1. Des barrières culturelles et sociales à l'innovation encore trop fortes
a) Une éducation par la peur incompatible avec la culture de l'innovation
La culture de l'innovation suppose la prise de risque et l'acceptation de l'erreur. Selon Stéphane Bancel, directeur de Moderna, « Vouloir être parfait en tout s'accorde mal avec le monde de l'entrepreneuriat, où l'on échoue souvent avant de réussir » 1 .
Or le système éducatif français développe plus qu'ailleurs la peur de l'échec . Ainsi, 62 % des élèves français déclarent que lorsqu'ils échouent, ils craignent de ne pas avoir suffisamment de talent et que cela les fait douter de leurs projets pour l'avenir, contre 54 % des élèves en moyenne dans l'OCDE 2 .
Les méthodes d'enseignement françaises semblent être à l'origine de cette peur de l'échec . Ane Aanesland, chercheuse d'origine suédoise directrice de recherche au CNRS et co-fondatrice de ThrustMe, a ainsi constaté : « E n France, on éduque par la peur. Les élèves français ont peur de leur professeur. Moi, je n'ai jamais connu cela. Pour moi, le professeur soutient l'élève et lui enseigne. On ne peut pas apprendre de quelqu'un dont on a peur » 3 .
L'étude PISA précitée confirme ce relatif manque de confiance des élèves vis-à-vis de leurs professeurs. En France, seuls 57 % des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s'intéresser en général aux progrès de chaque élève, contre 70 % des élèves en moyenne dans les pays de l'ODCE . Plus d'un élève français sur trois pense que son professeur n'apporte jamais ou seulement parfois de l'aide supplémentaire en cours lorsque les élèves en ont besoin, contre un élève sur quatre dans les pays de l'OCDE.
Intériorisée dès la maternelle, la peur de l'échec constitue un véritable marqueur culturel en France, qui se retrouve dans toutes les classes de la société . Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'innovation de défense, rappelait cette anecdote : « Microsoft organise une conférence annuelle autour d'entrepreneurs qui ont échoué afin d'expliquer les erreurs faites et de pouvoir capitaliser sur cet enseignement. En France, cette conférence n'a été organisée qu'une fois, faute de participants, car nous avons une faible tolérance au risque et à l'échec » 4 .
1 Audition du 30 mars 2022.
2 Résultats de 2019 du Programme international de l'OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA).
3 Audition du 22 mars 2022.
4 Audition du 22 février 2022.
Patrice Caine 1 , président-directeur général du groupe Thales, a également expliqué par la peur de l'échec l'incapacité des fonctionnaires français à mettre en place une agence publique capable de financer l'innovation de rupture : « C'est la très forte probabilité d'échouer qui caractérise l'innovation de rupture. L'aversion au risque d'un certain nombre de structures publiques rend la mise en place d'un équivalent de la DARPA 2 quasiment impossible. Nous devons parvenir à effectuer notre révolution intellectuelle et accepter que, même si l'on manie de l'argent public, l'échec fait partie du financement à l'innovation de rupture. Sinon, on n'en fera jamais... ».
b) Une méfiance réciproque entre la recherche académique et le secteur privé