II. UNE COORDINATION ET UNE STRUCTURATION À RENFORCER ENTRE SERVICES DE RENSEIGNEMENT DU PREMIER ET DU SECOND CERCLES

A. COORDONNER L'ACTION DE SERVICES AUX COMPÉTENCES COMPLÉMENTAIRES ET PARFOIS CONCURRENTES

1. Le pilotage de la lutte contre la criminalité organisée est confié à la police judiciaire...

La stratégie nationale du renseignement, prévue par la loi du 18 décembre 2013, et la doctrine de renseignement criminel élaborée en 2021 s'adressent prioritairement aux six services spécialisés du premier cercle mais concernent également l'ensemble des services de police et de gendarmerie, des armées et autres entités de contrôle et de soutien concourant à la politique publique du renseignement.

Dans ce cadre, s'il apparaît que les enjeux prioritaires du renseignement sont d'abord orientés vers les menaces terroristes, l'anticipation des crises et la défense de l'économie du pays - ***** - la lutte contre la criminalité organisée est mentionnée comme l'une des menaces transversales, avec la menace cyber, les ingérences et la prolifération des armements.

En ce qui la concerne, le pilotage de la lutte contre la criminalité organisée relève de la police judiciaire. À ce titre, la délégation a entendu l'ensemble des services et offices centraux de police judiciaire concernés par le sujet, ainsi que les services du premier cercle (notamment la DGSI, la DNRED, Tracfin et la DGSE) auxquels il est fait appel au titre de leurs capacités de renseignement technique et humain.

Pour les services de police et de gendarmerie mentionnés par la stratégie nationale du renseignement, l'audition du directeur central de la police judiciaire (DCPJ), M. Jérôme Bonet, a mis en évidence que la notion de « criminalité organisée » recouvrait plusieurs situations infractionnelles (acte individuel prémédité, crime professionnel perpétré par plusieurs individus, et crime syndiqué au sein d'une association permanente de malfaiteurs) et plusieurs champs d'actions qu'il s'agisse du trafic de stupéfiants, du blanchiment d'argent, des vols et trafics, de la traite d'êtres humains ou encore des délits environnementaux.

Au sein de la police nationale, la DCPJ a la charge de la répression de la criminalité organisée et de la délinquance spécialisée sous ses diverses formes. Selon la DCPJ, le trafic de stupéfiants représente 70 % de l'ensemble de cette criminalité.

D'autre part, le recours aux techniques de renseignement aux fins d'incrimination nécessite une relation étroite entre les services de renseignement et les services de police judiciaire 16 ( * ) , mais le constat demeure que, malgré de nombreux échanges *****, l'activité de renseignement en tant que telle n'est pas spécifiquement orientée vers la criminalité organisée .

Au niveau de la DCPJ, il est fait état de deux besoins principaux :

- institutionnaliser la relation entre services de renseignement et services de police judiciaire ;

- renforcer les moyens de pilotage et de lutte contre une criminalité organisée qui intègre des moyens cyber et juridiques transfrontaliers toujours plus complexes.

Recommandation n° 6 : Renforcer la fluidité du recours des offices, en tant que chefs de file dans leur domaine de compétence respectif, aux services de renseignement spécialisés du premier cercle.

2. ...mais les moyens d'actions sont répartis entre différents offices centraux et services du second cercle...

La table ronde consacrée aux offices a montré que la réforme des offices et la doctrine de renseignement criminel élaborée en 2021 avaient permis de clarifier le rôle de chaque entité et de renforcer leur efficacité en leur conférant une fonction de chef de file dans leurs domaines de compétences respectifs désignés par leur dénomination :

- l'Office anti-stupéfiant (Ofast) ;

- l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) ;

- l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) ;

- l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) ;

- l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI).

Si la lutte contre le trafic de stupéfiants représente le principal enjeu quantitatif, celle-ci requiert de plus en plus de compétences transversales dans la mesure où ce trafic draine des activités de blanchiment mais aussi de traite d'êtres humains. En revanche, la porosité entre ces trafics et le financement du terrorisme ne semble pas établie.

Ainsi, contrairement à ce que pourraient laisser entendre les différentes dénominations, ce n'est pas l'OCLCO qui traite l'ensemble des affaires de criminalité organisée, son périmètre d'action étant focalisé sur le « haut du spectre du banditisme » relatif aux associations de malfaiteurs, de recherche de fugitifs et le trafic d'armes et de véhicules, considéré comme le « nerf de la guerre » des organisations criminelles.

Du fait du caractère transversal de la lutte contre la criminalité organisée et sa répartition entre les différents offices centraux, la délégation ne discerne pas de logique évidente de pilotage :

- la mise en oeuvre des collaborations entre services peut être dictée par le terrain ou l'urgence pour solliciter des moyens techniques ou humains supplémentaires ;

- *****, le choix du service chef de file en cas d'intervention fait l'objet d'une répartition au cas par cas ***** selon des critères plus factuels que juridiques, les circonstances et les moyens présents 17 ( * ) .

En raison même de la grande variété des formes que prend la criminalité organisée, certains services ont développé des domaines d'expertise liées à l'expérience acquise par certains de leurs agents et donc très dépendantes des personnes. *****

Recommandation n° 7 : Améliorer le recrutement et le traitement des sources humaines, en assurant la transmission des connaissances des agents recruteurs.

La délégation n'a pas eu à connaître de problématiques de concurrence entre services. Toutefois, si ces pratiques semblent fonctionner sur la base d'une saine mutualisation des moyens, elles mettent en évidence des limites des services de police en matière de renseignement et leur dépendance aux ressources des services de renseignement spécialisés, *****.

3. ...et nécessiteraient de mieux structurer le recours aux services de renseignement du premier cercle

L'Ofast, qui apparaît en première ligne tant par le volume des affaires traitées - les gains à blanchir résultant du trafic de stupéfiants représenteraient 100 millions de dollars par semaine 18 ( * ) -, présente un recours massif et structuré aux services de renseignement des premier et second cercles :

- premièrement ***** ;

- deuxièmement ***** ;

- troisièmement ***** ;

- et enfin quatrièmement *****.

La mobilisation des moyens de renseignement se faisant selon deux types de cadre juridique : le code de procédure pénale et le code de la sécurité intérieure.

Mais la mobilisation du renseignement demeure encore disparate. *****, certains offices n'ont que des liens limités ou ponctuels avec les services de renseignement spécialisés, malgré leurs propres difficultés à développer en interne du renseignement technique ou humain.

Recommandation n° 8 : Élever le niveau de priorité de la lutte contre la criminalité organisée dans le renseignement fourni par les services du premier cercle, dans le respect de leurs compétences.

En outre, la relation entre les offices et les services spécialisés de renseignement gagnerait à une meilleure structuration et clarté des objectifs :

- ***** ;

- ***** ;

- *****.


* 16 La DCPJ indique effectuer 1 500 demandes par an à des services de renseignement.

* 17 *****.

* 18 Selon la DNRED, en 2020, 50 tonnes de stupéfiants ont été saisis (16 tonnes de cocaïne et 34 tonnes de cannabis).

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