministre a indiqué que « la logique du pas de vague n'est plus la logique de l'éducation nationale » . Cette volonté de respect de l'école et des enseignants, affirmée tout au long du quinquennat par le ministre, ne s'est pas traduite du point de vue des enseignants par des actes concrets et une réelle évolution au quotidien. D'ailleurs, les enseignants se sentent de plus en plus mal aimés. La dernière enquête Talis de l'OCDE en 2018 offre une photographie révélatrice de ce mal-être : seuls 4  % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société 2 ( * ) . Pour les rapporteurs, ce discours politique doit se traduire concrètement par un soutien systématique des enseignants et de l'école par leur hiérarchie. Toute remise en cause de l'autorité de l'enseignant, contestations et menaces de la part des élèves ou de leurs parents doivent faire l'objet d'une réponse ferme de la part de l'institution scolaire (application des sanctions disciplinaires, bénéfice automatique d'une protection fonctionnelle de l'enseignant). Par ailleurs, toute outrage ou acte de violence doit faire l'objet d'un dépôt de plainte et d'une instruction par la justice avec la même célérité que les outrages et violences à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Enfin, les personnels de l'éducation nationale concernés doivent être informés des suites données à leur plainte.

Proposition n° 1 :

Défendre systématiquement par la hiérarchie contre toute remise en cause de l'autorité de l'enseignant ou les contestations d'enseignement, notamment par la mise en place automatique de la protection fonctionnelle pour les enseignants et garantir la même célérité dans le suivi des dépôts de plaintes des enseignants que pour d'autres personnes chargées d'une mission de service public.

2. Une évolution positive de la relation parents-école du fait du confinement

Le confinement entre le 17 mars et le 3 mai 2020 a pu, sous certains aspects, faire évoluer le regard de la société sur l'école .

Selon la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) 3 ( * ) , plus de la moitié des parents estiment que les échanges et la communication sont plus fréquents en 2020-2021 qu'avant la crise sanitaire. Cette proportion atteint 61 % pour les parents dont les élèves sont scolarisés en éducation prioritaire. En outre, les échanges entre les familles et l'enseignant au sujet de l'année scolaire à venir ont été bien plus nombreux que les années précédentes.

Côté Éducation nationale, les directeurs d'école soulignent les incidences positives du confinement sur les relations entre l'institution scolaire et les familles . C'est notamment le cas en REP (réseau d'éducation prioritaire) et REP + où la grande majorité de ces directeurs estiment que la mise en place de la continuité pédagogique pourrait avoir une incidence positive sur le lien entre l'école et les familles.

Opinion des directeurs d'école sur les incidences du dispositif de continuité pédagogique sur les relations avec les familles

Source : DEPP, note 21.04, janvier 2021

3. Une relation très dégradée entre les personnels de l'Éducation nationale et leur ministre

Les rapporteurs regrettent la multiplication des injonctions ministérielles lors de ce quinquennat : vademecum, guides ou encore foire aux questions - injonction d'un genre nouveau qui s'est développée à la faveur de la pandémie et dont les réponses font offices de règles à appliquer. Ce sont autant de « circulaires déguisées » qui réduisent l'autonomie des chefs d'établissement, des directeurs d'école ou la liberté pédagogique des enseignants.

Plus de 40 ans après la création des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), force est de constater que leur marge d'autonomie est de plus en plus faible. Alors que les textes réglementaires leur reconnaissent une certaine autonomie éducative et pédagogique, celle-ci est réduite à portion congrue dans les faits.

Les domaines d'autonomie des EPLE

L'article R. 421-2 du code de l'éducation prévoit 8 domaines d'autonomie pour les EPLE.

« art. R. 421- 2 : Les collèges, les lycées, les écoles régionales du premier degré et les établissements régionaux d'enseignement adapté disposent, en matière pédagogique et éducative, d'une autonomie qui porte sur :

1° L'organisation de l'établissement en classes et en groupes d'élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves ;

2° L'emploi des dotations en heures d'enseignement et, dans les lycées, d'accompagnement personnalisé mises à la disposition de l'établissement dans le respect des obligations résultant des horaires réglementaires ;

3° L'organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire, sous réserve des dispositions de l'article R. 421-2-2 ;

4° La préparation de l'orientation ainsi que de l'insertion sociale et professionnelle des élèves ;

5° La définition, compte tenu des schémas régionaux, des actions de formation complémentaire et de formation continue destinées aux jeunes et aux adultes ;

6° L'ouverture de l'établissement sur son environnement social, culturel, économique ;

7° Le choix de sujets d'études spécifiques à l'établissement, en particulier pour compléter ceux qui figurent aux programmes nationaux ;

8° Sous réserve de l'accord des familles pour les élèves mineurs, les activités facultatives qui concourent à l'action éducative organisées à l'initiative de l'établissement à l'intention des élèves ainsi que les actions d'accompagnement pour la mise en oeuvre des dispositifs de réussite éducative définis par l'article 128 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale . »

Dans son rapport de décembre 2021 intitulé « une école plus efficacement organisée au service des élèves » , la Cour des comptes souligne que les établissements publics locaux d'enseignement « demeurent principalement un échelon d'exécution et non de conception » : « seulement 10 % des décisions prises en matière éducative le sont au niveau des établissements, dont à peine 2 % en « autonomie totale » ». Les rapporteurs tiennent à le rappeler : ce sont des établissements publics avec un conseil d'administration qui prend des délibérations. Aucun autre établissement public ne connaît une telle réduction de son autonomie par son ministère de tutelle. Il est temps de revenir à l'esprit souhaité par le législateur dans les lois de décentralisation .

Proposition n° 2 :

Garantir aux établissements publics locaux d'enseignement la capacité d'agir dans leurs domaines d'autonomie .

Surtout, trente mois après le vote de la loi pour une école de la confiance, il ressort de l'audition des syndicats des enseignants une forte défiance des enseignants envers leur ministre. Celle-ci est accentuée par la crise sanitaire, des protocoles sanitaires successifs, souvent publiés tardivement et en constante évolution. Comme l'a souligné l'un des rapporteurs à l'occasion des questions au Gouvernement le 12 janvier dernier : « le dernier protocole sanitaire à l'école, le septième en dix-huit mois, édité le 2 janvier, appliqué le 3, modifié le 6, encadré par les préfets le 8 et assoupli le 10 par le Premier ministre, donne l'impression, selon les propos d'une directrice d'école, d'un mauvais jeu de société, dont les règles changent tous les deux jours » .

À cela s'ajoutent la persistance de difficultés dans la distribution des masques aux personnels de l'éducation nationale et l'absence de capteurs de CO2 dans les classes deux ans après le début de la pandémie.

La grève du 13 janvier dernier, réunissant tous les syndicats et tous les personnels de l'éducation nationale a été d'une ampleur inédite .

Extraits de la table ronde des syndicats enseignants du 9 novembre 2021,
auditionnés par les rapporteurs

« Il n'y a actuellement "aucune confiance ni dans l'avenir, ni dans le ministre" » ;

« L'état de la profession envers son ministre a atteint des records. La très grande distance que tous les personnels veulent mettre à l'endroit de leur ministre est un sujet de préoccupation » ;

« On a toujours eu nos collègues "grognons" envers le ministre, mais ils démarraient vite pour un projet, ils étaient enthousiastes pour l'école. Or, là, on les sent épuisés ».

*

* *

Les rapporteurs estiment que l'on est loin de « l'école de la confiance », prônée par le ministère tout au long du quinquennat.

La relation entre l'école et la société reste dégradée, avec des doutes élevés des Français sur la capacité de l'institution scolaire à prendre en charge ses principales missions telles que l'acquisition des savoirs fondamentaux, la transmission des principes de la République ou la réduction des inégalités.

Quant à la relation du ministère avec ses personnels, elle a été marquée par une succession d'injonctions descendantes, réduisant l'autonomie des établissements et la liberté pédagogique des enseignants.

Il est urgent de faire confiance aux équipes pédagogiques, directeurs d'écoles et chefs d'établissements. Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs élèves, leurs difficultés et besoins, leurs établissements et leurs environnements de travail.

II. QUEL ACCOMPAGNEMENT DE L'ABAISSEMENT DE L'ÂGE D'INSTRUCTION À 3 ANS ?

A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE D'INSCRIRE LA LOI POUR UNE ÉCOLE DE LA CONFIANCE PARMI LES GRANDES LOIS SCOLAIRES

L'âge d'instruction obligatoire a été progressivement étendu au cours des 150 dernières années. La loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire fixe la période d'instruction obligatoire de 6 ans à 13 ans. Elle est portée à 14 ans par la loi du 9 août 1936, puis 16 ans révolus par l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959. Enfin, l'article 15 de la loi pour une école de la confiance est venu compléter ce temps d'instruction obligatoire, par une formation obligatoire jusqu'à 18 ans - qu'il s'agisse d'une poursuite de scolarité, d'un apprentissage, d'un stage de la formation professionnelle, d'un service civique, d'un emploi ou d'un dispositif d'accompagnement et d'insertion professionnelle.

Mais, jusqu'à présent, aucune loi depuis 1882 n'avait touché à la limite inférieure de l'âge de l'instruction obligatoire . Lors de la présentation du projet de loi pour une école de la confiance au Sénat, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale a souhaité inscrire celui-ci « dans la lignée des grandes lois républicaines sur l'obligation scolaire » .

L'article L. 131-1 du code de l'éducation, à la suite du vote à l'unanimité au Sénat de l'article 11 de la loi pour une école de la confiance, la fixe désormais à trois ans.

Pour le ministre, « en fonction de son milieu social et culturel, un jeune enfant peut accumuler des retards linguistiques considérables. C'est pourquoi, il importe tellement de faire de l'école maternelle une véritable école en abaissant l'obligation d'instruction à trois ans ».

La France fait désormais partie des pays qui positionnent l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie , même si la scolarisation des enfants de trois ans et de quatre ans est généralisée au sein des pays de l'OCDE.

Âge de début d'instruction obligatoire dans les États de l'Union européenne

Âge d'instruction obligatoire

Pays

4 ans

Luxembourg

5 ans

Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni

6 ans

Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Islande, Norvège, Portugal, République tchèque, Roumanie

7 ans

Bulgarie, Estonie, Finlande, Lituanie, Suède

Source : étude d'impact du projet de loi pour une école de la confiance

B. UNE RÉFORME AUX EFFETS LIMITÉS SUR LES EFFECTIFS DES CLASSES DE MATERNELLE

1. Une inscription généralisée des enfants en maternelle avant même l'entrée en vigueur de la loi

Pour les rapporteurs, cette réforme, comparée par le ministre aux lois fondatrices de Jules Ferry, est au final marginale car largement symbolique. À l'exception de la Guyane et de Mayotte, la quasi-totalité des enfants de 3 ans sont déjà à l'école en 2018, par la volonté de leurs parents. La loi n'a fait que suivre le mouvement que la société a déjà imprimé. Les effets de cette disposition sont donc limités.

L'accueil des élèves en maternelle s'est progressivement généralisé à partir des années 1970 , pour atteindre des niveaux très élevés avant même l'entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance.

Les chiffres du ministère de l'éducation nationale indiquent pour l'année scolaire 2016-2017, une scolarisation de 97,5 % des enfants de 3 ans , cette proportion atteignant 99,9 % pour les 4 ans et 100 % pour les 5 ans 4 ( * ) . Ainsi, seuls 30 000 enfants sur les trois classes d'âge de maternelle, sur environ 2,5 millions d'enfants, n'étaient pas scolarisés et donc directement concernés par l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire.

À la rentrée 2020, 99,8 % des enfants de 3 à 5 ans étaient scolarisés. Si, de manière générale, l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire a eu un effet limité sur les effectifs des classes de maternelle, le ministère constate un double phénomène à la rentrée 2020 :

- une augmentation du nombre d'élèves dans les écoles publiques à Mayotte et en Guyane,

- une augmentation des inscriptions pour des enfants âgés de 3 à 5 ans, instruits en famille, hors classe CNED réglementée. Les rapporteurs s'interrogent : est-ce cette augmentation très forte du nombre d'élèves déclarés en instruction en famille, non anticipée par le ministère, qui a conduit à l'évolution de la position du gouvernement sur l'instruction en famille et à sa volonté d'en restreindre le recours par le passage d'un régime déclaratif à un régime d'autorisation ?

En effet, alors qu'on dénombrait en 2018-2019 19 008 enfants instruits en famille de 6 à 16 ans hors CNED en classe réglementée, le ministère a vu arriver dans ses statistiques à la rentrée 2019 11 081 enfants âgés de 3 à 6 ans instruits en famille hors classe réglementée, et 17 009 demandes à la rentrée 2020. 37 % des élèves instruits en famille, hors classe CNED réglementée, sont des enfants âgés de moins de 6 ans, non pris en compte jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance 5 ( * ) .

Le chiffre de 50 000 enfants instruits en famille, mis en avant par le Président de la République dans son discours aux Mureaux le 11 décembre 2020, précurseur du projet de loi confortant les principes de la République, passe sous silence l'augmentation en grande partie artificielle de ce chiffre due à l'inclusion dans les statistiques du ministère de l'éducation nationale d'enfants âgés de moins de 6 ans non scolarisés qui n'étaient pas comptabilisés jusqu'à la rentrée 2019.

Un léger recul de la scolarisation dès 3 ans à la rentrée 2020 dû au contexte sanitaire ?

Fait marquant à la rentrée 2020, la proportion d'enfants de 3 ans scolarisés a baissé, passant de 97,7 % à la rentrée 2019 à 97,0 %. La moitié des académies sont concernées par cette baisse.

Les effets de la crise sanitaire ont pu conduire certains parents à vouloir garder leurs enfants à la maison. Parmi les raisons de recours à l'instruction en famille, 36 % des parents ont indiqué la pandémie. C'est d'ailleurs, la première cause citée, devant « les besoins de l'enfant » (28 %) et le projet de vie éducatif (14 %) 6 ( * ) .

Selon les chiffres transmis par le ministère, il y a eu pour la rentrée 2020 17 009 demandes d'instruction en famille, hors classe CNED règlementée pour les enfants de 3 à 6 ans, contre 11 081 à la rentrée 2019.

Par ailleurs, on constate des ouvertures d'écoles maternelles hors contrat : 20 DASEN sur les 89 ayant répondu à l'enquête de l'inspection générale sur l'abaissement de l'âge d'instruction 7 ( * ) ont indiqué avoir recensé des demandes d'ouverture pour cette tranche d'âge à la rentrée 2020.

Ces fortes augmentations posent la question des moyens de contrôle, malgré la création de 60 postes d'inspecteurs dédiés aux missions de contrôle de l'instruction en famille et des écoles hors contrat par la loi de finances pour 2022.

2. La question des conséquences financières de cet abaissement de l'âge d'instruction obligatoire pour les communes

L'article L. 442-5 du code de l'éducation prévoit que les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance, l'école maternelle ne relevait pas de l'instruction obligatoire. Les communes étaient libres de choisir si elles prenaient en charge les dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées sous contrat - cette dépense n'ayant un caractère obligatoire que lorsque la commune en a demandé la création ou qu'elle a donné son accord au contrat d'association.

L'abaissement à trois ans de l'instruction obligatoire a pour conséquence de rendre obligatoire la prise en charge , par les communes, des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées sous contrat, dans les mêmes conditions que les classes élémentaires.

Un fonds de compensation, doté de 100 millions d'euros, a été instauré par l'article 17 de la loi pour une école de la confiance afin de compenser l'augmentation des dépenses obligatoires des collectivités territoriales résultant directement de cet abaissement de l'âge obligatoire d'instruction. Il a été reconduit dans le budget pour 2022. Le décret n° 2019-1555 du 30 décembre 2019 et l'arrêté du 30 décembre 2019 pris en application de l'article 2 de ce décret précisent les modalités d'attribution de ces ressources.

Fin septembre 2021, 13 académies ont transmis des demandes de ressources complémentaires au titre de l'instruction obligatoire à 3 ans concernant 82 communes pour un montant total de 6,8 millions d'euros . Néanmoins, comme le souligne le ministère, il est difficile d'effectuer une prévision fiable de ces dépenses : certaines collectivités ont retardé la mise en place de dispositifs en raison du contexte sanitaire, comme la création d'un forfait communal au bénéfice des classes maternelles privées sous contrat.

Les conditions d'éligibilité à ce fonds sont complexes . Afin de répondre aux nombreuses questions des élus locaux, les services du ministère ont dû publier un vademecum pour l'application des dispositions de l'article 17 de la loi pour une école de la confiance, intégrant le schéma ci-après, quasiment caricatural, et suscitant autant de questions auprès des maires et de leurs services qu'apportant de réponses.

La commune voit-elle ses dépenses scolaires obligatoires augmenter (public + privé)
entre 2018-2019 et 2019-2020 ?

oui

non

Absence d'attribution de ressources

Les dépenses obligatoires pour les écoles maternelles (public + privé) sont-elles en augmentation entre 2018-2019 et2019-2020 ?

oui

non

Absence d'attribution de ressources

Hausse des dépenses écoles maternelles publiques

Hausse des dépenses écoles maternelles privées sous contrat

Effectifs des classes maternelles publiques en hausse

Effectifs des classes maternelles publiques stables ou en baisse

La commune a créé un forfait communal pour les classes de maternelle privée sous contrat en 2019-2020 et ne versait rien auparavant ou qu'une contribution volontaire annuelle sans avoir donné son accord au contrat

La commune versait déjà un forfait communal et avait donné son accord au contrat d'association

Effectifs des classes maternelles privées en hausse

Effectifs des classes maternelles privées stables ou en baisse

Effectifs des classes maternelles privées en hausse

Effectifs des classes maternelles privées stables ou en baisse

Attribution de ressources

Complément d'instruction et contrôle des déclarations

oui

oui

oui

non

non

non

Absence d'attribution de ressources

Absence d'attribution de ressources

Absence d'attribution de ressources

Complément d'instruction et contrôle des déclarations

Complément d'instruction et contrôle des déclarations

Interpellé à de nombreuses reprises par le Sénat sur le coût pour les collectivités territoriales de l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire, notamment pour les communes qui n'avaient pas donné un avis favorable au contrat d'association, mais qui versaient tout de même une contribution aux écoles privées, le ministre a mis en avant la compensation des coûts par une baisse de la démographie scolaire à moyen terme .

Certes, à l'échelle nationale, le nombre d'élèves en primaire va baisser ses prochaines années.

Évolution de la démographie scolaire au primaire (public et privé)

Évolution 2020-2021

Évolution 2021-2022

Évolution 2022-2023

Évolution 2023-2024

Évolution 2024-2025

Évolution 2020-2025

Préélémentaire

- 45 366

- 29 349

- 26 999

- 25 119

- 23 524

- 150 357

Dont 2 ans

- 3 456

- 3 986

- 3 661

- 3 170

- 3 154

- 17 427

Élémentaire

- 45 744

- 53 809

- 67 106

- 64 793

- 66 562

- 298 014

ULIS

+ 2 209

+ 2 302

+ 2 399

+ 2 498

+ 2 603

+ 12 011

Total 1 er degré

- 88 901

- 80 856

- 91 706

- 87 414

- 87 483

- 436 360

Source : constat et démographie Insee-DEPP 2021

La population en âge d'être scolarisée dans les classes élémentaires est en nette diminution en 2022 (- 58 300 enfants), phénomène qui doit se prolonger et s'accentuer de 2022 à 2025 (jusqu'à 65 000 enfants en moins en 2025). Néanmoins, localement, en raison de la démographie propre à chaque territoire, certaines villes peuvent voir leur nombre d'élèves se stabiliser, voire même augmenter .

Aussi, les rapporteurs regrettent que la solution proposée par le Sénat - prévoyant que le mécanisme de compensation du surcoût lié à l'abaissement à trois ans de l'obligation d'instruction tienne compte des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées sous contrat réalisées par certaines collectivités territoriales antérieurement à la loi - n'ait pas été maintenu dans le texte final du projet de loi. Cet amendement permettait de prendre en compte le cas des communes qui faisaient un effort en faveur des maternelles privées, en versant - souvent dans le cadre d'une convention conclue avec l'organisme de gestion de l'établissement - un forfait sous-évalué. Le Sénat a dû y renoncer dans le cadre des compromis propres à chaque négociation lors de la recherche d'un accord en commission mixte paritaire. Le rapporteur du projet de loi pour une école de la confiance, lors des présentations des conclusions de la commission mixte paritaire en séance, était revenu sur cette concession : « nous avons dû céder sur la compensation des communes qui jusqu'alors participaient au financement des classes maternelles privées sous contrat, sans toutefois verser la totalité de la somme correspondant au coût d'un élève dans le public. Le Sénat avait clairement pris position sur le sujet, en l'inscrivant à l'article 4, considérant que l'absence d'une telle compensation, si elle pouvait se justifier sur le plan juridique, n'en constituait pas moins une injustice. Le Gouvernement et sa majorité à l'Assemblée nationale sont restés sourds à nos arguments, je le regrette. Il leur reviendra de prendre leurs responsabilités. Pour notre part, nous demeurerons vigilants quant aux modalités de compensation et aux conséquences de l'instruction obligatoire dès 3 ans sur les finances des collectivités territoriales » 8 ( * ) .

Aujourd'hui, les communes qui avaient choisi de faire un effort financier ne reçoivent aucune compensation, alors que celles qui refusaient toute subvention sont intégralement compensées.

3. À Mayotte et en Guyane, une mise en oeuvre encore inachevée de l'obligation d'instruction à trois ans

« L'école de la République est la maison commune de toute la jeunesse de France. À ce titre, elle doit apporter à tous les élèves, où qu'ils se trouvent sur le territoire, dans l'hexagone comme outre-mer, la même chance de réussir et la même envie de saisir cette chance » 9 ( * ) . Par cette déclaration lors de la présentation du projet de loi pour une école de la confiance à l'Assemblée nationale, Jean-Michel Blanquer faisait de l'instruction obligatoire dès 3 ans pour les enfants de tous les départements, notamment ultramarins, l'un des enjeux de ce texte .

En raison du taux de scolarisation des enfants de maternelle significativement inférieur à la moyenne nationale, les départements de Mayotte et de Guyane sont ceux pour lesquels l'obligation d'instruction dès 3 ans a le plus de répercussions, comme l'avait souligné la commission à l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance.

En effet, le taux de scolarisation est de 77,9 % à Mayotte et de 77,7 % en Guyane. Il est principalement dû aux tensions sur le bâti scolaire. À titre d'exemple, à Mayotte en 2019, dans le premier degré, 43 % des écoles ont mis en place un système de rotation, avec deux classes qui se succèdent dans la journée dans la même salle.

Ces territoires se caractérisent également par un manque d'attractivité . Certaines zones de Guyane, isolées, sont particulièrement concernées. Le pourcentage de contractuels peut atteindre 80 à 90 %, certains enseignent pour la première fois. Le recrutement d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ou des intervenants en langue maternelle pour l'accueil des élèves allophones pose également problème.

L'objectif actuel du ministère est de renforcer progressivement la scolarisation pour qu'elle devienne effective pour tous les enfants d'ici 2025, soit plus de six ans après l'entrée en vigueur de la loi. Fait marquant, le taux de scolarisation des enfants de 3 à 5 ans a baissé en Guyane à la rentrée 2020 par rapport à la rentrée 2019.

Aujourd'hui, le ministère estime le nombre d'enfants non scolarisés en maternelle à 2 800 en Guyane et à 6 200 à Mayotte. Ces effectifs sont à mettre au regard de ceux de l'étude d'impact du projet de loi pour une école de la confiance. Le gouvernement estimait alors pour la rentrée 2020 le nombre d'enfants de maternelle restant à scolariser à 3 518 en Guyane et à 3 906 à Mayotte. Les rapporteurs constatent que près de 80 % de ces enfants guyanais identifiés comme restant à scolariser ne le sont toujours pas. Quant à Mayotte, les estimations du ministère en 2019 sont largement sous-estimées .

Les rapporteurs soulignent que pour les générations concernées, qui devraient être à l'école maternelle, ce sont des temps de scolarisation, de développement du langage, de consolidation de la langue française et de pré-apprentissage des savoirs fondamentaux essentiels pour la réussite scolaire dont elles ne peuvent pas bénéficier .

C. LES AMÉNAGEMENTS D'ASSIDUITÉ : UN APPORT DU SÉNAT DANS LA LOI DEMANDÉ PAR 15 À 20 % DES PARENTS D'ÉLÈVES DE PETITE SECTION

À l'occasion de l'examen de la loi pour une école de la confiance, la commission avait souligné la nécessité de prévoir un aménagement à l'obligation d'assiduité pour les élèves de petite section - nombreux d'entre eux n'allant pas en classe l'après-midi. La commission a ainsi estimé « qu'imposer une fréquentation continue et à temps plein dès la petite section de maternelle n'était ni réaliste ni favorable aux enfants, particulièrement au vu des conditions d'accueil ». À son initiative, un amendement permettant au directeur de prévoir un aménagement d'assiduité, sur proposition de la famille et après un dialogue avec l'équipe éducative, a été adopté. Si le principe de l'aménagement d'assiduité a été conservé, la loi prévoit que cette décision est prise par le DASEN.

Selon le rapport de l'inspection générale sur la mise en place de l'abaissement de l'âge de début d'instruction obligatoire 10 ( * ) , à la rentrée 2019, un peu plus de 20 % des parents d'élèves scolarisés en petite section ont demandé un aménagement de scolarité. Ce chiffre est en légère baisse à la rentrée 2020 - 15 % des parents le demandent. On constate des variations fortes entre départements : 53 % de demandes d'aménagement en Moselle, 48 % dans le Haut-Rhin, 2 % à 3 % dans le Var et la Haute-Vienne.

Les demandes d'assiduité sont dans leur très grande majorité satisfaites - entre 95 et 100 % de réponses positives. Les rapporteurs se félicitent que dans de très nombreux cas, d'une part, les inspecteurs de l'éducation nationale (IEN) se bornent à valider les réponses des directeurs d'école et se fient totalement à leur jugement, et d'autre part, de l'important travail de dialogue mis en place entre eux et les directeurs d'école. Dans les faits, c'est donc le processus de décision proposé par le Sénat qui s'applique. Il traduit l'absurdité de faire remonter aux DASEN (directeurs des services départementaux de l'éducation nationale) une telle décision. Aussi les rapporteurs proposent qu'elle soit prise directement par le directeur d'école qui connaît les élèves de son école, avec un contrôle a posteriori par les services du DASEN à des fins d'harmonisation des pratiques. Cela traduirait également la confiance de l'administration de l'éducation nationale envers les équipes pédagogiques, prônée dans les discours ministériels, et le fonctionnement des écoles fondé sur la collégialité. Enfin, elle tirerait les conséquences des dernières modifications législatives.

Proposition n° 3 :

Attribuer aux directeurs d'école la capacité de décision de la dérogation à l'assiduité scolaire en petite section, en instaurant un contrôle a posteriori du DASEN à des fins d'harmonisation des pratiques.

D. PENSER L'ÉCOLE MATERNELLE DE DEMAIN

1. L'accueil des enfants dès l'âge de 2 ans

Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, « les enfants peuvent être accueillis dès l'âge de deux ans révolus dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l'éducation nationale. Cet accueil donne lieu à un dialogue avec les familles. Il est organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer . »

À la rentrée 2020, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est de 9,4 % . Il varie fortement en fonction des départements : s'il est important dans l'Ouest, le Nord et le Massif central, où près d'un enfant sur cinq de deux ans est scolarisé, il est en revanche très faible dans le Loiret ou en Corse du Sud. Les réseaux de l'éducation prioritaire accueillent également une proportion plus élevée d'enfants de 2 ans (15,5 % en REP et 18,3 % en REP + à la rentrée 2020).

Taux de scolarisation à deux ans par département à la rentrée 2020

Source : ministère de l'éducation nationale

Ce taux a très fortement diminué depuis 2000, où près de 35 % des enfants de 2 ans étaient scolarisés . Interrogé, le ministère a indiqué que cette baisse est la conséquence du développement de systèmes de modes d'accueil des très jeunes enfants.

Les rapporteurs constatent une accélération de la diminution de ce taux de scolarisation en 2019 et 2020 : le taux a chuté de deux points, passant sous la barre des 10 %.

La scolarisation précoce des enfants peut être intéressante pour les jeunes enfants qui ne sont pas accueillis en crèche ou chez un assistant maternel. Si la scolarisation des enfants précoce est une priorité du gouvernement, il est urgent de prévoir les moyens adéquats en termes d'accueil et de formation. Sur ce dernier point, le développement de l'accueil précoce doit s'accompagner d' une politique de formation des enseignants et des ATSEM (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) à la spécificité de l'accueil de ces très jeunes enfants.

Proposition n° 4 :

Accompagner l'accueil précoce des enfants en maternelle par une politique de formation commune des enseignants et des ATSEM à la spécificité de l'accueil de ces très jeunes enfants .

2. La formation des enseignants de maternelle

À plusieurs reprises, le Sénat a souligné la nécessité de mieux former les enseignants aux spécificités de la maternelle . Avec l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire, puis à partir de septembre 2022, de la scolarisation obligatoire dès 3 ans sauf autorisation d'instruction en famille, prévoir dans les INSPÉ un module dédié à l'enseignement en maternelle est plus que jamais nécessaire.

Les rapporteurs notent avec intérêt les directives données dans certaines circonscriptions académiques départementales afin d'éviter de nommer des enseignants peu expérimentés dans les classes de petites sections . À l'image de l'Ain, de la Loire-Atlantique, ou du Morbihan, certains DASEN indiquent n'avoir aucun enseignant stagiaire ou contractuel en petite section. La gestion de ces classes nécessite une maîtrise professionnelle particulière : le rapport de l'inspection générale de juillet 2021 sur l'évaluation de la mise en place de l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire note que « les cas de renouvellement de stage prononcés par le jury du diplôme professionnel des écoles sont régulièrement liés aux difficultés d'exercice des stagiaires en petite section ».

Propositions n° s 5 et 6 :

Introduire un module spécifique à la maternelle dans les INSPÉ ;

Éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés en petite section .

Pour accompagner les enseignants, le ministère a édité en février 2019 deux guides : « pour enseigner le vocabulaire à l'école maternelle » et « pour préparer l'apprentissage de la lecture et de l'écriture à l'école maternelle ». Au lieu de multiplier ces guides, qui limitent la liberté pédagogique des enseignants, les rapporteurs jugent plus pertinents de produire des efforts massifs en termes de formation initiale et continue . L'intégration au sein des INSPÉ de modules spécifiques à la maternelle serait de nature à mieux préparer les futurs enseignants sur la spécificité de ces classes, que la lecture de guides au moment de la prise de poste.

En matière de formation continue, la spécificité des classes de maternelle doit mieux être prise en compte.

Malheureusement, comme souvent dans l'éducation nationale, les rapporteurs constatent que les offres de formation ne répondent pas aux besoins exprimés par les professeurs de maternelle, notamment des petites classes. Trop peu de plans départementaux de formation continue proposent des formations à destination des enseignants exerçant en maternelle, et quasiment aucun de ces plans ne contient de formation relative à la pédagogie spécifique pour enseigner en petite section de maternelle.

De même, très peu de formations portent sur l'accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers en maternelle, alors même qu'il s'agit d'une demande forte des enseignants. Or, selon l'IGÉSR dans son rapport de juillet 2021 précité, l'inclusion scolaire des 3-6 ans demeure toujours difficile à mettre en oeuvre. Les raisons sont multiples : des relations complexes avec les partenaires, des moyens humains insuffisants - notamment le recrutement des AESH -, un diagnostic difficile à établir dès la maternelle. Ce rapport d'inspection se fait également l'écho d'un IEN AESH qui note que « il lui paraît plus difficile d'inclure en maternelle qu'en élémentaire. Les équipes lui semblent, en effet, plus démunies ou moins volontaires que dans l'élémentaire ; peut-être parce que l'usage était de ne pas scolariser les enfants porteurs d'un handicap en maternelle où la pratique inclusive est moins habituelle ».

Alors que l'école maternelle a été présentée comme une priorité par le ministère - « tout commence à l'école maternelle » rappelle le ministre à plusieurs reprises - les rapporteurs constatent que les moyens, en termes de formation, d'accompagnement des enseignants et des personnels n'ont pas suivi .

Proposition n° 7 :

Prévoir, dans chaque plan départemental et académique de formation, des formations continues spécifiques à la maternelle, et notamment à l'accueil des élèves à besoins particuliers .

3. Mieux prendre en compte les besoins logistiques découlant de l'instruction obligatoire l'année des trois ans

L'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire pose des difficultés logistiques pour les collectivités territoriales, qu'il convient de recenser et de mieux prendre en compte .

Tel est notamment le cas des transports scolaires . En effet, certaines autorités organisatrices de la mobilité (AOM) n'acceptent pas le transport scolaire des enfants de moins de 3 ans. Or, les enfants nés entre le 1 er septembre et le 31 décembre ont moins de trois ans révolus au moment où ils commencent leur scolarité. L'enquête réalisée par l'association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public sur l'accompagnement dans les transports scolaires montre qu'à la rentrée 2020, 13 % des AOT demandaient que l'enfant ait trois ans révolus pour pouvoir utiliser les transports scolaires . Les rapporteurs se félicitent de la forte mobilisation des AOM , afin de répondre à cette nouvelle obligation légale en matière d'instruction : lors de la dernière enquête réalisée en 2012, ils étaient 81 % à imposer d'avoir 3 ans révolus pour pouvoir prendre les transports scolaires.

La présence d'enfants très jeunes dans les transports scolaires pose la question de la présence d'un accompagnateur . Comme le rappelle le ministère de l'éducation nationale, « aucun accompagnateur n'est réglementairement imposé lors des transports scolaires réguliers des élèves de maternelle. Du fait de l'absence d'obligation réglementaire imposant la présence d'un adulte dans les transports scolaires, le financement des accompagnateurs est pris en charge de façon variable par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou les régions » 11 ( * ) . Cette problématique - et sa charge financière potentielle - se posent principalement pour les communes rurales les plus petites, dans lesquelles une école maternelle n'a pas pu être maintenue, et leurs EPCI.

De même, certaines communes n'acceptent pas, actuellement, des enfants âgés de moins de 3 ans révolus à la cantine ou encore pendant les temps périscolaires - ou alors à la suite d'une démarche spécifique des parents demandant une dérogation.

Autre contrainte matérielle du fait de l'abaissement de l'âge d'instruction : les équipements des écoles. L'évaluation de la mise en place de l'abaissement de l'âge de début d'instruction obligatoire par l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) montre qu'un peu plus de 20 % des DASEN constatent des équipements insuffisants, en nombre de lits par exemple, ou encore avec des dortoirs trop petits. Des solutions sont trouvées au cas par cas, par exemple, en transformant le temps de la sieste un autre espace en dortoir. Néanmoins, ces difficultés peuvent conduire à des demandes d'aménagement d'assiduité.

Il s'agit d'autant de coûts annexes à l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire supportés par les collectivités. Les rapporteurs saluent leur rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l'institution scolaire - elles constituent après l'État les premiers financeurs des dépenses d'éducation - et dans le cas présent, dans la mise en oeuvre concrète de l'abaissement de l'âge scolaire obligatoire. Ils jugent nécessaire d'évaluer l'ensemble des coûts annexes que peut engendrer le plein déploiement de la loi pour une école de la confiance pour les collectivités locales.

Proposition n° 8 :

Évaluer les conditions et la qualité d'accueil, ainsi que les coûts directs et indirects pour les collectivités locales de l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire .

E. QUEL AVENIR POUR LES JARDINS D'ENFANTS ?

À l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, la commission avait exprimé, de manière consensuelle, sa volonté de pérenniser les jardins d'enfants et souhaité que l'instruction obligatoire puisse être dispensée à titre dérogatoire dans les jardins d'enfants. Au final, cette dérogation n'a été accordée que jusqu'à l'année scolaire 2023-2024.

Les rapporteurs regrettent cette dérogation temporaire. Il existe au 1 er juin 2020, 260 jardins d'enfants représentant 8 200 places concentrées dans quelques départements, notamment à Paris (25 % du nombre de places), ainsi que dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin (14 % des places en Alsace) 12 ( * ) .

Trois scénarii d'évolution sont envisagés par l'IGÉSR pour ces structures, mais tous présentent des défis importants à relever :

- le maintien des jardins d'enfants comme établissements accueillant des jeunes enfants, avant 3 ans, complété par des activités péri ou extrascolaires pour des enfants plus âgés. La reconversion en crèche multi-accueil pour les enfants de moins de 3 ans est également possible mais pour un coût financier plus important ;

- la transformation en école maternelle hors contrat. Si cette solution permet à l'établissement de conserver son autonomie, elle exclut tout financement public. En outre, de nombreux établissements pourraient devoir rembourser les subventions d'investissement dont ils ont bénéficié au titre de la CAF, la destination sociale de l'établissement ne pouvant être modifiée pendant une période de dix ans à compter de la fin des travaux ayant bénéficié de la subvention. Enfin, les conditions d'ouverture et de contrôle d'une école hors contrat ont été renforcées par la loi Gatel et par la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 ;

- la transformation en école publique est une possibilité pour les jardins d'enfants publics, mais risque de remettre en cause la spécificité et le projet d'établissement de ces structures.

Très difficiles à mettre en oeuvre, les rapporteurs estiment que ces scénarii s'apparentent davantage à de fausses solutions .

Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, le ministère de l'éducation nationale avait semblé découvrir l'existence des jardins d'enfants : les dispositions relatives à ceux-ci ont été ajoutées au cours de la navette par amendement parlementaire. Comme cela l'a été dénoncé de manière transpartisane lors de l'examen de cette disposition au Sénat, les rapporteurs regrettent la mise en difficulté d'un réseau historique qui fonctionnait bien, alors qu'il aurait suffi que le ministère accepte la fréquentation de ces établissements comme satisfaisant le respect de l'obligation d'instruction - prenant ainsi acte des actions d'éveil, d'éducation et d'accompagnement des enfants mises en place par ces structures.

Les rapporteurs appellent à une meilleure coordination, à l'échelle locale, de l'ensemble des acteurs publics, associant la CAF, le département, les services déconcentrés de l'éducation nationale, les services déconcentrés de la cohésion sociale, en lien avec les structures, pour les accompagner dans leur transition. Ce travail de coordination est d'autant plus nécessaire que le secteur de la petite enfance et l'éducation nationale n'ont pas l'habitude de travailler ensemble . Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, au Sénat, le ministre s'était engagé à un accompagnement des services de l'État dans les démarches de reconversion des jardins d'enfant ainsi que la conservation de leurs spécificités pédagogiques dans le cadre de cette transformation . Or, des constats à l'échelle locale indiquent que cet accompagnement n'a pas lieu - les services déconcentrés académiques donnant même parfois l'impression de ne pas être au courant de cet engagement d'accompagnement de leur ministre.

*

* *

Présenté comme une réforme historique, dans la lignée des lois fondatrices du service public de l'éducation nationale, l'abaissement de l'âge d'instruction obligatoire à trois ans est au final principalement symbolique. La quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans était dans les faits déjà scolarisés avant même l'entrée en vigueur de la loi. Celle-ci n'a fait que suivre un mouvement ancien de la société.

La portée de cette loi concernait plus particulièrement deux départements où les taux de scolarisation des élèves en maternelle étaient significativement inférieurs à la moyenne nationale : Mayotte et la Guyane. En raison de difficultés intrinsèques à ces territoires, la scolarisation de tous les enfants de maternelle ne sera possible qu'en 2025, au plus tôt .

Ce sera - si les objectifs que s'est fixé le ministère sont atteints - plus de six ans après le vote de la loi, qui ne prévoyait pourtant pas d'entrée en vigueur différée de ces dispositions pour ces deux départements. C'est autant de temps d'apprentissage de perdu pour six générations d'enfants .

Enfin, le ministère ne semble pas avoir tiré les conséquences de cette réforme. Cette politique publique est peu accompagnée sur le terrain, notamment par des formations spécifiques à destination des enseignants de maternelle .

Quant au réseau des jardins d'enfants, qui fonctionnait bien et dont l'avenir est désormais incertain, les scenarii imaginés par l'IGESR, sont difficiles à mettre en oeuvre et s'apparentent davantage à de fausses solutions .

III. DES PROGRÈS EN FAVEUR DE L'ÉCOLE INCLUSIVE MAIS UNE POLITIQUE À POURSUIVRE

A. DES EFFORTS BUDGÉTAIRES ENGAGÉS POUR RÉPONDRE À UNE VOLONTÉ POLITIQUE

Depuis 2005 et la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés est en augmentation croissante.

Le développement de l'école inclusive est l'un des axes forts portés par le ministère de l'éducation nationale. Comme l'ont souligné Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées en France, « le handicap est une des grandes causes nationales du quinquennat. La réalisation d'une école pleinement inclusive est à ce titre une priorité ». Pour cela, le Gouvernement a souhaité mettre en place un service public de l'École inclusive , « pour une rentrée pleinement inclusive en 2019 ».

Source : questionnaire budgétaire

Principales évolutions législatives relatives à l'école inclusive avant 2017

La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a affirmé le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté.

La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République, du 8 juillet 2013, consacre le principe d'inclusion scolaire et prévoit une formation des enseignants.

La loi de finances pour 2014 crée le statut d'accompagnant des élèves en situation de handicap.

Sur le quinquennat, les crédits dédiés à l'école inclusive ont progressé de 65 % pour atteindre 3,5 milliards d'euros dans le budget pour 2022.

Le nombre d'accompagnants des élèves en situation de handicap a augmenté de 33 % sur l'ensemble du quinquennat. Selon les chiffres du ministère, on dénombre en juin 2021 118 209 accompagnants en situation de handicap (AESH), correspondant à 74 790 équivalents temps plein (ETP). Cet écart entre les chiffres s'explique par les emplois à temps partiel des AESH. À l'occasion de l'audition budgétaire pour le budget 2022, Jean-Michel Blanquer a indiqué devant la commission que l'on dénombre à la rentrée 2021 125 000 AESH dans le système scolaire, et que 4 000 postes supplémentaires vont être créés à la rentrée 2022.

Néanmoins, à l'occasion de leurs auditions, les rapporteurs ont pu constater que, malgré ces chiffres en forte hausse, l'ensemble des notifications des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ne peuvent pas être satisfaites . Si les rapporteurs n'ont pas pu obtenir de chiffres consolidés nationaux, la directrice de la MDPH de Paris leur a indiqué que sur l'année scolaire 2020-2021, il a manqué 300 AESH pour répondre à l'ensemble des notifications.

Le processus de notification

Les parents de l'enfant en situation de handicap font une demande d'accompagnement auprès de la MDPH. La famille peut également être informée par le chef d'établissement ou le directeur d'école de la nécessité de mesures compensatoires dans le cadre d'un plan personnalisé de scolarisation. En l'absence de réaction de la part de la famille dans un délai de 4 mois, la MDPH est tenue d'engager un dialogue avec la famille.

Pour une première demande d'aménagement, la famille doit prendre contact avec l'équipe pédagogique afin que celle-ci élabore le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-sco). Ce guide précise la situation scolaire de l'élève et ses possibles besoins de compensation. Il comprend notamment les observations des enseignants sur l'élève.

L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation (EPE) au sein de la MDPH évalue les besoins de compensation et élabore le parcours personnel de scolarisation (PPS). Il le transmet pour avis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui prend la décision et émet la notification MDPH.

Gevasco : guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation ;
CDAPH : commission des droits et de l'autonomie des personnels handicapés

B. UNE PROFONDE RÉORGANISATION SYSTÉMIQUE DE L'ÉCOLE INCLUSIVE

1. Les PIAL, une volonté d'une reconfiguration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap

L'article 25 de la loi pour une école de la confiance crée dans chaque département des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), chargés de coordonner les moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privés sous contrat.

La mise en place de ces PIAL traduit l'une des préconisations du rapport commun des inspections générales des affaires sociales, de l'éducation nationale et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche relatif à l'évaluation de l'aide humaine des élèves en situation de handicap, recommandant l'organisation de l'accompagnement des élèves handicapés au niveau de l'établissement, ou dans le premier degré, de la circonscription. Les premiers PIAL ont été expérimentés à la rentrée 2018.

Depuis la rentrée 2021, il existe des PIAL sur l'ensemble du territoire national. On en dénombre 2 719 dans l'enseignement public, 307 dans l'enseignement privé sous contrat, et 994 mixtes (publics et privés sous contrat). Chaque DASEN définit un périmètre des PIAL en fonction des spécificités de son territoire : géographie, nombre d'établissements, ... Certains DASEN ont fait le choix de les organiser en fonction du secteur des collèges. À titre d'exemple, dans le Var, 78 PIAL ont été mis en place ; 20 dans la Drôme - certaines circonscriptions du premier degré pouvant comprendre jusqu'à trois PIAL ; et 68 dans les Pyrénées-Atlantiques.

2. Un premier bilan des PIAL pour les différents acteurs
a) Du point de vue des familles

Le PIAL peut constituer un progrès pour les familles, dans la mesure où la territorialisation et une gestion plus opérationnelle des AESH permettent d'éviter les risques de rupture dans l'accompagnement.

Ils peuvent également permettre une réponse à la gestion complexe des AESH mutualisés et donner une plus grande confiance des familles vis-à-vis de cette proposition d'aide.

Les raisons d'une défiance des familles vis-à-vis des AESH mutualisés

Certains enfants n'ont besoin que d'un accompagnement partiel, pour certaines matières, certains types d'exercice, ou encore de conditions qui évoluent au cours de la journée. La notification de la MDPH n'indique pas un nombre d'heures, mais un besoin d'accompagnement à un moment de la journée ou pour un apprentissage particulier. Or, l'Éducation nationale a pu, en fonction de la disponibilité d'un AESH , le mettre à disposition de l'élève à un moment où il n'en avait pas réellement besoin : selon un directeur de MDPH, « ce que l'on a vu par le passé, c'est que l'enfant est la variable d'ajustement : on se calait sur les possibilités et disponibilités de l'AESH » .

Dans ces conditions, de nombreuses familles demandaient un accompagnement individualisé pour leur enfant.

Il n'existe pour l'instant pas de bilan exhaustif de la mise en place des PIAL. Deux interventions en audition méritent néanmoins d'être relevées :

- pour le coordinateur du PIAL des Pyrénées-Atlantiques, le nombre d'appel à la cellule « école inclusive » a fortement décru à la rentrée scolaire 2021, alors que cette période se caractérise traditionnellement par de très nombreuses sollicitations des familles, pour une mise en oeuvre effective des notifications ;

- en revanche, la mise en place des PIAL demeure insuffisante pour répondre à l'ensemble des notifications. Selon la directrice de la MDPH de Paris, au moment des vacances de la Toussaint 2021, 400 notifications pour des élèves n'étaient pas satisfaites.

b) Du point de vue des AESH : une mise en place des PIAL au bilan mitigé

Pour certains AESH, cela a entraîné une amélioration de leurs conditions de travail, pour d'autres une dégradation de celles-ci . La coordinatrice des PIAL de la Drôme a indiqué aux rapporteurs que la perception de cette réforme dépend souvent de la manière dont les AESH voient leurs missions. La principale source de dégradation est l'augmentation du nombre d'élèves ou de classes à suivre, qui est considérée comme une dégradation plutôt que comme une évolution du métier . Dans la Drôme, un AESH accompagne en moyenne 4,15 élèves.

La création des PIAL a également pu être perçue comme un échelon administratif supplémentaire.

En revanche, dans de nombreux cas, le PIAL a permis d'uniformiser la quotité par défaut , et souvent d'augmenter la quotité d'heures proposée dans les contrats. Ainsi, dans les Pyrénées-Atlantiques, il n'y a plus de contrats d'AESH avec une quotité inférieure à 60 %, alors qu'auparavant la plupart était à 40 %.

Pour les coordinateurs de PIAL auditionnés par les rapporteurs, cette nouvelle organisation permet une stabilisation des AESH sur un territoire, alors qu'auparavant, des évolutions importantes en cours d'année étaient fréquentes. Certains PIAL ont également mis en place des réunions régulières entre AESH leur permettant d'échanger entre pairs, évoquer des problèmes particuliers et créer ainsi un « sentiment d'appartenance ».

Bonnes pratiques mises en en place par certains PIAL
relevées par les rapporteurs à l'occasion de leurs auditions

- Mise en place des réunions avec les chefs d'établissements, les IEN et les directeurs d'école PIAL par PIAL, afin de présenter le rôle des PIAL, la nouvelle organisation et le rôle des AESH ;

- Réunion de tous les AESH au sein de chaque PIAL pour entendre leurs souhaits d'affectation ;

- Engagement moral d'une distance maximale entre le domicile et les lieux d'affectation, dans la mesure du possible (Pyrénées-Atlantiques : engagement moral d'une distance maximale de 15 km ; dans la Drôme, la distance parcourue ne dépasse pas en général les 20 minutes) ;

- Prise en compte des binômes AESH/enseignants qui fonctionnent bien, lors de l'élaboration annuelle de la répartition des AESH sur le territoire (permettre à un AESH de se spécialiser sur un PIAL ou un établissement) ;

- Organisation systématique d'une réunion de travail AESH, enseignant, famille, chef d'établissement avant le début de l'accompagnement, comme le prévoient les textes.

Les rapporteurs ont également entendu des collectifs d'AESH opposés à la mise en place des PIAL . Ceux-ci dénoncent le fait d'être affectés sur plusieurs établissements, parfois dans une même journée , « une mutualisation à outrance » , avec l'obligation de s'occuper simultanément de 3 à 4 élèves dans une même classe , le manque d'informations vis-à-vis d'un nouvel élève dont ils ont la charge, ou encore l'accompagnement de l'élève sur des temps courts, empêchant de créer un lien de confiance et, de manière générale, « une perte de sens du métier ».

Interrogés sur les modifications brusques d'emploi du temps et des élèves accompagnés, les coordinateurs de PIAL ont indiqué qu'elles étaient notamment dues à des notifications des MDPH émises en cours d'année. Le délai d'examen de la demande d'accompagnement et de notification peut parfois être long, participant à ces notifications au fil de l'eau, en raison des fortes tensions sur les moyens humains des MDPH. L'enjeu d'une notification plus rapide dépend ainsi d'un renforcement de leurs moyens. Comme a pu l'indiquer un coordinateur de PIAL aux rapporteurs, « si ces notifications en cours d'année sont peu nombreuses, elles mettent en tension tous les acteurs des PIAL » . Les coordonnateurs de PIAL peuvent être « amenés à détricoter certaines heures mutualisées pour répondre à une notification d'accompagnement individualisée » .

Proposition n° 9 :

Assurer par les PIAL une couverture de territoires limités, tenant compte de la géographie, afin de limiter les temps de trajets entre établissements pour les AESH .

c) Du point de vue des services déconcentrés de l'éducation nationale

Comme le soulignent les directeurs de MDPH auditionnés par les rapporteurs, les PIAL sont « principalement un outil de gestion RH à destination du ministère de l'éducation nationale, permettant de structurer, de planifier et d'optimiser le réseau des AESH » . Ils doivent permettre de répondre plus rapidement aux notifications et aux besoins d'accompagnement des élèves. Ils permettent de positionner les AESH sur un territoire.

Signe qu'il s'agit avant tout d'un nouveau mode de gestion de ressources humaines, des besoins d'accompagnement correspondant à des troubles différents peuvent être mutualisés . Comme l'a indiqué un coordonnateur de PIAL aux rapporteurs, « nous ne prenons pas complètement en priorité en considération le trouble de l'élève, dans la désignation de son AESH » et « les changements d'affectation sont la raison d'être du PIAL ; son but est d'être réactif ».

Proposition n° 10 :

Prendre en compte le trouble dont souffre l'enfant, d'une part, et les formations et expériences de l'AESH, d'autre part, dans l'affectation de celui-ci .

3. Une évolution des conditions de recrutement des AESH

Le recrutement des personnes chargées d'accompagner les élèves en situation de handicap a évolué. Alors qu'il s'agissait auparavant d'auxiliaires de vie scolaire, recrutés par des contrats aidés - souvent précaires -, les AESH sont désormais recrutés en CDD de trois ans, renouvelable une fois avant de se transformer en CDI. Les rapporteurs saluent cette évolution permettant un recrutement sur un contrat à durée indéterminée. De manière générale, les rapporteurs appellent à une amélioration des perspectives et parcours de carrière des AESH.

Les rapporteurs constatent également que la formation initiale a été renforcée. La circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 relative au cadre de gestion des personnels exerçant des missions d'accompagnement d'élèves en situation de handicap prévoit une formation initiale de 60 heures pour ceux non titulaires d'un diplôme professionnel dans le domaine de l'aide à la personne. Ils doivent normalement bénéficier de cette formation « au plus tard à la fin du premier trimestre de l'année scolaire, voire si possible, avant la prise de fonction ». Certains coordonateurs de PIAL auditionnés par les rapporteurs ont indiqué que la formation a lieu postérieurement à la prise de poste : en décembre pour les personnes recrutées depuis septembre, et en avril pour celles recrutées entre janvier et mars. Les efforts en termes de formation initiale doivent être poursuivis.

Cette formation témoigne également du changement systémique de l'organisation de l'école inclusive induit par le PIAL, qui met la couverture le plus rapidement possible du besoin d'accompagnement exprimé au centre de son organisation. Ainsi, certains DASEN ont fait le choix de former tous les AESH d'un même PIAL en même temps, et de proposer une formation généraliste couvrant tous les niveaux scolaires et tous les besoins, afin que les AESH puissent se substituer les uns aux autres en cas d'absence.

Au-delà de la formation initiale, le Gouvernement a souhaité renforcer la formation continue, en permettant notamment aux AESH d'avoir accès aux plans départementaux de formation continue.

Certains PIAL ont également entrepris la démarche de recenser les besoins de formation de leurs AESH . Dans les Pyrénées-Atlantiques, quatre modules de six heures ont été créés en lien avec les équipes mobiles médico-sociales des services déconcentrés, à la suite de cette concertation avec les AESH. Ils portent sur :

- les difficultés comportementales,

- le spectre de l'autisme,

- les troubles spécifiques du langage et de l'apprentissage,

- les troubles sensoriels.

L'objectif est que d'ici quatre ans, l'ensemble des AESH du PIAL aient suivi les quatre modules.

Les rapporteurs saluent de telles démarches de formation mises en place par certains PIAL . Ils estiment en effet essentiel de renforcer la formation continue des AESH. Aussi, ils appellent à une ouverture plus large, que ce qui existe actuellement, des formations des plans départementaux aux AESH. Il n'est en effet pas acceptable que certains AESH financent sur leurs fonds propres des formations pour prendre en charge les besoins des élèves qu'ils accompagnent .

Proposition n° 11 :

Renforcer la formation des AESH notamment dans le cadre de leur formation continue, en partant de leurs besoins .

Quant aux conditions de rémunérations, celles-ci ont été légèrement améliorées : le salaire est désormais calculé sur la base de 41 semaines, au lieu de 39, afin de prendre en compte le temps de travail masqué hors présence de l'enfant. Un cadre d'emploi avec des grilles indiciaires a été instauré. Une nouvelle grille indiciaire est entrée en vigueur à la rentrée 2021, prévoyant une progression automatique de 10 points d'indice majorés tous les trois ans, et un déroulement de carrière sur 11 échelons 13 ( * ) . Le coût de cette revalorisation est estimé à 60 millions d'euros par an.

Néanmoins, le travail d'AESH demeure souvent un emploi précaire, à temps partiel, à faible rémunération . Par définition, un AESH qui accompagne toute la semaine un élève de primaire ne peut avoir un contrat de temps plein, car la semaine d'école au primaire est de 24 heures : un AESH perçoit pour cette quotité une rémunération brute mensuelle de 978 euros. Certes, les rapporteurs constatent une volonté d'amélioration des conditions de travail des AESH. Mais dans les faits, leur précarisation reste élevée. Afin d'améliorer leurs rémunérations, les rapporteurs proposent d'augmenter la base semaine de calcul de cette dernière (calculée actuellement sur 41 semaines).

Proposition n° 12 :

Augmenter la base semaine de calcul actuellement fixée à 41 semaines, afin d'améliorer la rémunération des AESH .

Un turn-over qui varie selon les territoires

La question du turn-over des AESH a été posée lors des auditions. Il n'existe pas de données au niveau national. Les taux communiqués pour certains territoires, s'ils sont notables, restent raisonnables :

- Pyrénées-Atlantiques : 7 % de démissions à la rentrée 2021, un taux moins élevé qu'auparavant (source : coordinateur de PIAL) ;

- Drôme : à la rentrée 2021, le turn-over est de 10 % (98 % des personnes ayant démissionné ont trouvé un CDI ou un temps complet ailleurs) (source : coordinateur de PIAL) ;

- dans le Val-de-Marne, en juillet et août, une soixantaine de démissions ont été constatées sur 1 400 AESH (soit 4 %), « sans compter les abandons de postes des collègues qui ne se présentent pas au travail à la rentrée » , selon les informations transmises par les collectifs d'AESH.

C. FACILITER L'INCLUSION DES ENFANTS EN SITUATION DE HANDICAP : DEUX PISTES D'ACTION

1. Mieux accompagner l'enfant sur le temps périscolaire

Au moment où le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports évoque régulièrement la prise en compte de tous les temps de l'enfant, il est indispensable pour les rapporteurs que l'accompagnement des enfants en situation de handicap pendant le temps périscolaire soit renforcé. Qu'il s'agisse du bénéfice d'un accompagnement à la cantine pendant la pause déjeuner ou lors des activités proposées avant ou après le début des cours, l'inclusion de l'enfant ne peut cesser au moment où sonne la fin des cours .

Un arrêt du Conseil d'État du 20 novembre 2020 est venu préciser le partage des responsabilités de financement entre l'État at et les collectivités territoriales : il n'incombe pas à l'État d'assurer la prise en charge financière du coût de l'accompagnant chargé d'assister un élève lorsque celui-ci intervient en dehors du temps scolaire, et notamment lors des temps d'accueil du matin ou du soir et des temps d'activités périscolaires.

Cet arrêt rappelle également que « lorsqu'une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d'enseignement et de formation pendant les heures d'ouverture des établissements scolaires ou encore des activités périscolaires », elle doit s'assurer que les élèves en situation de handicap, bénéficiant le cas échéant d'un AESH, y ont effectivement accès.

Les rapporteurs ne remettent pas en cause cette répartition des compétences. Néanmoins, ils regrettent, que dans de nombreux territoires, cette décision du Conseil d'État ait été mise en oeuvre de manière brutale, sans concertation , mettant en difficulté les communes et par répercussion les élèves et leurs familles.

Enfin, lorsque l'État « recrute un AESH pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu'en outre, cet enfant recourt au service de restauration scolaire ou participe à tout ou partie des activités complémentaires ou périscolaires organisées dans son établissement scolaire, il appartient à l'État de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l'enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l'intérêt de l'enfant, la continuité de l'aide qui lui est apportée » .

L'article L. 917-1 du code de l'éducation permet un recrutement conjoint d'un AESH par l'État et la collectivité. Une autre solution est également possible : la mise à la disposition de la collectivité territoriale sur le fondement d'une convention conclue entre la collectivité et l'employeur, avec une prise en charge financière de cette mise à disposition par la collectivité territoriale.

Les rapporteurs souhaitent un recours plus important à la mise à disposition - plus facile à mettre en oeuvre pour certaines collectivités locales - que le recrutement conjoint. Celle-ci présente l'avantage d'avoir un contrat et un employeur unique - l'État -, charge ensuite à celui-ci d'adresser une facturation à la collectivité locale pour l'accompagnement de l'élève sur le temps périscolaire. Au nom de l'intérêt de l'enfant, qui doit primer, il n'est pas acceptable que pour des raisons administratives et de répartition de compétences, un enfant ne puisse pas accéder à la cantine ou aux activités périscolaires, par défaut d'un accompagnement dont il bénéficie pendant le temps scolaire. Cette meilleure coordination permettrait également de proposer une quotité de travail plus importante aux AESH . Cet accompagnement de l'enfant sur le temps périscolaire, et notamment lors de la pause méridienne doit se faire dans le respect du droit du travail 14 ( * ) .

L es rapporteurs ont également entendu la position de certains collectifs d'AESH auditionnés qui estiment que leur rôle se limite au temps scolaire, aux motifs qu'ils sont « accompagnants d'élèves et non d'enfants en situation de handicap » . Les rapporteurs rappellent que l'article L. 917-1 du code de l'éducation prévoit expressément le recrutement d'AESH « pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire ».

Proposition n° 13 :

Encourager le recours à la mise à disposition, afin d'assurer un accompagnement de l'enfant pendant le temps périscolaire, dans le respect du droit du travail pour l'AESH .

2. Assurer un continuum dans l'accueil des enfants en situation de handicap
a) Mieux former les enseignants

Les rapporteurs souhaitent le rappeler : l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par une compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain.

Une réflexion globale en termes d'accessibilité, d'évaluation des obstacles empêchant la scolarisation autonome de l'élève et des moyens à mettre en oeuvre (matériels, locaux, mobilisation des différents acteurs) doit être menée, en lien avec les équipes éducatives, en amont de la scolarisation de l'élève pour prévenir et identifier les situations susceptibles de poser des difficultés.

Pour un directeur de MDPH auditionné, la plupart des demandes d'accompagnement trouve leur origine dans un défaut d'accessibilité, de formation des personnels ou un manque d'accompagnement en interne.

En termes de formation continue, de nombreuses formations sur l'école inclusive prévues pendant les années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 ont été reportées en raison de la pandémie. Il est impératif que ces formations aient rapidement lieu.

Proposition n° 14 :

Réaliser au cours des années scolaires 2021-2022 et 2022-2023, les formations des enseignants sur l'école inclusive prévues en 2019 et 2020, mais reportées pour cause de pandémie.

b) Augmenter le nombre de places en établissements médico-sociaux

À la rentrée 2020, 77 503 enfants en situation de handicap sont scolarisés en établissements hospitaliers et médico-sociaux - centres médico-psycho-pédagogiques, instituts médico-éducatifs, instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, instituts d'éducation motrice, ou encore établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés - sur longue période. Ces effectifs, après une fluctuation ces dernières années, ont atteint leur plus bas niveau depuis 2012 en 2019-2020.

L'école inclusive ne peut se limiter à une approche binaire : établissements médico-sociaux/scolarisation en milieu ordinaire avec un AESH. Par ailleurs, de nombreux territoires sont sous-dotés en termes d'offres médico-sociaux pédiatriques. Les rapporteurs ont entendu la description de situations d'enfants en souffrance , faute de solutions et de modalités d'accompagnement complémentaire, parfois scolarisés une demi-journée par semaine et le reste du temps demeurant chez eux .

Proposition n° 15 :

Assurer un continuum dans l'accueil des enfants en situation de handicap et augmenter les places dans les établissements médico-spécialisés .


*

* *

Le gouvernement souhaitait faire du handicap l'une des grandes causes nationales du quinquennat. La création d'un service public de l'école inclusive devait permettre « une rentrée pleinement inclusive en 2019 ».

Cette volonté politique forte s'est traduite budgétairement permettant une hausse du nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés. Les conditions de recrutement des AESH ont été améliorées en termes de formation, de perspective de CDI à six ans et de rémunération. Néanmoins, leur situation reste précaire.

La mise en place des PIAL a entraîné des changements majeurs des conditions de travail des AESH, perçus par certains comme une dégradation en raison du nombre d'enfants accompagnés simultanément, ou d'une affectation sur un nombre accru d'établissements.

Les rapporteurs estiment nécessaire une poursuite des efforts afin d'améliorer les parcours de carrière et la rémunération des AESH.

Enfin, l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par une compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain. Un nombre important de demandes trouve leur origine dans un défaut de formation des personnels ou d'adaptation des conditions d'accueil d'un élève.

IV. L'ÉCOLE PRIMAIRE : « LA PRIORITÉ DES PRIORITÉS » POUR LE MINISTÈRE

À de nombreuses reprises, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, a souligné la priorité que son ministère souhaite donner au primaire lors de ce quinquennat. Il s'agit même, pour reprendre les propos tenus devant la commission lors de son audition du 3 novembre 2021 de « la priorité des priorités » .

A. UNE FORTE AUGMENTATION DU BUDGET CONSACRÉ À L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE SUR LE QUINQUENNAT

Sur l'ensemble du quinquennat, le budget dédié à l'enseignement primaire a augmenté de 10,5 % 15 ( * ) .

PLF 2018

Mrds euros

PLF 2022

Mrds euros

Évolution (%)

Programme 140 : « enseignement scolaire public du 1 er degré »

22,0

24,2

+ 10 %

Actions enseignement pré-élémentaire et élémentaire du programme 139 : « enseignement privé des 1 er et 2 nd degrés »

1,7

2,0

+ 17,6 %

Total

23,7

26,2

+ 10,5 %

Les rapporteurs souligne néanmoins que cette hausse doit être examinée au regard des dépenses d'éducation sur le quinquennat :

- elle est inférieure au pourcentage d'augmentation du budget de l'éducation nationale - hors pensions - sur la même période, qui est de 13 % ;

- la dépense par élève du primaire en France reste inférieure de 9 % à la moyenne de l'OCDE .

B. LE DÉDOUBLEMENT DES CLASSES DE GRANDE SECTION, CP ET CE1 EN ÉDUCATION PRIORITAIRE, MESURE PHARE DU QUINQUENNAT

1. Une mesure dont le déploiement n'est pas encore achevé

Promesse de campagne présidentielle, le dédoublement des classes de CP et CE1 situées en zone d'éducation prioritaire a commencé à la rentrée 2017 et se fait de manière progressive. À la rentrée 2021, selon les chiffres transmis par le ministère, 100 % des classes de CP et de CE1 sont dédoublées. Cela concerne 144 526 élèves de CP et 144 137 élèves de CE1 . Cette politique de dédoublement des classes a permis de réduire de manière effective le nombre d'enfants par classe pour ces deux niveaux.

Nombre moyen d'élèves par classe

REP +

REP

École publique hors éducation prioritaire

2015

2021

2015

2021

2015

2021

Grande section

23,6

15,1

23,7

18,6

25

22,9

CP

21,7

12,5

21,8

12,5

22,5

21,4

CE1

22,6

12,6

22,7

12,8

23,3

22,4

Source : DEPP

La politique de dédoublement des classes de grande section de maternelle, amorcée plus tardivement, n'est pas encore finalisée . À la rentrée 2020, 21 475 élèves de grande section bénéficiaient d'une classe dédoublée sur les 148 558 élèves de ce niveau scolarisé en éducation prioritaire, soit un taux de 14 % . Selon les éléments transmis par le ministre lors de son audition devant la commission en novembre dernier, à la rentrée 2021, « près de 90 % des grandes sections de maternelle de REP + et 50 % de ces classes en REP » sont dédoublées.

Alors que le ministre avait annoncé la finalisation du dédoublement pour la rentrée 2022, les dernières informations transmises par ses services dans le cadre des auditions réalisées pour la préparation du présent rapport indiquent que celle-ci sera achevée au plus tôt à la rentrée 2023 . Les rapporteurs notent néanmoins une rupture nette des effectifs par classe depuis cette rentrée : les élèves étaient en moyenne 22,1 en REP + et 22,7 en REP par classe de grande section à la rentrée 2020 ; ils sont désormais respectivement 15,1 et 18,6 à la rentrée 2021.

2. Le dédoublement des classes en éducation prioritaire : une mesure à 16 686 ETP

Le dédoublement de ces classes a un coût en ETP important. Pour les classes de CP et CE1, 10 800 postes ont été affectés à cette mesure.

Pour le dédoublement des classes de grande section, 5 900 ETP sont prévus. À la rentrée 2021, 2 949 emplois y ont été dédiés. Autant sont encore nécessaires pour finaliser la mesure. Au total, la mise en oeuvre de cette mesure nécessite 16 686 ETP .

Calendrier de déploiement du dédoublement des classes

Source : DGESCO

3. Des premiers résultats mitigés au regard des moyens importants consacrés
a) Un effet sur les résultats scolaires qui varie en fonction des matières et des classes

Les études de la DEPP 16 ( * ) permettent de dresser un premier bilan du dédoublement des classes en éducation prioritaire. Celui-ci a eu quelques effets positifs : avant la mise en oeuvre du dédoublement des classes, 40 % des élèves de REP + étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français en 2018. Cette proportion a baissé : ils sont désormais 7,8 % en français et 12,5 % en mathématiques à connaître de telles difficultés.

En CE1, sur les évaluations de 2019 , les écarts de performances entre les élèves scolarisés en zone d'éducation prioritaire et ceux scolarisés hors zone d'éducation prioritaire diminuent. En français, les élèves de REP + parviennent à rattraper leur retard entre le début du CP et la fin du CE1 par rapport à des élèves ayant des caractéristiques similaires, mais n'ayant pas bénéficié d'un dédoublement de leur classe.

Les effets les plus significatifs concernent les mathématiques et le CP . En CP, le dédoublement a permis de diminuer de 36 % l'écart de niveau observé en début de CP entre les enfants scolarisés en REP + et ceux scolarisés hors éducation prioritaire.

Néanmoins, le budget conséquent n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP +. L'effet est faible en classe de CE1 cette année . Comme le souligne la DEPP, « l'impact positif de la réduction des classes en REP + sur les progrès des élèves est surtout visible en CP et subsiste en CE1 sans effet supplémentaire ». En français par exemple, si la proportion d'élèves en difficulté diminue entre le début et la fin du CP, elle remonte à la fin du CE1 (22,3 % d'élèves en difficulté), pour atteindre un niveau comparable au début du CP (22,4 % d'élèves en difficulté).

Les évaluations de la rentrée 2020 ont été marquées par une augmentation des écarts entre les performances des élèves scolarisés dans les secteurs public hors éducation prioritaire et ceux scolarisés en éducation prioritaire. Cette hausse est particulièrement significative en français (+ 3 points dans 5 domaines), et moindre en mathématiques sauf dans deux domaines : « lire des nombres entiers » et « écrire des nombres entiers » où les écarts ont progressé de quatre points. Pour le ministère, ces résultats s'expliquent par la crise sanitaire. Il en veut pour preuve, le retour, lors des évaluations de septembre 2021, de résultats proches de ceux de septembre 2019.

Écart de performances en français en CE1 entre élèves scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire et élèves scolarisés en éducation prioritaire ( DEPP )

Écart de performances en mathématiques en CE1 entre élèves scolarisés dans le secteur public hors éducation prioritaire et élèves scolarisés en éducation prioritaire

b) Une amélioration du climat de classe et une formation continue renforcée pour les enseignants des classes dédoublées

Selon la DEPP, la réduction des tailles de classe permet une amélioration du climat de classe . Les enseignants de ces classes se déclarent plus confiants vis-à-vis de leur enseignement. Les rapporteurs notent que le déploiement de cette politique s'est fait dans un contexte d'un accompagnement fort des enseignants : Ainsi, les enseignants de classe de CP dédoublée ont pu bénéficier de 6 heures de formation consacrées exclusivement au niveau de CP.

Les rapporteurs voient dans cet effort massif envers une formation continue répondant directement aux besoins des enseignants un élément indispensable de toute réforme. Il doit être amplifié.

Par ailleurs, les rapporteurs, attachés à la liberté pédagogique, rappellent que cette formation doit être conçue comme une boîte à outils et non comme une « doxa » verticale . D'ailleurs, l'étude de la DEPP montre que le dédoublement des classes entraîne une évolution des pratiques des enseignants de CP en REP + dédoublés qui « ont un recours plus marqué à la différenciation, à la pédagogie active, à l'étayage et à la stimulation cognitive ». Il ressort du sondage commandé par la commission dans le cadre de l'Agora de l'éducation que les enseignants de REP utilisent de manière très significative et davantage que leurs collègues hors éducation prioritaire des pédagogies alternatives 17 ( * ) . Le dédoublement des classes conduit à de nouvelles conditions de travail, renouvelant le lien entre l'enseignant et l'élève . Il est essentiel d'accompagner les enseignants dans le développement de nouvelles pratiques pour tirer pleinement profit de la réduction des effectifs.

Propositions n° s 16 et 17 :

Prévoir une formation systématique portant sur le niveau de la classe dédoublée qu'a en charge l'enseignant, telle qu'ont pu en bénéficier les enseignants concernés par les premiers dédoublements ;

Accompagner les enseignants dans le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement cette réduction d'effectifs dans les classes.

4. Des effets de bord à surveiller

Les rapporteurs soulignent que dans certains cas, en raison de contraintes sur le bâti, le dédoublement n'a pas pu physiquement se faire . Comme l'explique un directeur d'école de Villeneuve-Saint-Georges dans le cadre de l'Agora de l'éducation, « par manque de places, les élèves dédoublés sont dans la même classe. On est passé d'un enseignant pour vingt élèves dans une salle, à deux enseignants pour 25 élèves ». Ces situations de deux professeurs par classe peuvent néanmoins être une alternative intéressante. Les rapporteurs appellent à faire preuve de souplesse dans la mise en oeuvre de ce dédoublement, et à faire confiance à l'équipe pédagogique dans la répartition des moyens alloués aux niveaux concernés . Certaines situations peuvent rendre intéressantes de préférer une classe de 24 élèves à deux enseignants, plutôt que deux classes à 12 élèves.

Les effets limités du dédoublement des classes en CE1 - qui ne permettent pas de réduire davantage les écarts entre les élèves scolarisés en zone d'éducation prioritaire et non prioritaire, mais simplement de maintenir la dynamique amorcée en CP - nécessitent d'avoir une attention renforcée sur les classes de CE2 au CM2 qui ne bénéficient pas de ces mesures de limitation d'élèves.

Nombre moyen d'élèves par classe

REP +

REP

École publique hors éducation prioritaire

2015

2021

2015

2015

2021

2015

CE1

22,6

12,6

22,7

12,8

23,3

22,4

CE2

22,9

21,2

23,1

20,9

24,0

23,1

CM1

23,0

21,6

23,3

21,4

24,3

23,5

CM2

23,1

21,8

23,4

21,7

24,4

23,7

Source : DEPP

Comme le montre le tableau ci-dessus, les élèves sont confrontés à une augmentation de 6 à 7 élèves par classe en passant en CE2 - alors qu'hors zone d'éducation prioritaire, les effectifs restent globalement stables.

Cette hausse brutale peut être source de perturbation pour l'élève - climat scolaire, moins grande disponibilité individuelle de l'enseignant notamment après avoir bénéficié pendant trois ans, depuis sa grande section de maternelle, d'une classe à effectif réduit.

Proposition n° 18 :

Renforcer, pour les classes du CE2 au CM2 ne bénéficiant pas de mesures de dédoublement, les mesures d'accompagnement scolaire, pour que les avantages en termes d'acquisition des connaissances du dédoublement ne se dissipent pas .

Les rapporteurs ont également interrogé le ministère sur le respect du seuil de dédoublement des classes fixé à 12 élèves . Lors de son audition, Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, a indiqué que les dédoublements se faisaient parfois à 11 élèves, parfois à 13 élèves et dans certains cas à 14 élèves. Il a également souligné que la présence de 14 élèves dans une classe dédoublée pouvait s'expliquer par des arrivées d'élèves en cours d'année.

C. DES INTERROGATIONS SUR LES MOYENS DANS UN CONTEXTE DE PLAFONNEMENT DES EFFECTIFS DES CLASSES DE GRANDE SECTION, CP ET CE1 À 24 ÉLÈVES HORS ÉDUCATION PRIORITAIRE

Le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en REP et REP + nécessite un nombre important d'emplois d'enseignant. À celui-ci s'ajoute le plafonnement annoncé par le Président de la République de ces mêmes niveaux de classe à 24 élèves hors éducation prioritaire.

Le plafonnement à 24 élèves des classes de grande section, CP et CE1,
hors éducation prioritaire

Dans le cadre de sa restitution du grand débat national, le Président de la République a annoncé en avril 2019 un plafonnement des classes de grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire, à 24 élèves.

Selon les données du ministère de l'éducation nationale, cela concerne en 2019 environ 38 % du total des classes de ces trois niveaux, dont :

- 58 % des classes de grande section ;

- 24 % des classes de CP ;

- 43 % des classes de CE1.

Alors que 62 % des classes de ces trois niveaux avaient leurs effectifs inférieurs à 24 à la rentrée 2019, on compte à la rentrée 2021 86 % des classes de grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire, dont les effectifs sont plafonnés.

Les rapporteurs s'interrogent sur l'adéquation entre les besoins humains à la suite de ces annonces et les moyens mis à disposition par l'éducation nationale. En effet, ces deux mesures - dédoublement et plafonnement - nécessitent 19 300 emplois .

Emplois concernés

Nombre d'emplois concernés

Zone d'éducation prioritaire

Dédoublement CP et CE1

10 800

Dédoublement grande section

5 900

Hors zone d'éducation prioritaire

Plafonnement de la grande section au CE1

2 600

Total

19 300

Or, le nombre d'ETP créés dans le primaire, sur l'ensemble du quinquennat, ne permet pas de répondre à ces besoins.

Nombre d'ETP créés au primaire sur le quinquennat

Loi de finances

2018

2019

2020

2021

PLF 2022

Total

ETP créés

2 800

1 800

440

2 039

0

7 079

Les rapporteurs constatent que l'écart entre le nombre de postes créés dans le primaire entre 2018 et 2022 et le nombre de postes nécessaires pour mettre en oeuvre le dédoublement et le plafonnement est de 12 221 ETP .

Interrogé, le ministère a apporté les explications suivantes :

- la mise en oeuvre de ces mesures se prolonge au-delà de la période 2018-2022. Seuls 15 400 besoins d'emplois sont à rattacher à cette période.

- ces 7 079 ETP créés n'incluent pas les enseignants stagiaires. Or, ceux-ci effectuaient jusqu'à cette rentrée un demi-service d'enseignement en stage. À compter de la rentrée 2022, la réforme de la formation initiale conduira à nommer une partie des lauréats de concours à temps plein d'enseignement. Cela représente 2 000 ETP en moyen d'enseignement supplémentaire. Par ce biais, sur la période 2018-2022, les 7 079 créations d'emplois inscrits en loi de finances se traduiront par un apport de 11 135 ETP en moyens d'enseignement.

- le solde sur cette même période est financé par des redéploiements d'emplois :

o des redéploiements liés à la baisse démographique :

Entre les rentrées 2017 et 2021, on dénombre 229 000 élèves de moins dans le primaire et une baisse supplémentaire de 91 700 élèves de primaire est attendue à la rentrée 2022.

Les rapporteurs notent que le ministère a pu s'appuyer sur une aubaine démographique pour mettre en oeuvre cette réforme. Au final, dans un certain nombre de territoires, la limitation des classes à 24 élèves relève de l'effet démographique plutôt que d'une action politique ;

o le recours à des ETP précédemment mobilisés dans le cadre du dispositif « plus de maîtres que de classes » .

Les rapporteurs regrettent qu'aucune évaluation de ce dispositif n'ait été réalisée. Il présentait l'avantage de permettre à un enseignant d'encadrer un petit groupe d'élèves , le reste de la classe étant pris en charge par l'autre enseignant - ce que permet moins de faire le dédoublement des classes.

Les rapporteurs appellent à une vigilance toute particulière dans le déploiement de cette mesure, alors même que d'autres annonces gouvernementales sont également consommatrices de moyens humains supplémentaires dans le primaire. Tel est le cas du renforcement des temps de décharges des directeurs d'école : sur l'année scolaire 2021-2022, cela correspond selon les documents budgétaires à 643 ETP.

Les rapporteurs rappellent l'engagement du Président de la République à ne fermer aucune école, sans l'accord du maire. 75 % des quelque 2 000 élus locaux qui ont répondu à la consultation du Sénat dans le cadre de l'Agora de l'éducation, craignent une fermeture de classe dans les cinq prochaines années. Alors que les commissions départementales de l'éducation nationale sont en pleine préparation, dans plusieurs départements, les affectations supplémentaires pour permettre une augmentation des temps de décharge des directeurs d'école sont compensées par des fermetures de postes.

Enfin, si le directeur général de l'enseignement scolaire a indiqué que les dédoublements ne se font pas au détriment des postes affectés au remplacement , les rapporteurs ont eu de nombreux échos de terrain indiquant des difficultés particulières sur les capacités de remplacer les enseignants absents. La commission s'intéresse de longue date à cette problématique.

Les difficultés de remplacement sont une difficulté chronique de l'éducation nationale qui impactent non seulement la continuité pédagogique pour les élèves, mais aussi la formation continue des enseignants - à laquelle ils doivent renoncer, faute de remplacement -, ou encore la réalisation des tâches des directeurs d'école qui sacrifient leurs temps de décharge pour cette même raison.

Dans le premier degré, alors que le taux de remplacement était de 81,78 % en 2017-2018 et de 83,33 % en 2018-2019, il a chuté à 78,90 % en 2019-2020 et à 78,43 % en 2020-2021 - la pandémie expliquant en partie ce recul.

*

* *

Tout au long du quinquennat, le gouvernement a affiché sa priorité envers le primaire et l'apprentissage des savoirs fondamentaux. Les dédoublements des classes en REP et REP + et le plafonnement des effectifs à 24 élèves, hors éducation prioritaire, pour les classes de grande section au CE1, sont en cours de réalisation et témoignent de cet engagement.

Pour l'instant, les premiers résultats sur le niveau des élèves restent mitigés au regard des moyens importants consacrés.

Une évaluation à moyen terme sera nécessaire tout comme une attention particulière pour ces élèves au moment où ils quitteront les classes à effectifs réduits et plafonnés. L'engagement en faveur du primaire ne doit en effet pas cesser à la fin du CE1, au risque de voir les efforts du ministère perdre de leur sens.

Enfin, les créations de postes au regard des besoins dénombrés interrogent. Si la baisse démographique, la fin du dispositif « plus de maitre que de classes » - sans évaluation préalable - et la réforme de la formation initiale comblent en partie cette différence, les rapporteurs estiment que cette réforme ne doit pas se faire au détriment des moyens de remplacement ou par des suppressions de postes. Une vigilance toute particulière sur la mise en oeuvre de ces limitations d'effectifs est nécessaire .

V. LA RÉFORME DU LYCÉE : UNE RÉFORME AU MILIEU DU GUÉ

A. L'OBJECTIF DE LA RÉFORME : MIEUX PRÉPARER LES LYCÉENS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Dans la voie générale : de trois filières à 13 spécialités

Promesse de campagne présidentielle de 2017, la réforme du lycée a entraîné un profond bouleversement de l'organisation de celui-ci ces trois dernières années. Au regard de ces changements, les rapporteurs regrettent que ni la réforme du lycée, ni la réforme du baccalauréat n'aient fait l'objet de plus de débats devant le Parlement .

La cohorte 2021, qui a commencé en septembre ses études supérieures, est la première à avoir vécu ces nouvelles modalités du cycle terminal.

L'objectif de la réforme est multiple :

- faire émerger des parcours plus personnalisés pour les élèves afin de mieux les préparer à leurs études supérieures et ainsi réduire les taux d'échec en cycle de licence. En 2018, seuls 45,4 % des lycéens entrant en licence réussissaient leur année ;

- mettre fin à un fonctionnement en silo des filières ainsi qu'à la hiérarchie perçue entre les filières - la série « S » notamment qui accueillait en 2019 plus de 50 % des élèves.

À la rentrée 2019, première année de mise en oeuvre de la réforme , les 386 600 élèves de première générale ont choisi leurs trois spécialités : la « triplette » de spécialités.

La nouvelle organisation du lycée en voie générale : 13 spécialités

La nouvelle organisation a remplacé les trois filières S, ES et L de la voie générale par 13 spécialités :

- histoire géographie, géopolitique et sciences politiques ;

- humanités, littérature et philosophie ;

- langues, littératures et cultures étrangères et régionales ;

- littérature, langues et cultures de l'antiquité ;

- mathématiques ;

- numérique et sciences informatiques ;

- sciences de la vie et de la terre ;

- sciences de l'ingénieur ;

- sciences économiques et sociales ;

- physique-chimie ;

- arts (histoire des arts, théâtre, arts plastiques, arts du spectacle, cinéma-audiovisuel, danse) ;

- biologie écologie (uniquement pour l'enseignement agricole) ;

- éducation physique, pratiques et cultures sportives : nouvelle spécialité créée en première à la rentrée 2021 et de terminale à la rentrée 2022.

En terminale, les élèves doivent abandonner une spécialité, pour ne conserver qu'une « doublette ».

À ce choix de spécialité s'ajoute la possibilité pour l'élève de prendre une option en première, et en terminale une option et un enseignement optionnel (mathématiques complémentaires, mathématiques expertes, DGEMC). Cette année, en terminale, 61 % des élèves ont fait le choix de ne suivre aucun enseignement optionnel .

Enfin, tous les élèves suivent un tronc commun de 16 heures en voie générale - 14 heures en voie technologique - incluant le français (en première uniquement), l'histoire-géographie, l'enseignement moral et civique, deux langues vivantes, l'éducation physique et sportive, l'enseignement scientifique (mathématiques en voie professionnelle) et la philosophie en terminale.

Classe

2 nde

1 ère

terminale

générale et technologique

générale

technologique

générale

technologique

Tronc commun

16 heures

14 heures

16 heures

14 heures

Enseignement de spécialité

3, de 4h au choix

2 enseignements de 6h au choix

Enseignement optionnel

1, ou 2

1

2, de 3h maximum

Plus éventuellement

1 atelier artistique

1 ou 2 ens. optionnels de langues et cultures de l'Antiquité (latin et/ou grec)

1 atelier artistique

1 ou 2 ens. optionnels de langues et cultures de l'Antiquité (latin et/ou grec)

1 atelier artistique

2. Une réforme du lycée accompagnée par une réforme du baccalauréat

La réforme du lycée s'est accompagnée d'une réforme du baccalauréat dans un quadruple objectif :

- redonner sa crédibilité au baccalauréat , notamment la correspondance entre les résultats obtenus et le niveau d'acquisition des connaissances et des compétences ;

- parce qu'il constitue le premier diplôme de l'enseignement supérieur, avoir une meilleure articulation entre le baccalauréat et celui-ci. Cela passe notamment par une prise en compte des notes du baccalauréat dans le cadre du processus de candidature à l'enseignement supérieur . Les résultats du baccalauréat, dans son ancienne version, étaient connus après ceux d'admission dans l'enseignement supérieur ;

- éviter le bachotage et « transformer le rapport aux apprentissages en valorisant un effort inscrit dans la durée » 18 ( * ) ;

- avoir une organisation moins complexe , permettant notamment une reconquête du mois de juin.

Dans cette perspective, le nouveau baccalauréat prévoit de nouvelles modalités d'évaluation, basées sur 100 coefficients et un nouveau calendrier d'épreuves.

Les nouvelles modalités de passage du baccalauréat

Un contrôle continu à hauteur de 40 coefficients, établi sur la moyenne générale issue des moyennes annuelles du cycle terminal et intégrant les disciplines du tronc commun ne faisant pas l'objet d'un examen final. Chaque matière compte pour 6 coefficients, l'enseignement de spécialité abandonné à la fin de la première pour 8 coefficients et l'enseignement moral et civique pour 2 coefficients.

Le maintien d'épreuves anticipées ou finales, mais selon de nouvelles modalités pour certaines d'entre elles :

- les épreuves de français en fin de première : coefficients 5 pour l'écrit et 5 pour l'oral ;

- les deux épreuves de spécialités conservées par l'élève en terminale et passées normalement courant du mois de mars (16 coefficients chacune) ;

- la philosophie à la fin de la terminale : 8 coefficients en voie générale, 4 coefficients en voie technologique ;

- le grand oral : 10 coefficients en voie générale et 14 coefficients en voie technologique).

Enfin, les options, évaluées dans le cadre du contrôle continu, viennent s'ajouter, à hauteur de 2 coefficients par option et par année, et dans la limite de 14 coefficients (soit 3 enseignements optionnels en 1 ère et 4 en terminale).

Cette nouvelle organisation doit permettre de prendre en compte dans Parcoursup une partie des notes de contrôle continu, ainsi que les notes des deux épreuves de spécialités de terminale passées normalement au printemps. Les choix et les résultats de spécialités sont censés jouer un rôle important dans l'orientation de l'élève vers le supérieur .

Les rapporteurs notent que depuis sa mise en place en 2019 et alors même que les deux premières années ont été perturbées par la pandémie, les nouvelles modalités du baccalauréat ont déjà connu de nombreux aménagements, en vigueur depuis la rentrée 2021 :

- les épreuves communes de contrôle continu - les E3C - qui devaient se tenir initialement aux deuxième et troisième trimestres de première et au premier trimestre de terminale ont été supprimées et remplacées par la moyenne annuelle des notes. Ces épreuves n'ont au final jamais pu se mettre en place, entre la contestation de la première session en février 2020 et la crise sanitaire ;

- les modalités de prise en compte des options ont été revues : initialement intégrées dans la moyenne du tronc commun, elles permettent désormais à l'élève de bénéficier de coefficients supplémentaires ;

- les programmes de certains enseignements de spécialité ont été recalibrés . À titre d'exemple, pour la spécialité SES, les questions évaluables dans le cadre de l'épreuve de spécialité de terminale sont partagées en deux catégories « année paire » et « année impaire » ;

- le contenu de l'enseignement scientifique du tronc commun pourrait être modifié pour accorder une place plus importante aux mathématiques, selon les dernières déclarations du ministre en février 2022.

Pour les rapporteurs, ces modifications traduisent une réforme entrée en vigueur dans la précipitation et dont les enseignants et élèves en font les frais .

La réforme du baccalauréat perturbée par la crise sanitaire

Les élèves de première devaient inaugurer lors de l'année scolaire le baccalauréat dans sa nouvelle formule. Étaient notamment prévues en février et mai 2020 les épreuves communes de contrôle continu. Dans de nombreux établissements, la première session des E3C n'a pas pu se tenir, en raison de l'opposition des enseignants et des élèves.

La pandémie de la Covid-19 et le confinement de mi-mars à mi-mai ont empêché leur rattrapage et le déroulement normal des épreuves au 1 er semestre 2020. Le 3 avril 2020, le ministre de l'éducation nationale a annoncé des aménagements pour les examens : en ce qui concerne l'épreuve de français, l'épreuve anticipée à la fin de la première a été remplacée par la moyenne des notes obtenues tout au long de l'année. Les épreuves d'E3C qui devaient se tenir en mai/juin en histoire-géographie, langues, et mathématiques en voie technologique, ont été annulées.

De même, l'année 2020-2021 a également été perturbée : les évaluations communes de première et de terminale ont été annulées, tout comme les épreuves de spécialités de terminale, au profit du contrôle continu. Si les épreuves de français, le grand oral et la philosophie ont été maintenus, pour cette dernière la meilleure des notes entre la moyenne annuelle et la note obtenue à l'épreuve a été conservée. Au final, la part du contrôle continu pour la note du baccalauréat 2021 est de 82 %, au lieu des 40 % initialement prévus.

B. UN PREMIER BILAN EN DEMI-TEINTE

1. Des choix novateurs pour 50 % des lycéens
a) 426 triplettes

Pour le ministre de l'éducation nationale, « les lycéens se sont emparés de la réforme : en effet, plus de la moitié des lycéens opèrent un choix de triplettes qui ne correspond pas aux anciennes séries » .

Les rapporteurs constatent en effet une très grande diversité dans le choix des élèves : à la rentrée 2019, 426 triplettes ont été choisies par au moins un élève au niveau national. Il faut désormais 15 triplettes pour retrouver 80 % des élèves de première .

Les 15 triplettes les plus choisies à la rentrée 2019 par les élèves de première

Nombre d'élèves

% d'élèves

Mathématiques, physique-chimie, SVT

109 398

28,3

Histoire-géo-politique, mathématiques, SES

31 175

8,1

Histoire-géo-politique, langues littérature, SES

27 725

7,2

Histoire-géo-politique, humanités littérature philo, SES

17 200

4,4

Histoire-géo-politique, humanités littérature philo, langues-littérature

16 992

4,4

Mathématiques physique, chimie, sciences de l'ingénieur

16 558

4,3

Mathématiques numérique, sciences informatiques, physique-chimie

16 045

4,2

Langues littérature, mathématiques, SES

13 046

3,4

Mathématiques, SVT, SES

12 829

3,3

Mathématiques, physique-chimie, SES

12 246

3,2

Histoire-géo-politique, SVT, SES

8 143

2,1

Langues et littérature, mathématiques, physique-chimie

8 078

2,1

Humanités littérature et philo, langues littérature, SES

7 136

1,8

Histoire-géo-politique, mathématiques, physique-chimie

5 862

1,5

Langues-littérature, mathématiques, SVT

4 756

1,2

Autres

79 406

20,5

ENSEMBLE

386 595

100,0

Source : DEPP

Si la triplette la plus choisie - « mathématiques, physique-chimie, SVT » - regroupe en 2019 28 % des élèves de première, 70 triplettes ont été choisies par un seul élève.

Pour le ministère, cette réforme permet une souplesse et une adaptabilité plus importante , en permettant de créer des spécialités qui n'existaient pas auparavant. Tel est le cas de la spécialité « science de l'ingénieur », suivie par 10 % des élèves en première, ou encore de la nouvelle spécialité « éducation physique, pratiques et cultures sportives » présente dans une centaine d'établissements depuis cette rentrée.

b) Par défaut de conseil, un risque d'un choix d'une triplette inadéquate conduisant à des impasses dans la poursuite des études

Mieux préparer les élèves à leurs études supérieures et réduire le taux d'échec en licence : tel est l'un des objectifs de la réforme du lycée. Malheureusement, les conditions de mise en oeuvre de cette réforme, précipitée et non accompagnée, risquent de conduire aux effets inverses à ceux recherchés pour certains élèves . En effet, les rapporteurs alertent sur le manque criant d'accompagnement des élèves dans leurs choix de spécialités en lien avec leur poursuite d'études. Des choix de triplette de spécialités, peuvent ainsi conduire des élèves à de grandes difficultés au moment de leurs voeux dans le supérieur. « L'ouverture des possibles » promise par cette réforme se transforme alors pour ces derniers en « fermeture des débouchés » .

c) Une baisse historique d'élèves en mathématiques

La réforme du lycée a entraîné une chute historique du nombre d'élèves suivant des cours de mathématiques en première et en terminale. À la rentrée 2020, 64 % des élèves de première générale avaient choisi la spécialité « mathématiques », soit une baisse de 5 points par rapport à la rentrée 2019. Cette diminution continue à la fin de la première : entre la rentrée 2020 et le rentrée 2021, la part des élèves ayant choisi de conserver la spécialité mathématiques en terminale a chuté de près de 4 points 19 ( * ) . En outre, 61 % des élèves ont fait le choix de ne suivre aucun enseignement optionnel, notamment mathématiques expertes ou mathématiques complémentaires.

Du fait de ces éléments, 59 % des élèves de terminale suivent un enseignement de mathématiques en terminale - sous la forme d'une spécialité ou d'une option. Ils étaient 90 % avant la réforme 20 ( * ) . S'il existe dans le tronc commun un enseignement scientifique de deux heures hebdomadaires, celui-ci se situe plutôt à la croisée des sciences et vie de la terre, et de la physique-chimie. La part des mathématiques est réduite, en moyenne, à une heure par mois . Or, de très nombreux débouchés nécessitent des connaissances en mathématiques, au-delà des seuls études et métiers « scientifiques ». Pour les rapporteurs, tous les élèves de première et terminale doivent suivre un enseignement de mathématiques, qui peut notamment prendre la forme de mathématiques appliquées.

Proposition n° 19 :

Introduire pour tous les élèves de première et de terminale un enseignement de mathématiques, pouvant prendre la forme de mathématiques appliquées .

d) Une réforme révélatrice de choix genrés

Cette réforme du lycée souligne l'existence de choix genrés par les élèves. Ainsi, les filles sont sous-représentées dans les enseignements scientifiques . Seuls 14 % des élèves suivant la spécialité « numérique et sciences numériques » et 13 % de ceux qui ont choisi la spécialité « sciences de l'ingénieur » sont des filles, alors qu'elles représentent 56 % des élèves de terminale. En outre, elles sont plus nombreuses que les garçons à abandonner la spécialité mathématiques en fin de première. Alors que l'on comptait 43 % de filles dans la filière S, elles ne sont plus que 24 % à suivre l'enseignement de spécialité « mathématiques » en terminale. Ce pourcentage est le plus bas depuis 20 ans, et pose la question à moyen terme du pourcentage de filles dans les filières scientifiques de l'enseignement supérieur .

Néanmoins, pour Olivier Sidokpohou, inspecteur général, chargé d'une mission d'expertise et de suivi des voeux formulés par les lycéens pour la session 2021 de Parcoursup, la réforme du lycée révèle une réalité qui se manifestait auparavant au niveau des classes préparatoires . Au sein même du baccalauréat S, qui était devenu généraliste, on constatait une différence dans le choix des spécialités ajoutant 2 heures de cours. La spécialité mathématiques comptait 60 % de garçons, celle de SVT 60 % de filles. Dans la nouvelle mouture du lycée, la proportion de filles augmente lorsque la spécialité « mathématiques » est choisie en doublette avec une spécialité autre que scientifique.

Proportion de filles à la rentrée 2021 dans les triplettes
contenant la spécialité mathématiques (DEPP, note 21.41, décembre 2021)

Triplettes

Part de filles (%)

Mathématiques, physique-chimie, SVT

57,1 %

HGGSP, mathématiques, SES

51,4 %

Mathématiques, NSI, physique-chimie

14,0 %

Mathématiques, physique-chimie, SES

37,2 %

Mathématiques, physique-chimie, SI

15,4 %

LLCER, mathématiques, SES

62,9 %

Mathématiques, SVT, SES

57,6 %

LLCER, mathématiques, physique-chimie

44,1 %

HGGSP, mathématiques, physique-chimie

36,4 %

Mathématiques, NSI, SES

18,5 %

LLCER, mathématiques, SVT

69,7 %

HGGSP, LLCER, mathématiques

68,2 %

HGGSP, mathématiques, SVT

54,2 %

HGGSP : histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ; NSI : numérique et sciences informatiques ; LLCER : langues, littératures et civilisations étrangères et régionales

Inversement les garçons sont sous représentés en littérature/ langues et cultures antiques, humanités/littérature et philosophie ainsi qu'en littératures, cultures étrangères et régionales.

Propositions n° s 20 et 21 :

Garantir une information et un accompagnement de qualité pour les élèves sur les enseignements de spécialité et les options, afin d'éviter tout choix les conduisant dans une impasse pour la poursuite de leurs études ;

Lutter contre les stéréotypes de genre associés à certains enseignements et favoriser l'orientation des filles vers les spécialités et poursuites d'études scientifiques.

2. Choix des spécialités, inégalités territoriales et dotation horaire globale rationnée

L'accessibilité aux spécialités existantes est l'une des clés de la réussite de la réforme du baccalauréat . La note de service n° 2018-108 relative aux enseignements de spécialité de septembre 2018 organise la mise en place de ces nouveaux enseignements.

Elle prévoit que le recteur d'académie arrête la carte académique des enseignements de spécialité « en veillant à l'équilibre et à leur bonne répartition dans le cadre géographique adapté au territoire ». L'offre d'enseignement de spécialités doit être « la plus riche possible et soutenir les établissements les moins attractifs ou les plus isolés » . Certains enseignements très spécifiques font l'objet d'une carte académique voire nationale. Les spécialités « dont les combinaisons représenteraient une architecture en cohérence avec les études supérieures aujourd'hui les plus classiques » 21 ( * ) doivent être accessibles « dans un périmètre raisonnable » .

Dans le cas d'un enseignement isolé, l'enseignement de spécialité peut être assuré via le CNED . Enfin, deux établissements voisins peuvent passer une convention pour organiser collectivement l'offre des enseignements de spécialité.

Or, il ressort des auditions menées que les élèves choisissent leurs spécialités en fonction de celles présentes dans l'établissement . Comme l'indique Bruno Bobkiewicz, proviseur de la cité scolaire Berlioz à Vincennes et secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNPDEN), « il y a un effet établissement. Une fois présents dans l'établissement en seconde, les élèves veulent y rester. Ils font le choix des spécialités en fonction de ce qui est proposé. Seuls 2 à 3 élèves (sur les 1 400 élèves du lycée) ont changé d'établissement ».

Certains lycées ont passé des conventions avec d'autres établissements pour que leurs élèves puissent y suivre des enseignements de spécialité spécifiques. Certains établissements de zone rurale affrètent un bus pour les y amener. Cela peut se traduire par des trajets longs (jusqu'à trois heures) et l'ensemble des heures hebdomadaires (4 à 6 heures) à la suite.

Enseignement non disponible dans l'établissement de l'élève : conventionnement avec un autre lycée et recours au CNED

Pour l'année 2020-2021, 3 785 élèves ont été accueillis dans un autre lycée afin d'y suivre une spécialité non offerte dans leur propre lycée, soit 0,4 % des élèves de première et terminale de la voie générale. 11,8 % des établissements (publics et privés sous contrat) ont accueilli à la rentrée scolaire 2020 des élèves qui ne pouvaient pas suivre l'enseignement de spécialité de leur choix dans leur établissement. En moyenne, un établissement (public et privé sous contrat) accueille 18 élèves issus d'un établissement différent afin de leur permettre de bénéficier de leur offre d'enseignement de spécialité.

Les enseignements « numérique et sciences informatiques » (NSI), « sciences de l'ingénieur » (SI), et « humanités, littérature et philosophie » (HLP) sont les 3 spécialités pour lesquelles les élèves sont les plus accueillis dans un autre établissement.

En ce qui concerne l'enseignement à distance, 2 478 élèves de lycée suivent des cours optionnels ou de spécialité via le CNED, incluant la voie technologique et professionnelle. Ils sont par exemple en 2020-2021 152 à suivre l'option « droit et enjeux du monde contemporain », et 310 à suivre la spécialité « numérique et sciences informatiques ».

Source : questionnaire budgétaire dans le cadre du PLF 2022

Pour le SNPDEN, cette réforme est plus facile à mettre en place dans les gros établissements . Les moyens affectés peuvent s'avérer insuffisants pour les établissements de petite taille. Le récent rapport de l'inspection générale sur l'évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique 22 ( * ) partage cette analyse : « la mission a pu identifier l'existence d'une taille critique d'établissement nécessaire pour permettre le plein déploiement de la réforme. Selon les avis de certains secrétaires généraux rencontrés, cette taille pourrait être proche d'une capacité de 950 à 1 000 élèves ou de neuf divisions par niveaux. Pour les lycées d'une taille inférieure, il est très difficile de parvenir avec la seule marge d'autonomie à remplir à la fois l'objectif d'accompagnement des élèves, de financement des dédoublements et de proposition d'une offre d'enseignements optionnels » . La commission de la culture avait alerté très tôt sur l'écueil de la réforme du lycée pour les établissements de petite taille.

Certains établissements sont confrontés au choix de proposer une option, importante pour l'accès à certaines filières d'enseignement supérieur mais prise par peu d'élèves. Tel est le cas du lycée Pasteur au Blanc (56 élèves en première et 56 en terminale), dont la proviseure Catherine Azéma a été auditionnée par les rapporteurs : l'option « mathématiques expertes » était suivie par trois élèves l'année dernière et un seul cette année, mais a été maintenue à la demande des familles en raison de son importance pour l'accès aux classes préparatoires scientifiques.

Les options « mathématiques expertes », « mathématiques complémentaires » ou encore de « droit et grands enjeux du monde contemporain » sont des pré-requis pour l'accès à de très nombreuses formations post-bac .

Aussi, les rapporteurs souhaitent que ces options puissent être suivies dans tous les établissements et ne soient pas comptabilisées dans leur dotation horaire globale .

La dotation horaire globale

La dotation horaire globale est une enveloppe attribuée aux établissements en fonction des effectifs ainsi que des options et spécialités prévues. Elle est normalement l'expression de l'autonomie des établissements en matière pédagogique puisqu'il revient au chef d'établissement, dans le respect des obligations horaires réglementaires de proposer leurs utilisations au conseil d'administration. Les heures de soutien scolaire, d'orientation mais aussi les dédoublements de classes en langues vivantes ou encore la constitution de groupes se font dans le cadre de cette dotation horaire globale.

Dans le cas contraire, et tel que c'est le cas actuellement, certains chefs d'établissement doivent prioriser entre les options proposées - nécessaires à la poursuite des études -, les dédoublements de classe ou encore les dispositifs d'accompagnement des élèves.

Propositions n° s 22 et 23 :

Prévoir une dotation horaire spécifique pour les établissements isolés ou de petite taille, afin de garantir un déploiement équitable de la réforme du lycée ;

Garantir la présence des options « mathématiques expertes », « mathématiques complémentaires » ou encore de « droit et grands enjeux du monde contemporain » dans tous les établissements et les exclure du calcul de la dotation horaire globale .

Le nombre de combinaisons de spécialités proposées par académie est 2,6 fois plus important dans l'académie de Versailles que dans celle de Corse. 14 académies proposent plus de 200 combinaisons de triplettes, 5 en ont moins de 150.

Nombre de triplettes par académie (2019), DEPP (note 19.48)

Les rapporteurs s'interrogent sur l'opportunité de développer le recours à l'enseignement à distance ou l'enseignement hybride afin de faciliter l'accès à des spécialités non présentes dans les établissements et permettre à ceux-ci de rester attractifs, tel que préconisé par l'inspection générale ou encore la mission flash de l'Assemblée nationale sur les spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat. La question de l'accompagnement et de l'encadrement des élèves potentiellement concernés est primordiale afin de leur garantir une équité dans leur formation : matériel mis à disposition, lieu de suivi des cours, encadrement et soutien scolaire dédié ... De même, cette mesure ne doit pas être perçue par le ministère comme un moyen de contraindre davantage la dotation horaire globale .

Proposition n° 24 :

Permettre, à titre dérogatoire et pour un nombre restreint d'établissements, le recours à un enseignement hybride (en alternant enseignements présentiel et à distance) et en évaluer le résultat du point de vue de l'élève, de l'établissement et de l'enseignant .

3. L'orientation : clé de voute du nouveau système, mais parent pauvre de l'Éducation nationale

La fin des séries fait de la classe de seconde un pivot de l'orientation de l'élève et de ses choix pour la poursuite de ses études. Une orientation de qualité, au collège et au lycée est donc nécessaire . En effet, pour de nombreux élèves, et notamment les plus fragiles ou les moins favorisés, l'institution scolaire est le principal vecteur d'accompagnement et de conseil dans l'orientation.

Lors des auditions, les rapporteurs ont pu relever trois difficultés majeures en matière d'orientation :

• Des heures utilisées pour finir les programmes

Certes, les programmes prévoient des heures d'orientation dès le collège, dont le volume horaire est indicatif : 12 heures annuelles en 4 ème , 36 heures en 3 ème , 54 heures annuelles au lycée général et technologique. Non inscrites dans l'emploi du temps, les heures d'orientation sont souvent des heures d'ajustement des programmes . Un représentant d'un syndicat lycéen a ainsi indiqué aux rapporteurs : « nous sommes début novembre, et je n'ai eu encore aucune de mes heures d'orientation. Ces heures sont théoriquement obligatoires, mais elles ne sont pas mises en place. En raison du contrôle continu, ma professeure principale ne peut pas prendre sur ses heures pour faire de l'orientation » .

Proposition n° 25 :

Inscrire les 54 heures annuelles d'orientation dans la grille horaire des enseignements des lycées généraux et technologiques .

• Un manque de dotation horaire pour prévoir ces heures d'orientation

Traditionnellement, les établissements financent sur leur marge d'autonomie - la dotation horaire globale - des heures d'orientation. Or, la réforme du lycée est fortement consommatrice de dotation horaire globale pour les enseignements de spécialité et les options. Comme l'a indiqué Bruno Bobkiewicz, proviseur de la cité scolaire Hectore Berlioz à Vincennes, « une fois les heures de spécialités et d'options posées, il ne me reste quasiment plus de dotation horaire globale pour faire de l'orientation » .

Pour les rapporteurs, les heures d'orientation doivent être exclues de la dotation horaire globale . Ce double caractère d'heures indicatives, non inscrites dans la grille horaire, conjugué à une mise en concurrence de ces heures avec les options, les dédoublements de classes ou l'aide personnalisée, risque d'accroître les inégalités territoriales , entre des lycées où la culture de l'orientation existe et d'autres moins mobilisés et dont l'équipe pédagogique préfère utiliser ces heures pour d'autres projets pédagogiques.

Il est également source d'inégalités sociales : on voit en effet apparaître ces deux dernières années des « coachs en orientation » privés, pour les familles qui peuvent se le permettre.

Proposition n° 26 :

Sanctuariser les heures d'orientation en plus de la dotation horaire globale afin de permettre à chaque établissement de disposer des marges de manoeuvre suffisantes pour les mettre en place .

• Un manque d'information et de formation des professeurs principaux et référents

Les professeurs principaux manquent d'information et de formation pour accompagner leurs élèves dans le contexte de la réforme du lycée. Il est notamment difficile de renseigner les élèves, lorsque les attendus de la formation post-bac ne sont pas connus. À titre d'exemple, les avis divergent sur la nécessité de prendre les enseignements de spécialité de SVT et de physique-chimie pour des études de médecine.

Selon la Cour des comptes 23 ( * ) , dans le précédent système des filières, 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs principaux déclarent n'avoir reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d'orientation, qu'il s'agisse de formation initiale ou continue. Or la Cour des comptes constate que les récentes formations mises en place par les rectorats à la suite de la loi « orientation et réussite des étudiants », concernent plus des points pratiques - procédure d'affectation des élèves, utilisation de la plateforme Parcoursup - qu'une formation du professeur principal à l'accompagnement et au conseil des élèves dans leur choix de formation et de métier.

Les rapporteurs soulignent également la nécessité de mobiliser et de coordonner l'ensemble des acteurs de l'orientation - équipe éducative, établissements de l'enseignement supérieur, CIO, les régions - afin d'accompagner au mieux les élèves dans leurs choix d'études. La faiblesse de l'accompagnement et du conseil empêchent de nombreux élèves de procéder à un choix éclairé sur leurs spécialités et options, et peut les conduire dans une impasse dans la poursuite de leurs études. Lors du débat sur la réforme du baccalauréat, organisé à la demande de la commission de la culture le 3 octobre 2018, Jean-Michel Blanquer a indiqué : « À partir de la seconde, et jusqu'à l'enseignement supérieur, les élèves passent à une autre étape, plus autonome, fondée sur des choix responsables, en étant accompagnés . C'est le sens de la réforme » . Or cet accompagnement n'est pas une réalité aujourd'hui pour tous les collégiens et lycéens, posant par conséquent la question du sens de cette réforme .

Propositions n° s 27 et 28 :

Renforcer la formation des professeurs principaux et référents en matière de conseil pour la poursuite d'études ;

Mieux mobiliser et coordonner l'ensemble des acteurs de l'orientation - équipe pédagogique, CIO, régions, établissements de l'enseignement supérieur - afin d'accompagner au mieux les élèves .

4. Une réforme complexe à mettre en oeuvre pour les établissements

La réforme du lycée se caractérise par la complexité de sa mise en oeuvre pour les établissements.

Elle a tout d'abord conduit à une explosion du groupe classe . Alors qu'en 2018, l'enseignement en groupe de première rassemblait 1,9 classe, en 2019 un groupe est composé en moyenne de 3,4 classes. Le nombre de groupes d'élèves en classe de première a augmenté de 30 %. Pour une classe donnée, on dénombre désormais en moyenne 36 groupes dans lesquels des élèves de cette classe suivent des cours, contre 14,5 avant la réforme. D'ailleurs, dans certains établissements, l'ensemble des élèves d'une classe ne sont pas réunis pour tous les enseignements du tronc commun. Ce brassage permanent des élèves n'est pas sans conséquence dans la gestion actuelle de la pandémie et le protocole applicable aux cas contacts .

Cette réforme implique de nouvelles conditions d'enseignement pour certaines disciplines : 86 % des heures des professeurs de mathématiques en première générale sont désormais effectués en groupe, alors qu'avant la réforme 63 % de ces heures étaient devant la classe entière (37 % des heures effectuées en groupe). 89 % des heures pour les professeurs de sciences économiques et sociales sont désormais en groupe, contre 33 % auparavant.

Cette réforme est également particulièrement complexe pour l'élaboration des emplois du temps : périodes longues sans cours, cours tard le soir, organisation des quatre à six heures de spécialité en un bloc, pause déjeuner fortement limitée, limitation du nombre d'enseignement optionnel par élève, réduction de l'horaire hebdomadaire des enseignements optionnels, regroupement des élèves de niveaux différents au sein d'une même classe (pour le latin et le grec par exemple), regroupement des élèves des langues vivantes A et B. Les contorsions sont nombreuses pour faire coïncider les emplois du temps de chaque élève avec ses choix et les obligations horaires des programmes. Certains établissements ont fait le choix d'imposer des « menus de triplette » et de « doublettes » : le choix de tel enseignement de spécialité impose d'en prendre un autre déterminé. De telles méthodes sont à rebours de l'esprit de la réforme qui vise à laisser le choix aux élèves, mais peuvent peut-être permettre d'éviter des choix de triplettes et doublettes inadéquates pour la poursuite des études.

La complexité de la réforme du lycée à la lumière d'un lycée de l'Indre accueillant 56 élèves en terminale - témoignage de la proviseure

« Afin que tous les élèves puissent avoir leurs enseignements de spécialité, il n'y a plus de groupe classe. Il y a un mélange dans les cours classiques. Les 5 enseignements de spécialité ont lieu de 10 heures à 12 heures. Je dois dédoubler les classes, car sinon je n'arrive pas à respecter tous les choix des élèves. Pour les langues, il n'y a plus de distinction entre les langues vivantes A et les langues vivantes B. J'ai un élève qui ne peut pas suivre le cours d'enseignement civique et moral.

En ce qui concerne les cours qui ont lieu de 12 heures à 14 heures : leur durée a été réduite à 45 minutes pour ménager aux élèves un temps pour manger.

À 17 h 15, les cours doivent être terminés, car les élèves doivent prendre les transports scolaires pour rentrer chez eux (le lycée accueille des élèves sur un rayon de 20 km). Mon problème majeur est d'assurer tous les enseignements de spécialité et les options dans un cadre horaire contraint de 8 heures à 17 h 15. Je ne suis pas dans la même logique d'un lycée de centre-ville qui peut placer l'option latin de 17 heures à 18 heures » .

La complexité de la mise en oeuvre de cette réforme a également des répercussions sur le recrutement des chefs d'établissement : les lauréats des concours de chefs d'établissement préfèrent prendre des postes en collèges. Les proviseurs ont de plus en plus de mal à recruter pour des postes d'adjoints.

5. Une prise en compte perfectible de la réforme par l'enseignement supérieur

L'un des objectifs des réformes du lycée et du baccalauréat est de permettre une meilleure articulation entre le lycée et l'enseignement supérieur .

À l'occasion des auditions menées, les rapporteurs ont entendu que l'enseignement supérieur est en train de s'emparer de la réforme. Les rapporteurs ne peuvent se satisfaire de cette réponse.

Ils ont alerté de longue date sur le fait que la réforme sur l'orientation et la réussite des étudiants (ORE) et celle de la réforme du lycée aient été conçues en silo et mises en oeuvre de manière parallèle, alors qu'elles auraient dû être liées. De manière transpartisane lors du débat sur la réforme du baccalauréat d'octobre 2018, la commission de la culture avait critiqué ce calendrier et cette mise en oeuvre non coordonnée. Plusieurs sénateurs avaient même évoqué une réforme mettant « la charrue avant les boeufs  en mettant au point Parcoursup avant le nouveau bac » . Les rapporteurs tiennent à le souligner : une politique publique doit se prévoir en amont et ne peut s'expérimenter sur plusieurs générations « d'élèves cobayes » .

Quelques aménagements ont été mis en place par l'enseignement supérieur :

- des formations ont été créées afin d'aider les bacheliers dans leurs orientations, à l'image de Paréo : pendant un an, l'étudiant alterne les périodes de stages dans des entreprises différentes ;

- les diplômes sont en cours d'évolution. Certains nouveaux diplômes sont créés. Les attendus des formations sont précisés.

Néanmoins, trop de questions demeurent. Elles sont liées :

- au calendrier : les évolutions majeures des diplômes se font au moment de la préparation des contrats d'accréditation, soit tous les cinq ans . Certains établissements, qui ont renouvelé leur accréditation juste avant l'entrée en vigueur de la réforme ne se sont donc pas forcément immergés dans cette nouvelle démarche ;

- à l'impression de « naviguer à vue » pour les élèves et les professeurs principaux, dans le choix des spécialités et des options à prendre pour accéder à certaines filières.

Selon Olivier Sidokpohou auditionné par les rapporteurs, certaines formations - seulement - ont anticipé la réforme, réfléchi à une évolution des parcours afin de prendre en compte des profils plus variés. Les rapporteurs s'étonnent de cette mise en oeuvre plus que partielle . Ils regrettent l'attitude attentiste de certaines filières : en effet certaines d'entre elles n'ont pas commencé ce travail et attendent de voir quels étudiants elles vont accueillir avant de modifier leurs maquettes. D'autres, enfin, estiment de pas avoir besoin de le faire . Au final, la réflexion semble plus avancée dans les filières scientifiques , que dans celles des sciences humaines qui peuvent estimer que le tronc commun suffit . Pour les rapporteurs, cette position va à l'encontre de l'objectif de la réforme du lycée.

Les rapporteurs appellent à une mobilisation de l'ensemble des filières du supérieur pour prendre en compte la réforme du lycée et la diversité des profils, afin d'accompagner les nouveaux bacheliers dans la réussite de leurs études. Cela peut notamment prendre la forme d'un aménagement des maquettes de formation.

L'analyse des voeux et des affectations pour les bacheliers 2021 - première cohorte issue de la réforme du lycée - témoigne également d'un bilan mitigé :

- le degré d'appropriation par les formations du supérieur est inégal. Pour de nombreuses filières, les résultats du tronc commun sont mis en avant, alors que les spécialités sont peu valorisées, ce qui va à l'encontre de la réforme . En effet, l'un de ses objectifs est de faire émerger des parcours plus personnalisés pour les élèves dans une perspective de réussite des étudiants dans le supérieur. Cette réforme est donc sur ce point un échec ;

- de nombreux élèves ont abandonné les nouvelles spécialités « sciences de l'ingénieur » ou « numérique et sciences numériques » par crainte de ne pas être pris en classe préparatoire , alors même que les écoles d'ingénieur sont désireuses de ces spécialités. Ces deux spécialités ont été abandonnées par plus de la moitié des élèves entre la première et la terminale.

La réforme du lycée a des conséquences importantes sur quatre filières :

- les profils scientifiques ont pratiquement disparu des voeux pour les instituts d'études politiques (2 %), alors que le bac scientifique représentait 25 % des candidatures ;

- 80 % des profils sont « adaptés » pour la candidature à la filière PASS , les élèves n'ayant pas fait de sciences au lycée candidatent très peu. On constate une très forte présence des profils mathématiques, physiques, avec ou sans mathématiques expertes ;

- pour les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques (MPSI, PCSI), plus de 97 % des élèves ont un profil mathématiques, physique chimie ou sciences de l'ingénieur et 85 % ont suivi l'option « mathématiques experts » ;

- elle a nécessité une réorganisation des classes préparatoires aux grandes écoles économiques, qui avaient une organisation très liée aux séries. Les équipes doivent désormais s'habituer à ne plus accueillir les mêmes profils d'élèves.

En revanche, pour les autres filières, la réforme du lycée reste au milieu du gué et ne permet pas de créer le continuum -3/+3 appelé de ses voeux par le Gouvernement .

*

* *

Deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme du lycée, le premier bilan est mitigé. Certes, les rapporteurs constatent une diversification des parcours : il faut désormais 15 triplettes de spécialités pour regrouper 80 % des élèves de première .

Néanmoins, cette réforme a été menée dans la précipitation laissant aux élèves et aux enseignants une impression de « naviguer » à vue.

Alors que l'orientation devient un facteur essentiel, elle reste un parent pauvre de l'éducation nationale. Trop peu de proviseurs et d'enseignants principaux ont suivi une formation pour accompagner leurs élèves dans leurs choix, et éviter qu'ils ne les conduisent dans une impasse pour la poursuite de leurs études .

Les établissements se retrouvent également contraints dans le déploiement de la réforme, face à une dotation horaire globale limitée, leur imposant des choix entre spécialités et options proposées, y compris pour des enseignements nécessaires pour poursuivre leurs études dans un nombre important de filières .

Enfin, les réformes sur l'orientation et la réussite des étudiants d'une part et celle du lycée d'autre part ont été conçues en silo et mises en oeuvre de manière parallèle, alors qu'elles auraient dû être liées. L'enseignement supérieur s'est trop peu saisi de la réforme du lycée, alors même que celle-ci a pour objectif de faire émerger des parcours plus personnalisés afin de mieux préparer les élèves à leurs études supérieures .

VI. ENSEIGNANT : UN MÉTIER EN MANQUE D'ATTRACTIVITÉ ?

A. UNE RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE : LA CRÉATION DES INSPÉ

1. Les INSPÉ : la volonté de réaffirmer le rôle de l'État-employeur

La loi pour une école de la confiance a créé les instituts nationaux du professorat et de l'éducation (INSPÉ), en remplacement des écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Cette modification sémantique traduit la volonté du Gouvernement de réaffirmer le rôle de l'État-employeur et l'unicité de la formation dispensée . Les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale ont arrêté un référentiel commun de formation aux métiers d'enseignant des premier et second degrés. Il doit conduire à une harmonisation des nouvelles maquettes des INSPÉ. Deux arrêtés ont été pris en ce sens :

- l'arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l'arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF). Il prévoit notamment deux stages d'une durée totale de 18 semaines et 800 heures d'enseignement et d'encadrement pédagogique hors stage, avec des pourcentages d'heures déterminés pour les savoirs fondamentaux, la polyvalence et gestion de classe, la recherche et aux innovations propres à chaque INSPÉ ;

- l'arrêté du 25 novembre 2021 fixant le cahier des charges relatif aux contenus de la formation initiale pour les étudiants et les fonctionnaires stagiaires se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation concernant la scolarisation des enfants à besoins particuliers.

2. Une réforme au déploiement perfectible

Lors de leur audition, les représentants du réseau des INSPÉ ont fait part d'un certain nombre de points positifs du fait de cette réforme. En déplaçant le concours à la fin de la deuxième année de M2, cela laisse plus de temps à la formation des étudiants . Jusqu'à présent, selon Alain Fruguière, président du réseau des INSPÉ, les étudiants de M1 sont obnubilés par la préparation au concours, et en M2 par leur titularisation.

Néanmoins, les rapporteurs ont pu constater, notamment à l'occasion de cette audition, que le déploiement de cette réforme rencontre des difficultés dans sa mise en oeuvre .

• La sortie tardive des textes réglementaires

Les textes réglementaires relatifs aux nouvelles épreuves du concours de recrutement sont sortis tardivement , avec des informations arrivant au compte-goutte. Alors que les maquettes des INSPÉ devaient sortir en janvier, les arrêtés relatifs aux nouveaux concours sont parus en janvier et les sujets types en avril.

• Un premier bilan mitigé des périodes de stages

La nouvelle maquette du master MEEF prévoit une période de stage d'une durée de six semaines au cours de la première année de master, sous la forme d'un stage d'observation et de pratique accompagnée, suivi d'un deuxième stage de 12 semaines qui peut être un stage en responsabilité, en tiers temps devant les élèves sous un statut de contractuel ou un nouveau stage d'observation. L'étudiant a également la possibilité de faire son master MEEF en alternance intégrant une période de 18 semaines en établissement.

Cette partie de la réforme dépend des moyens des rectorats pour proposer des stages dans les établissements . Si dans le premier degré, les rectorats arrivent plus ou moins à proposer autant de stages qu'il y a d'étudiants inscrits en M2, c'est moins vrai pour le second degré : dans certaines disciplines, aucun stage de terrain n'est possible. Enfin, pour les étudiants se destinant au métier de conseiller pédagogique d'éducation, très peu de rectorat ont fourni des tiers temps. Selon le réseau des INSPÉ, les rectorats ont proposé en moyenne un contrat pour 1,6 étudiant pour le premier degré, un contrat pour 1,5 étudiant pour le second degré - avec des différences fortes selon les disciplines -, et un contrat pour 3,2 formations CPE .

Or, l'un des objectifs de la réforme du master MEEF est de mieux préparer l'étudiant à son futur métier, en le mettant en situation devant les élèves avant de passer le concours .

Proposition n° 29 :

Définir et mettre en oeuvre une politique nationale et académique volontariste garantissant à chaque étudiant en MEEF de pouvoir bénéficier d'un stage, tel que le prévoit sa maquette de formation .

Par ailleurs, la moitié des étudiants ont fait le choix de privilégier un stage d'observation plutôt qu'en responsabilité en M2 . La première raison invoquée est la crainte d'une charge de travail trop importante en M2, entre la validation du master , la préparation du concours, et le temps devant les élèves. En l'absence d'informations sur le nouveau concours, ils ne disposent pas d'éléments pour juger si le fait d'avoir effectué un stage en responsabilité - plus chronophage - sera valorisé.

Entre difficultés à trouver un stage en responsabilité et préférence de l'étudiant de M2 pour un stage d'observation, seul un étudiant sur trois dans le deuxième degré est en stage en responsabilité (45 % pour les étudiants en M2 MEEF 1 er degré) . La réforme de la formation initiale est donc un échec sur ce point.

50 % des nouveaux enseignants et conseillers principaux d'éducation qui ont le concours ne sont pas issus des masters MEEF .

Proposition n° 30 :

Mieux prendre en compte, pour les étudiants faisant le choix du master MEEF, les stages de terrain, en valorisant davantage ces expériences devant les élèves dans les concours de recrutement.

• Des difficultés dans la mise à disposition de professionnels de terrain

Les maquettes MEEF prévoient que 33 % des enseignements dans ces masters soient réalisés par des professionnels de terrain . Cette préconisation, déjà présente dans le rapport de la commission sur l'attractivité du métier d'enseignant 24 ( * ) de juillet 2018, est au coeur de la création des INSPÉ. En effet, dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, le ministre a justifié sa volonté d'évolution du cadre de formation initiale par le fait que « la formation dispensée ÉSPÉ n'adosse pas suffisamment ses formations à la recherche universitaire, est dispensée par des équipes qui ne sont pas assez plurielles (manque d'intégration des enseignants-chercheurs des autres composantes de l'université), et ne s'appuie pas suffisamment sur l'expérience des professeurs de terrain . Il en résulte que la formation dispensée en ÉSPÉ ne répond pas suffisamment aux attentes du futur employeur des diplômés ».

Or, la mise à disposition de ces professionnels dépend de la capacité et des moyens des rectorats à les mettre à disposition, et donc de les remplacer devant leurs élèves pendant qu'ils interviennent en INSPÉ. Il y a des disparités importantes entre INSPÉ qui sont tributaires des rectorats et des universités - pour la mise à dispositions d'enseignants-chercheurs. Pour les rapporteurs, la volonté affirmée du ministre de reprendre en main la formation des futurs enseignants reste en partie lettre morte , par manque de moyens dans sa mise en oeuvre.

Proposition n° 31 :

Définir une politique nationale et académique volontariste pour mettre à disposition en master MEEF des professionnels de terrain afin de respecter l'objectif de la réforme des INSPÉ .

Enfin, les rapporteurs appellent à labelliser, dès la licence, des filières de formation à privilégier par les bacheliers et étudiants souhaitant déjà se destiner aux métiers de l'enseignement.

Proposition n° 32 :

Labelliser dès la licence des parcours d'études permettant de préparer aux métiers de l'enseignement .

B. UN MÉTIER EN MANQUE D'ATTRACTIVITÉ

L'amélioration du statut des enseignants était une priorité de ce quinquennat. Néanmoins, force est de constater qu'il n'y a pas eu de retournement de tendance .

Certes, pour sept enseignants sur dix - qu'il exerce en classe élémentaire ou au collège -, l'enseignement est leur premier choix de carrière. Mais un enseignant sur quatre se demande s'il n'aurait pas mieux fait de choisir une autre voie professionnelle que l'enseignement . Cette proportion témoigne d'un certain malaise enseignant .

Les rapporteurs constatent, ces dernières années , un sentiment de déclassement social des enseignants . Moins d'un enseignant sur dix estime que son métier est valorisé par la société 25 ( * ) .

Une augmentation de 80 % du nombre d'enseignants contractuels dans le premier degré sur le quinquennat

Le nombre de professeurs contractuels a fortement augmenté dans le premier degré. Alors qu'on comptabilisait lors de l'année scolaire 2016-2017 2 369 ETP de contractuels, ce nombre a atteint pour la rentrée 2020-2021 4 282 ETP, soit une augmentation de 80 %

Dans le secondaire, on dénombre, au 31 décembre 2020, 27 653 ETP d'enseignants contractuels. Ce nombre a fluctué pendant le quinquennat, avec un pic en 2018 à 28 400 ETP. À titre de comparaison, il y avait 24 736 ETP d'enseignants contractuels dans le secondaire au 31 décembre 2016.

1. Un décrochage salarial pour les enseignants, notamment en début de carrière

Si 71 % des enseignants du premier degré et 80 % des enseignants du second degré se disent satisfaits de leur contrat de travail ou de leur statut (sans prendre en compte le salaire), seuls respectivement 19 % et 29 % se disent satisfaits par le salaire perçu 26 ( * ) .

Quels que soient le statut et le niveau d'enseignement (1 er degré, professeur agrégé ou certifié), tous les enseignants ont vu leur salaire mensuel net baisser en euros constants, entre 2000 et 2019 dans des proportions allant de 15 % - pour les professeurs des écoles en début de carrière - à 25 % pour tous les enseignants en fin de carrière. Un sentiment de dégradation du pouvoir d'achat sur le quinquennat est particulièrement marqué chez les enseignants : 79 % des enseignants estiment que leur pouvoir d'achat s'est dégradé ces cinq dernières années , une proportion largement supérieure à l'ensemble de la fonction publique (56 % estiment avoir subi une telle dégradation) 27 ( * ) .

L'entrée en vigueur de la deuxième heure supplémentaire non refusable, l'exonération des cotisations sociales des heures supplémentaires dans la limite de 5 000 euros nets par an et le renforcement du dispositif « devoirs faits » expliquent les augmentations entre 2018 et 2019 pour les enseignants du secondaire. À cela s'ajoute le relèvement des taux d'accès à la classe exceptionnelle pour les enseignants en fin de carrière.

Un enseignant à temps complet gagne en moyenne 2 600 euros nets par mois - 1 750 euros pour un enseignant à temps partiel ou incomplet - ; les écarts de salaires allant du simple au double en fonction des statuts, corps et fonctions. Un enseignant contractuel, pour sa part, gagne en moyenne 1 728 euros mensuels nets. Ces salaires moyens masquent des disparités importantes : 90 % des professeurs de chaire supérieure et des professeurs agrégés gagnent au moins 2 530 euros, tandis que 70 % des professeurs des écoles perçoivent un salaire mensuel net moyen inférieur à 2 530 euros 28 ( * ) .

Par comparaison, dans la fonction publique d'État, le salaire moyen d'un fonctionnaire de catégorie A est de 2 958 euros. Hors enseignants, ce montant s'élève à 3 729 euros nets mensuels 29 ( * ) .

Les salaires des professeurs sont inférieurs à celui des actifs du privé de 21 % dans le pré-élémentaire, 23 % dans l'élémentaire et 12 % au collège.

Ce déclassement se fait également ressentir dans les comparaisons internationales : les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE. Selon l'OCDE, le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d'au moins 15 % à la moyenne de l'OCDE.

Salaire statutaire moyen brut des enseignants dans l'Union européenne
en 2019-2020 - source OCDE

(en parité de pouvoir d'achat en dollar)

Ce sentiment de déclassement social est sans doute l'une des raisons de l'augmentation des démissions ces dernières années. Si elles demeurent faibles au regard du nombre total d'enseignants (0,29 % des effectifs enseignants du premier degré et 0,17 % pour le second degré), elles sont en nette augmentation depuis 2015 : + 76 % dans le premier degré et + 40 % dans le second degré.

Les démissions ne sont pas uniquement le fait de jeunes enseignants. Plus de la moitié de celles-ci concerne des enseignants âgés de plus de 40 ans .

Nombre de démission des professeurs du premier degré

Nombre de démissions, y compris IDV 30 ( * ) , par année scolaire

Année scolaire 31 ( * )

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

2019-2020

Nombre de démissions

532

694

861

960

937

Nombre de démission des professeurs du second degré

Nombre de démissions, y compris IDV 1 , par année scolaire

Année scolaire 2

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

2019-2020

Nombre de démissions

441

527

538

692

617

2. Une revalorisation, principalement financière, annoncée à l'occasion du Grenelle de l'éducation nationale à amplifier

À la suite du Grenelle de l'éducation, qui s'est tenu d'octobre 2020 à mai 2021, 12 engagements ont été annoncés. Les revalorisations salariales en sont la partie la plus importante.

Les 12 engagements de conclusion du Grenelle de l'éducation

Mieux reconnaître financièrement l'engagement des personnels ;

Donner à chacun la possibilité de faire connaître ses compétences et ses souhaits ;

Permettre à chacun d'être l'acteur de son parcours professionnel ;

Personnaliser l'accompagnement des professeurs ;

Bénéficier de nouveaux avantages sociaux ;

Construire un lien direct entre les personnels et les services administratifs ;

Donner le pouvoir d'agir aux équipes éducatives de nos écoles grâce à une direction d'école consolidée ;

Donner plus d'autonomie aux équipes des collèges et lycées pour développer leurs projets ;

Partager avec tous les personnels les évolutions du pouvoir d'achat et du bien-être au travail ;

Gérer les ressources humaines au plus près des territoires : les feuilles de route RH de chaque académie ;

Assurer une continuité pédagogique efficace ;

Faciliter l'accès à une formation continue davantage diplômante.

• Sur les années 2021-2022, cette revalorisation salariale a un coût de 1,166 milliard d'euros .

En 2021, les revalorisations des enseignants ont porté sur trois mesures principales :

- La prime d'attractivité pour les professeurs, CPE et PsyEN en début de carrière.

Elle bénéficie à 31 % des professeurs, durant les 15 premières années de carrière pour les personnels titulaires (échelons 2 à 7 de la classe normale), et est dégressive en fonction de l'ancienneté (montant compris entre 1 400 euros et 500 euros bruts annuels). Un professeur débutant gagne 100 euros nets de plus chaque mois .

Un contractuel en début de carrière gagne 54 euros nets de plus chaque mois. Pour les agents contractuels, les montants sont compris entre 400 et 800 euros bruts annuels. La prime bénéficie à 96 % de ces agents et se traduit par une augmentation comprise entre 27 euros et 54 euros nets mensuels.

- La prime d'équipement informatique , d'un montant annuel de 150 euros nets.

- Le passage du taux de promotion à la hors-classe de 17 % à 18 %. Cette mesure concerne 1 700 enseignants par an.

Principales revalorisations en 2021

- revalorisation de l'indemnité de fonctions, de responsabilités et de résultats des personnels de direction, amélioration de l'indemnité de tutorat et des possibilités d'avancement à la hors classe, pour un coût total de 21 millions d'euros sur la période ;

- à compter du 1 er janvier 2021, pérennisation de la revalorisation de 450 euros bruts annuels allouée aux directeurs d'école en septembre 2020 avec la création d'une indemnité exceptionnelle (21 millions d'euros) ;

- revalorisation des corps d'inspection : revalorisation indemnitaire de 100 euros brut par mois et création d'un 11 ème échelon pour les inspecteurs de l'éducation nationale en 2021 ;

- rehaussement en 2021 des échelles de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) des agents administratifs (21,8 millions d'euros). Un plan de développement des compétences et de transformation des emplois de la filière administrative est également engagé en 2021 et se poursuit en 2022, dans une logique pluriannuelle d'ampleur sur 2021-2026 ;

- revalorisation indiciaire des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui bénéficient d'une nouvelle grille de rémunération avec progression automatique (pour un montant total de 56 millions d'euros dont 18,6 millions d'euros en 2021) ;

- revalorisation de la filière médico-sociale pour les médecins scolaires, médecins conseillers techniques et les infirmiers ;

- revalorisation de l'indemnité forfaitaire des conseillers principaux d'éducation (CPE) pour un coût de 3,2 millions d'euros dont 2,3 millions d'euros en 2021 ;

- revalorisation de l'indemnité de sujétion particulière pour les professeurs documentalistes pour un coût de 3,1 millions d'euros dont 2,6 millions d'euros en 2021.

En 2022, le périmètre de la prime d'attractivité doit être élargi, et doit bénéficier à 58 % des professeurs, CPE et Psy-EN . Selon les informations transmises par le ministère, des revalorisations en faveur des AESH et des directeurs d'école sont également à l'étude.

Cette revalorisation complète celle entamée sous le précédent quinquennat avec le protocole PPCR.

L'application du protocole PPCR, issu du précédent quinquennat, sur la période 2017-2022 : un milliard d'euros en faveur des personnels de l'éducation nationale

Issu de négociations du précédent quinquennat, le protocole PPCR se traduit dans l'éducation nationale sous trois axes :

- une revalorisation des grilles et une augmentation du taux des heures supplémentaires,

- pour les enseignants du premier degré, une augmentation du taux d'accès à la classe exceptionnelle,

- pour tous les corps enseignants, une augmentation du taux d'accès à la classe exceptionnelle.

La mise en oeuvre du protocole PPCR se poursuit en 2022 pour un montant de 17,1 millions d'euros.

Le gain moyen résultant de ces mesures s'élève pour un enseignant stagiaire recruté en 2020 à 1 000 euros bruts annuels par rapport à un enseignant stagiaire recruté en 2016. Pour un professeur des écoles ou un professeur certifié en milieu de carrière, la hausse est environ de 1 250 euros bruts annuels en janvier 2020 par rapport à ce qu'il aurait touché en 2016.

Au total, un million d'agents de l'éducation nationale ont bénéficié du protocole PPCR.

Cet effort de revalorisation doit se poursuivre. Les rapporteurs appellent notamment à une accélération des rendez-vous des carrières.

Proposition n° 33 :

Accélérer les rendez-vous de carrière, afin de revaloriser le salaire des enseignants .

.

Exemple d'évolution de rémunération nette pour des enseignants entre 2016 et 2021

Source : ministère de l'éducation nationale

Cas

Rémunération

2016 (mensuelle)

Avancement (ensemble de la période)

Hausse cotisations sociales

(ensemble de la période)

Gain indiciaire PPCR

(ensemble de la période)

Transferts primes-points

(ensemble de la période)

Hausse valeur point d'indice fonction publique

(ensemble de la période)

Prime Grenelle d'attractivité et prime équipement

(mesures du quinquennat)

(ensemble de la période)

Rémunération mensuelle décembre 2021

(salaire en euros constants)

Professeur stagiaire à la rentrée 2016

1 445 €

+ 3 794 €

- 115 €

+ 1 116 €

- 332 €

+ 97 €

+ 1 264 €

1 931 €

(1 867 €)

Professeure des écoles titularisée à la rentrée 2016

1 742 €

+ 1 160 €

- 230 €

+ 803 €

- 332 €

+ 115 €

+ 749 €

1 931 €

(1 854 €)

Professeur certifié titularisé à la rentrée 2016, exerçant en REP +

1 910 €

+ 1 160 €

- 183 €

+ 803 €

- 332 €

+ 115 €

+ 3 144 €

2 302 €

(2 218 €)

Directeur d'école de 5 classes, 7 ans d'ancienneté à la rentrée 2016

2 133 €

+ 1 741 €

- 251 €

+ 982 €

- 332 €

+ 122 €

+ 962 €

2 401 €

(2 307 €)

Professeur certifié avec 2 HSA, ayant 7 ans d'ancienneté (classe normale) à la rentrée 2016

2 015 €

+ 1 741 €

- 232 €

+ 982 €

+ 154 € (HSA)

- 332 €

+ 122

+ 578 €

2 266 €

(2 177 €)

Professeur certifié ayant 25 ans d'ancienneté (hors classe) à la rentrée 2016, accédant à la classe exceptionnelle

2 749 €

+ 5 356 €

- 326 €

+ 669 €

- 332 €

+ 185 €

+ 150 €

3 223 €

(3 102 €)

3. L'absence d'une politique sociale volontariste au sein du ministère de l'éducation nationale

Le rapport sénatorial de juillet 2018 sur le métier d'enseignant 32 ( * ) pointait la nécessité d'un renforcement de l'action sociale dans l'accompagnement des personnels de l'éducation nationale .

La mise en place de nouveaux avantages sociaux fait partie de l'un des douze engagements de conclusion du Grenelle de l'éducation. Lors de son audition budgétaire en novembre 2021, Jean-Michel Blanquer a mis en avant deux mesures sociales :

• La mise en place d'une protection sociale complémentaire en 2022 .

D'un montant de 15 euros par mois pour tous les personnels de l'éducation nationale, cette mesure a un coût de 200 millions d'euros. Plus qu'une initiative du ministère, les rapporteurs notent qu'il s'agit d'une obligation légale pour tous les employeurs publics au 1 er janvier 2022, en application de l'ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique.

• La création de « l'équivalent d'un CE pour l'éducation nationale, le Préau, avec des offres sociales, culturelles, sportives, de logement » 33 ( * )

Le lancement de Préau en décembre 2021 a fait l'objet de très nombreuses critiques de la part des enseignants. Ont été notamment décriés le fait qu'il ne s'agisse pas d'un comité d'entreprise, mais d'une association à l'adhésion payante, l'obligation de verser son adhésion sans pouvoir connaître le contenu de l'offre, ainsi que les prestations elles-mêmes.

4. Renforcer la formation continue

À de nombreuses reprises, la commission a souligné la nécessité de renforcer la formation continue, parent pauvre de l'éducation nationale. Ces budgets connaissent d'ailleurs une sous-exécution chronique. En 2019 34 ( * ) , à peine 71 % de celui-ci a été consommé (34,4 millions d'euros sur les 48,4 millions d'euros alloués). Or, la dernière enquête Talis réalisée en février-mars 2018 montre une dégradation du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants français par rapport à 2013 , date de la précédente enquête.

Sentiment d'auto-efficacité des enseignants (enquête Talis 2018)

Cette dégradation est observée quels que soient leur genre, ancienneté ou secteur d'enseignement .

Pour la première fois, le ministère de l'éducation nationale s'est doté, via la circulaire n° 219-133 du 23 septembre 2019, d'un schéma directeur de la formation continue pour les années 2019 à 2022.

Il s'appuie sur trois dispositifs :

- le plan national de formation qui offre un cadre à la politique éducative en proposant des formations en rapport avec l'évolution du système éducatif et de ses enjeux, sous la forme de séminaires nationaux ou d'universités d'été ;

- les plans académiques de formation élaborés en fonction des priorités nationales et académiques, des besoins des personnels ;

- le compte personnel de formation.

Les rapporteurs notent qu'il existe un vrai besoin de formation chez les enseignants. Lorsqu'ils sont interrogés dans le cadre de l'enquête Talis 2018 sur leurs besoins de formation continue, les enseignants français sont plus nombreux qu'en 2013 à éprouver de tels besoins .

Paradoxalement, seule la moitié des enseignants français indiquent avoir suivi une formation continue dans les douze derniers mois , contre 75 % de leurs collègues européens. Surtout, cette proportion a chuté par rapport à 2013 où 76 % des enseignants français indiquaient avoir reçu une telle formation.

De manière générale, les rapporteurs alertent sur l'écueil de formations verticales, sous forme de « doxa ». Ils appellent à privilégier le recours à l'échange entre pairs , et à développer la formation continue de proximité.

Par ailleurs, les rapporteurs appellent le ministère à mieux prendre en compte les demandes et besoins des enseignants . Ils portent notamment sur l'enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (plus d'un tiers des enseignants français contre 21 % pour la moyenne européenne - et 27 % en 2013) et la mise en oeuvre d'approches pédagogiques individualisées (24 % des enseignants français contre 13 % pour la moyenne européenne - et 19 % en 2013).

Une action politique forte en faveur de la formation continue doit être menée. Il n'est en effet pas normal que seuls 6 % des enseignants français considèrent que leur participation à une activité de formation continue peut avoir une incidence positive sur leur carrière .

Propositions n° s 34 et 35 :

Développer les échanges de bonnes pratiques entre les enseignants ;

Valoriser la formation continue dans le déroulement de carrière .

Enfin, les rapporteurs rappellent la position de la commission - un amendement avait été adopté en ce sens lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance - en faveur d'une « formation initiale continuée » . En effet, pour les rapporteurs, la formation d'un enseignant ne peut pas être considérée comme achevée à l'issue de ces deux années de master MEEF - d'autant plus que la moitié des lauréats du concours n'ont pas suivi ce master - et de la période de stage. Il s'agit de mieux accompagner les enseignants durant leurs trois premières années qui suivent la titularisation et d'instaurer un premier rendez-vous de carrière au bout de trois ans d'exercice.

Proposition n° 36 :

Mettre en place une « formation initiale continuée » permettant un meilleur accompagnement de l'enseignant durant ses premières années d'exercice .

*

* *

La réforme de la formation initiale à travers la création des INSPÉ devait permettre au ministère de l'éducation nationale de reprendre la main sur le recrutement et améliorer les conditions de travail des enseignants désormais recrutés à la fin du master 2 .

Or, par manque de moyens et de perspectives - avec des textes réglementaires parus tardivement laissant les étudiants et les INSPÉ dans l'incertitude -, la réforme des INSPÉ a du mal à atteindre ses objectifs. Une minorité d'étudiants seulement réalise un stage en responsabilité devant les élèves.

Quant à la présence de professionnels de terrain, normalement à hauteur de 33 % des cours dispensés, elle varie selon les INSPÉ et dépend des moyens que les rectorats peuvent leur mettre à disposition .

La rémunération des enseignants a progressé, portée par le protocole PPCR issu du précédent gouvernement et le Grenelle de l'éducation. Néanmoins, la rémunération des enseignants français, notamment en début de carrière, reste inférieure à la moyenne de l'OCDE, des cadres de la fonction publique ou encore des actifs du privé .

La dernière enquête Talis de l'OCDE réalisée en février-mars 2018 montre une dégradation du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants français par rapport à 2013, date de la précédente enquête. La formation continue reste un parent pauvre du ministère de l'éducation nationale : trop peu d'enseignants en bénéficient, elle ne répond souvent pas à leurs demandes que ce soit en termes de contenu ou de méthode (souhait d'échanges entre pairs). En outre, elle reste insuffisamment valorisée dans la carrière .

Aujourd'hui, un quart des enseignants se demandent s'ils n'auraient pas mieux fait de choisir une autre voie professionnelle. Le pari de l'attractivité du métier d'enseignant est donc loin d'être gagné .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 FÉVRIER 2022

___________

M. Laurent Lafon , président . - Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle la présentation, par nos collègues Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier des conclusions de la mission d'information consacrée à l'évaluation des mesures prises par le Gouvernement en matière éducative au cours du quinquennat.

Mme Marie-Pierre Monier , rapporteure . - Mes chers collègues, ce quinquennat se caractérise par la longévité de son ministre de l'éducation nationale. En effet, Jean-Michel Blanquer est le ministre de l'éducation nationale qui est resté le plus longtemps à ce poste sous la V ème République. Ce record a permis une continuité de l'action de son ministère de mai 2017 jusqu'à aujourd'hui. Ce quinquennat a également été riche de mesures en matière éducative. Aussi, il est important d'en dresser un bilan. Avec Max Brisson et Annick Billon, nous avons choisi six mesures emblématiques du quinquennat : le lien entre école et société, l'abaissement de l'âge d'instruction à trois ans, le développement de l'école inclusive, la priorité donnée au primaire à travers les politiques de limitation des effectifs de la grande section au CE1, la réforme du lycée, enfin l'attractivité du métier d'enseignant.

Nous avons eu l'occasion, lors de l'examen des textes correspondant à ces mesures, même si une partie d'entre elles ont échappé au cadre législatif, d'exprimer par nos prises de paroles et nos votes, nos positionnements politiques, souvent divergents, sur leur fond et sur la vision de l'école qu'elles traduisent.

L'exercice auquel nous nous prêtons aujourd'hui est différent : il s'agit d'évaluer l'impact de ces mesures, au regard des objectifs initiaux qui étaient les leurs, ainsi que leurs répercussions concrètes sur le terrain pour les membres de la communauté éducative, en première ligne de leur application, mais également pour les autres acteurs concernés : les élèves, les collectivités locales, ....

La première thématique analysée concerne l'école et la société. Jean-Michel Blanquer voulait renforcer le respect de la société envers les enseignants et l'institution scolaire, ainsi que bâtir une école de la confiance. C'est d'ailleurs le titre de la grande loi scolaire du quinquennat, qui a ensuite été déclinée sous forme de « slogans » dans toutes les publications du ministère de l'éducation nationale.

Vous vous souvenez sans doute des débats riches que nous avons eus sur l'article 1 er de ce projet de loi. Je ne vais pas y revenir.

Que constate-t-on aujourd'hui ? La relation entre les Français et l'école reste dégradée. Le sondage réalisé pour le Sénat par l'institut CSA à l'occasion de l'Agora de l'éducation montre des doutes élevés des Français dans la capacité de l'institution scolaire à accomplir ses principales missions. Quelques chiffres pour illustrer mes propos : seuls 44 % des Français - et 38 % des enseignants - estiment que l'institution scolaire est efficace dans la transmission des savoirs fondamentaux, et 33 % des Français - 23 % des enseignants - estiment qu'elle est capable de résorber les inégalités sociales et territoriales.

Cette volonté de renforcement du respect et de la confiance dans l'institution scolaire ne s'est pas non plus traduite du point de vue des enseignants. Ils continuent à se sentir mal aimés par la société.

La dernière enquête Talis de l'OCDE souligne ce mal-être : seuls 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société.

À de nombreuses reprises le ministre a affirmé que la logique du « pas de vague » n'est plus celle de l'éducation nationale. Or, ces affirmations ont du mal à se traduire par des actions concrètes sur le terrain. L'une de nos propositions porte sur ce sujet.

En matière de relation entre les personnels de l'éducation nationale et leur ministre, il sera plus juste de parler de défiance. Alors que le ministre n'a eu de cesse d'affirmer sa confiance envers l'école et les enseignants, force est de constater la multiplication des injonctions ministérielles. Je pense aux vadémécums, aux guides, ou encore aux « foires aux questions », injonctions d'un nouveau genre. Ce sont autant de circulaires déguisées qui réduisent l'autonomie des chefs d'établissement, la collégialité de l'équipe pédagogique et brident la liberté pédagogique des enseignants. Il est urgent de leur faire confiance ! Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs élèves, leurs difficultés et leurs besoins. Un témoignage qui nous a été donné au cours de la table ronde des syndicats enseignants illustre mes propos : « on a toujours eu des collègues grognons vis-à-vis du ministre. Mais ils démarraient pour un projet, ils étaient enthousiastes pour l'école. Or, là on les sent épuisés » .

J'en viens maintenant à notre deuxième mesure analysée : l'abaissement de l'âge d'instruction à trois ans.

L'article 11 de la loi pour une école de la confiance a abaissé l'âge d'instruction obligatoire à 3 ans. La France fait désormais partie des pays qui positionnent l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie - à titre de comparaison, elle est fixée à 5 ans au Royaume-Uni, 6 ans en Allemagne et en Espagne.

S'agit-il pourtant d'une révolution, comparable aux grandes lois scolaires qu'a connues notre pays depuis Jules Ferry ? Au final, cette mesure est largement symbolique : en 2018, la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans étaient déjà scolarisés. La loi n'a fait que suivre un mouvement ancien de notre société.

Deux territoires étaient plus particulièrement concernés par cet abaissement de l'âge d'instruction obligatoire : Mayotte et la Guyane. Le ministre avait d'ailleurs insisté en séance sur l'égalité des élèves , « où qu'ils se trouvent sur le territoire, en hexagone comme en outre-mer » . Le taux de scolarisation en maternelle est inférieur dans ces deux territoires de plus de 20 points à la moyenne nationale. Nous avons interrogé les services du ministère sur les progrès réalisés depuis le vote de la loi.

Les services se sont fixé comme objectif la scolarisation de tous les enfants en âge d'aller en maternelle en 2025, soit plus de six ans après l'entrée en vigueur de la loi.

Je tiens à le rappeler : la loi ne prévoyait pas une entrée en vigueur différée de la mesure pour ces deux territoires. Pour les six générations d'élèves concernés, ce sont des temps précieux d'apprentissage perdus. Actuellement 2 800 enfants en Guyane et 6 200 enfants à Mayotte en âge d'être scolarisés en maternelle ne peuvent pas l'être.

À l'occasion du débat sur le projet de loi, nous avions alerté, de manière transpartisane, sur les conséquences de cette loi pour les jardins d'enfants. Il est regrettable d'avoir mis en difficulté un réseau historique qui fonctionnait bien.

Le ministre avait promis un accompagnement des jardins d'enfant. Sur le terrain, on constate que celui-ci fait défaut. Les services déconcentrés de l'éducation nationale ne semblent parfois même pas au courant de cette promesse ministérielle.

L'inspection générale de l'éducation nationale a récemment proposé trois scénarii d'évolution pour les jardins d'enfants : la transformation en école publique pour les jardins d'enfants publics, la transformation en école privée hors contrat, le recentrage de leurs activités sur l'accueil des enfants avant 3 ans et l'accueil périscolaire des enfants plus âgés.

Au final, ces pistes d'évolution sont très difficiles à mettre en place et s'apparentent davantage à des fausses solutions.

Dernier point que je souhaite évoquer avant de laisser la parole à Annick Billon : l'accompagnement des personnels du fait de cet abaissement de l'âge d'instruction. Nous avons constaté que peu de choses avaient été faites : trop peu de plans de formations départementales ou académiques proposent des modules spécifiques, dédiés aux enseignants de maternelle. De même, il existe très peu de formations sur l'accueil en maternelle des élèves à besoins particuliers. D'ailleurs, d'après un rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, l'inclusion scolaire pour les élèves de 3 à 6 ans est difficile à mettre en oeuvre. Le ministère a certes rédigé deux guides pour accompagner les enseignants. Mais plutôt que rédiger ce type de document très vertical, nous pensons qu'il vaudrait mieux un investissement massif sur la formation initiale et continue des enseignants de maternelle.

Nous avons également pris connaissance d'initiatives très intéressantes de la part de DASEN. Je pense en particulier à ceux de l'Ain, de la Loire-Atlantique et du Morbihan : éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés dans les classes de petite section. La gestion de ces classes nécessite une maîtrise professionnelle particulière. D'ailleurs, un nombre significatif de renouvellement de stages avant la titularisation concerne des jeunes enseignants exerçant en petite section. Nous proposons ainsi d'éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés en petite section.

Mme Annick Billon , rapporteure . - Je vais vous présenter notre bilan des actions menées en faveur de l'école inclusive, d'une part, et du primaire d'autre part.

Le Gouvernement avait souhaité faire du handicap l'une des grandes causes nationales du quinquennat, avec notamment la création d'un service public de l'école inclusive pour la rentrée 2019.

Cette volonté politique forte s'est traduite par des moyens budgétaires conséquents : les crédits dédiés à l'école inclusive ont bondi de plus de 65 % sur l'ensemble du quinquennat. Le nombre d'AESH a pour sa part progressé de 33 % sur la même période. Néanmoins, malgré ces efforts importants, toutes les notifications des MDPH ne peuvent pas encore être satisfaites. À Paris, en 2020-2021, il a manqué 300 AESH pour répondre à l'ensemble des besoins.

On constate une réorganisation systémique de l'école inclusive avec les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Selon les informations transmises par le ministère, ceux-ci couvrent désormais l'intégralité du territoire national.

Les PIAL sont principalement un outil de gestion des ressources humaines, afin de répondre le plus rapidement possible aux besoins d'accompagnement nouveaux, ou en cas d'absence d'un AESH par exemple. D'ailleurs, certains PIAL ont fait le choix de proposer une formation généraliste portant sur tous les niveaux scolaires et les différents types de handicap, afin de faciliter les substitutions en cas d'absence.

Quel premier bilan en tirer ? Pour les familles, les PIAL doivent permettre d'éviter les risques de rupture dans l'accompagnement de leurs enfants. Il n'existe pour l'instant pas de bilan exhaustif. Un point positif, issu du terrain peut être souligné : le coordinateur du PIAL des Pyrénées-Atlantiques nous a indiqué avoir reçu beaucoup moins d'appels à la cellule « école inclusive » de la part des familles, depuis la mise en place du PIAL. Par ailleurs, l'enfant semble être moins la variable d'ajustement de l'emploi du temps des AESH qu'auparavant, grâce à la mutualisation. Il faut savoir qu'une notification n'indique pas un nombre d'heures d'accompagnement, mais des activités ou des moments de la journée pour lesquels un accompagnement est nécessaire.

Dans les faits, auparavant, l'enfant bénéficiait d'un accompagnement lorsqu'il y avait un « trou » dans l'emploi du temps de l'AESH. Or, cela pouvait correspondre à un moment où il n'en avait pas forcément besoin. La mutualisation entre plusieurs élèves doit allonger la durée de la présence physique d'un AESH dans une classe et donc permettre de répondre au besoin d'accompagnement de l'élève pour une activité particulière.

Du point de vue des AESH, le premier bilan est différent. La mise en place des PIAL a conduit à une évolution de leurs métiers, perçue dans certains cas comme une amélioration, mais dans d'autres cas comme une dégradation. Le nombre d'élèves ou de classes à suivre a en effet augmenté. Dans la Drôme, un AESH accompagne en moyenne 4,15 élèves. Mais dans le même temps, le PIAL a permis d'uniformiser les quotités de travail par défaut et souvent de les augmenter.

Nous avons entendu avec intérêt des initiatives de PIAL prenant des engagements moraux en termes de temps de trajet entre les différents établissements d'affectation des AESH, ou encore l'organisation de réunions de pré-rentrée réunissant l'ensemble des AESH afin de connaître leur souhait d'affectation. Ces initiatives sont à saluer et à généraliser.

Les conditions de recrutement des AESH ont également été améliorées : ils sont désormais recrutés en CDD renouvelable une fois pouvant se transformer en CDI, leur rémunération a été légèrement augmentée, et une formation initiale de 60 heures est désormais prévue. Néanmoins, leur situation reste précaire : un AESH qui accompagne toute la semaine un élève de primaire ne peut avoir un temps plein, car la semaine d'école est de 24 heures. Pour cette quotité de travail, un AESH va percevoir en moyenne 978 euros mensuels bruts.

Nous proposons d'améliorer la rémunération des AESH. Cela pourrait prendre la forme d'une modification des modalités de calcul de la rémunération, actuellement calculée sur 41 semaines. Leurs perspectives de parcours et de carrière doivent également être améliorées. Par ailleurs, leur formation continue doit être renforcée en partant de leurs besoins.

L'inclusion des enfants en situation de handicap doit se poursuivre. Cela passe tout d'abord par une réflexion sur le temps périscolaire. À cet égard, un arrêt du Conseil d'État de novembre 2020 a rappelé le partage de responsabilité et de financement des AESH entre l'État et les collectivités : à l'État le temps scolaire, et aux collectivités le temps périscolaire.

Il est néanmoins regrettable que dans de nombreux territoires, cette décision ait été mise en oeuvre de manière brutale, sans concertation, mettant en difficulté les communes et par répercussion les élèves et leurs familles.

Nous préconisons un recours plus important à la mise à disposition des AESH par l'État. Cette solution présente l'avantage pour la collectivité territoriale et l'AESH d'avoir un contrat et un employeur unique, les aspects administratifs étant ensuite réglés directement entre l'État et la commune.

Cette meilleure coordination pourrait permettre d'augmenter la quotité de travail des AESH, bien entendu dans le respect du droit du travail.

Enfin, l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain. Un nombre important de demandes trouve leur origine dans un défaut de formation des personnels ou d'adaptation des conditions d'accueil d'un élève. De nombreuses formations relatives à l'école inclusive ont été annulées ces deux dernières années en raison de la pandémie. Il est urgent de les organiser.

J'en viens à l'école primaire, « priorité des priorités » comme aime à le rappeler le Ministre. Cela s'est fait à travers deux mesures principales : le dédoublement des classes de grande section au CE1 en éducation prioritaire, et la limitation des effectifs à 24 élèves pour ces niveaux hors éducation prioritaire. Le dédoublement des classes en REP et REP + est une réalité qu'il faut reconnaître : 100 % des classes de CP et de CE1 sont dédoublées. Si, le dédoublement des classes de grande section est en cours et devrait s'achever à la rentrée 2023, on constate dès cette année une diminution nette du nombre d'élèves par classe de grande section en éducation prioritaire.

Quel premier bilan en tirer ? Certes, on constate quelques effets positifs, notamment pour les élèves en très grande difficulté. Mais le budget conséquent consacré à cette mesure n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP +. Au contraire, loin de réduire les écarts entre les élèves scolarisés hors éducation prioritaire et ceux scolarisés en éducation prioritaire, on constate en 2021 l'effet inverse : une augmentation des écarts de performance. Cette hausse est particulièrement significative en français, et sur certains items en mathématiques. La crise sanitaire a sans doute joué un rôle.

Il existe un point d'amélioration notable : le climat de classe. Les enseignants de CP dédoublés se déclarent plus confiants. Il faut cependant noter qu'ils ont pu bénéficier d'une formation spécifique dans le cadre de cette politique de dédoublement.

Cela montre la nécessité d'un effort massif envers une formation continue qui répond directement aux besoins des enseignants. Cette formation doit notamment permettre le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement cette réduction d'effectifs dans les classes. C'est l'une de nos préconisations.

L'investissement massif en faveur des niveaux allant de la grande section au CE1 nécessite également d'avoir une vigilance particulière pour les classes de CE2. Les élèves d'éducation prioritaire seront confrontés à une augmentation de 6 à 7 élèves par classe à la fin du CE1, ce qui peut être source de perturbation. Nous préconisons des mesures d'accompagnement scolaire pour ces élèves qui auront connu pendant trois ans des classes à effectifs réduits.

Le dédoublement des classes, conjugué au plafonnement des effectifs hors éducation prioritaire, interroge sur les moyens dédiés à ces deux mesures. Le dédoublement et le plafonnement nécessitent 19 300 ETP. Or, sur le quinquennat, seuls un peu plus de 7 000 ETP ont été créés dans le primaire. Il y a donc une différence d'un peu plus de 12 200 ETP entre les besoins exprimés et les moyens créés.

Nous avons interrogé le ministère sur cette différence. Voici ses explications : premièrement, la mise en oeuvre de cette mesure se prolonge au-delà de 2022. Sur le quinquennat, les besoins sont seulement de 15 400 emplois. Par ailleurs, les 7 000 emplois créés ne prennent pas en compte la réforme de la formation initiale. Les enseignants stagiaires exerceront désormais à temps plein et plus à temps partiel. Enfin, il y a un redéploiement d'effectifs, sous l'effet, d'une part de la baisse démographique, et d'autre part de la fin du dispositif « plus de maîtres que de classes ». À cet égard nous regrettons l'absence d'évaluation de ce dispositif.

Nous tenons à souligner que d'autres annonces ministérielles sont consommatrices de moyens : je pense à l'amélioration des temps de décharge des directeurs d'école, que nous appelons tous de nos voeux.

Nous devrons faire preuve d'une vigilance toute particulière pour s'assurer que ces ETP ne soient pas trouvés au détriment des moyens de remplacement - le ministère nous assure que ce ne sera pas le cas - ou encore par des suppressions de poste.

M. Max Brisson , rapporteur . - Nous avons certes des divergences, mais nos débats au sein de cette commission nous permettent de dessiner des traits communs sur l'avenir de notre école. Avec les rapporteurs, nous avons trouvé des arbitrages au-delà de notre conception du système éducatif, et avec des points de convergence. Nous avons travaillé avec le souci de dresser un bilan - qui peut être parfois sévère, mais toujours objectif - sur ce qui était souhaité par le ministre, ce qui a été réalisé, et les difficultés qu'il a pu rencontrer. Nous sommes dans l'exercice du contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement.

En ce qui concerne la réforme du lycée, nous sommes au milieu du gué. Personne ne peut le contester. Je rappelle les objectifs : d'une part, la bonne articulation et fluidité entre le lycée et l'enseignement supérieur, notamment la licence, et donc la capacité du lycée à faire émerger des parcours plus personnalisés pour mieux préparer les élèves aux études supérieures afin d'éviter le décrochage dans l'enseignement supérieur. D'autre part, il y avait également la volonté de mettre fin à un fonctionnement en silo, avec la hiérarchie des filières qui s'était imposée et la prééminence de la voie S. Désormais, le choix et les résultats des lycéens dans les spécialités doivent être devenus déterminants dans la poursuite des études. Deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme, que constate-on ? Il y a une grande diversité dans le choix réalisé par les élèves. Le ministère a recensé pour 2019 426 triplettes, choisies au moins par un élève. Pour retrouver 80 % des élèves de première, il faut associer 15 triplettes. Incontestablement les séries ont disparu. C'est à mettre à l'actif de cette réforme.

Mais on constate également une baisse historique du nombre des élèves qui suivent un enseignement de mathématiques. Auparavant 90 % des élèves de terminale suivaient un enseignement de mathématiques. Ils ne sont plus que 59 %. Or, de nombreux débouchés nécessitent les mathématiques. Aussi, nous recommandons que tous les élèves de première et de terminale suivent un enseignement de mathématiques, qui pourrait prendre la forme de mathématiques appliquées.

Cette réforme a également été révélatrice de choix genrés. Cette réalité se manifestait auparavant en classes préparatoires scientifiques. Désormais elle est revenue au lycée. On peut le constater sans polémique, le déplorer, et souhaiter que des correctifs soient apportés. Il y a un important travail à poursuivre en matière de lutte contre les stéréotypes associés à certains enseignements et certaines professions.

On peut également dire que cette politique publique a été mise en oeuvre de manière précipitée avec des conséquences en termes d'accompagnement. Je pense à l'orientation. La réforme aurait dû s'accompagner d'un effort particulier de conseil et d'orientation, pour permettre à chaque élève un choix éclairé. L'orientation devrait ainsi être la clé de voute de la réforme. Or elle en est le parent pauvre. Le ministre avait prévu 54 heures annuelles d'orientation au lycée. Mais elles ne sont pas inscrites dans l'emploi du temps des élèves. Elles sont souvent des heures d'ajustement pour finir les programmes. Par ailleurs, on constate un manque d'information des professeurs principaux et des référents. Le rapport de la cour des comptes de février 2020 sur la réforme de l'orientation et pour la réussite des étudiants soulignait que 85 % des professeurs principaux n'avaient jamais reçu de formation spécifique pour ces missions de conseil et d'orientation.

Par ailleurs, on peut comprendre que les professeurs principaux soient désarçonnés : l'enseignement supérieur n'a pas défini les attendus par rapport aux enseignements de spécialité.

La question de l'orientation est directement liée à celle de la dotation horaire globale (DHG) : les établissements décident de l'utilisation de la DHG pour des heures d'orientation, les dédoublements de classe, les actions de soutien aux élèves. Un proviseur de lycée nous l'a dit : « une fois les heures de spécialités et les options posées, il ne me reste quasiment plus de dotation globale horaire pour faire de l'orientation ». Au final, certains lycées le font car il y a une culture de l'orientation. D'autres ne le font pas car il n'y a pas cette culture et préfèrent faire d'autres choix. Se créent ainsi des inégalités dans le conseil permettant aux élèves de faire leurs choix éclairés. Aussi nous recommandons de sanctuariser les heures d'orientation en plus de la dotation globale horaire.

Les enseignements de spécialité ont également créé des inégalités entre les petits et les grands établissements. Nous avions largement alerté sur cet écueil, lorsque la commission avait débattu de cette réforme. Les petits établissements sont contraints de prioriser entre les spécialités et les options proposées. Or, il existe un effet établissement : une fois présent dans l'établissement en seconde, les élèves choisissent leurs spécialités et options en fonction de celles qui existent. C'est une réalité, en particulier pour les lycées de nos départements ruraux. Là encore, la spécificité du lycée de petite taille doit être prise en compte. Le ministre nous a indiqué hier en séance avoir une attention toute particulière pour l'école rurale. Il ne peut donc qu'être favorable à cette recommandation.

On constate également une prise en compte perfectible de la réforme de l'enseignement supérieur. Dès 2018, au Sénat, nous avions dénoncé la réalisation de la réforme sur l'orientation et la réussite des étudiants avant celle de la réforme du lycée. Ces réformes ont été conçues en silo, alors qu'elles sont liées. Au final, seules certaines filières ont pris en compte la réforme du lycée. Le ministre nous a indiqué hier que les choses sont en train de se mettre en place. Mais on passe le baccalauréat et devient étudiant qu'une fois dans sa vie. Ceux-ci n'ont guère envie d'être des cobayes à ces occasions.

Un certain nombre de formations du supérieur sont dans des positions attentistes : elles attendent de voir quels étudiants elles vont accueillir avant d'envisager une évolution de leurs maquettes. D'autres estiment ne pas avoir à le faire et s'appuient sur le tronc commun. Cette position va à l'encontre de l'objectif de la réforme et de la création des spécialités. On se retrouve avec des cohortes d'élèves et des étudiants dans l'attente de la mise en oeuvre effective de l'articulation entre le lycée et la licence. Cela ne me semble pas acceptable.

J'en viens à l'attractivité du métier d'enseignant. Notre commission se penche de longue date sur cette thématique.

La réforme de la formation initiale, à travers la création des INSPÉ, devait permettre au ministère de l'éducation de reprendre la main sur le recrutement et améliorer les conditions de travail des enseignants.

Par manque de moyens et de perspectives - avec des textes réglementaires parus tardivement laissant les étudiants et les INSPÉ dans l'incertitude -, la réforme des INSPÉ a du mal à atteindre ses objectifs. Une minorité d'étudiants seulement réalise un stage en responsabilité devant les élèves. Or c'est l'une des clés de la formation pratique des futurs enseignants. Quant à la présence de professionnels de terrain en master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation), elle varie selon les INSPÉ et dépend des moyens que les rectorats mettent à leur disposition.

La rémunération des enseignants a progressé, portée essentiellement par le protocole PPCR issu du précédent Gouvernement, et pour partie par le Grenelle de l'éducation. Néanmoins, la rémunération des enseignants français, notamment en début de carrière, reste inférieure à la moyenne de l'OCDE, et à celle des cadres de la fonction publique. Nous proposons d'accélérer les rendez-vous de carrière, afin d'améliorer la rémunération des enseignants.

La dernière enquête Talis de l'OCDE réalisée en février-mars 2018 montre une dégradation du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants français par rapport à 2013.

La formation continue reste un point faible de ce ministère - ce n'est pas un fait nouveau. Seule la moitié des enseignants français indiquent avoir suivi une formation les 12 derniers mois qui ont précédé l'enquête Talis de 2018, contre 75 % de leurs collègues européens. Or, ils sont toujours plus nombreux à exprimer un besoin de formation continue.

Aujourd'hui, un quart des enseignants se demandent s'ils n'auraient pas mieux fait de choisir une autre voie professionnelle. Le pari de l'attractivité du métier d'enseignant est donc loin d'être gagné.

M. Laurent Lafon , président . - Un grand merci à nos trois rapporteurs pour ce travail. Il n'était pas évident de parvenir à dresser un tel bilan alors que nous manquons encore de recul sur ces différentes mesures. Ceci dit, ce travail était important. Notre commission a pris toutes ses responsabilités dans l'examen des textes législatifs relatifs à l'école au cours des dernières années, qu'il s'agisse du projet de loi pour une école de la confiance ou, plus récemment, de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou directeur d'école.

Mme Marie-Pierre Monier , rapporteure . - Je voulais insister sur le caractère collégial de notre rapport et de nos propositions. Notre approche est conforme à la réputation du Sénat et à sa capacité à travailler dans un esprit transpartisan. J'avoue que, lorsque la mission a été lancée, je craignais que nous ne parvenions pas à un consensus au regard des positions différentes que nous avions chacun défendues par le passé. Nous avons beaucoup échangé ensemble et retenu toutes les propositions qui faisaient l'objet d'un accord entre nous. Au final, c'est ce qui assure la grande objectivité de notre bilan et qui en fait sa force.

M. Jacques Grosperrin . - Je me réjouis de ce travail de bilan qui, à ma connaissance, n'avait pas été réalisé au terme des précédents quinquennats. La tâche des trois rapporteurs était complexe au regard de la multiplicité des sujets à aborder. Je souscris aux axes de travail qu'ils ont retenus.

Il est toujours difficile de réformer ce pays. Cela vaut aussi pour l'éducation nationale.

Il est intéressant d'observer la liste des personnalités qui se sont succédé à ce poste depuis 1958 : certains sont par la suite devenus Premier ministre et même, dans le cas de Georges Pompidou, Président de la République. Le choix du ministre dit beaucoup de ce que le Président de la République ou le Premier ministre en exercice pensent de la fonction éducative. Marie-Pierre Monier a raison de mettre en avant la longévité de Jean-Michel Blanquer comme ministre de l'éducation nationale. C'est un exploit.

Je crois utile d'analyser la composition des cabinets des ministres de l'éducation nationale et l'évolution de l'intitulé des fonctions assignées aux différents conseillers. Cela donne une idée de la politique que le ministre veut mettre en place. Les cabinets comptent toujours un conseiller en charge du suivi de l'exécution. Pourtant, je me demande si ce suivi de l'exécution fait l'objet d'une continuité suffisante.

Les trois rapporteurs ont rappelé que beaucoup d'argent avait été mis sur la table depuis cinq ans en faveur de l'éducation nationale. Néanmoins, les résultats ne sont pas là.

Même si Jean-Michel Blanquer était sans doute, à titre personnel, très proche de notre position sur la laïcité, il a été corseté par la ligne défendue par le Président de la République et le Gouvernement. Il s'agit à mon sens de l'une des contradictions de ce quinquennat. Le défaut d'évaluation est un autre problème fondamental.

Vous nous soumettez trente-six propositions, ce qui constitue beaucoup et peu à la fois. Permettez-moi de vous poser quelques questions complémentaires. D'abord, vous avez évoqué des comparaisons internationales. Des bilans similaires des politiques éducatives ont-ils été réalisés dans d'autres pays ? Ensuite, si l'on demandait à chacun d'entre vous de mettre une note au ministre, quelle serait-elle ? Malgré l'avalanche de réformes intervenues au cours des dernières années, que manque-t-il à vos yeux de fondamental pour réussir ? N'y a-t-il pas, au final, un problème d'acceptabilité lié au trop grand nombre de réformes ? Enfin, si chacun d'entre vous ne devait conserver qu'une seule des 36 propositions, quelle serait-elle ?

Mme Céline Brulin . - Ce rapport est riche d'enseignements. Il est dommage qu'il n'ait pas été présenté en commission avant le débat qui s'est tenu en séance publique hier. Cela nous aurait permis d'avoir le même niveau d'informations et de disposer d'éléments factuels pour répondre au ministre, toujours très doué pour enjoliver la réalité.

Vous soulignez l'image dégradée de l'école dans la société qui ressort de différentes études. Je m'en étonne car j'ai plutôt le sentiment que le premier confinement a contribué à faire prendre conscience aux familles du besoin d'école et d'enseignants.

Vous évoquez la crise de la profession et les difficultés de recrutement. J'observe que le ministre de l'éducation nationale ne soutient pas aujourd'hui les enseignants comme son homologue de l'intérieur, Gérald Darmanin, soutient les policiers. C'est sans doute une faiblesse.

Je suis ravie de constater que certaines idées font leur chemin, comme la nécessité d'un service public de l'école inclusive. C'est un vrai progrès. Je me félicite aussi que votre rapport identifie clairement les conséquences du dédoublement des classes et du plafonnement progressif à 24 élèves. Ces mesures constituent un progrès, mais elles ont des répercussions sur les remplaçants.

En matière d'orientation, je m'interroge : peut-on laisser à des jeunes d'une quinzaine d'années la responsabilité de choisir les disciplines qui peuvent leur être enseignées ? Je ne nie pas qu'il faille une certaine appétence pour étudier, mais les jeunes de cet âge, ou même leur famille, sont-ils suffisamment armés pour percevoir les disciplines dont ils auront besoin à l'avenir ? Cette réforme présente des faiblesses et des limites. Par ailleurs, est-il opportun de confier cette orientation aux enseignants, qui ont nécessairement un regard subjectif sur leurs élèves ? Ne faudrait-il pas que des personnels extérieurs à la classe soient sollicités en matière d'orientation ?

Je voudrais attirer votre attention sur la politique actuelle en matière de regroupement d'écoles, qui se traduit par la disparition d'un certain nombre d'écoles rurales.

Mme Sonia de La Provôté . - C'est vrai.

Mme Céline Brulin . - Face au besoin d'école relancé par la crise sanitaire, les citoyens ne veulent pas voir disparaitre l'école de leur commune. Je suis consciente que chaque commune ne peut pas forcément disposer d'un établissement scolaire, mais peut-être faut-il repenser aussi la conception des écoles pour éviter le sentiment d'abandon croissant des zones rurales. Une école, ce n'est pas forcément cinq classes du CP au CM2.

Quelques mots enfin au sujet de Jean-Michel Blanquer. S'il est longtemps apparu comme un bon élève, son image s'est beaucoup dégradée en cette fin de quinquennat du fait de son action pendant la crise sanitaire. Les changements incessants de protocole dans l'éducation nationale ont suscité un mouvement social d'ampleur de la communauté éducative au cours des dernières semaines. Ces critiques n'émanent pas seulement des enseignants et sont également le fait des parents d'élèves.

Mme Sonia de La Provôté . - Je félicite les trois rapporteurs pour ce bilan complet. Les réformes ont été riches dans ce mandat en matière d'éducation. Le ministre a voulu, si ce n'est bouger les lignes, au moins imprimer sa marque. Il a fonctionné par totems : la scolarisation dès trois ans ou encore les PIAL et la mutualisation de la prise en charge des enfants en situation de handicap. C'est un moyen de faire disparaître les classes spécialisées, comme les ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaires), qui n'ont pas bonne presse. Les réformes du baccalauréat et du lycée sont aussi un totem.

Enfin, je souhaite mentionner deux propositions de loi majeures du quinquennat : la fonction des directeurs d'école, un sujet important identifié par le Sénat avant la crise de la Covid, ainsi que la proposition de loi de Françoise Gatel sur les écoles hors contrat. Nous avons voulu permettre à la République d'avoir un oeil efficace sur les écoles hors contrat.

À partir de ces totems, le ministre a fait des choix caricaturaux, et souvent n'abordant pas la thématique de façon globale. Je pense à la question de l'orientation qui n'a pas été traitée, malgré le bouleversement majeur qu'ont entrainé les réformes du lycée et du baccalauréat. Nous avions alerté sur un risque de création des inégalités. Cela s'est réalisé : faire un choix éclairé pour un élève ne se décrète pas. Un jeune arrive avec son bagage culturel, social, territorial. Il a besoin d'un service public de l'orientation.

En ce qui concerne le métier d'enseignant, les ambigüités sont nombreuses. Les classes à 25 élèves sont dans les faits une moyenne. Il existe encore en France des classes à plus de 25 élèves. On ne peut pas fonctionner avec des moyennes : chaque élève est unique. Je comprends qu'il faille des stratégies générales en matière éducative et de ressources humaines. Néanmoins, j'ai l'impression que les services de l'éducation nationale travaillent à partir d'une vision d'un gros établissement ou école, avec beaucoup d'effectifs, plutôt urbains. Je n'ai pas le sentiment, dans les mesures du ministre, d'une prise en compte de l'école rurale ou du petit établissement. En dehors de l'enseignement supérieur et des écoles de grande taille, n'y aurait-il point de salut ?

Il y a eu de nombreuses annonces sur l'enseignement professionnel, technique ou agricole. Mais dans les faits, ces enseignements n'ont pas été valorisés. Les inégalités se sont renforcées ou n'ont pas été traitées. Alors que le nombre d'académies concernées par la réforme de la réussite éducative va être élargi, aucune évaluation n'a été faite des premières expérimentations.

Enfin, il y a des ambiguïtés dans les réponses par un défaut d'évaluation, ou une évaluation qui ne va pas dans le détail. Or, ces évaluations détaillées sont possibles. J'en veux pour preuve celle réalisée en matière d'éducation artistique et culturelle. Il a été démontré qu'au final c'est l'école rurale qui réussit le mieux cette mission.

Les attentes étaient nombreuses au moment de la prise de fonction du ministre : des attentes de simplicité, de fluidité, d'humanité et de bienveillance dans le système éducatif. Les ambiguïtés sont restées, les inégalités ont été maintenues et la simplicité a été remplacée par une forme de simplisme dans les propos.

Mme Monique de Marco . - Je remercie les rapporteurs de ce travail complet. Il est dommage que nous n'ayons pas eu ces éléments pour le débat d'hier. J'ai été déçue par l'attitude du ministre de l'éducation lors du débat, qui s'est donné un satisfecit sur ses réformes. À ma question sur l'enseignement des mathématiques au lycée, l'augmentation des écarts qui se fait entre les filles et les garçons, et l'inquiétude du MEDEF, la réponse que j'ai obtenue est qu'il s'agit d'une « fake news ». J'estime qu'il aurait dû entendre les questions que nous lui posions. Ce n'étaient pas des questions pièges, agressives, mais nous demandions des précisions.

Je vous remercie pour les propositions n° 24 à 28 sur l'orientation. C'est un point indispensable. La situation actuelle en lycée est inquiétante. Les professeurs principaux ne sont pas formés, n'utilisent pas les heures pour parler d'orientation. En parallèle, le nombre de conseillers d'orientation et de psychologues est en diminution. Il y a en moyenne un psychologue pour 1 500 élèves en moyenne. Or leur approche est différente de celles des professeurs principaux. Nous avons beaucoup parlé du lycée. Elle est également primordiale au collège - en quatrième et troisième -, pour aider les élèves à identifier leurs préoccupations et centres d'intérêt.

Vous n'avez pas abordé le collège. C'est parce que c'est le grand oublié du quinquennat. Certes la mesure « devoirs faits » a été lancée. Mais elle n'a pas été évaluée. Celle-ci est mise en oeuvre par des Aides éducatives à domicile (AED), des étudiants, qui n'ont pas de formations et font au mieux. Il me semble que des moyens en termes de formation soient également nécessaires sur ce point.

En ce qui concerne l'attractivité du métier d'enseignant, il est clair qu'ils sont sous-payés. On le voit par comparaison avec les autres pays de l'OCDE. Mais, quand on commence à 1 500 euros nets par mois, il est souvent préférable de chercher une autre voie professionnelle pour le même niveau de diplôme.

Pouvez-vous m'apporter quelques éléments complémentaires sur les recommandations suivantes : la recommandation n° 2 sur l'autonomie des établissements, la n° 3 sur la dérogation d'assiduité scolaire. En ce qui concerne la recommandation n° 8, nous avons eu de nombreuses alertes des maires sur le financement des AESH sur le temps périscolaire. Cette recommandation évoque les coûts directs et indirects de l'abaissement de l'âge d'instruction. N'est-il pas également possible d'alerter sur le financement des AESH hors temps scolaire ?

M. Jacques-Bernard Magner . - Je félicite les rapporteurs qui ont essayé de faire une synthèse du bilan des cinq années de l'action du Gouvernement en matière d'éducation au-delà de nos désaccords. Il est difficile d'avoir une vue commune.

Je m'interroge : à qui s'adressent ces 36 propositions ? Au ministre sortant ? On n'est pas sûr qu'il prolonge son action au-delà des prochaines échéances. À une liste de candidats à l'élection présidentielle ? Il n'est jamais négatif de faire des propositions d'autant que nos assemblées parlementaires sont très peu sollicitées sur les questions d'éducation. Beaucoup de réformes relèvent en effet du niveau réglementaire. Ces derniers jours, on a eu une loi sur l'éducation, un débat avec le ministre et 36 propositions. On termine le quinquennat sur un bon rythme.

Concernant la scolarisation des enfants de 3 à 6 ans, un travail important sur la maternelle avait été réalisé par le Conseil supérieur des programmes, lorsque j'y siégeais. Nous avions rappelé que la maternelle n'est pas une petite école primaire et que son objectif est d'apprendre aux enfants à devenir des élèves et à adopter un comportement social. Les collectivités territoriales font de nombreux efforts pour les maternelles et je serai déçu si cette orientation était remise en cause.

Concernant la formation des enseignants, il faudrait davantage prendre en compte la pratique dans l'évaluation de leur formation. Comme le montrent certains exemples étrangers, il est tout à fait possible de diriger une classe avec un bac+3 - même si je ne souhaite pas remettre en cause la masterisation du métier d'enseignant. On constate qu'il existe aujourd'hui des freins pour les personnes qui veulent devenir enseignants.

M. Julien Bargeton . - Je ferai entendre un son de cloche différent. Je suis en effet très fier de la longévité du ministre qui a conservé son poste pendant la totalité de la durée du quinquennat. La durée est un élément qui compte. Trop de ministres n'ont pas pu imprimer leur marque. Ce ministre de l'éducation aura été celui de l'école ouverte. Vous insistez peu sur la crise de la covid. Elle a pourtant eu des conséquences sur les réformes lancées par le ministère ; en outre, la France a réussi à maintenir les écoles ouvertes, plus que dans de très nombreux autres pays. Elle a d'ailleurs été saluée pour cela. Vous n'évoquez pas non plus les internats d'excellence et le programme « devoirs faits ». Cela aurait permis d'équilibrer les conclusions du rapport. Il y a une sévérité un peu injuste d'autant plus que les études citées datent souvent de 2018 comme celle sur l'attractivité du métier de professeur. Jean-Michel Blanquer n'était en poste que depuis un an. Il y a des études plus récentes qui sont plus équitables. Je ne partage pas non plus le constat d'un effondrement du nombre de jeunes femmes dans les filières scientifiques comme je ne partage pas les conclusions du rapport. Les retours de terrain que j'ai eus dans l'Est de Paris montrent par exemple que le dédoublement des classes REP et REP+ a permis d'améliorer les résultats des élèves qui habitent dans ces quartiers.

Il ne faudrait pas que des groupes d'opposition qui ne sont pas d'accord entre eux se retrouvent pour défendre un rapport dont la tonalité est excessive. Cette vision n'est pas la mienne.

M. Bernard Fialaire . - Appartenant à la minorité des commissaires qui ne sont pas issus de l'Éducation nationale, j'aborde ce bilan avec un éclairage sans doute différent de la plupart d'entre vous. Je crois que nous devons prendre un certain recul, surtout, sur ce que l'on peut retenir de l'action du ministère de M. Blanquer. La publication des prochains classements internationaux comme le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), nous le dira. Grâce à l'Agora de l'éducation, au débat d'hier en séance publique et au rapport examiné ce matin, nous avons pu parfaire notre information. Je regrette néanmoins la chronologie de ces trois évènements qui aurait pu être différente.

Lorsque l'on regarde les chiffres, on constate une augmentation du nombre de professeurs et une diminution du nombre d'élèves. Certains maires s'arc-boutent pour conserver leurs écoles. Dans ma communauté de communes, nous avions un collège qui était menacé de fermeture. Nous avions travaillé avec l'éducation nationale, pour amener par exemple des CM2 d'un regroupement pédagogique intercommunal dans l'enceinte du collège. Pour conserver leur regroupement pédagogique intercommunal (RPI), des maires ont été prêts à mettre en péril un collège. Alors que l'école privée y parvient, nous ne parvenons pas à défendre notre école publique en raison de blocages qui n'ont rien à voir avec la pédagogie.

Je me félicite d'une certaine déconcentration vers les régions et les départements. Pour moi, la médecine scolaire doit être plus partagée. Scolaire et périscolaire, éducation nationale et collectivités locales ne peuvent être des mondes hermétiques.

Le niveau de rémunération des enseignants en France demeure faible au regard des autre pays de l'Union européenne (UE) comme l'indiquent les statistiques de l'OCDE. C'est un problème français car le travail, en général, n'est pas bien rémunéré en fonction de l'utilité sociale. Il serait donc réducteur de prétendre que la faiblesse des rémunérations est une problématique propre aux seuls fonctionnaires de l'Éducation nationale.

Ma question concerne non pas les 85 % de professeurs principaux n'ayant reçu aucune formation à l'orientation mais les 15 % qui indiquent en avoir reçu une. Quel a été le contenu de cette formation ? Quels bénéfices en ont tiré les enseignants ?

M. Olivier Paccaud . - Mon jugement sur l'élève Blanquer est nuancé : « élève prometteur mais peut mieux faire ».

La réforme de la carte de l'éducation prioritaire a, semble-t-il, disparu des radars. La réforme de 2014 a été catastrophique. En priorisant les quartiers prioritaires de la ville, on a sorti les zones fragiles en ruralité. Aujourd'hui 70 % des élèves qui relèvent de l'éducation prioritaire n'y sont pas ! Hier je participais à la commission départementale de l'éducation nationale de l'Oise. Nous y avons notamment évoqué la situation d'une commune qui a été pendant 30 ans en ZEP/REP, n'y est plus depuis la réforme de 2014, où il y aura 26 élèves par classe, alors qu'à 10 kilomètres les élèves des mêmes niveaux seront 12 par classe.

Pour moi, l'absence de réforme de l'éducation prioritaire est la principale lacune de ce quinquennat.

M. Pierre Ouzoulias . - Je trouve exceptionnel qu'à quelques mois d'une élection présidentielle, une commission arrive à faire un bilan objectif et mesuré d'un quinquennat. Cela montre l'utilité du Sénat et de notre commission.

Je voudrais rappeler une série de chiffres pour un nouveau projet républicain : en 1882, la scolarité était obligatoire jusqu'à 13 ans ; en 1936 jusqu'à 14 ans, et en 1959 jusqu'à 16 ans. Depuis cinquante ans, il n'y a plus eu de progression de l'âge de la scolarité obligatoire au-delà de 16 ans. Il faut dépasser cet horizon et se demander si l'université ne doit pas mieux être intégrée au service public de l'éducation nationale. Je constate une absence de réflexion dans ce quinquennat ainsi qu'un manque d'action du Gouvernement pour mieux concilier éducation nationale et enseignement supérieur. Je signale d'ailleurs que Mme Vidal est restée elle aussi en poste pendant cinq ans. La réforme du baccalauréat me parait antagoniste à celle de Parcoursup. Pensons à la figure de Léon Bourgeois, chantre du progressisme qui disait : « Nous sommes redevables pour les générations futures, du progrès humain ».

Ne nous le cachons pas : les prolétaires de demain seront à bac+2.

Pour le classement de Shanghai, l'échec en licence est vu positivement. Plus une filière est sélective, plus elle obtient des points dans ce classement.

L'autre écueil qui demeure, c'est la différence dans la notation dans les lycées par rapport à Parcoursup et aux attentes de l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, il y a une demande très forte d'homogénéisation des notes. Cette réflexion n'a pas été menée.

La coordination entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur est un des prochains chantiers du futur quinquennat. Dans la République française du XXI ème siècle, le nouvel horizon d'attentes est l'enseignement supérieur.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souhaite évoquer très rapidement la prise en compte par l'école du numérique qui façonne désormais les métiers et les compétences. La loi d'orientation pour l'avenir de 2005 avait inscrit dans le socle commun des compétences la maîtrise de l'outil technologique. Un peu moins de vingt ans plus tard, a-t-on pu évaluer la politique suivie en faveur du numérique à l'école pendant ce quinquennat (formation aux outils informatique, maîtrise des applications, codage) ?

Un autre sujet conséquent est la formation des formateurs (professeurs des écoles ou des collèges) aux outils du numérique. Nous avions amendé le projet de loi pour une école de la confiance, afin de vérifier que cette dimension soit prise en compte dans les INSPÉ. Je n'ai cependant pas l'impression qu'il y ait eu des progrès. 80 millions d'euros sont consacrés dans le budget du ministère au numérique. Nous n'avons que peu de visibilité sur la consommation de ces crédits.

Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel : dans de nombreux cas, elles se sont assurées que les enfants aient un équipement informatique pour pouvoir bénéficier d'une continuité pédagogique pendant le confinement.

Des coordinations sont nécessaires entre l'ensemble des acteurs (collectivités territoriales, éducation nationale, enseignants motivés et formés).

M. Laurent Lafon , président . - Merci pour vos interventions. Je laisse la parole à nos rapporteurs pour répondre à vos interrogations.

Mme Marie-Pierre Monier , rapporteure . - La proposition n° 2 porte sur l'autonomie. « Garantir aux établissements publics locaux d'enseignement la capacité d'agir dans leurs domaines d'autonomie ». Nous faisons référence aux grandes lois de décentralisation concernant les établissements publics locaux d'enseignement. Un rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 souligne que ces établissements sont seulement « un échelon d'exécution et non de conception » . Seulement 10 % des décisions prises le sont au niveau des établissements, dont 2 % seulement en autonomie totale. Or, il y a des conseils d'administration dans chacun de ces établissements avec pouvoir de délibération. Il s'agit de garantir ce qui est prévu dans les textes.

En ce qui concerne l'assiduité en petite section de maternelle, nous en avions débattu à l'occasion de la loi pour une école de la confiance. Un certain nombre de ces enfants n'allaient pas à l'école l'après-midi. Le rapport de l'inspection générale sur la mise en place de l'instruction à trois ans indique qu'un peu plus de 20 % des parents ont demandé un aménagement de scolarité. Ils étaient 15 % à la rentrée 2020. Ces demandes sont satisfaites à 95 %. Actuellement, le directeur rencontre les parents, en discute avec les enseignants et fait une proposition au DASEN, qui la valide. Nous aimerions que ce soit le directeur qui prenne la décision. En revanche, il nous semble important d'avoir un contrôle a posteriori pour garantir une harmonisation des pratiques à l'échelle d'un département.

Vous avez sans doute été saisis des problèmes de transport scolaire et de la question de la présence d'un accompagnant dans les transports scolaires qui peut être à la charge des collectivités. Certains enfants, nés entre septembre et décembre, ont moins de trois ans lorsqu'ils commencent l'école.

Selon le rapport de l'IGÉSR, 20 % des DASEN constatent des équipements insuffisants ou des dortoirs trop petits. Des solutions sont trouvées au cas par cas. Il nous parait important d'évaluer la qualité de l'accueil, ainsi que les coûts directs et indirects pour les collectivités locales de l'abaissement de l'instruction obligatoire. C'est le sens de la proposition n° 8.

Que mettrions-nous comme appréciation au ministre ? Je mettrai « peu d'écoute », voire « pas d'écoute », « une gestion trop verticale avec des réformes mises en oeuvre en silo », « pas assez de rigueur et trop brouillon ». Je n'aurais pas mis « aurait pu mieux faire », mais « aurait dû mieux faire ».

En tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, si je ne devais garder qu'une proposition, ce serait la proposition n° 21 sur la lutte contre les stéréotypes de genre. J'ai été enseignante en mathématiques. Il y a un recul indéniable.

La formation est en berne et ne répond pas aux besoins des enseignants. C'est particulièrement le cas pour les enseignants - et les ATSEM - pour les petites classes. Certains enseignants stagiaires sont recalés lorsqu'ils sont en petite section, parce qu'ils ne sont pas assez préparés.

Mes collègues ont évoqué tour à tour la formation pour les AESH ou pour l'orientation. Il en manque également sur les élèves à besoin particulier en maternelle. La formation est un fil conducteur de notre rapport. Elle implique des échanges, une collégialité. La lecture d'un guide ou d'un vade-mecum ne constitue pas une formation.

Mme Annick Billon , rapporteure . - Nous avons dû choisir les mesures que nous souhaitions analyser. Le ministre a affiché une volonté d'agir, il a fait des choix, avec des budgets. L'orientation des budgets et leurs répartitions ne correspondent pas forcément à ce qui était attendu. On constate également un déficit d'écoute du corps enseignant. Avec la feuille de route présentée par le Ministre, une revalorisation du métier des enseignants pouvait être imaginée. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Si je dois retenir deux mesures ce serait les suivantes : je suis attachée à la liberté pédagogique et de décision. Aussi, je retiendrais la proposition n° 2 sur l'autonomie des établissements. En outre, la proposition n° 23 sur les mathématiques est importante. Avec la réforme du baccalauréat est apparu un déterminisme genré et social inacceptable. Nous avons une école inégalitaire.

Je partage les interrogations de Céline Brulin sur les moyens pour les dédoublements des classes, ainsi que sur la volonté du ministre d'avoir une école identique sur l'ensemble des territoires. Il y a un déficit de souplesse.

La mise en place des PIAL s'est faite à géométrie variable. Ils doivent désormais se mettre en place de manière harmonieuse, avec une reprise des bonnes pratiques identifiées sur certains territoires. Je pense notamment à celles existantes dans le PIAL des Pyrénées-Atlantiques.

J'ai le sentiment que l'école est devenue source d'inégalités profondes. Il est urgent d'y remédier.

Mme de Marco, vous nous avez fait part de vos regrets sur le calendrier par rapport à l'Agora de fin janvier et du débat d'hier. L'agenda de fin de session est très contraint, mais il est intéressant d'avoir pu débattre de ces sujets. Je partage vos inquiétudes relatives aux mathématiques.

Nous avons assez peu évoqué le collège parce qu'il ne s'agissait pas d'une priorité du ministre.

Un arrêt du Conseil d'État définit le partage des compétences entre l'État et les collectivités territoriales en matière de prise en charge des AESH sur le temps scolaire et périscolaire. Nous ne sommes pas revenus sur ce partage.

Nous sommes tous les trois issus de groupes politiques différents - et je précise que je ne suis pas issue du monde enseignant. Notre travail a été consensuel : nous n'avons pas eu à négocier pied à pied pour s'entendre sur les mesures proposées. À la veille d'une élection et de débats houleux, il est intéressant d'avoir pu réaliser ce travail consensuel. Ce bilan s'intègre dans le travail parlementaire de contrôle du Parlement.

M. Bargeton, je ne partage pas votre point de vue. J'ai pris en compte la pandémie lors de ma présentation. J'ai indiqué que la covid a pu freiner certaines avancées. Nous avons eu une approche équilibrée, mesurée. Si la situation de l'enseignement et de l'école était aussi satisfaisante, nous n'aurions pas eu les mouvements récents d'enseignants ni eu des décisions revenant sur certaines dispositions de la réforme du bac.

Certes, chacun se félicite que les écoles soient restées ouvertes. C'est à mettre au crédit du ministre. Mais si elles ont pu rester ouvertes, c'est parce que les enseignants ont fait preuve d'une agilité à toute épreuve, dans des temps souvent records pour s'adapter.

L'un de nos anciens collègues, Alain Duran, avait proposé la mise en place de contrats de ruralité. Ils permettent d'anticiper les évolutions démographiques et de se projeter au nom de l'intérêt de l'enfant et de l'aménagement du territoire. Une volonté partagée des politiques publiques, des collectivités et de l'État est nécessaire pour avancer sur ce type de proposition.

La réforme de la carte de l'éducation prioritaire n'a pas pu avoir lieu. La pandémie peut expliquer.

Les chiffres donnés par notre collègue Pierre Ouzoulias sont intéressants. Avec l'allongement de la vie et compte tenu de la nécessité d'acquérir de nombreux savoirs pour pouvoir s'adapter dans sa vie professionnelle future, une réflexion est sans doute nécessaire sur la durée obligatoire de formation. Le binôme ministériel Jean-Michel Blanquer/Frédérique Vidal n'a pas fonctionné : les difficultés d'orientation auxquelles sont confrontés les élèves sont le reflet d'une méconnaissance par le collège et le lycée des pré-requis pour accéder aux filières du supérieur.

Enfin, nous n'avons pas abordé la question du numérique, car cela concerne le contenu des programmes.

M. Max Brisson , rapporteur . - Pourquoi 36 propositions ? Celles-ci, ainsi que le rapport, s'inscrivent dans la lignée de plusieurs travaux précédents de notre commission. L'ensemble de ces travaux constitue une certaine vision de l'école qui peut nous rassembler au-delà de nos divergences. Nous plaçons l'école dans un temps long, qui n'est pas celui de l'agenda politique et des réformes. Nos travaux permettent de proposer une vision apaisée de l'école : au-delà des postures politiques, lorsque nous nous concentrons sur des sujets techniques, nous trouvons des accords.

Je partage la vision de Jacques-Bernard Magner sur l'école maternelle. N'en faisons pas une petite école. Il y avait une tentation ministérielle de le faire. Le ministre avait indiqué sa priorité pour la maternelle. Or peu de formations ont été diligentées sur l'accueil des tout-petits et pour prendre en compte la spécificité de l'école maternelle. Un quart de nos 36 propositions concerne la formation. Ce n'est pas un hasard. C'est sans doute la ligne de force de notre rapport. Sur les 9 propositions qui concernent la formation, 3 portent sur l'école maternelle. Si la maternelle est là où tout se joue, encore faut-il prévoir des formations pour les enseignants et les ATSEM. La dimension particulière du métier d'enseignant pour ces classes doit être prise en compte.

Il y a un incontestable malaise chez les professeurs. Il ne faut pas le nier. 79 % d'entre eux sont pessimistes quant à l'évolution de l'école. Je n'en fais pas porter la seule responsabilité au ministre. Mais vouloir être dans le déni me semble ne pas être la meilleure manière d'aborder le sujet.

Notre rapport ne s'appuie pas seulement sur des comparaisons internationales anciennes, mais aussi sur des rapports annuels et permanents de la DEPP. Ce sont les chiffres mêmes du ministère qui ont alimenté notre rapport, tout comme les rapports annuels de l'OCDE.

Sur le dédoublement, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) indique qu'il y a un effet significatif en CP, mais qu'il n'est pas poursuivi en cours élémentaire. En outre, les écarts continuent de se creuser entre les élèves de l'éducation prioritaire et les autres.

L'obligation de la formation jusque 18 ans est inscrite dans la loi pour une école de la confiance. Mais nous n'avons pas analysé cette mesure.

Je partage l'avis de Catherine Morin-Desailly sur le numérique, mais nous avons dû faire des choix dans notre analyse. Il faut que les savoirs fondamentaux incluent désormais le codage. À l'actif du ministre, on peut souligner la mise en place de la certification PIX pour les élèves en troisième, en terminale et les étudiants, ainsi que la mise en place d'une attestation numérique à la fin du primaire, dans le cadre de la loi confortant les principes de la République.

Le rapport de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux sur les nouveaux territoires de l'éducation nationale est plus que jamais d'actualité en ce qui concerne l'évolution de l'éducation prioritaire. La logique de l'établissement qu'il propose commence à entrer en oeuvre avec les contrats locaux d'accompagnement. Les zonages de l'éducation prioritaire ont montré leurs limites, avec les écoles orphelines. Cette approche par établissement me semble la bonne entrée. Des expérimentations, lancées par le ministre, sont en cours.

La commission adopte les propositions des rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 12 octobre 2021

- Direction générale de l'enseignement scolaire : M. Édouard GEFFRAY , directeur général, M. Christophe GÉHIN , chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales.

- Table ronde d'associations de parents d'élèves :

. Fédération des conseils de parents d'élève : Mme Carla DUGAULT , co-présidente, Mme Nageate BELAHCEN , co-présidente,

. Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public : M. Emmanuel GAROT , président PEEP Paris et administrateur de la fédération PEEP,

. Association de parents d'élèves de l'enseignement libre : M. Gilles DEMARQUET , président.

Mardi 19 octobre 2021

- Direction générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale : M. Vincent SOETEMONT , directeur général, M. Marc ESTOURNET , chef de service des personnels enseignants de l'enseignement scolaire.

- Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance : Mme Fabienne ROSENWALD , directrice, M. Thierry ROCHER , Adjoint au sous-directeur de l'évaluation, M. Philippe WUILLAMIER , sous-directeur de l'évaluation et de la performance.

Mardi 26 octobre 2021

- Conférence des présidents d'université : M. Guillaume GELLÉ , vice-président.

- Auditions de proviseurs de lycée : M. Bruno BOBKIEWICZ , secrétaire général du SNPDEN et proviseur de la cité scolaire Berlioz à Vincennes, Mme Catherine AZEMA , proviseure.

Mardi 2 novembre 2021

Audition commune des syndicats lycéens :

. Union nationale lycéenne (UNL) : M. Colin CHAMPION , secrétaire national, M. Thomas CESBRON , secrétaire national,

. Mouvement national des lycéens (MNL) : Mme Camille LECOMTE , co-secrétaire générale, M. Lenny GRAS , co-secrétaire général.

Table ronde des collectifs d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) :

. Collectif AESH-loi 2005 : Mme Virginie CASSAND , accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH),

. Collectif AESH Ile-de-France : M. Jérôme ANTOINE , animateur,

. Collectif AESH en action : Mme Anne FALCIOLA , accompagnante des élèves en situation de handicap, co animatrice du collectif AESH en action.

Mardi 9 novembre 2021

Table ronde des syndicats enseignants :

. SNES-FSU : Mme Rachel SCHNEIDER , secrétaire nationale

. SGEN-CFDT : Mme Catherine NAVE-BEKHTI , secrétaire générale,

. SNALC : M. Sébastien VIEILLE , secrétaire national à la pédagogie,

. SE-UNSA : M. Stéphane CROCHET , secrétaire général.

Table ronde des coordonnateurs de pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) :

. DSDEN 26 : M. Stéphane SAPET-BUTEL , inspecteur de l'éducation nationale en charge de l'adaptation et la scolarisation des élèves en situation de handicap, Mme Christelle CHARERAS , cheffe de la division des personnels de la direction des services de l'éducation nationale de la Drôme,

. DSDEN des Pyrénées-Atlantiques : Mme Julie BERGARA , enseignante référente coordinatrice pédagogique des AESH - service départemental de l'école inclusive, Mme Tatiana COLLIN , coordonnatrice pédagogique AESH.

Mardi 23 novembre 2021

- Association des directeurs de maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) : M. Dominique LAGRANGE , président, Mme Laetitia BARRET , directrice de la MDPH du Var, Mme Myriam BOUALI , directrice de la MDPH de Paris.

Mardi 4 janvier 2022

- Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPÉ) : M. Alain FRUGIÈRE , président du réseau des INSPÉ et directeur de l'INSPÉ de Paris, Mme Elsa LANG-RIPERT , vice-présidente du réseau des INSPÉ et directrice de l'INSPÉ de Bourgogne, Mme Anne-Lise ROTUREAU , déléguée générale du réseau des INSPÉ.

Jeudi 13 janvier 2022

- Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche : M. Olivier SIDOKPOHOU , inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, responsable du collège Expertise disciplinaire et pédagogique, chargé de la mission d'expertise et de suivi des voeux formulés par les lycéens pour la session 2021 de Parcoursup.


* 1 Compte rendu de la séance du 14 mai 2019, Sénat.

* 2 Note DEPP 21.34, satisfaction professionnelle et bien-être des professeurs des écoles : résultats de l'enquête Talis 2018, septembre 2021.

* 3 Confinement et fermeture des écoles au printemps 2020 : le vécu des familles d'enfants scolarisés en CP et CE1, DEPP, note 22.03, janvier 2022.

* 4 Repères et références statistiques, DEPP, 2018.

* 5 Chiffres du ministère de l'éducation nationale.

* 6 Il s'agit d'informations recueillies de manière non exhaustive à l'occasion des contrôles, l'instruction en famille se faisant pour l'année scolaire 2020-2021 sur la base d'une déclaration, sans présentation de projet pédagogique lors de celle-ci.

* 7 Évaluation de la mise en place de l'abaissement de l'âge de début d'instruction obligatoire, rapport de l'IGÉSR n° 2021-135, juillet 2021.

* 8 Compte rendu de séance du Sénat le 4 juillet 2019.

* 9 Compte rendu de séance de l'Assemblée nationale du 23 janvier 2019.

* 10 Évaluation de la mise en place de l'abaissement de l'âge de début d'instruction obligatoire, rapport de l'IGÉSR n° 2021-135, juillet 2021.

* 11 Réponse du ministère de l'éducation nationale du 15 octobre 2020 à la question n° 17493 du Sénateur Jean Louis Masson.

* 12 S'il existe au moins un jardin d'enfants dans 53 départements, la moitié des jardins d'enfants est concentrée sur huit départements : Paris, le Rhône, le Nord, le Bas-Rhin, les Bouches-du-Rhône, la Loire, La Réunion et le Haut-Rhin. Ces mêmes départements représentent en outre plus de 60 % des places totales (source : IGÉSR n° 2020-109, mission d'expertise sur l'avenir des jardins d'enfants, juillet 2020).

* 13 Pour un AESH débutant ayant un service de 24 heures par semaine, cela représente une augmentation de 45 euros bruts par mois.

* 14 Il s'agit notamment de veiller au respect d'une pause méridienne pour l'AESH en cas de journée continue.

* 15 Hors budget dédié à l'école inclusive et aux aides sociales qui concernent également des élèves de primaire.

* 16 Notamment l'évaluation et l'impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1 en REP + sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants, DEPP, n°2021.E04, septembre 2021.

* 17 60 % des enseignants en REP déclarent recourir à la pédagogie Montessori et 59 % à la pédagogie Freinet, contre respectivement 43 % et 41 % pour l'ensemble des enseignants.

* 18 Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles, rapport de Pierre Mathiot remis à Jean-Michel Blanquer le 24 janvier 2018.

* 19 À la rentrée 2021, des choix d'enseignements de spécialité en première et en terminale générale proche de ceux de 2020, DEPP, note 21.41, décembre 2021.

* 20 Source : association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public.

* 21 Humanités, littérature et philosophie ; langues, littératures et cultures étrangères ; histoire géographie, géopolitique et sciences politiques ; sciences économiques et sociales ; mathématiques ; physique-chimie ; SVT.

* 22 Évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique, IGÉSR n° 2021-106, juin 2021.

* 23 Un premier bilan de l'accès à l'enseignement supérieur dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, Cour des Comptes, février 2020.

* 24 Accroître la part des professionnels et des enseignants-chercheurs parmi les formateurs des ÉSPÉ. À terme, transformer celle-ci en structures sans formateurs propres, faisant appel aux ressources de l'éducation nationale (enseignants-formateurs) et de l'enseignement supérieur (enseignants-chercheurs), proposition du rapport d'information n° 690 de Max Brisson et Françoise Laborde : « métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », 2017-2018.

* 25 Bien-être des enseignants : que nous apprennent les données de la DEPP ? DEPP, juin 2021.

* 26 Satisfaction professionnelle et bien-être des professeurs en 2018 : résultats de l'enquête Talis 2018, DEPP 21.34, septembre 2021.

* 27 Enquête d'opinion auprès des fonctionnaires pour la FSU, sondage réalisé par Ipsos du 4 au 17 janvier 2022, échantillon 1568 fonctionnaires français.

* 28 L'évolution des salaires des enseignants entre 2018 et 2019, note DEPP 21.31, juillet 2021.

* 29 Rapport annuel sur l'état de la fonction publique, édition 2021.

* 30 Indemnité de départ volontaire (IDV).

* 31 Entre le 1 er octobre de l'année n-1 et le 30 septembre de l'année n.

* 32 Rapport d'information n° 690 de Max Brisson et Françoise Laborde, « Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », Sénat, 2017-2018.

* 33 Audition de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale devant la commission de la culture le 3 novembre 2021.

* 34 En raison de la pandémie, de nombreuses formations ont été annulées ou reportées en 2020 et 2021.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page