Alors que la littérature économique met en évidence l'importance du lien entre recherche académique et entreprises pour accroître les capacités d'innovation technologique de celles-ci, la France affiche une faiblesse marquée en la matière, avec un financement privé de la recherche publique plus faible (5,2 % de la DIRDA3 en 2016) que la moyenne de l'Union européenne (7 %)4.

Par ailleurs, la France se situe seulement au 26 e rang mondial en 2020 en matière de synergies entre recherche académique et entreprises et sa position s'est encore dégradée en 2021 (31 e rang) .

Les moindres liens entre le monde industriel et le monde académique en France s'expliquent par la persistance d'une méfiance réciproque, même si la situation s'est largement améliorée 5 . Amanda Silva-Brun, chercheuse au CNRS au sein du laboratoire Matières et Systèmes complexes, a ainsi rapporté que, pour certains de ses collègues, le développement de brevets est considéré comme « pouvant pervertir la recherche » . Elle a regretté la hiérarchie existant de facto entre la recherche fondamentale et la recherche tournée vers l'industrialisation, publiée dans des revues au moindre facteur d'impact et a estimé : « il est parfois difficile de montrer la valeur de mon travail à des collègues qui font de la recherche fondamentale et publient dans des journaux à fort facteur d'impact » 6 .

1 Audition du 19 janvier 2022.

2 Defense Advanced Research Projects Agency.

3 Dépense intérieure de recherche et développement des administrations.

4 Rapport précité « Faire de la France une économie de rupture technologique ».

5 Lors de son audition le 19 janvier 2019, Didier Roux, membre de l'académie des sciences a rappelé qu'il y a trente ans, « le monde de la recherche fondamentale et celui de la recherche privée ne se parlaient quasiment pas. » A contrario , le rejet du projet soumis par l'Université de Pau et des Pays de l'Adour à l'AAP IDEES sous prétexte que la gouvernance proposée donnait trop de pouvoir aux industriels au détriment de la liberté académique témoigne de la persistance de résistances fortes même au niveau des jurys à l'idée d'une collaboration étroite entre monde académique et monde économique.

6 Audition du 23 mars 2022.

Claude Grison 1 , directrice de recherche au CNRS et fondatrice de la start-up Bio Inspir', a rapporté que, lors de l'évaluation de son laboratoire, elle s'était entendu dire « que le nombre élevé de brevets que [celle-ci avait] déposés faisait peur ! »

Selon Alain Fuchs 2 , la séparation entre la recherche publique et le secteur privé s'explique également par le fait que, « durant de nombreuses années, le monde socio-économique s'est appuyé sur les ingénieurs de grandes écoles (écoles qui ne réalisaient alors que peu de recherche, contrairement à aujourd'hui). Enfin, l'industrie ne recherchait pas de titulaires en doctorat, comme c'est le cas de nos jours. »

Page mise à jour le

Partager cette page