B. LE RÔLE CENTRAL DU RENSEIGNEMENT DANS LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE

La lutte contre le trafic de stupéfiants sur le port du Havre, et spécialement les saisies, reposent pour une large part sur l'action des services douaniers. *****.

1. Une action adaptée au risque aboutissant à l'entrave et à la judiciarisation

Le renseignement criminel dispose de moyens légaux importants, reposant sur les dispositions du code de la sécurité intérieure mais aussi des autres codes qui peuvent lui donner des prérogatives. Pour conduire leurs opérations, les services douaniers peuvent ainsi s'appuyer sur des dispositions contenues dans le code des douanes et dans le code monétaire et financier. La nécessité de choisir la base légale la plus adéquate constitue un enjeu important pour l'action des services, mais la multiplicité de ces bases est facteur de souplesse.

Cette souplesse permet aux services d'intervenir en matière de renseignement, de remontée des filières et d'entrave jusqu'à la judiciarisation.

L'action des services en matière de renseignement découle d'abord de la nécessité de surveillance d'activités qui ne sont pas en soi illégales ou pour lesquelles les moyens judiciaires seraient difficiles à mobiliser dans un temps adéquat. Comme le soulignait l'étude d'impact du projet de loi relatif au renseignement en 2015 : « Dans le domaine de la haute criminalité organisée, les mêmes dispositifs [de renseignement] permettront d'acquérir des informations précieuses à l'occasion de réunions de représentants de groupes criminels transnationaux qui peuvent se tenir en France, compte tenu de son attrait. De telles réunions, qui ne constituent pas en soi une infraction susceptible de mobiliser des moyens judiciaires, nécessitent une forte réactivité dès lors que les déplacements de ces personnes sont signalés dans le cadre de coopération avec les services partenaires. »

La caractérisation des réseaux criminels, l'établissement des liens entre des acteurs et leur identification alors même que certains, notamment pour les activités passant par le « dark web », ne connaissent par les identités réelles de leurs complices, nécessitent des compétences d'investigation et des compétences techniques de pointe à la mesure de la complexité des moyens de communication utilisés par les réseaux.

Ces recherches sont aussi nécessaires à l'étude des évolutions des moyens d'actions de la criminalité, et à la détection des risques émergents. Un exemple récent, ayant fait l'objet d'une communication de la DNRED à la presse, est l'apparition de nouveaux profils d'acheteurs d'armes issues du trafic, désireux d'assurer par ces moyens illégaux leur « protection » ou celle de leur famille.

Le service à compétence nationale Tracfin apparaît comme l'un des centres du renseignement criminel, susceptible d'irriguer l'action de l'ensemble des autres services par le suivi des flux financiers nationaux et internationaux finançant les activités criminelles ou destinés au blanchiment. La mise en lumière des réseaux liés au financement du crime organisé offre une capacité d'entrave et de démantèlement particulièrement efficace. Elle offre également la possibilité de détecter la pénétration de l'économie légale par les flux financiers issus du crime organisé, sujet de vigilance nécessaire des pouvoirs publics. L'extension récente des compétences de Tracfin et la croissance rapide du service au cours des dernières années, ont entrainé une évolution de sa structure qui doit aboutir en 2023. De plus en plus sollicité dans le cadre des investigations conduites par les autres services de renseignement en parallèle du développement de ses propres investigations, il importe de conforter le double rôle de Tracfin en tant que centre d'informations sur les flux financiers criminels et service de renseignement à part entière, tout en permettant à la structure de se stabiliser. La délégation estime que l'efficacité de l'information obtenue ne doit pas conduire à une croissance trop rapide qui pourrait limiter l'efficacité du service.

Recommandation n° 3 : Accompagner la croissance de Tracfin afin de permettre un développement de ses compétences et une diffusion de son expertise en matière de blanchiment.

Les actions des services de renseignement peuvent aboutir à une entrave, le cas échéant judiciaire. La judiciarisation suppose, outre la constitution de dossiers suffisamment étayés sur des infractions caractérisées et susceptibles d'entrainer une réponse pénale, que celle-ci soit proportionnée et de nature à mettre fin à l'action du réseau. Le moment de la transmission d'informations à la justice est donc particulièrement sensible et nécessite des relations efficaces de travail entre magistrats et services de renseignement. La « culture » des différents services joue ici un rôle déterminant : certains, disposant de pouvoirs de police judiciaire et donc de l'expérience d'un travail quotidien avec les parquets, paraissant avoir avec la justice une relation plus fluide que ceux dont les liens avec les magistrats sont plus distants. Tous les services se sont cependant félicités des dispositions introduites dans la loi du 30 juillet 2021 permettant la transmission par les magistrats de pièces et éléments judiciaires aux services de renseignement. Une doctrine d'emploi en cours d'élaboration par la Chancellerie, en lien avec la CNRLT, devrait permettre la mise en oeuvre de ces transmissions et, dès lors, de surmonter les réticences qui peuvent encore exister au sein de certains services.

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La délégation parlementaire au renseignement s'inquiète par ailleurs de l'ampleur des informations recueillies à l'étranger. En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, les informations provenant des autorités des pays producteurs et des services américains sont une source importante de saisie de drogues. *****

Recommandation n° 4 : *****.

2. L'importance des techniques de renseignement

Les services spécialisés de renseignement disposent de moyens techniques importants et de facilités d'usage dont ne disposent pas nécessairement les services de police administrative et judiciaire. *****.

Le recours aux techniques de renseignement suppose cependant une innovation permanente et une grande vigilance dans la lutte contre la criminalité organisée. Les réseaux criminels disposent en effet de moyens techniques souvent similaires à ceux des services et d'informations sur les techniques de renseignement qui leur permettent la mise en place de contre-mesures, voire d'espionnage des services eux-mêmes. Les possibilités offertes par des matériels facilement accessibles dans le commerce ne font que renforcer cette course à l'armement technique entre services de renseignement et réseaux criminels. Il est donc essentiel que les services ne soient pas distancés et disposent toujours des matériels les plus performants. Cela suppose aussi bien les budgets adéquats pour les obtenir que les capacités pour les utiliser voire les améliorer, *****.

*****, la délégation souhaite qu'un assouplissement du statut de repenti puisse être examiné par la Chancellerie, en lien avec les services de renseignement.

Recommandation n° 5 : Faire évoluer le régime applicable aux repentis *****.

Le rôle du renseignement pénitentiaire
dans la lutte contre la criminalité organisée

Le besoin de collecter des informations sur l'activité et les communications des personnes détenues n'est pas nouveau. En 2003, il avait conduit à la création d'un bureau du renseignement pénitentiaire (dit « EMS 3 ») au sein du département de l'état-major de sécurité de la direction de l'administration pénitentiaire, chargé « de recueillir et d'analyser l'ensemble des informations utiles à la sécurité des établissements et des services pénitentiaires » selon les termes de l'arrêté du 7 janvier 2003 portant organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire, qui avait ainsi donné une structure à des pratiques mises en oeuvre de façon informelle dès les années 1980. Disposant de moyens matériels et humains limités, il avait pour tâches principales la surveillance de certains détenus dits « difficiles » ainsi que la prévention de la radicalisation.

Les attentats commis par Mohamed Merah en 2012, puis ceux de Charlie Hebdo et du Bataclan de janvier et novembre 2015, ont profondément modifié les attentes à l'égard du renseignement pénitentiaire dans un contexte de prise de conscience du risque de radicalisation en prison et des lacunes du renseignement pénitentiaire en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Ces réflexions ont conduit à une transformation de ce dernier afin de faire face aux nouvelles menaces et de garantir la continuité du renseignement avant, pendant et après le temps de détention :

- d'une part, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a habilité les services de l'administration pénitentiaire à faire usage des techniques de renseignement prévues au livre VIII du code de la sécurité intérieure, conduisant ainsi à ériger ce service en l'un des services de renseignement du second cercle ;

- d'autre part, la structuration du renseignement pénitentiaire a été réorganisée en trois niveaux :

* au niveau national, le bureau du renseignement pénitentiaire, devenu Bureau central du renseignement pénitentiaire en 2017, a été transformé en service à compétence nationale par un arrêté du 29 mai 2019, avec pour mission de « rechercher, collecter, exploiter, analyser et diffuser les informations et renseignements susceptibles de révéler des risques d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, à la sécurité des établissements pénitentiaires, des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues et des services pénitentiaires » ;

* sous l'autorité de ce dernier, des cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire (CIRP), ***** ;

* enfin, *****.

Cette réorganisation s'est par ailleurs accompagnée d'un renforcement substantiel des effectifs et des moyens affectés au renseignement pénitentiaire (*****).

*****. Si la coopération avec les directions des centres permet de compenser les besoins en personnel, un renforcement des moyens de terrain est nécessaire, *****, au regard des enjeux et de la nécessité de placer les sources au plus près des détenus visés.

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