Rapport d'information n° 806 (2021-2022) de MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 juillet 2022

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N° 806

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 juillet 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les dotations d' investissement aux collectivités territoriales ,

Par MM. Charles GUENÉ et Claude RAYNAL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet ,
vice-présidents  ;
MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ont présenté le mercredi 20 juillet 2022 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif aux dotations d'investissement aux collectivités territoriales.

I. DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT DE L'ÉTAT EN HAUSSE DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE DE PLUS EN PLUS CONTRAINT

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES DOTATIONS DE L'ÉTAT

L'État attribue quatre dotations budgétaires aux collectivités territoriales et à leurs groupements visant à cofinancer leurs projets d'investissements. En 2021, et en autorisations d'engagement, ces dotations sont réparties comme suit :

- la dotation d'équipement des territoires ruraux - DETR (1 milliard d'euros) , qui s'adresse aux communes rurales ;

- la dotation de soutien à l'investissement local - DSIL (570 millions d'euros) , qui s'adresse également au bloc communal afin de financer des projets structurants ;

- la dotation politique de la ville - DPV (150 millions d'euros) , qui s'adresse aux communes abritant des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

- la dotation de soutien à l'investissement des départements - DSID (212 millions d'euros) , qui s'adresse aux départements.

Entre 2014 et 2022, on assiste à une montée en puissance de ces dotations , dont le montant global passe de 920 millions d'euros en 2014 à 2,3 milliards d'euros en 2022 , avec un pic à 3,6 milliards d'euros en 2021 lié au plan de relance.

Évolution des crédits alloués
aux dotations d'investissement de l'État depuis 2014 (en AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Cette hausse des crédits est cependant à relativiser pour deux raisons :

- en excluant les dispositifs ponctuels du plan de relance (DSIL exceptionnelle, dotation rénovation énergétique, dotation régionale d'investissement -DRI) et l'abondement exceptionnel de la DSIL en 2022, le niveau « socle » de l'effort budgétaire de l'État est stabilisé depuis 2016 à près de 2 milliards d'euros ;

- dans le même temps, les dépenses d'investissement des collectivités ont connu une très forte progression, de 9,14 % entre 2017 et 2021 pour s'établir à 57,43 milliards d'euros. Les associations d'élus auditionnées par les rapporteurs spéciaux ont fait état du très fort dynamisme actuel des projets d'investissement dans les territoires. À cet égard, nul doute que des enveloppes bien plus élevées de dotations de l'État seraient également consommées dans leur intégralité. L'évolution des concours financiers s'inscrit, toutefois, dans un contexte budgétaire que l'on sait contraint.

Montant « socle » des dotations d'investissement depuis 2016 (en AE)

Montant total des dotations « France relance »
sur 2020-2021 (en AE)

Dépenses d'investissement totales des collectivités territoriales (hors remboursements) en 2021

B. DES CAPACITÉS D'INVESTISSEMENT CONTRAINTES PAR LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

La nécessité de faire contribuer les collectivités territoriales au redressement des comptes publics au travers des lois de programmation des finances publiques (LPFP) est à concilier avec celle de préserver l'investissement public local :

- entre 2014 et 2018 , la baisse unilatérale de la dotation globale de fonctionnement (- 13,4 milliards d'euros sur la période, soit une baisse totale de 33 %), bien que ne concernant pas directement la section d'investissement, a toutefois fortement pesé sur l'épargne des collectivités territoriales et partant sur leurs capacités à investir ;

- les « contrats de Cahors » institués par la LPFP 2018-2022 semblent moins pénaliser l'investissement public en ce qu'ils encadrent seulement la progression des dépenses de fonctionnement. Cette méthode a toutefois également des limites car la perspective d'une contrainte exercée à long terme sur l'évolution des dépenses de fonctionnement a pour effet de freiner le lancement de projets impliquant, une fois réalisés, d'importantes charges de gestion ou d'entretien.

La perspective de la prochaine LPFP est source d'inquiétudes pour le financement à venir de l'investissement public local , en particulier si des efforts accrus sont demandés aux collectivités territoriales pour limiter leur endettement et compte tenu de la baisse relative du montant des dotations de l'État du fait de la non reconduction des dotations du plan de relance et de leur diminution, en termes réels, dans le contexte inflationniste actuel. Il conviendra ainsi de veiller à ce que l'évolution des concours financiers de l'État et les éventuelles futures modalités d'encadrement des finances locales tiennent compte des caractéristiques des collectivités territoriales pour ne pas peser trop lourdement sur leurs capacités d'investissement.

II. DES MODALITÉS D'ATTRIBUTION ET DE GESTION DES DOTATIONS LAISSANT PEU DE PLACE AUX ÉLUS LOCAUX

A. DES DOTATIONS DONT LA GESTION EST DÉCONCENTRÉE

Les dotations d'investissement ont changé de nature par rapport aux premières décennies de la décentralisation, passant de dotations globales d'équipement libres d'emploi à des dotations fonctionnant suivant une logique de subventions sur projets sélectionnés par le préfet , ce qui permet une meilleure concentration de l'emploi des crédits de l'État.

Aussi, les dotations sont octroyées soit par le préfet de région soit par le préfet de département. Si elle peut exister localement au gré des relations entre les préfets et les élus, les textes ne prévoient en principe pas d'association de ces derniers aux décisions d'attribution. Seule la procédure d'octroi de la DETR prévoit l'intervention d'une commission consultative d'élus.

B. DES DOTATIONS DE PLUS EN PLUS CIBLÉES SUR LES PRIORITÉS THÉMATIQUES FIXÉES PAR L'ÉTAT ET SOUMISES À DES CRITÈRES DE SÉLECTION PARFOIS NOMBREUX ET PEU LISIBLES

Dans les différentes instructions relatives aux dotations d'investissement, l'État définit chaque année des priorités thématiques (transition écologique, rénovation du patrimoine culturel, aménagement urbain...) qui serviront de base à la sélection des projets. Le fléchage des projets sur certaines thématiques s'est avéré particulièrement strict dans le contexte du plan de relance , l'octroi de la DSIL exceptionnelle étant resserré sur trois priorités seulement (transition écologique, résilience sanitaire et rénovation du patrimoine) et celui de la DRI sur deux (rénovation thermique et mobilités du quotidien).

Répartition de la DETR par politique publique en 2018 et en 2019

(en milliers d'euros)

Source : Intercommunalités de France, d'après les données ANCT

Les travaux conduits par les rapporteurs spéciaux ont toutefois mis en évidence certaines difficultés pénalisant la bonne appréhension par les élus locaux de la doctrine d'emploi des dotations :

- les critères nationaux manquent parfois de précision , en particulier s'agissant du critère de maturité des projets. Si celui-ci se justifie aisément par la nécessité d'engager rapidement des opérations, notamment dans le cadre du plan de relance, afin de générer un effet levier et un impact sur la croissance, il ne saurait servir les seuls objectifs de communication de l'État quant à la consommation des crédits du plan de relance ;

- des critères de sélection ajoutés localement par les préfets, nombreux et évolutifs, manquent parfois de transparence , au risque d'une certaine complexité pour les porteurs de projets ;

Il en découle le sentiment partagé par de nombreux élus d'une insuffisante prise en compte des spécificités et des besoins locaux . Les recommandations des rapporteurs spéciaux visent ainsi notamment à :

- renforcer le pouvoir consultatif des élus , en prévoyant notamment une saisine obligatoire du président de conseil départemental sur les subventions allouées au titre de la DSID et en enrichissant l'information transmises aux commissions des élus pour la DETR ;

- conforter le rôle des préfets de département dans la procédure d'octroi de la DSIL ;

- inviter les préfets, lorsque c'est pertinent, à renforcer le subventionnement des dépenses d'études préalables pour les projets éligibles à la DETR , ce qui répond à un besoin exprimé par de nombreuses collectivités, notamment les communes de petite taille ne disposant que de faibles moyens d'ingénierie.

III. DES DOTATIONS S'INSCRIVANT DE PLUS EN PLUS DANS UN SYSTÈME D'INITIATIVES CONTRACTUELLES ET PARTENARIALES : PROMESSES ET RISQUES

A. UN SOUCI LOUABLE DE MISE EN COHÉRENCE DES DISPOSITIFS MAIS LE RISQUE D'UNE COMPLEXIFICATION DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL

1. Le développement des démarches contractuelles et partenariales, tentative de « globalisation » et de « labellisation » de l'action publique locale à moyens quasi-constants

Les contrats et partenariats passés entre l'État et les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreux et concernent diverses thématiques (industrie, revitalisation des centres villes, ruralité, écologie...). Ils constituent aujourd'hui un instrument majeur de l'action publique territoriale, dans lequel la politique d'octroi des dotations d'investissement de l'État s'inscrit désormais pleinement .

Il existe ainsi historiquement trois démarches contractuelles principales dans le cadre desquelles les dotations de l'État sont susceptibles d'être mobilisées : les contrats de plan État-régions (CPER) , les contrats de ville (pour la DPV spécifiquement) et les contrats de ruralité. Institués dans le cadre du plan de relance et pour la durée du mandat municipal 2020-2026, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont en principe signés à l'échelle des intercommunalités poursuivent notamment l'objectif de simplifier le paysage contractuel, en adoptant ainsi une approche transversale et en regroupant l'ensemble des programmes partenariaux lancés par l'État sous le précédent quinquennat (« action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie »).

Au plan financier, ils visent avant tout à orienter, ordonner et valoriser des financements préexistants émanant de différents acteurs (ministères, collectivités territoriales, opérateurs...). Si de telles « labellisations » peuvent contribuer à créer des dynamiques positives dans les territoires, elles n'impliquent pour l'essentiel pas de crédits nouveaux .

2. Un paysage contractuel à simplifier et à rationaliser

In fine , le constat d'une action publique locale saturée par les contractualisations est souligné par l'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs spéciaux . Au-delà des démarches impulsées par l'État, les régions et les départements déploient en parallèle leurs propres dispositifs de soutien aux projets d'investissement du bloc communal, qu'ils intègrent également de plus en plus au sein de démarches contractualisées. Il en résulte un paysage fortement complexifié, au sein duquel de nombreux élus avouent se perdre .

Face à ce constat, les rapporteurs spéciaux appellent l'État et les élus locaux à amplifier leurs efforts - déjà existants - pour mieux articuler leurs initiatives contractuelles et encouragent la mise en place de plateformes et de procédures de constitution de dossier communes pour les demandes de subventions . Une telle démarche est indispensable pour donner aux porteurs de projets la visibilité nécessaire sur les cofinancements dont ils peuvent espérer disposer.

B. LA MOBILISATION CROISSANTE DES DOTATIONS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES DÉMARCHES CONTRACTUELLES ET PARTENARIALES : LE RISQUE D'UNE « CAPTATION » ?

Les instructions annuelles relatives à l'emploi des dotations d'investissement insistent spécifiquement sur leur mobilisation en appui de ces différentes démarches contractuelles et partenariales, ce qui traduit la volonté de l'État central d'exercer une influence croissante sur les politiques de soutien à l'investissement local .

Il conviendra de veiller à ce que la nécessité de financer les actions prévues dans le cadre de ces démarches ne pénalise pas les collectivités ne s'y inscrivant pas, dont les projets seraient alors en pratique exclus d'un financement par ces dotations d'investissement de l'État. À l'inverse, la contractualisation par les collectivités ne doit pas être considérée comme un « droit de tirage » automatique .

En pratique, le risque d'une forme de « captation » croissante des dotations d'investissement par ce type de démarches contractuelles et partenariales doit être surveillé dans la mesure où, d'une part, le contexte budgétaire actuel est marqué par une diminution relative des dotations d'investissement et où, d'autre part, ces initiatives contractuelles et partenariales formalisent un certain engagement financier pluriannuel de l'État.

Un tel fléchage des dotations d'investissement sur les actions contractualisées avec l'État fait ainsi l'objet de réelles appréhensions de la part des élus, qui pourraient craindre d'être jugés en fin de mandat sur un programme d'investissement largement défini par l'État en lieu et place du programme pour lequel ils ont été démocratiquement élus.

Ce risque est à ce jour difficile à objectiver finement. Le ministère des collectivités territoriales n'effectuant pas d'analyse et de suivi croisés entre les dotations d'investissement d'une part et les démarches contractuelles et partenariales d'autre part, les informations sur ce point sont parcellaires et incomplètes .

D'après les données recueillies par les rapporteurs spéciaux, il est tout de même constaté que :

- en 2020, 31 % des projets financés par la DSIL s'inscrivaient dans le cadre d'une démarche partenariale ;

- en 2021, 12,7 % des crédits engagés au titre de la DSIL et 12,1 % de ceux engagés au titre de la DETR avaient été mobilisés dans le cadre de CRTE ;

- dans quatre départements étudiés spécifiquement par les rapporteurs spéciaux (Aude, Bas-Rhin, Haute-Garonne et Haute-Marne), on peut estimer que, toutes dotations confondues, la part de projets subventionnés s'inscrivant dans une démarche contractuelle ou partenariale est en nette augmentation, passant de 12,8 % en 2020 à 22 % en 2021.

Les rapporteurs spéciaux appellent ainsi le ministère à renforcer le suivi de l'octroi des dotations et les préfectures à communiquer aux commissions DETR la part des projets subventionnés s'inscrivant dans une démarche contractuelle ou partenariale dans leur département. Ils recommandent que ces commissions puissent en outre fixer un quota indicatif de subventions qui ne seraient pas mobilisées pour le financement d'opérations s'inscrivant dans ces démarches .

LES 14 RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. clarifier la doctrine de l'État quant à l'appréciation des critères de maturité des projets et de capacité d'autofinancement des collectivités sollicitant une subvention (direction générale des collectivités locales, préfectures) .

2. renforcer la transparence des critères de sélection des projets instaurés localement, qui ne sauraient pour autant être présentés comme des critères additionnels d'éligibilité aux dotations (préfectures).

3. instaurer une obligation de saisine consultative préalable du président du conseil départemental sur les attributions de DSID (législateur).

4. instaurer une obligation de communication à la commission DETR de l'ensemble des demandes de subvention dès lors que les dossiers sont bien éligibles (législateur) .

5. inscrire dans la loi l'obligation d'une communication annuelle du préfet de département à la commission DETR sur l'emploi de la DSID dans le département (législateur).

6. formaliser la pratique de l'attribution par les préfets de région d'enveloppes départementales de la DSIL aux préfets de département en encadrant leur délai de notification (direction générale des collectivités locales, préfectures).

7. renforcer, lorsque c'est pertinent, le subventionnement des dépenses d'études préalables pour les projets éligibles à la DETR (préfectures).

8. articuler les initiatives contractuelles impulsées par l'État, les régions et les départements, en les regroupant autant que possible dans des contrats-cadres globaux ou a minima en alignant leurs calendriers (préfectures, conseils régionaux, conseils départementaux).

9. favoriser localement la mise en place de plateformes et de procédures de constitution de dossier communes pour les demandes de subventions adressées à l'État, à la région et au département (préfectures, conseils régionaux, conseils départementaux).

10. affirmer clairement le principe selon lequel une collectivité territoriale ne peut se voir exclue du bénéfice d'une dotation d'investissement au seul motif qu'elle ne s'inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l'État. (direction générale des collectivités locales, préfectures) .

11. permettre aux commissions DETR de fixer un quota indicatif de subventions qui seraient réservées au financement d'opérations ne s'inscrivant pas dans un cadre contractuel ou partenarial (direction générale des collectivités locales, préfectures) .

12. renforcer le suivi des dotations d'investissement par l'administration centrale, notamment concernant leur mobilisation dans le cadre de démarches contractuelles ou partenariales (direction générale des collectivités locales) .

13. communiquer aux commissions DETR la part des projets subventionnés au titre de la DETR et de la DSIL s'inscrivant dans une démarche contractuelle ou partenariale (préfectures) .

14. veiller à ce que l'évolution des concours financiers de l'État et les éventuelles futures modalités d'encadrement des finances locales tiennent compte des caractéristiques des collectivités territoriales pour ne pas peser trop lourdement sur leurs capacités d'investissement (législateur, direction générale des collectivités locales, préfectures) .

PREMIÈRE PARTIE :
DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT EN HAUSSE
DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE
DE PLUS EN PLUS CONTRAINT

I. DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT AUX FINALITÉS DIVERSES À DESTINATION DE L'ENSEMBLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. DES DOTATIONS DESTINÉES À L'ENSEMBLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES MAIS ESSENTIELLEMENT ORIENTÉES VERS LE BLOC COMMUNAL

1. Des dotations ouvertes à l'ensemble des collectivités

L'État attribue des dotations budgétaires aux communes, aux établissements de coopération intercommunale (EPCI), aux départements ainsi qu'aux régions à titre exceptionnel dans le cadre du plan de relance, afin de cofinancer certains projets d'investissements. L'ensemble de ces aides financières appartiennent au périmètre des concours financiers de l'État. En 2022, cette enveloppe représente 53 milliards d'euros. Ces dotations répondent à trois finalités : compensation, péréquation et investissement.

Les dotations d'investissement destinées aux collectivités territoriales sont essentiellement portées par le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ainsi, les actions 1 « soutien aux projets des communes et groupements de communes » et 3 « soutien aux projets des départements et des régions » regroupent respectivement la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID).

Parallèlement, l'action 9 a été créée en 2020 dans le contexte de crise sanitaire et porte les crédits ouverts au titre de la « DSIL exceptionnelle » visant à accompagner l'effort de relance des projets des communes et de leurs groupements dans des thématiques prioritaires.

Par ailleurs, l'État finance, depuis 2021, l'investissement des régions. Ces crédits alloués à l'investissement des régions sont portés par l'action 9 du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Cette dotation créée dans le cadre du plan de relance n'a toutefois pas vocation à se pérenniser.

2. Une répartition inégale des dotations d'investissement entre les collectivités territoriales

Les dotations d'investissement portées par le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » sont inégalement réparties entre les collectivités.

En effet, la part des dotations, en 2021, allouée aux communes et à leurs groupements représente 73 % du total des dotations d'investissement contre 7 % pour la part allouée aux départements et 20 % pour celle allouée aux régions.

Part des dotations par type de collectivité

Dotations

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

Part par type de collectivités en 2019

Part par type de collectivités en 2020

Part par type de collectivités en 2021

Communes et EPCI

1 766,00

2 343,70

2 141,20

86 %

92 %

73 %

Dont DSIL exceptionnelle

577,70

375,20

Départements

295,90

212,00

212,00

14%

8 %

7 %

Régions

-

-

600,00

0 %

0 %

20 %

Total

2 061,90

2 555,70

2 953,20

100 %

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette répartition ne correspond pas exactement aux dépenses d'investissement totales 1 ( * ) (57,4 milliards d'euros) réalisées par chaque catégorie de collectivités puisque les investissements du bloc communal, des départements et des régions, en 2021, représentent respectivement 57 % (32,82 milliards d'euros), 20 % (11,39 milliards d'euros) et 23 % (13,23 milliards d'euros).

Il convient cependant de préciser que cette distorsion s'explique largement par le poids de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui représente 35 % des dotations d'investissement en 2021.

Poids des dotations d'investissement en 2021
(loi de finances initiale)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Par ailleurs, il convient de souligner que ces dotations sont largement complétées par le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) qui représente, en montant, le principal instrument de l'État de soutien à l'investissement local.

En effet, en 2021, les attributions de FCTVA versées par l'État sont estimées à 6,5 milliards d'euros pour un niveau total de 57,4 milliards d'euros de dépenses d'investissement des collectivités territoriales.

La hausse de FCTVA entre 2014 et 2021 (de 5,9 milliards d'euros à 6,5 milliards d'euros) s'explique par les élargissements successifs de l'assiette notamment à certaines dépenses de fonctionnement, le rebond du niveau de l'investissement local moyen depuis 2017 malgré la crise sanitaire de 2020, ainsi que par la hausse des coûts des investissements pour les collectivités (hausse du coût des matières premières, coût des normes).

Fonds de compensation
de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

Le FCTVA est un prélèvement sur les recettes de l'État qui constitue la principale aide de l'État aux collectivités territoriales en matière d'investissement.

Il s'agit d'une dotation versée aux collectivités territoriales et à leurs groupements destinée à assurer une compensation, à un taux forfaitaire, de la charge de TVA que ces derniers supportent sur leurs dépenses réelles d'investissement et qu'ils ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale.

La liste des bénéficiaires de ce fonds est définie à l'article L. 1615-2 du CGCT. Il s'agit notamment des collectivités territoriales et de leurs groupements, de leurs régies, des organismes chargés de la gestion des agglomérations nouvelles, des services départementaux d'incendie et de secours, des centres communaux d'action sociale.

Trois régimes de versements du FCTVA coexistent, selon qu'il est versé l'année de réalisation des dépenses, l'année suivant les dépenses, ou selon le régime de droit commun, deux ans après l'exécution des dépenses.

L'article 251 de la loi de finance initiale pour 2021 réforme la gestion de ce fonds de compensation en mettant en place une automatisation de l'attribution du FCTVA afin de simplifier et d'harmoniser les règles de gestion du FCTVA, d'alléger la procédure de déclaration pour les collectivités, d'optimiser les contrôles par les préfectures et de réduire les délais de versement du FCTVA aux collectivités.

Cette automatisation vient substituer une logique comptable, basée sur une assiette de comptes éligibles préalablement arrêtés, à une logique d'éligibilité sous condition de respect de critères juridiques. Une entrée en vigueur progressive a été mise en oeuvre pour les dépenses réalisées à partir du 1 er janvier 2021 :

- à partir du 1 er janvier 2021, les bénéficiaires qui reçoivent le FCTVA l'année de la réalisation de la dépense (bénéficiaires N) ;

- à partir du 1 er janvier 2022, s'y ajoutent les bénéficiaires qui reçoivent le FCTVA l'année suivant la réalisation de la dépense (bénéficiaires N-1) ;

- à partir de 2023, les bénéficiaires qui reçoivent la compensation deux ans après la réalisation de la dépense entreront dans le nouveau dispositif (bénéficiaires N-2).

Le fonctionnement du nouveau dispositif ainsi que la liste des comptes éligibles ont été précisés par le décret n° 2020-1791 du 30 décembre 2020 relatif à l'automatisation de la gestion du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

B. DES DOTATIONS PRÉSENTANT DES FINALITÉS DIVERSES

1. La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)

Créée par l'article 179 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2011 2 ( * ) , et régie par les articles L. 2334-32 à L. 2334-39 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) vise à subventionner les dépenses d'investissement des communes et EPCI situés essentiellement en milieu rural au titre de projets dans le domaine économique, social, environnemental, sportif et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural .

Sont éligibles à la DETR les communes :

- dont la population n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

- dont la population est supérieure à 2 000 habitants dans les départements de métropole (3 500 habitants dans les départements d'outre-mer) et n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole (35 000 habitants dans les départements d'outre-mer) et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier par habitant moyen de l'ensemble des communes des départements de métropole et d'outre-mer dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants.

La population à prendre en compte est la population DGF, définie à l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Sont également éligibles à cette dotation, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre :

- dont la population n'excède pas 75 000 habitants en métropole et 150 000 dans les départements d'outre-mer ;

- qui présentent un territoire d'un seul tenant et sans enclave ;

- dont les communes membres ont des populations inférieures à 20 000 habitants en métropole et 85 000 habitants en outre-mer.

Dans le cas des EPCI, la population à prendre en compte est la population INSEE telle que définie à l'article R. 2151-1 du CGCT.

Enfin, sont éligibles, à titre dérogatoire, les EPCI éligibles en 2010 à la dotation globale d'équipement (DGE) des communes ou à la dotation de développement rural (DDR), les syndicats mixtes de moins de 60 000 habitants composés d'EPCI et de communes, les syndicats de communes de moins de 60 000 habitants et les communes nouvelles dont au moins une ancienne commune était éligible à la DETR ou dont la formation s'est faite par regroupement de toutes les communes d'un même EPCI.

2. La dotation politique de la ville (DPV)

Créée en remplacement de l'ancienne dotation de développement urbain (DDU) par l'article 107 de la loi de finances initiale pour 2015 3 ( * ) et régie par les articles L. 2334-40 et L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales, la DPV vise à soutenir les communes confrontées à des charges particulièrement lourdes au regard de la politique de la ville .

Y sont éligibles les communes de métropole remplissant les trois conditions cumulatives suivantes :

- avoir été éligible à la dotation de solidarité urbaine (DSU) au moins une fois au cours des trois derniers exercices et, pour les communes de plus de 10 000 habitants, avoir fait partie des 250 premières communes éligibles de cette strate démographique au cours des trois derniers exercices ;

- présenter une proportion de population située soit en quartier prioritaire de la politique de la ville soit en zone franche urbaine égale ou supérieure à 19 % de la population INSEE de la commune au 1 er janvier 2016 ;

- faire partie du périmètre d'intervention de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) au titre du programme national de rénovation urbaine ou du nouveau programme de renouvellement urbain.

Les communes des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Martinique et de Guyane peuvent également bénéficier de la DPV dans les conditions définies à l'article L. 2334-41 du CGCT. Sont ainsi éligibles les communes des départements d'outre-mer de plus de 5 000 habitants sur le territoire desquelles il existe au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Sont également éligibles les communes des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de Martinique et de Guyane citées dans la liste 4 ( * ) des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants.

3. La dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements (DSIL)

Créée en 2016 et pérennisée par la loi de finances initiale pour 2018 5 ( * ) qui a codifié cette dotation à l'article L. 2334-42 du CGCT, la DSIL a vocation à financer des projets structurants au plan local. Elle est destinée aux communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en métropole ainsi qu'aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

Toutes les communes et tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, de métropole et des régions d'outre-mer, y compris Mayotte, ainsi que les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR) sont éligibles à la DSIL.

L'article susmentionné liste la nature des projets éligibles à cette dotation :

- rénovation thermique, transition énergétique, développement des énergies renouvelables ;

- mise aux normes et de sécurisation des équipements publics ;

- développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements ;

- développement du numérique et de la téléphonie mobile ;

- création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ;

- réalisation d'hébergements et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.

Au-delà de ces axes prioritaires, ce même article permet également de financer avec la DSIL les « opérations visant au développement des territoires ruraux inscrites dans un contrat » signé entre, d'une part, le représentant de l'État et, d'autre part, un EPCI à fiscalité propre ou un pôle d'équilibre territorial et rural (PETR). Ces opérations peuvent concerner « des actions destinées à favoriser l'accessibilité des services et des soins, à développer l'attractivité, à stimuler l'activité des bourgs-centres, à développer le numérique et la téléphonie mobile et à renforcer la mobilité, la transition écologique et la cohésion sociale ».

Autrement dit, s'agissant des contrats de ruralité, même si une opération ne relève pas des grandes thématiques légales d'emploi de la DSIL prévues au même article (transition écologique, rénovation des bâtiments scolaires, accessibilité, etc.), elle peut bénéficier d'une subvention au titre de la dotation.

Cette DSIL classique a été complétée par une DSIL dite exceptionnelle, créée par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 6 ( * ) . Cette DSIL exceptionnelle a vocation à financer des opérations structurantes sur un territoire en priorisant trois orientations :

- la transition écologique ;

- la résilience sanitaire ;

- la rénovation du patrimoine.

4. La dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID)

La DSID, créée par l'article 259 de la loi de finances pour 2019 7 ( * ) et encadrée par l'article L. 3334-10 du CGCT, a remplacé la dotation globale d'équipement (DGE) des départements mise en place en 1983. Elle permet de financer les projets dont la mise en oeuvre a pour objectif la solidarité entre les différents territoires d'un même département ou entre les différents départements d'une même région.

Les projets subventionnables relèvent de domaines plus larges que ceux de l'ancienne DGE, qui visait principalement le financement des travaux d'équipement rural (aménagements agricoles hydrauliques et fonciers, développement du tourisme en milieu rural, infrastructures publiques en milieu rural, habitat rural, jardins familiaux et aménagement rural) et les dépenses d'aménagement foncier.

Sont éligibles à cette dotation l'ensemble des départements de métropole et d'outre-mer ainsi que les collectivités d'outre-mer à statuts particuliers.

5. La dotation régionale d'investissement (DRI)

La DRI, instaurée par la loi de finances pour 2021 8 ( * ) , vise à relancer l'économie pour soutenir les projets d'investissement portés par les conseils régionaux dans les domaines de la rénovation énergétique des bâtiments publics leur appartenant et des mobilités durables notamment.

Elle résulte d'un accord de partenariat entre l'État et les régions et répond à deux objectifs :

- être injectée rapidement dans l'économie, ce qui suppose une sélection d'opérations prêtes à démarrer pour un achèvement à horizon fin 2022 / début 2023 ;

- répondre aux priorités des exécutifs régionaux tout en s'inscrivant dans les objectifs gouvernementaux en faveur de la transition écologique.

Toutes les régions sont éligibles à la DRI. Cette dotation n'a cependant pas vocation à être pérenne.

II. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES DOTATIONS DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE

A. UNE HAUSSE SENSIBLE DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT EN PARTIE EXPLIQUÉE PAR DES CRÉDITS EXCEPTIONNELS

1. La hausse des dotations classiques depuis 2014

Sur la période 2014-2022, les dotations d'investissement aux collectivités ont enregistré une hausse notable de 148 % en AE, passant de 920,1 millions d'euros à 2 281 millions d'euros, et de 95,1 % en CP, passant de 889,4 millions d'euros à 1 735,5 millions d'euros.

Cette hausse de 1 360 ,9 millions d'euros en AE est répartie comme suit :

- hausse de 430,3 millions d'euros de la DETR ;

- hausse de 65 millions d'euros de la DPV ;

- création de la DSIL en 2016 pour 800 millions d'euros et portée à 873 millions d'euros en 2022 (de manière exceptionnelle et non pérenne, son niveau moyen depuis 2017 étant de 570 millions d'euros).

Évolution des dotations d'investissement
en AE entre 2014 et 2022

(en millions d'euros)

La DSID a remplacé la dotation générale d'équipement des départements à compter de 2019.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

Évolution des dotations d'investissement
en CP entre 2014 et 2022

(en millions d'euros)

La DSID a remplacé la dotation générale d'équipement des départements à compter de 2019.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

2. Une stabilisation du montant « socle » des dotations classiques depuis 2017

Entre 2017 et 2022, les dotations d'investissement aux collectivités territoriales ont enregistré une hausse de 18,3% en AE passant de 1 928 millions d'euros à 2 281 millions d'euros et de 29,3 % en CP passant de 1 341 millions d'euros à 1 735 millions d'euros.

Ce constat doit cependant être largement nuancé. En effet, sur cette période, la DPV et la DSID sont restées stables en AE. La DETR, pour sa part, enregistre une hausse modérée de 5 % entre 2017 et 2018 avant de se stabiliser à 1 046 millions d'euros.

La DSIL a, quant à elle, enregistré une augmentation de 303 millions d'euros entre 2017 et 2022. Cette hausse, constatée en 2022, afin de porter son montant de 570 millions d'euros à 873 millions d'euros présente cependant un caractère tout à fait exceptionnel. En effet, cet abondement de 303 millions d'euros provient de crédits européens (FEDER 9 ( * ) ) dont l'Union européenne n'a pas demandé la restitution . Il permettra de soutenir en particulier les collectivités bénéficiaires du programme « action coeur de ville » 10 ( * ) ainsi que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) mais n'ont pas vocation à être reconduits.

Aussi, retraitement fait de cette augmentation de la DSIL, la hausse des dotations en AE entre 2017 et 2022 est de 2,6 % en raison de la seule hausse de la DETR de 5 % entre 2017 et 2018 (de 996 millions d'euros à 1 046 millions d'euros).

Évolution des dotations d'investissement
en AE entre 2017 et 2022 (sans retraitement)

(en millions d'euros)

La DSID a remplacé la dotation générale d'équipement des départements à compter de 2019.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

Évolution des dotations d'investissement
en AE entre 2017 et 2022 (avec retraitement)

(en millions d'euros)

La DSID a remplacé la dotation générale d'équipement des départements à compter de 2019

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

Si les dotations d'investissement ont donc bien enregistré une hausse depuis 2014 (à hauteur de 1,36 milliard d'euros), elles sont stables depuis 2017 (à l'exception de quelques mouvements exceptionnels).

Or, entre 2017 et 2021, les dépenses d'investissement des collectivités territoriales ont augmenté de 9,14 milliards d'euros, passant de 48,29 milliards d'euros à 57,43 milliards d'euros (dont 5,13 milliards pour les seules dépenses d'équipement 11 ( * ) ) soit une hausse de 9,14 %.

Évolution des dépenses d'investissement des collectivités
entre 2017 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : DGCL - Données DGFIP, comptes de gestion ; budgets principaux. Montants en opérations réelles calculés hors gestion active de la dette

3. Le développement de dotations exceptionnelles dans un contexte de crise sanitaire et de relance

Parallèlement, dans le cadre des mesures de soutien prises pour faire face à la crise sanitaire et du plan de relance, le Gouvernement a créé trois dotations exceptionnelles à destination des collectivités territoriales :

- la DSIL exceptionnelle ( cf. supra) créée par la 3 ème loi de finances rectificative pour 2020 pour 950 millions d'euros ;

- une dotation de rénovation énergétique pour 1 milliard d'euros : cette dotation créée par la loi de finances pour 2021 correspond à une partie des 3,7 milliards d'euros ouverts au sein de la mission « Plan de relance » pour la rénovation des bâtiments publics (2,7 milliards pour les bâtiments de l'État et 1 milliard pour les collectivités territoriales) ;

- une dotation régionale d'investissement pour 600 millions d'euros créée par la loi de finances pour 2021 ( cf. supra ).

Les AE de ces trois dotations exceptionnelles ont été intégralement ouvertes en 2020 et 2021 avec un objectif de démarrage rapide des opérations.

Ouverture des AE et CP des dotations exceptionnelles d'investissement entre 2020 et 2022

(en millions d'euros)

AE

CP

Dotations

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

DSIL exceptionnelle

950,00

-

-

9,50

100,00

276,00

dotation rénovation énergétique

-

1 000,00

-

-

441,40

48,60

DRI

-

600,00

-

-

323,80

47,50

Total dotations exceptionnelles

950,00

1 600,00

-

9,50

865,20

372,10

Les CP de la dotation de rénovation énergétique pour 2021 et 2022 ont été calculés avec une règle de trois sur la base des montants totaux de cette dotation (3,7 milliards d'AE au total en 2021 et 1,6 milliard en CP soit un coefficient entre AE et CP de 0,27 qui a été appliqué au milliard dédié aux seules collectivités. Le même coefficient a été retenu pour 2022 pour déterminer les CP alloués aux collectivités sur les 180 millions ouverts en LFI 2022.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

Ainsi, entre les dotations classiques et les dotations exceptionnelles ouvertes dans le cadre du plan de relance, l'effort de l'État à destination de l'investissement des collectivités territoriales a été porté, en AE, à 2,9 milliards d'euros en 2020 et 3,6 milliards en 2021.

Les AE ayant été quasi intégralement engagées entre 2020 et 2021, ces dotations exceptionnelles ont vocation à s'éteindre une fois la consommation des CP achevée.

Évolution des crédits alloués aux dotations d'investissement de l'État
depuis 2014 (en AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS CONFORME AUX AUTORISATIONS VOTÉES EN LOIS DE FINANCES

1. La consommation des crédits alloués aux dotations classiques

Les taux de consommation des dotations classiques avoisinent depuis 2019, 100 % par rapport aux crédits disponibles c'est-à-dire déduction faite de la réserve de précaution mais également des éventuelles fongibilités internes opérées en cours de gestion.

Quelques exceptions peuvent cependant être soulignées sur cette période.

Ainsi, en 2019 , la DSID a présenté un solde en fin de gestion de 8,1 millions d'euros en AE et 24,1 millions d'euros en CP. Cette sous-consommation s'explique de manière exceptionnelle par un abondement de 84 millions d'euros ouverts en LFI afin de couvrir les restes à charges de la dotation générale d'équipement alors que le solde 2018 de cette dotation, imputé sur la DSID, s'est finalement établi à 53 millions en AE et CP.

En 2020, la DSIL a enregistré une sous-consommation de 64,2 millions d'euros en CP qui ont permis d'abonder la DETR pour 18,5 millions d'euros, la DSID pour 8,9 millions d'euros, la DSIL exceptionnelle pour 9,5 millions d'euros et le remboursement de masques pour 27,3 millions d'euros.

En 2021, la DSID et la DSIL ont présenté respectivement un reliquat de 21,1 millions d'euros et 10,6 millions d'euros par rapport aux crédits disponibles qui s'explique en partie par les difficultés économiques conjoncturelles (pénuries de main d'oeuvre et de matières premières) qui ont ralenti l'exécution des travaux et donc la transmission aux collectivités des demandes de paiement. La crise n'a, en revanche, pas eu d'impact sur la DTER et la DPV.

Par ailleurs, il convient de noter que les sous-consommations d'une dotation en particulier permettent généralement l'abondement d'une autre dotation d'investissement en tension, maintenant ainsi les crédits dans un objectif d'investissement.

Les rapporteurs spéciaux notent cependant que les informations relatives aux sous-consommations des dotations sont souvent lacunaires voire absentes dans les rapports annuels de performance et mériteraient d'être développées lors des prochains exercices.

Consommation des AE et CP des dotations d'investissement
entre 2019 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP

2. La consommation des crédits alloués aux dotations exceptionnelles

Les AE des trois dotations exceptionnelles ont été quasiment intégralement engagées au 31 décembre 2021.

Le CP ont été consommés pour un montant total de 407,4 millions d'euros soit 46,6 % des crédits ouverts depuis 2020.

Ces taux de consommation dénotent des engagements de travaux rapides mais il conviendra de veiller à une consommation des CP restants dès 2023.

Consommation des AE et CP des dotations d'investissement
entre 2019 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires PAP/RAP et des extractions Chorus

Qu'il s'agisse des dotations classiques ou des dotations exceptionnelles, les niveaux d'engagement des AE et de consommation de CP mettent en exergue deux phénomènes :

- la bonne gestion par les collectivités des crédits alloués pour des opérations matures ;

- le besoin important de financement des investissements par les collectivités et subséquemment l'utilité de ces dotations.

Ce dernier constat corrobore le témoignage des associations d'élus auditionnées par les rapporteurs spéciaux, qui ont fait état du très fort dynamisme actuel des projets d'investissement dans les territoires , ce dont on ne peut que se féliciter. À cet égard, nul doute que des enveloppes bien plus élevées de dotations de l'État seraient également consommées dans leur intégralité. L'évolution des concours financiers s'inscrit toutefois, comme le rappelle la section suivante, dans un contexte budgétaire contraint.

III. DES CAPACITÉS D'INVESTISSEMENT CONTRAINTES PAR LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

A. LA CONTRIBUTION AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES A LOURDEMENT PESÉ SUR L'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Entre 2014 et 2018, la baisse unilatérale de la dotation globale de fonctionnement a entraîné une nette contraction de l'investissement public local

Les dispositifs successifs d'encadrement des finances publiques locales ont prioritairement visé la maîtrise des dépenses de fonctionnement, risquant cependant de pénaliser l'investissement public local.

Dans un premier temps, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 12 ( * ) avait ainsi défini un objectif d'évolution de la dépense locale (ODEDEL) non contraignant distinguant deux sous-objectifs : le premier portant sur la dépense publique locale totale et le second portant sur les seules dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.

Dans le même temps, l'atteinte des objectifs de l'ODEDEL a servi de justification à une diminution très importante des concours financiers de l'État abondant la section de fonctionnement des collectivités territoriales . Aussi, entre 2014 et 2018, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a enregistré une baisse de 13,14 milliards d'euros soit près du tiers de la dotation.

Évolution du montant de la DGF en exécution entre 2014 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le jaune « Transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales » annexé au projet de loi de finances pour 2022

Comme l'illustre le graphique ci-après, la forte contrainte ainsi exercée sur les capacités d'autofinancement des collectivités territoriales a provoqué une nette contraction de l'investissement public local . C'est d'ailleurs la volonté d'enrayer au moins partiellement ce phénomène qui avait justifié l'instauration de la DSIL en 2016.

S'agissant du bloc communal, l'ampleur de la baisse de l'investissement sur la période 2014-2016 est à ce titre nettement supérieure à celles constatées au même point des deux précédents cycles électoraux.

Évolution des dépenses d'investissement des communes
(hors remboursement de dette)
selon la position dans le cycle électoral

(indice 100 l'année de l'élection)

Source : OFGL

Dans un récent rapport 13 ( * ) , la Cour des comptes a en particulier souligné la forte diminution des dépenses d'équipement du bloc communal , passées de 206,9 milliards d'euros en cumulé sur la période 2008-2013 à 192,7 milliards d'euros sur la période 2014-2019.

Évolution des dépenses d'équipement du bloc communal

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

Dans une communication de 2019 relative à l'investissement des collectivités territoriales 14 ( * ) , les députés Rémy Rebeyrotte et Christine Pires Beaune considèrent que si la baisse de la DGF ne saurait constituer l'unique facteur explicatif de la contraction de l'investissement public local - les importantes modifications de la carte intercommunale ou encore la suppression de la réserve parlementaire pouvant entrer en ligne de compte - elle en reste le facteur principal. Les députés relevaient notamment « l'importance de facteurs psychologiques qui conduisent à adopter un comportement de prudence et d'attentisme lorsque le montant et l'avenir des financements, aussi bien que celui des partenaires eux-mêmes, apparait incertain » .

2. Même si elles ne sont pas exemptes de limites, les nouvelles modalités d'encadrement des finances locales ont eu un impact plus modéré sur l'investissement public

La LPFP pour les années 2018 à 2022 15 ( * ) a marqué un changement de philosophie en matière d'encadrement des finances publiques locales.

Son article 13 dispose ainsi que les dépenses réelles de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements (budgets principaux et annexes) devaient progresser d'au plus + 1,2 % sur la période.

Pour atteindre cet objectif, son article 29 prévoit par ailleurs une contractualisation financière entre l'État et les 321 plus importantes collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre. En contrepartie d'une stabilité des dotations sur la période, celles-ci devaient s'engager sur :

- un objectif contraignant d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement variant de + 0,75 % à + 1,65 % selon les spécificités locales entre 2018 et 2020 ;

- un objectif de réduction du besoin de financement ;

- et, le cas échéant, une trajectoire d'amélioration de la capacité de désendettement, définie comme le rapport (en années) entre l'encours de dette et l'épargne brute de l'exercice écoulé.

En dépit de leurs limites (voir infra ), les contrats dits « de Cahors », finalement signés par seulement 228 collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre semblent avoir eu un impact plus modéré sur l'investissement public local que la baisse unilatérale des dotations . En témoigne la forte reprise des dépenses d'investissement des collectivités territoriales en 2018 (+ 5,2 %) et en 2019 (+ 13,7 %) . La baisse importante constatée ensuite en 2020 (- 5,6 %) s'explique à la fois par l'arrêt des chantiers lors de la crise sanitaire et la tenue des élections municipales. En tout état de cause, la crise sanitaire avait justifié une suspension de l'application des contrats de Cahors en 2020.

B. DES MODALITÉS FUTURES D'ENCADREMENT DES FINANCES PUBLIQUES LOCALES ENCORE INCONNUES MAIS SOURCE D'INQUIÉTUDE

1. Des modalités futures d'encadrement à préciser et définir

Le prochain projet de LPFP prévoira assurément de nouvelles dispositions d'encadrement des finances publiques locales, dont les contours sont encore inconnus . Un objectif global d'économies de 10 milliards d'euros pour les collectivités territoriales a été posé dans le programme électoral du président de la République. Cependant, les modalités de mise en oeuvre de celui-ci restent à détailler notamment concernant la base de calcul des économies : niveau de dépenses actuel ou évolution tendancielle des dépenses.

Le dispositif associé à cet objectif d'économie n'est également pas connu à ce stade. La commission pour l'avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, a remis en mars 2021 au Premier ministre un rapport 16 ( * ) proposant de fixer une norme de dépenses globales et de la décliner de manière différenciée dans toutes les administrations (État, collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale). Le même rapport propose de proroger le dispositif de contractualisation financière entre l'État et les collectivités.

Toutefois, le nouveau ministre chargé des collectivités territoriales, Christophe Béchu, a annoncé qu'une reconduction des contrats de Cahors était a priori exclue . En effet, en dépit du fait qu'il présente en première analyse l'avantage de ne pas pénaliser trop durement l'investissement public, le dispositif présente un certain nombre de limites :

- en premier lieu, de nombreux élus considèrent qu'il représente une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales , en particulier au vu des faibles marges de manoeuvre dont disposaient les collectivités dans le cadre des négociations de ces contrats ;

- en second lieu, le ciblage direct des dépenses de fonctionnement paraît moins pertinent dans la période qui s'ouvre , caractérisée par des recettes de fonctionnement plutôt dynamiques et une augmentation des dépenses fortement contraintes du fait de l'inflation actuelle et du relèvement annoncé du point d'indice de la fonction publique ;

- en troisième lieu, le dispositif n'est pas efficace pour réduire l'endettement , qui constitue dans la période qui s'ouvre l'un des enjeux essentiels de la maîtrise des finances publiques. On observe ainsi que la dette des administrations publiques locales a connu une hausse de 40 milliards d'euros (+ 19,35 %) entre 2018 et 2021, pour atteindre un total de 245,5 milliards d'euros (soit 8,73 % de la dette publique totale). De surcroit, le taux de croissance annuel moyen de cette dette sur la période est de 6 %, soit une rupture avec la tendance constatée entre 2014 et 2018 (+ 2 %) et un niveau encore supérieur à la période 2009-2014 (+ 4 %). Il est à noter que, sur la même période 2018-2021, la dette de l'État a connu une augmentation de 391 milliards d'euros soit 21,28 %.

Évolution de la dette des administrations publiques locales
au sens du traité de Maastricht

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'INSEE

Il convient également de souligner que la perspective d'une contrainte exercée à long terme sur l'évolution des dépenses de fonctionnement n'est pas neutre du point de vue de l'investissement puisque celle-ci a pour effet de freiner le lancement de projets impliquant, une fois réalisés, d'importantes charges de gestion ou d'entretien - comptabilisées en section de fonctionnement.

2. Des inquiétudes dans un contexte financier tendu

Ces perspectives sont source d'inquiétude pour le financement à venir de l'investissement public local , qui repose sur les capacités d'autofinancement et le niveau d'endettement des collectivités territoriales ainsi que sur le soutien de l'État puisqu'il est vraisemblable que :

- des efforts accrus seront demandés aux collectivités territoriales pour limiter leur endettement ;

- les dotations exceptionnelles mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance ne seront pas reconduites, d'où il résultera une baisse relative du soutien de l'État aux projets d'investissement des collectivités territoriales.

Or, le contexte actuel de hausse généralisée des prix pèse sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement des collectivités. À dotations constantes, cette inflation contraint donc déjà plus fortement les finances des collectivités territoriales.

Si l'évolution des concours financiers de l'État et la définition des éventuelles modalités futures d'encadrement des finances publiques locales n'entrent pas dans le champ du présent rapport, les rapporteurs spéciaux entendent néanmoins poser un principe de vigilance quant à leur impact sur l'investissement des collectivités territoriales . Il conviendra en effet que celles-ci soient suffisamment souples pour tenir compte de leur situation financière et de leurs besoins d'équipement ou de rénovation, ainsi que des caractéristiques des territoires et des tissus économiques locaux , au sein desquels l'investissement public joue parfois un rôle essentiel.

Recommandation n° 14 : veiller à ce que l'évolution des concours financiers de l'État et les éventuelles futures modalités d'encadrement des finances locales tiennent compte des caractéristiques des collectivités territoriales pour ne pas peser trop lourdement sur leurs capacités d'investissement (législateur, direction générale des collectivités locales, préfectures) .

En outre, cette contrainte sur les dépenses de soutien à l'investissement des collectivités territoriales porte le risque de susciter, du point de vue du Gouvernement, la tentation de flécher de manière accrue les dotations sur ses propres priorités, qui ne sont pas nécessairement alignées sur celles des élus. Cet enjeu sera abordé dans la deuxième et la troisième partie du présent rapport.

DEUXIÈME PARTIE :
DES MODALITÉS DE GESTION ET D'ATTRIBUTION DES DOTATIONS LAISSANT PEU DE PLACE
AUX ÉLUS LOCAUX

I. D'UN SYSTÈME DE DOTATIONS LIBRES D'EMPLOI À UN SYSTÈME DÉCONCENTRÉ

A. LES ANCIENNES DOTATIONS D'ÉQUIPEMENT LIBRES D'EMPLOI

Les actuelles dotations d'investissement de l'État ont en commun de fonctionner selon un système de subventions de projets sélectionnés, dans la majorité des cas sans consultation des élus, par les préfets de région ou de département. Il n'en a cependant pas toujours été ainsi : historiquement, le soutien financier de l'État à l'investissement public local passait également par l'attribution de dotations « libres d'emploi », telles que les dotations globales d'équipement (DGE) des communes ou des départements, système qui n'était pas exempt de limites.

1. La dotation globale d'équipement des communes

Prévue par la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes, des départements et des régions 17 ( * ) , la DGE des communes a été mise en place par la loi du 7 janvier 1983 18 ( * ) . Son montant, ouvert en loi de finances initiale pour 2010, dernière année d'existence du dispositif, s'élevait à 484,39 millions d'euros. Jusqu'en 2009, son évolution était indexée sur l'évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques.

Ce dispositif, qui visait à financer certaines dépenses d'investissement de communes et EPCI dont l'éligibilité repose sur des critères de population et/ou de richesse fiscale, a été remplacé, à compter de 2011, par la DETR 19 ( * ) . Cette dernière est le fruit d'une fusion de la DGE avec la dotation de développement rural (DDR) qui, déjà, reposait exclusivement sur une logique de subvention de projets sélectionnés par le préfet.

À l'inverse des « subventions spécifiques » prévalant avant les lois de décentralisation comme de l'actuelle DETR, la DGE avait initialement pour caractéristique d'être libre d'emploi pour les collectivités bénéficiaires, en abondant directement leur section d'investissement .

Ce système a cependant rapidement montré certaines limites, puisqu'il entraînait par construction une forte dispersion des moyens , et donc in fine le versement de montants très faibles aux communes et EPCI éligibles. En outre, sa répartition entre collectivités était relativement injuste calculée au prorata de leurs dépenses réelles d'investissement, avec l'effet pervers de défavoriser les plus petites communes, pour lesquelles les opérations de grande ampleur sont plus rares.

Ainsi, dès 1996 20 ( * ) , la DGE a évolué afin d'obéir de nouveau à une logique de subvention sur projets sélectionnés par le préfet de département . Une commission consultative d'élus a cependant été constituée, préfigurant la « commission DETR ». Celle-ci fixait les catégories d'opérations prioritaires et les taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles. Elle était, en outre, informée de la liste des opérations à subventionner ainsi que du montant de l'aide de l'État qui leur était attribué.

2. La dotation globale d'équipement des départements

Historiquement, les départements bénéficiaient également d'une dotation générale d'équipement dont le montant s'élevait, en 2018, année d'extinction du dispositif, à 212 millions d'euros. Son montant était pour l'essentiel réparti au prorata des dépenses d'aménagement foncier effectuées et des subventions versées pour la réalisation de travaux d'équipement rural.

La DGE versée était inscrite à la section d'investissement du budget du département et relevait d'une logique de liberté d'emploi encadrée puisque le département pouvait l'utiliser, soit pour réaliser des travaux d'équipement rural ou d'aménagement foncier, soit pour subventionner les différents maîtres d'ouvrage qui réalisaient des opérations de même nature.

Ce dispositif, qui présentait les mêmes limites que la DGE des communes bien que la dispersion des crédits soit moindre compte tenu du nombre nettement plus restreint des départements, a été remplacé par la DSID à compter de 2019 21 ( * ) .

Dans ses trois premières années d'existence, la DSID a toutefois conservé, au moins partiellement, une logique de liberté d'emploi . Le dispositif était en effet divisé en deux fractions : la première (77 % de l'enveloppe) était désormais versée sous la forme de subventions sur projets sélectionnés par le préfet de région, tandis que la seconde (23 %) demeurait libre d'emploi pour les départements éligibles, les départements au potentiel fiscal le plus élevé en étant exclus.

La loi de finances initiale pour 2022 22 ( * ) a finalement supprimé cette fraction libre d'emploi . Il avait en effet été constaté que celle-ci ne représentait en 2021 qu'une enveloppe limitée à 48,7 millions d'euros et répartie dans 87 départements, ce qui aboutissait à des montants par département très faibles 23 ( * ) .

Ainsi, depuis le 1 er janvier 2022, il ne subsiste plus aucun cas de liberté d'emploi par les collectivités territoriales des dotations d'investissement versées par l'État.

B. DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT DÉSORMAIS DÉCONCENTRÉES

Ainsi, les dotations d'investissement ont changé de nature par rapport aux premières décennies de la décentralisation, passant de dotations globales d'équipement libres d'emploi à des dotations fonctionnant suivant une logique de subventions sur projets sélectionnés par le préfet, ce qui permet une meilleure concentration de l'emploi des crédits de l'État.

Après la répartition des crédits entre les préfectures de département ou de région effectuée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) en fonction des critères établis par le CGCT, les crédits sont ensuite gérés de manière déconcentrée au niveau départemental ou régional.

Pour l'ensemble de ces dotations, les décisions d'attribution relèvent désormais des services déconcentrés de l'État : selon les cas, il peut s'agir du préfet de région (DSIL, DSID, DRI) ou du préfet de département (DETR, DPV).

Si elle peut exister localement au gré des relations entre les préfets et les élus, les textes ne prévoient en principe pas d'association de ces derniers aux décisions d'attribution. Seule la procédure d'octroi de la DETR prévoit l'intervention d'une commission consultative d'élus, héritée de la commission existant dans le cadre de la DGE.

1. Les dotations gérées au niveau départemental

La DETR et la DPV sont réparties entre les départements selon des modalités de calcul définies par le code général des collectivités territoriales. Les décisions d'octroi, par projet, relèvent ensuite des préfets de département.

Dans les deux cas, la répartition des enveloppes au niveau départemental est fixée règlementairement et ne permet aucun ajustement.

Cependant, les modalités de calcul de ces deux dotations pour leur répartition départementale, en tenant compte à hauteur de 50 % du potentiel fiscal et du potentiel financier moyen par habitant pour la première, et d'un rapport entre charges et ressources, du potentiel financier par habitant, du revenu par habitant et de la proportion de bénéficiaires d'aides au logement dans le nombre total des logements de la commune pour la seconde, permettent un effet péréquateur entre les départements.

a) La DETR

Les crédits de la DETR sont répartis entre les départements :

• Pour 50 % du montant total de la dotation :

- à raison de 50 % en fonction de la population regroupée des communes caractérisées comme peu denses ou très peu denses ;

- à raison de 50 % en fonction du rapport, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre éligible, entre le potentiel fiscal moyen par habitant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de sa catégorie et son potentiel fiscal moyen par habitant ;

• Pour 50 % du montant total de la dotation :

- à raison de 50 % répartis entre les départements, en proportion du rapport entre la densité moyenne de population de l'ensemble des départements et la densité de population du département, le rapport pris en compte étant plafonné à 10 ;

- à raison de 50 % en fonction du rapport, pour chaque commune répondant aux critères d'éligibilité entre le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes appartenant au même groupe démographique et son potentiel financier moyen par habitant.

Les données servant à la détermination des collectivités éligibles ainsi qu'à la répartition des crédits de cette dotation sont celles de la dernière année précédant l'année de répartition.

Si la décision d'octroi, entre les projets déposés par les communes et EPCI éligibles, relève du préfet de département, l'une des particularités de la DETR est l'institution d'une commission auprès de ce dernier, composée d'élus et de représentants d'élus, incluant depuis 2017 des parlementaires du département. Cette commission est :

- chargée de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, les taux minimaux et maximaux de subventions applicables à chacune d'entre elles ;

- informée de la liste des opérations retenues par le préfet de département ;

- saisie pour avis sur les projets dont la subvention proposée au titre de la DETR porte sur un montant supérieur à 100 000 euros.

b) La DPV

Les crédits de la dotation politique de la ville sont ainsi répartis entre les départements :

• dans un premier temps, une enveloppe à destination des communes d'outre-mer est répartie entre les départements d'outre-mer et les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane ;

• dans un second temps, une enveloppe à destination des communes de métropole est répartie entre les départements de métropole selon les modalités suivantes :

- pour trois quarts, en fonction des attributions des communes éligibles de chaque département, classées selon l'indice synthétique de ressources et de charges ;

- pour un quart, en fonction des attributions des communes éligibles de chaque département comprises dans la première moitié du classement réalisé en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges calculé à partir du potentiel financier par habitant, du revenu par habitant et de la proportion de bénéficiaires d'aides au logement dans le nombre total des logements de la commune.

Le représentant de l'État dans le département attribue ensuite les crédits de l'enveloppe départementale entre les différents projets sélectionnés afin de financer les actions prévues par les contrats de ville définis à l'article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

2. Les dotations gérées au niveau régional

Contrairement à la DETR et la DPV , la DSIL, la DSID et la DRI sont réparties au niveau régional et sont ensuite attribuées par le préfet de région qui sélectionne les projets parmi ceux déposés par les collectivités. Si le représentant de l'État dans la région peut donner délégation au représentant de l'État dans le département pour signer les décisions d'attribution des subventions, la décision d'attribution se fait au niveau de la préfecture de région.

Les enveloppes réparties le sont en fonction essentiellement de critères de population auxquels s'ajoutent, à la marge, pour la DSID, des critères de potentiel fiscal et de kilomètres de voirie, ce qui limite fortement le caractère péréquateur de ces dotations au stade de la répartition régionale.

Cependant, les préfets de région peuvent par la suite décider de la répartition au niveau départemental, pour la DSIL et la DSID, en tenant compte des besoins et priorités à la maille infrarégionale, donnant ainsi à ces dotations une capacité péréquatrice.

a) La DSIL et la DSIL exceptionnelle

La DSIL est répartie à 65 % en fonction de la population des régions (et du département de Mayotte), appréciée au 1 er janvier de l'année précédente et à 35 % en fonction de la population des communes situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants appréciée au 1 er janvier de l'année précédente.

La DSIL est attribuée par le représentant de l'État dans la région ou dans la collectivité régie par l'article 73 de la Constitution .

Le représentant de l'État dans le département présente chaque année à la commission prévue à l'article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales (commission dite « DETR ») les orientations que le représentant de l'État dans la région prévoit de mettre en oeuvre en ce qui concerne la dotation pour l'exercice en cours.

Le représentant de l'État dans la région peut donner délégation au représentant de l'État dans le département pour signer les décisions d'attribution des subventions.

Par ailleurs, le représentant de l'État dans la région communique aux membres de la commission DETR, dans un délai d'un mois à compter de sa décision, la liste des projets subventionnés dans le ressort de leur département. Cette liste est également communiquée dans les mêmes délais aux membres du Parlement élus dans ce département.

Parallèlement, le représentant de l'État dans le département transmet aux membres de la commission DETR ainsi qu'aux membres du Parlement élus dans ce département un rapport faisant le bilan de la DSIL pour chaque exercice.

b) La DSID

La DSID est attribuée par le représentant de l'État dans la région. Elle est répartie sous la forme d'enveloppes régionales et constituée de la somme de deux fractions :

• à hauteur de 77 % du montant de la dotation une première fraction est calculée ainsi :

- 40 % en fonction de la population des communes situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants ou n'appartenant pas à une unité urbaine ;

- 35 % en fonction de la longueur de voirie classée dans le domaine public départemental, la longueur de voirie située en zone de montagne étant affectée d'un coefficient multiplicateur de 2 ;

- 25 % en fonction du nombre d'enfants de 11 à 15 ans domiciliés dans les communes de la région.

Le montant des enveloppes ainsi calculées ne peut être inférieur à 1 500 000 euros ni supérieur à 20 000 000 euros.

• à hauteur de 23 % du montant de la dotation, la seconde fraction est constituée de la somme, au niveau régional, de parts départementales.

Une part est calculée pour chaque département, sous réserve que son potentiel fiscal par habitant ne soit pas supérieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des départements et que son potentiel fiscal par kilomètre carré ne soit pas supérieur au double du potentiel fiscal moyen par kilomètre carré de l'ensemble des départements 24 ( * ) .

Alors que jusqu'en 2021, cette deuxième part de 23 % abondait directement la section d'investissement et était totalement libre d'emploi pour les départements en bénéficiant, à compter de la loi de finances initiale pour 2022 25 ( * ) , les modalités d'attribution de cette deuxième part dite de « péréquation » ont été alignées sur celles de la première part afin que l'intégralité de l'enveloppe soit attribuée selon une logique d'appel à projets sur le modèle des autres dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales.

c) La DRI

L'enveloppe nationale de la DRI est répartie entre chaque région sur la base d'une clé démographique, chaque région bénéficiant d'une attribution correspondant au poids de sa population totale dans la population totale nationale.

Les préfets de région sélectionnent ensuite les projets pouvant bénéficier de cette dotation parmi ceux déposés par les conseils régionaux porteurs des projets.

Répartition de l'enveloppe nationale entre les régions

(en euros)

REGIONS

AE

AUVERGNE-RHONE-ALPES

71 858 000,00

BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE

24 897 000,00

BRETAGNE

29 883 000,00

CENTRE-VAL DE LOIRE

22 893 000,00

CORSE

3 085 000,00

GRAND EST

49 308 000,00

HAUTS-DE-FRANCE

53 342 000,00

ILE-DE-FRANCE

109 841 000,00

NORMANDIE

29 553 000,00

NOUVELLE-AQUITAINE

53 676 000,00

OCCITANIE

53 004 000,00

PAYS DE LA LOIRE

34 011 000,00

GUADELOUPE

3 544 000,00

GUYANE

2 425 000,00

LA REUNION

7 721 000,00

MARTINIQUE

3 379 000,00

MAYOTTE

2 352 000,00

PROVENCE ALPRES COTE D'AZUR

45 228 000,00

TOTAL

600 000 000,00

Source : instruction relative à la dotation régionale d'investissement du 11 décembre 2020

II. DES DOTATIONS DE PLUS EN PLUS CIBLÉES SUR LES PRIORITÉS THÉMATIQUES FIXÉES PAR L'ÉTAT ET SOUMISES À DES CRITÈRES DE SÉLECTION PARFOIS NOMBREUX ET PEU LISIBLES

A. DES PRIORITÉS THÉMATIQUES LIMITATIVES DÉFINIES PAR L'ÉTAT

Dans les différentes instructions relatives aux dotations d'investissement, l'État définit chaque année des priorités thématiques qui serviront de base à la sélection des projets. Ces critères de sélection que constituent les priorités thématiques viennent s'ajouter aux critères légaux définis à l'article L.2334-42 le code général des collectivités territoriales pour la DSIL ou à ceux définis par la commission DETR .

1. Les priorités thématiques retenues pour la DETR, la DSIL et la DSID

Ainsi, l'instruction 2022 relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations de soutien à l'investissement en faveur des territoires rappelle que les dotations visent à soutenir les projets qui concourent à :

- la transition écologique des territoires : la sélection doit donc porter sur des projets qui renforcent l'attractivité des territoires tout en augmentant la résilience des collectivités au changement climatique ou qui contribuent aux engagements de la France en matière de neutralité carbone à échéance 2050. Les projets de rénovation énergétique, de recyclage et d'optimisation du foncier disponible doivent donc être prioritaires ;

- la rénovation et la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel ;

- l'aménagement urbain et la sécurisation des ouvrages d'art relevant de la compétence des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en cohérence avec le « programme national Ponts » annoncé le 15 décembre 2020 dans le cadre du plan de relance 26 ( * ) ;

- la construction et la rénovation d'équipements sportifs en prévision des jeux olympiques de 2024 ;

- la stratégie de prévention et de protection de l'enfance et à l'amélioration de la qualité et de l'accès aux services publics notamment en matière scolaire (spécifiquement pour la DSID) ;

- l'amélioration des capacités et au développement de la mutualisation des services d'incendie et de secours (SDIS) notamment dans le cadre des pactes capacitaires 27 ( * ) .

À l'exception de la priorité relative aux équipements sportifs, les priorités définies pour 2022 sont les mêmes que celles de 2021.

À noter que, dans le cas particulier de la DETR, les priorités listées dans l'instruction annuelle sont applicables sous réserve du respect des décisions de la commission d'élus fixant les catégories d'opérations prioritaires qui priment donc sur l'instruction.

Adoptée dans le cadre du plan de relance , la DSIL exceptionnelle a, quant à elle, fait l'objet d'un fléchage strict sur trois priorités seulement : transition écologique, résilience sanitaire, et rénovation du patrimoine. Il est cependant à noter qu'une certaine souplesse dans l'octroi de cette dotation a été rendue possible grâce à l'article 70 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 28 ( * ) , adopté à l'initiative du Sénat, qui avait prévu que cette enveloppe exceptionnelle puisse financer des projets éligibles à la DETR.

In fine , comme l'indiquent les résultats reproduits infra d'une étude conduite par l'association Intercommunalités de France 29 ( * ) , les principales politiques publiques locales financées par la DETR et la DSIL sont proches (voirie et mobilités, jeunesse, aménagements publics, patrimoine...), même si l'ampleur des projets et les caractéristiques des territoires peuvent varier. De façon prévisible, la DSIL a été davantage concentrée sur certaines politiques publiques, liées en particulier aux mobilités et à l'environnement.

Répartition de la DETR par politique publique
en 2018 et en 2019

(en milliers d'euros)

Répartition de la DSIL par politique publique
en 2018 et en 2019

(en milliers d'euros)

Répartition de la DSIL exceptionnelle par politique publique

(en milliers d'euros)

Source : Intercommunalités de France, d'après les données ANCT

2. Les priorités thématiques retenues pour la DPV

La note d'information relative à la répartition de la DPV pour 2022 précise que doivent être considérés comme prioritaire les projets permettant :

- le dédoublement des classes de grande section des écoles situées en zone REP et REP+ ;

- l'amélioration des bâtiments scolaires les plus dégradés des quartiers prioritaires ;

- la construction d'établissements d'accueil du jeune enfant et de structures d'animation de la vie sociale ;

- la construction, l'extension ou la rénovation d'équipements sportifs de proximité en cohérence avec les mesures déployées par l'agence nationale du sport dans les quartiers prioritaires ;

- l'amélioration de l'accès aux services.

Par ailleurs, les crédits doivent être attribués en vue de la réalisation de projets d'investissement ou de dépenses de fonctionnement dans le périmètre des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ou des zones à la périphérie de ceux-ci dès lors que ces équipements peuvent profiter aux habitants des QPV.

3. Les priorités thématiques retenues pour la DRI

L'instruction du 11 décembre 2020 relative à la DRI précise que les subventions attribuées doivent contribuer au financement d'opérations liées au plan de relance prioritairement en faveur de :

- la rénovation thermique des bâtiments publics ;

- les mobilités du quotidien .

Cette instruction régit notamment de façon précise la ventilation des crédits entre les deux priorités, qui doit reprendre les montants indicatifs prévus au titre de ces deux mêmes priorités dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER).

Comme en témoigne l'exemple précité de la DSIL « exceptionnelle », le déploiement du plan de relance s'est accompagné d'un resserrement du ciblage des dotations par l'administration . La DRI illustre bien cette tendance. Alors que l'instruction susmentionnée prévoit que l'affectation de la dotation soit discutée avec les conseils régionaux, les services d'un conseil régional auditionnés par les rapporteurs spéciaux ont déploré leur absence totale de marges de manoeuvre, notamment en termes de fongibilité entre les deux priorités, laissée à la discrétion des préfets de région.

B. UNE ATTRIBUTION DES DOTATIONS SOUMISE À DES CRITÈRES DE SÉLECTION RESTRICTIFS

1. Des critères de sélection nombreux et peu lisibles

Les critères de sélection des projets sont nombreux, cumulatifs, d'origine différente et parfois contradictoires.

a) Des critères nationaux qui manquent parfois de précision

En premier lieu, conformément aux instructions et notes annuelles relatives aux dotations d'investissement , la priorité doit être faite aux projets, comme vu supra , respectant les priorités thématiques définies par le ministère.

Par ailleurs, les instructions annuelles relatives à la composition et aux règles d'emploi des dotations d'investissement pour 2021 tout comme l'instruction du 11 décembre 2020 relative à la dotation régionale d'investissement précisent que la sélection devra privilégier les projets présentant un degré de maturité important permettant d'envisager un démarrage très rapide . Cependant, les critères présidant à la définition de la maturité d'un projet ne sont pas formalisés et varient d'un département ou d'une région à l'autre. Si certaines préfectures analysent la sécurité juridique du dossier (maitrise foncière, obtention des autorisations de travaux..), la cohérence du plan de financement avec notamment les engagements des cofinanceurs ou l'avancement technique du dossier (réalisation d'études préalables) d'autres regardent uniquement la date prévisionnelle de début des travaux renseignée dans la demande ou rejettent les dossiers non complets estimant qu'ils sont révélateurs d'une absence de maturité.

Si le critère de maturité se justifie par la nécessité d'engager rapidement des opérations notamment dans le cadre du plan de relance afin de générer un effet levier et un impact sur la croissance, les rapporteurs spéciaux rappellent qu'il ne doit pas servir les seuls objectifs de communication de l'État .

Enfin, lors de la sélection, une attention doit également être portée sur les projets des collectivités disposant des capacités d'autofinancement les moins élevées sans que des seuils ne soient précisés.

Dans ce contexte, les critères relatifs à la maturité de projets et à la capacité financière des collectivités mériteraient d'être précisés et uniformisés au niveau national.

Recommandation n°1 : clarifier la doctrine de l'État quant à l'appréciation des critères de maturité des projets et de capacité d'autofinancement des collectivités sollicitant une subvention (direction générale des collectivités locales, préfectures) .

b) Des critères locaux additionnels, variés et évolutifs qui manquent de transparence

Par ailleurs, aux critères susmentionnés peuvent s'ajouter des critères locaux précisés dans les appels à projets lancés par les préfets ou lors de la répartition départementale des dotations. Ces critères peuvent porter tant sur les typologies des collectivités territoriales attributaires que sur les thématiques des projets.

À titre d'exemple , la préfecture de Haute-Marne, dans l'appel à projet DETR pour 2022, a indiqué que devaient être priorisés :

- les projets portés par les EPCI à fiscalité propre et les communes nouvelles ;

- les maitres d'ouvrage présentant une capacité financière suffisante afin de ne pas obérer les finances de la collectivité (en contradiction avec le critère mentionné dans l'instruction annuelle).

Pour la même DTER, la préfecture de Mayenne précise que l'avancement des projets soutenus antérieurement sera également regardé pour financer le nouveau projet d'une collectivité.

Pour la DSID, en 2020, le préfet de la région Ile-de-France a retenu deux critères supplémentaires de sélection des projets afin de tenir compte des ressources de chaque département :

- le potentiel financier par habitant ;

- la capacité d'autofinancement nette par habitant.

En Bourgogne Franche Comté , le préfet de région a établi une programmation en :

- ciblant la DSID sur les projets directement utiles au public et en excluant les projets internes aux départements (bureaux et locaux ne recevant pas de publics) ;

- réservant la DSID aux projets supérieurs à 500 000 euros, dans la mesure du possible, afin de limiter la dispersion de cette dotation.

Pour la DSIL, les stratégies régionales mettent globalement en évidence une relation forte entre revenu moyen par habitant faible et montant de DSIL par habitant élevé. Cependant, les critères de sélection varient d'une région à l'autre et, au sein d'une même région, d'un département à l'autre, dans la mesure où les préfets de département participent activement à la définition des orientations régionales .

Ces critères de sélection peuvent parfois mettre l'accent sur l'équilibre territorial des financements (juste répartition de la dotation sur l'ensemble du territoire) ou encore sur les dotations déjà perçues par une collectivité.

Ces critères locaux peuvent aller jusqu'à s'imposer comme de véritables conditions d'éligibilité . En effet, lors de l'examen de la proposition de loi du sénateur Hervé Maurey visant à réformer la procédure d'octroi de la DETR adoptée par le Sénat en première lecture le 22 octobre 2020 30 ( * ) , la commission des finances 31 ( * ) avait relevé l'existence de dysfonctionnements quant à l'application des critères d'éligibilité à la DETR. Ainsi, dans un département, la « commission DETR », sur l'initiative du préfet, a par exemple adopté un règlement tendant à rendre inéligible une collectivité qui ne se serait pas engagée dans une démarche de non-artificialisation des sols, et ce indépendamment de la nature et de l'intérêt des projets faisant l'objet d'une demande de subvention. Une telle pratique n'est pas conforme à la loi, qui confie à cette commission le soin de définir les priorités en matière de projets à subventionner mais réserve au seul législateur la compétence de définir les critères d'éligibilité d'une collectivité territoriale à la dotation. Ainsi, l'article 1 er de cette proposition de loi visait à affirmer plus clairement l'exclusivité des critères légaux d'éligibilité.

Les critères de sélection additionnels peuvent également cibler certaines priorités thématiques particulières .

S'agissant de la DSID, l'un des présidents de conseil départemental, auditionné par les rapporteurs spéciaux, a cependant pointé à cet égard une insuffisante stabilité des priorités. Or, compte tenu de la maturité requise, il est difficile de proposer un projet correspondant parfaitement à une nouvelle priorité. Pour avoir un réel effet incitatif, il conviendrait donc d'inscrire ces priorités sur une durée de plusieurs années. En outre, un autre président de conseil départemental a déploré le caractère parfois tardif de la communication du préfet de région sur ses priorités thématiques pour l'exercice eu égard aux dates limites qui leur sont imposées pour déposer leurs dossiers de demande.

Si cette souplesse au niveau local se justifie par la nécessité d'adaptation aux enjeux et spécificités de chaque territoire, il en résulte une multitude de critères plus ou moins formalisés qui se révèlent peu lisibles pour les collectivités et qui sont parfois, cumulés les uns avec les autres, trop restrictifs pour permettre de retenir des projets présentant un réel intérêt pour le territoire.

Si une uniformisation des critères locaux n'est donc pas souhaitable, ces derniers devraient cependant faire l'objet d'une information plus transparente à destination des élus. En particulier, les associations d'élus auditionnées par les rapporteurs spéciaux ont souligné l'importance d'une publication des appels à projets le plus tôt possible dans l'année afin que les porteurs de projets puissent disposer d'une meilleure visibilité sur les critères de sélection qui leur seront appliqués.

Les associations d'élus entendues déplorent également que, dans certains territoires, une absence de motivation précise des décisions de refus par les services de la préfecture. Une telle pratique, qui est de nature à améliorer considérablement l'appropriation par les acteurs locaux de la doctrine d'octroi des dotations, doit devenir la norme et pourrait être explicitement recommandées aux préfets dans les instructions annuelles.

Recommandation n° 2 : renforcer la transparence des critères de sélection des projets instaurés localement, qui ne sauraient pour autant être présentés comme des critères additionnels d'éligibilité aux dotations (préfectures).

Si un effort de transparence apparait nécessaire concernant les critères de sélection, les rapporteurs spéciaux saluent cependant les progrès réalisés concernant l'information relative à l'attribution des dotations, grâce notamment à :

- la mise en ligne de cartes interactives sur un site internet officiel de l'État permettant de visualiser l'ensemble des projets soutenus et le montant des subventions attribuées ;

- l'article 192 de la loi de finances initiale pour 2022 32 ( * ) , qui prévoit qu'à compter de 2023 la liste des opérations ayant bénéficié d'une subvention au titre de l'ensemble des dotations d'investissement ainsi que le montant des projets et celui de la subvention soient publiés sur le site internet officiel de l'État dans le département avant le 31 juillet de l'exercice en cours ;

- l'article 195 de la même loi qui ajoute même que la liste des opérations ayant bénéficié d'une subvention au titre de la DSIL ou de la DETR soit publiée dans un format ouvert et réutilisable.

2. Des taux de sélection variables d'une dotation à l'autre

Dans ce contexte largement encadré par les priorités fixées par le Gouvernement ainsi que par une multitude de critères déclinés au niveau régional et départemental, les dotations présentent des taux de sélectivité très variables d'une dotation à l'autre et d'un territoire à l'autre.

À cet égard, il convient de noter que les taux de rejet (nombre de dossiers rejetés par rapport au nombre de dossiers déposés) ne sont pas suivis au niveau national. L'analyse de quelques départements 33 ( * ) par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat permet cependant de faire ressortir les chiffres suivants.

Exemple de taux de rejet des dossiers

Source : commission des finances du Sénat à partir des éléments transmis par les préfectures

Les moyennes constatées sur ces quatre départements sont confortées par les chiffres issus du récent rapport de la mission d'information des députés François Jolivet et Christine Pires Beaune relative aux dotations de soutien à l'investissement du bloc communal 34 ( * ) .

Source : rapport sur « les dotations de soutien à l'investissement du bloc communal» de l'Assemblée nationale

Ainsi, en fonction des départements et des dotations, les taux de rejet varient de 0 à 84 %. Ces taux sont nuls pour la DSID et la DPV mais compris entre 6 et 84 % pour la DETR et la DSIL.

Plus finement, l'analyse de ces taux doit également être réalisée au regard des caractéristiques des départements concernés. En effet, la DETR est beaucoup moins sélective dans les départements peu peuplés, très ruraux avec de nombreuses communes de très petite taille en raison de son caractère péréquateur. À titre d'exemple, le montant 2020 de la DETR est quasiment identique en Haute-Marne (12,2 millions d'euros) et dans
le Bas-Rhin (12,5 millions d'euros). Or, le montant unitaire des projets déposés est très inférieur dans le premier département, ce qui permet d'en financer un plus grand nombre.

Dans les faits, il résulte que les taux de sélection des dotations d'investissement sont essentiellement liés aux caractéristiques de chaque département ainsi qu'au caractère plus ou moins péréquateur des dotations .

Cependant, il semble que la multiplication des critères de sélection (priorités thématiques nationales ou locales, situation financière des communes ou maturité des projets) ait également un impact sur le taux de sélection. Ce dernier est plus délicat à mesurer en raison d'un biais dans les chiffres dans la mesure où les échanges préalables entre les collectivités porteuses de projets et les préfectures amènent les collectivités à ne pas déposer des dossiers non éligibles ou pas assez matures.

Pour autant, un élargissement des critères de sélection (notamment des priorités thématiques) n'aurait pas nécessairement pour effet d'augmenter les taux de sélection. Le phénomène pourrait même être inverse, les collectivités déposant alors plus de dossiers à enveloppes de dotation égales.

3. Une insuffisante prise en compte des spécificités et besoins locaux
a) Un renforcement du pouvoir consultatif des élus sur l'octroi des dotations

Il ressort des entretiens menés par les rapporteurs spéciaux et des éléments transmis par les élus que les critères sont jugés trop restrictifs, générant de nombreux projets non éligibles présentant pourtant un intérêt réel pour le territoire.

En effet, contrairement aux priorités qui président à la sélection des projets pour un financement par la DETR qui sont définies par une commission d'élus locaux, pour les autres subventions les priorités sont fixées par le Gouvernement. Il en résulte parfois une déconnexion entre les priorités de l'État et celles des collectivités qui souhaiteraient voir leurs besoins mieux pris en compte.

Dans ce contexte, de nombreux élus en ont appelé à un renforcement des pouvoirs consultatifs des élus locaux et nationaux sur l'octroi des dotations.

La loi de finances pour 2018 35 ( * ) a introduit une première évolution en ce sens, en abaissant de 150 000 à 100 000 euros le montant de subvention proposé par le préfet au-delà duquel une saisine pour avis de la commission est requise 36 ( * ) .

En 2020, dans le contexte du « grand débat national », un certain nombre d'évolutions supplémentaires ont été préconisées par la proposition de loi pour le plein exercice des libertés locales déposée par les sénateurs Philippe Bas, Jean-Marie Bockel et plusieurs de leurs collègues 37 ( * ) dans le contexte du grand débat national. En effet, son article 13 propose d'instituer dans chaque département une « commission départementale des investissements locaux » en lieu et place de la commission DETR . Cette commission :

- fixerait les catégories d'opérations prioritaires et les taux minimaux et maximaux de subvention au titre de ces opérations non seulement pour la DETR mais également pour une fraction significative de la DSIL , dont 80 % de l'enveloppe régionale serait départementalisée ;

- serait informée de l'ensemble des demandes de subventions et consultée sur l'ensemble des projets sélectionnés par le préfet au titre de ces deux dotations .

Cet article propose, en outre, de soumettre à l'avis des présidents de conseil départemental les décisions d'attribution de subventions au titre de la DSID prises par le préfet de région.

Un amendement reprenant l'ensemble de ces dispositions avait également été déposé au nom de la commission des lois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 . Il avait été rejeté par le Sénat conformément à l'avis défavorable de la commission des finances, motivé par le fait qu'une telle évolution semblait préjudiciable à l'efficacité des travaux de ladite commission. En outre, l'objet de la DSIL étant précisément de financer des projets d'intérêt régional selon des priorités nationales limitativement définies par la loi, l'échelon départemental de la commission ne semblait pas approprié. La complémentarité des finalités de la DETR et de la DSIL s'en trouverait ainsi fragilisée (voir encadré).

La complémentarité de la DETR et de la DSIL

L'analyse des attributions de la DETR et de la DSIL, au cours de l'exercice 2020, confirme la complémentarité de leurs rôles dans le soutien des opérations d'investissement des communes et des EPCI :

- la DETR reste l'instrument privilégié du financement des projets de proximité, d'une taille limitée . Ainsi, bien que le montant de la DETR soit supérieur à celui de la DSIL le nombre de projets financés par la DETR est plus de cinq fois plus élevé (20 464 contre 3 568). En conséquence, le montant moyen des projets financés par la DETR est 3,85 fois plus faible que celui des projets financés par la DSIL (173 015 euros contre 667 375 euros), tandis que le montant moyen de la subvention accordée est plus de trois fois plus faible pour la DETR que pour la DSIL (49 284 euros contre 151 848 euros) ;

- le taux de subvention est, comme l'an passé, plus important avec la DETR qu'avec la DSIL : le taux de subvention y est de 28,49 %, contre 22,76 % en moyenne pour la DSIL. Ceci s'explique par le fait que les projets financés au niveau régional par la DSIL sont plus « lourds » que les projets financés à une échelle plus locale par la DETR et que les besoins de cofinancement peuvent être plus élevés ;

- la cartographie des taux de subvention moyens de ces deux dotations met en évidence une logique de gestion différente pour chacun de ces dispositifs . La gestion déconcentrée au niveau régional de la DSIL favorise ainsi la réalisation d'arbitrages interdépartementaux tenant compte des disparités régionales. Il en résulte une variabilité plus importante des taux de subvention par la DSIL. On constate par exemple que dans le Centre-Val de Loire, le Cher a bénéficié de taux de subventions assez nettement supérieurs au reste des départements. Il en va de même pour la Lozère en Occitanie.

On observe que cette « répartition des rôles » entre les deux instruments est relativement stable sur les quatre années d'existence de la DSIL .

Source : DGCL, compte-rendu d'exécution 2020 de la DETR

Dans sa version transmise à l'Assemblée nationale et suite à l'introduction d'un amendement adopté contre l'avis de la commission des finances, l'article 2 de la proposition de loi précitée du sénateur Hervé Maurey visant à réformer la procédure d'octroi de la DETR va même jusqu'à prévoir qu'une fraction d'au plus 20 % de l'enveloppe départementale de la DETR, nommée « dotation parlementaire » soit réservée à des projets proposés par les députés et sénateurs membres de la commission DETR, ce qui équivaut à une forme de rétablissement de l'ancienne « réserve parlementaire».

Les rapporteurs spéciaux considèrent qu'ils convient de rechercher un meilleur équilibre entre l'association des élus et les prérogatives du préfet pour l'octroi de crédits qui restent ceux de l'État. Leurs recommandations visent donc, d'une part, un renforcement raisonné des pouvoirs consultatifs des élus et, d'autre part, une amélioration de l'information à destination des élus.

S'agissant de la DSID, ces améliorations pourraient passer par une saisine pour avis non contraignant du président du conseil départemental sur les projets subventionnés au titre de la DSID, comme le propose la proposition de loi Bas-Bockel.

Des améliorations sont également envisageables en matière d'information des commissions DETR en :

- prévoyant une communication à la commission DETR de l'ensemble des demandes de subvention dès lors que le dossier est bien éligible, afin de mieux cerner les critères de sélection appliqués par les services de l'État ;

- inscrire dans la loi l'obligation d'une communication annuelle du préfet de département à la commission DETR sur l'emploi de la DSID dans le département, comme c'est déjà le cas pour la DSIL. En effet, actuellement, concernant la DSID, si cette communication est recommandée dans les instructions annuelles, elle n'est cependant pas prévue par la loi.

Recommandation n° 3 : instaurer une obligation de saisine consultative préalable du président du conseil départemental sur les attributions de DSID (législateur).

Recommandation n°4 : instaurer une obligation de communication à la commission DETR de l'ensemble des demandes de subvention dès lors que les dossiers sont bien éligibles (législateur) .

Recommandation n° 5 : inscrire dans la loi l'obligation d'une communication annuelle du préfet de département à la commission DETR sur l'emploi de la DSID dans le département (législateur).

b) « Départementaliser » la DSIL ?

Une autre proposition récurrente pour rendre les procédures d'octroi des dotations de l'État plus proches des priorités locales consiste à « départementaliser » pour tout ou partie les crédits de la DSIL, aujourd'hui gérés au niveau du préfet de région. D'après une enquête conduite auprès de 352 collectivités territoriales membres de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) transmise aux rapporteurs spéciaux, 82 % des répondants sont favorables à ce que la décision d'attribution de la DSIL revienne exclusivement aux préfets de département.

Il convient cependant de noter que, dans les faits, cette « départementalisation » est déjà partiellement à l'oeuvre puisque les préfets de région attribuent en pratique aux préfets de département, dont les services assurent l'instruction de l'essentiel des dossiers, une fraction de l'enveloppe selon des modalités qui restent toutefois à leur entière discrétion.

Sans aller jusqu'à « départementaliser » les enveloppes de DSIL de façon rigide en consacrant juridiquement le préfet de département comme décisionnaire de son attribution, ce qui irait à l'encontre de l'esprit de cette dotation visant à soutenir des projets structurants d'intérêt régionaux et de sa complémentarité avec la DETR (voir encadré supra ), les rapporteurs spéciaux partagent l'objectif de conforter le rôle des préfets de département.

La loi du 21 février 2022 38 ( * ) relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « loi 3DS ») a franchi une première étape en ce sens en permettant désormais aux préfets de région de donner délégation aux préfets de département pour signer les décisions d'attribution des subventions 39 ( * ) .

Pour aller plus loin, la mission d'information relative aux dotations de soutien à l'investissement du bloc communal précitée 40 ( * ) , considère qu'il convient de formaliser et de pérenniser cette pratique. Cette mission propose notamment :

- un encadrement de l'évolution annuelle du montant total des attributions de DSIL dans chaque département, en limitant son augmentation ou sa diminution à 20 % du montant constaté l'année précédente ;

- la fixation d'un montant minimum d'attribution de DSIL par département. Sur la base d'une analyse statistique des montants départementaux, les députés ont mis en évidence un lien de corrélation entre densité de population du département et montant de DSIL attribué aux préfet de département et montré que, dans les faits, les préfets de région attribuent chaque année aux préfets de département une enveloppe de DSIL qui n'est jamais inférieure à un montant qui est proportionnel à la densité de la population des communes du département.

Les rapporteurs spéciaux, qui partagent l'objectif de formaliser la pratique de façon plus transparente, sont néanmoins réservés quant à la proposition de fixer un montant minimal de DSIL attribuée aux préfets de département et d'encadrer son évolution. Les préfets de région doivent en effet pouvoir continuer de disposer des marges de manoeuvre permettant d'ajuster l'octroi de la DSIL aux priorités régionales.

Ils recommandent en outre que le montant de ces attributions soient communiqué le plus tôt possible dans l'année civile aux préfets de département. En effet, il ressort des auditions menées que celles-ci leur parviennent dans certains cas de façon tardive et approximative, au détriment de leur visibilité sur leurs capacités à subventionner les projets déposés.

Recommandation n° 6 : formaliser la pratique de l'attribution par les préfets de région d'enveloppes départementales de la DSIL aux préfets de département en encadrant leur délai de notification (direction générale des collectivités locales, préfectures).

c) La nécessité d'une meilleure prise en compte des besoins d'ingénierie des collectivités

Par ailleurs, il ressort des déplacements des rapporteurs spéciaux une insuffisante prise en compte des besoins des collectivités en termes d'ingénierie notamment préalablement au dépôt de leurs projets.

Or, dans un contexte de subventionnement dans une logique d'appel à projets d'une part et de prise en compte de la maturité des projets d'autre part, un biais peut se créer en faveur des collectivités les plus importantes et/ou les plus riches disposant de moyens humains suffisants leur permettant l'élaboration des dossiers complets.

Si de nombreux dispositifs d'aide à l'ingénierie existent (notamment par l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou par des plateformes internes aux préfectures), ils sont essentiellement destinés à appuyer les collectivités dans la réalisation de leurs opérations. Les conseils départementaux participent également activement au déploiement d'appui à l'ingénierie par le biais d'agences techniques départementales au titre de leur compétence de solidarité territoriale.

Or, les besoins d'ingénierie apparaissent dès les phases amont des opérations pour la constitution des dossiers de financement.

Conscient de ce besoin notamment pour les plus petites communes, la préfecture de Haute-Marne, dans l'appel à projet 2022 pour la DETR, prévoit la possibilité d'un financement à hauteur de 40 % des dépenses envisagées pour les études préalables à un projet structurant éligible à la DETR et dont la réalisation est planifiée. Il pourrait être envisagé de systématiser cette pratique au sein de toutes les préfectures et de la développer pour les autres dotations d'investissement. Pour autant il conviendra de veiller à ce qu'un plus large financement de l'ingénierie n'engendre pas un financement accru d'effectifs qui constitueraient ensuite des dépenses de fonctionnement pérennes pour les collectivités.

Recommandation n° 7 : renforcer, lorsque c'est pertinent, le subventionnement des dépenses d'études préalables pour les projets éligibles à la DETR ( préfectures) .

TROISIÈME PARTIE :
DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT S'INSCRIVANT DE PLUS EN PLUS DANS UN SYSTÈME D'INITIATIVES CONTRACTUELLES ET PARTENARIALES :
PROMESSES ET RISQUES

I. LE DÉVELOPPEMENT DES DÉMARCHES CONTRACTUELLES ET PARTENARIALES : UN SOUCI LOUABLE DE MISE EN COHÉRENCE DES DISPOSITIFS MAIS LE RISQUE D'UNE COMPLEXIFICATION DE LA POLITIQUE DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL

Les contrats et partenariats passés entre l'État et les collectivités territoriales sont aujourd'hui de plus en plus nombreux et concernent de nombreux champs thématiques (industrie, revitalisation des centres villes, ruralité, écologie...). Ils constituent aujourd'hui un instrument majeur de l'action publique territoriale, dans lequel la politique d'octroi des dotations d'investissement de l'État s'inscrit désormais pleinement.

A. LE DÉVELOPPEMENT DES OUTILS CONTRACTUELS : UNE TENTATIVE DE « GLOBALISATION » DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE

1. La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, une pratique en plein essor

Bien qu'existant depuis les années 1970, le recours au procédé contractuel entre l'État et les collectivités territoriales pour la conduite et le financement de projets partagés a connu un fort essor dans les années récentes, dans l'intérêt bien compris de l'État et des collectivités territoriales.

En effet, comme l'expliquent les députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine dans leur récente Mission « flash » sur la contractualisation 41 ( * ) « la mise en oeuvre de la décentralisation entraîne l'effacement de la décision unilatérale de l'État dans les territoires. Mais la volonté de l'État d'encourager les priorités de son agenda politique demeure . La mise en oeuvre de politiques publiques nationales implique l'établissement d'un partenariat avec les collectivités territoriales. De leur côté, les exécutifs locaux ont besoin des financements de l'État pour monter leurs projets, leurs ressources budgétaires n'étant parfois pas suffisantes pour mener à bien les projets complexes en dépit des possibilités de co-financement » .

Il existe ainsi historiquement trois démarches contractuelles principales dans le cadre desquelles les dotations de l'État sont susceptibles d'être mobilisées : les contrats de plan État-régions, les contrats de ville et les contrats de ruralité .

a) Les contrats de plan État-régions

Les contrats de plan État-régions (CPER) constituent la formule la plus ancienne . Institués par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification 42 ( * ) , ces contrats sont signés entre l'État et les conseils régionaux, initialement pour une durée de cinq ans, avant qu'ils ne soient allongés à six puis à sept ans selon les générations. Depuis la cinquième génération
(2007-2013), leur contenu a été restreint à trois objectifs : la compétitivité et l'attractivité du territoire, la promotion du développement durable et, enfin, la cohésion sociale et territoriale.

La septième génération de CPER devrait mobiliser 28 milliards d'euros sur la période 2021-2027.

Jusqu'à présent, le seul instrument du budget général de l'État mobilisé dans le cadre des CPER a été le FNADT, et non les dotations d'investissement. Cependant, d'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, l'État a souhaité renforcer ses financements dans le cadre des volets territoriaux de la nouvelle génération de CPER. En conséquence, les CPER 2021-2027 prévoient pour la première fois expressément que le recours à la DSIL pourra financer les projets qui y sont inscrits .

b) Les contrats de ville

Institués par la loi dite « Lamy » de 2014 43 ( * ) , les contrats de ville sont signés entre l'État et les EPCI comptant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) , initialement pour une durée de six ans. Il est à noter que la LFI pour 2022 a acté la prorogation d'une année supplémentaire des contrats de ville en cours, soit jusqu'au 31 décembre 2023.

Les contrats de ville reposent sur trois piliers : la cohésion sociale, le renouvellement urbain et le développement économique et l'emploi.

Comme le prévoit l'article L. 2334-40 du CGCT, les contrats de ville constituent le cadre d'octroi exclusif de la DPV, dont l'objet est précisément de financer les actions prévues par eux .

c) Les contrats de ruralité

Les contrats de ruralité , mis en place en 2017 dans le sillage du comité interministériel aux ruralités (CIR) de Privas du 20 mai 2016, constituent un outil contractuel qui assure le déploiement effectif des mesures issues des comités interministériels successifs aux ruralités, coordonne l'action publique et mobilise l'ensemble des acteurs locaux sur les thématiques de l'attractivité du territoire (développement économique dont agriculture, offre de formation, tourisme, patrimoine naturel, etc.), des mobilités locales et de l'accessibilité au territoire.

Ces contrats sont signés prioritairement à l'échelle des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Les actions prévues dans ce cadre peuvent notamment faire l'objet de financement au titre de la DSIL et de la DETR .

L'article L. 2334-42 du CGCT prévoit d'ailleurs expressément que la DSIL est également destinée, en sus des six priorités listées par cet article, à financer la réalisation d'opérations visant au développement des territoires ruraux inscrites dans un contrat de ruralité. Cette pratique est même favorisée par la dérogation prévue au D du même article permettant de financer par la DSIL des dépenses de fonctionnement, de modernisation et d'études préalables relevant de la section de fonctionnement dans la limite de 10 % du montant total attribué au bénéficiaire de la dotation.

En 2019, 489 contrats de ruralité étaient en vigueur, ayant bénéficié de 423,8 millions d'euros, tous crédits étatiques confondus, dont 182,5 millions d'euros de DSIL et 201,3 millions d'euros de DETR.

2. Les contrats de relance et de transition écologique : vers un « contrat global » ?

Institués dans le cadre du plan de relance et pour la durée du mandat municipal 2020-2026, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont en principe signés à l'échelle des intercommunalités et leur mise en oeuvre est confiée à l'ANCT .

Trois objectifs leur étaient assignés par la circulaire du Premier ministre du 20 novembre 2020 relative à l'élaboration des CRTE 44 ( * ) :

- accélérer la relance dans les territoires ;

- accompagner les transitions (écologique, numérique, économique, démographique...) sur la base d'un projet de territoire ;

- simplifier le paysage contractuel, en allant vers un contrat plus intégrateur, expression d'un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités locales.

Adoptant ainsi une approche transversale et interministérielle, et bénéficiant à cette fin d'un portage politique fort au niveau du Premier ministre, les CRTE s'adressent à tous les types de territoires et ont notamment vocation à remplacer les contrats de ruralité pour les intercommunalités qui y sont engagées.

Leur objectif est également de regrouper l'ensemble des initiatives partenariales présentes sur les territoires telles que les programmes « action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie »... (cf. infra ).

L'instruction du Premier ministre du 20 novembre 2020 relative à leur élaboration prévoit expressément que les CRTE mobilisent les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, mentionnant en particulier la DETR et la DSIL.

Au 13 mai 2022, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, 809 CRTE sont signés, sur un total de 847 périmètres établis, pour 80 % à l'échelle intercommunale, soit un taux de signature de 95 %.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE PROGRAMMES PARTENARIAUX : UNE TENTATIVE DE « LABELLISATION » ACCRUE DU FINANCEMENT DES PROJETS LOCAUX À MOYENS QUASI-CONSTANTS

Durant le précédent quinquennat, les gouvernements successifs ont mis en place des programmes d'appui spécifiques afin d'accompagner les transformations territoriales. Ces programmes partenariaux portent sur le soutien au développement des villes moyennes (« action coeur de ville »), aux petites centralités (« petites villes de demain »), au développement industriel (« territoires d'industrie »). Ces principaux programmes sont également complétés par des programmes spécifiques (avenir montagnes, inclusion numérique, cités éducatives, France services...)

Au plan opérationnel, ces programmes sont pilotés par l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

L'Agence nationale de la cohésion des territoires

Créée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été mise en place le 1 er janvier 2020. Les articles L. 1231-1
à L. 1233-6 et R. 1231-1 à R. 1233-27 du CGCT définissent l'organisation et le fonctionnement de l'ANCT.

L'ANCT a pour objectifs de renforcer la cohésion sociale et de réduire les inégalités territoriales en apportant des réponses adaptées aux projets des collectivités territoriales. Son action cible prioritairement les territoires les plus fragiles, qu'ils soient urbains, périurbains ou ruraux, en prenant en compte leurs spécificités territoriales. Une attention particulière est accordée aux zones où s'opère une transition industrielle. L'action de l'agence couvre également tout projet territorial complexe ou innovant. L'Agence contribue également à la mise en oeuvre de certains dispositifs du plan France Relance.

D'une manière générale, les missions de l'ANCT sont actuellement articulées autour de trois priorités d'intervention :

- le conseil et le soutien aux collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets territoriaux ;

- le déploiement de programmes d'appui spécifiques (France services, « action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie »...) ;

- l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

La gouvernance de l'ANCT s'appuie sur un conseil d'administration, composé de trente-trois membres disposant d'une voix délibérative et de dix membres avec voix consultative, chargé de définir les orientations stratégiques de l'établissement. Aux côtés du conseil d'administration, le comité national de coordination, prévu par l'article L. 1233-4 du CGCT, est chargé de suivre la mise en oeuvre opérationnelle des engagements pris par les opérateurs et l'ANCT dans le cadre des conventions prévues par la loi. Il est composé des directeurs généraux des cinq opérateurs cités dans la loi, à savoir la Caisse des dépôts et consignation (CDC), l'agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'agence de la transition écologique (ADEME) et le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

L'ANCT déploie son action dans les territoires grâce aux préfets, délégués territoriaux de l'Agence, et à un comité local de cohésion territoriale (CLCT). Il est l'interlocuteur unique des porteurs de projets et de l'équipe siège de l'ANCT.

Enfin, le comité régional des financeurs, composé des représentants locaux des opérateurs membres du comité national de coordination, a pour objet de mobiliser les crédits nécessaires à l'accompagnement des collectivités territoriales dans la réalisation de leurs projets de territoire.

Source : projet annuel de performances de la mission « Cohésion » annexé au PLF 2022

Au plan financier, ils visent avant tout à orienter, ordonner et valoriser des financements préexistants émanant de différents acteurs (ministères, collectivités territoriales, opérateurs...) sur un territoire donné, parmi lesquels les dotations d'investissement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en particulier la DSIL et la DETR (voir infra ) . Ils n'impliquent donc pour l'essentiel pas de crédits nouveaux , même si l'État y apporte un soutien financier à la marge via le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires ». Ce programme finance en effet la subvention pour charges de service public versée à l'ANCT dont l'offre d'ingénierie bénéficie à ces programmes, et qui a été renforcée de 19 millions d'euros en LFI 2022 au titre de la mise en oeuvre de l'Agenda rural, dont une partie doit spécifiquement servir à recruter des chefs de projets dédiés au programme « petites villes de demain ». Ce programme porte, en outre, les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui contribue également au financement de ces initiatives. D'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux, 23,8 millions d'euros d'AE et 13 millions d'euros en CP ont été alloués dans ce cadre à des actions relevant des programmes « action coeur de ville », « petites villes de demain » ou encore « territoires d'industrie ».

Si une forme de « recyclage » opportuniste des moyens existants à des fins de communication gouvernementale a dans un premier temps pu être crainte, les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux ont bien mis en évidence l'intérêt de ces dispositifs dans la mesure où une telle « labellisation » des financements contribue à créer une dynamique autour de projets partagés et fédérer les acteurs d'un territoire.

Il reste important de souligner que le déploiement de ces programmes ne s'accompagne pas d'un engagement à un effort financier supplémentaire de la part de l'État dans la durée, en particulier s'agissant des enveloppes allouées aux dotations d'investissement.

1. Le programme « action coeur de ville »

Le programme national « action coeur de ville » a été lancé le 27 mars 2018 en faveur de 222 villes moyennes et leurs groupements et vise à soutenir la rénovation des écoles, la création de logements, le développement des commerces et des entreprises, le développement des mobilités en lien avec les nouveaux usages, le déploiement des infrastructures ainsi que des usages numériques afin de répondre aux enjeux d'attractivité du territoire en redynamisant les centres villes et leurs périphéries.

Il mobilise 5 milliards d'euros sur 5 ans en provenance de l'État, la Banque des territoires, l'Agence nationale de l'habitat et Action Logement . Ces fonds doivent être apportés à hauteur de :

- 1 milliard d'euros par la Caisse des dépôts en fonds propres ;

- 700 millions d'euros en prêts de la Caisse des dépôts ;

- 1,5 milliard d'euros par Action logement ;

- 1 milliard d'euros par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

D'autres partenaires institutionnels accompagnent également le programme « action coeur de ville », comme le plan urbanisme construction architecture (Puca), la Cité de l'architecture et du patrimoine , le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), le conseil national de la fonction publique territoriale ( CNFTP ) et l' agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

2. Le programme « petites villes de demain »

Le programme « petites villes de demain » est l'une des mesures du plan d'action en faveur des territoires ruraux présenté par le Premier ministre le 20 septembre 2019 dit « agenda rural ». Ciblant les communes de moins de 20 000 habitants (désignées par les préfets) qui exercent des fonctions de centralité et présentent des signes de fragilité, le programme, déployé à compter de 2021, vise à donner aux élus locaux les moyens de concrétiser leur projet de territoire à travers un accompagnement renforcé, et notamment via le financement du recrutement d'un chef de projet assurant la coordination et la conception du projet de territoire des 1 600 collectivités lauréates.

Ce programme cible 1 000 territoires composés de communes et/ou d'intercommunalités. Il est doté de 3 milliards d'euros à titre prévisionnel sur une période de 6 ans auxquels s'ajoutent 250 millions d'euros alloués au soutien à l'ingénierie soit une moyenne de 500 millions d'euros par an et 41,5 millions d'euros pour l'ingénierie.

Du 1 er octobre 2020 à février 2022, les financements ont été les suivants :

- FNADT « classique » : 4,5 millions d'euros ;

- FNADT « relance » : 1,8 million d'euros ;

- DETR : 91,7 millions d'euros ;

- DSIL : 43,6 millions d'euros ;

- ANCT et banques des territoires : 11,2 millions d'euros pour financer des postes de chefs de projets petites villes de demain ;

- ANAH : 3,9 millions d'euros pour financer également des chefs de projet.

Soit un total de 156,7 millions d'euros et 36,5 millions d'euros engagés en soutien à l'ingénierie (hors financement des chefs de projets).

3. Le programme « territoires d'industrie »

Ce programme lancé fin 2018 vise à soutenir et accélérer le développement des territoires à forte dimension industrielle. Ciblé sur 148 territoires, il répond à une double ambition : économique pour relancer l'industrie française, soutenir ses capacités d'innovation et de conquête de nouveaux marchés, mais également d'aménagement du territoire. En effet, soutenir les entreprises industrielles dans les territoires ruraux, périurbains, et les petites et moyennes villes, permet de renforcer leur attractivité (emploi, nouveaux habitants) et de favoriser le développement des services dans ces territoires.

Le programme bénéficie d'environ 2 milliards d'euros, engagés entre 2018 et 2021, fléchés prioritairement dans le cadre d'un « panier de services », mis à disposition par l'État et ses opérateurs, pour développer des actions qui répondent aux enjeux majeurs du programme. Le financement se répartit comme suit :

• une part en provenance de l'État

- fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires (700 millions d'euros) ;

- territoires d'innovation, action du Programme d'investissements d'avenir (PIA) (145 millions d'euros) ;

- DSIL , FNADT, DETR (35 millions d'euros) ;

- subventions complémentaires aux volontariats territoriaux en entreprise (VTE) (2 millions d'euros) et aux accélérateurs Bpifrance (2 millions d'euros).

• une part en provenance des opérateurs et partenaires

- agence de la transition écologique (ex-ADEME) afin de financer les études et projets de décarbonation et transition écologique des territoires et des entreprises (287 millions d'euros) ;

- banque des Territoires pour financer le soutien en ingénierie et les projets portant sur l'aménagement et l'immobilier, la transition énergétique et environnementale de l'industrie, la formation et la cartographie des chaînes d'approvisionnement (162 millions d'euros) ;

- Bpifrance avec un volet territorial et accompagnement (700 millions d'euros et un volet accélération d'entreprises industrielles et déploiement des volontariats territoriaux en entreprises (22 millions d'euros) ;

- Pôle emploi afin de financer les dispositifs de formation et préparation opérationnelle à l'emploi individuelle et collective (10 millions d'euros) ;

- Business France pour le déploiement de coachs internationaux et la réalisation d'études d'attractivité internationale (38 coachs internationaux et 21 territoires accompagnés) ;

- délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) pour financer les études prospectives sur les besoins en compétences et la réalisation de bilans des difficultés de recrutement.

• Une part en provenance des conseils régionaux

- subventions d'investissement pour les travaux d'aménagement au titre du numérique, des zones d'activités économique (ZAE) et du soutien à la formation et l'insertion professionnelle (426 millions d'euros) ;

- mobilisation dans le cadre du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires sur la base d'un partenariat « 1 pour 1 » avec l'État (143 millions d'euros).

C. UN PAYSAGE CONTRACTUEL À SIMPLIFIER ET À RATIONALISER

Le constat d'une action publique locale saturée par les contractualisations est souligné par l'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs spéciaux .

En effet, au-delà des démarches impulsées par l'État, les régions et les départements déploient en parallèle leurs propres dispositifs de soutien aux projets d'investissement du bloc communal, qu'ils intègrent également de plus en plus au sein de démarches contractualisées . En 2020, leurs subventions d'équipement au bloc communal représentaient une masse financière estimée à 2,3 milliards d'euros par l'observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL), dont 2 milliards d'euros sont versés par les départements et 1,3 milliard d'euros par les régions 45 ( * ) .

On assiste ainsi à une multiplication des initiatives contractuelles ayant chacune leurs objectifs, leurs modalités et leur temporalité , qui peuvent être déployées en parallèle les unes des autres voire se faire concurrence. À titre d'exemple, la région Occitanie conclue avec les départements et collectivités territoriales des « Contrats bourgs centre » dans le cadre d'un plan global d'accompagnement sur plusieurs années des bourgs-centres ruraux ou péri-urbains poursuivant des finalités très proches du programme « petites villes de demain » initié par l'État.

Il en résulte un paysage de l'action publique locale fortement complexifié, au sein duquel de nombreux élus avouent se perdre, notamment ceux issus de petites communes disposant de faibles moyens d'ingénierie . Cette situation est préjudiciable à la bonne efficacité de la politique de soutien à l'investissement du bloc communal. En effet, le foisonnement d'objectifs et de priorités portées par les différents acteurs ne permet pas de créer les conditions pour que les communes et EPCI puissent décider de façon éclairée de l'orientation à donner à leurs projets d'investissement. Ce résultat est d'autant plus paradoxal que les contrats ont précisément pour finalité de rationaliser la conduite des actions menées en commun.

Pour remédier à cette situation, les principaux acteurs s'efforcent de mettre en place des contrats transversaux regroupant les différentes initiatives thématiques, en particularité dans le cadre du volet territorialisé du plan de relance, comme l'illustre le déploiement des CRTE. Ainsi, l'accord de partenariat État-régions du 28 septembre 2020 prévoit que « l'État et les régions chercheront à coordonner et à mettre en cohérence les différents outils de contractualisation existants » . Les accords départementaux de relance, issus de l'accord de partenariat, signé entre l'État et l'Assemblée des départements de France le 12 décembre 2020, relèvent de la même logique.

À titre d'exemple, les pactes territoriaux de relance et de transition écologique (PTRTE) lancés par la région Grand-Est reposent sur une approche « bottom-up » visant, à partir des projets et des dispositifs existant localement, à trouver les solutions de financement les plus pertinentes parmi celles proposées par les différents acteurs, dont l'État qui s'est associé à la démarche.

En dehors de la territorialisation du plan de relance, les contrats territoriaux lancés par la région Occitanie relèvent d'une approche différente, en concluant département par département des contrats « sur-mesure » visant à rationaliser et mettre en commun les dispositifs de soutien portés par les différents acteurs, démarche à laquelle l'État ne s'est pas associé.

Dans la dernière édition de son rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements 46 ( * ) , la Cour des comptes dresse toutefois un bilan critique de ces initiatives , soulignant notamment que « l'articulation entre les différents contrats (accords de relance, CRTE, contrats régionaux) est, à de rares tentatives près, inexistante » , et relevant en particulier que le volet territorial de chaque CPER demeure disjoint des CRTE, à la conclusion desquels la région ne prend aucune part. L'une des difficultés pointées par la Cour, partagée par les acteurs auditionnés par les rapporteurs spéciaux, a été le désalignement des calendriers des différentes initiatives. En particulier, l'urgence de la relance serait entrée en 2020 « en contradiction avec le calendrier électoral » .

Les rapporteurs spéciaux appellent l'État et les élus locaux à amplifier leurs efforts pour articuler leurs initiatives contractuelles en les regroupant autant que possible dans des contrats-cadres globaux ou a minima en alignant leurs calendriers. Une telle démarche est indispensable pour donner aux porteurs de projets la visibilité dont ils ont besoin sur les cofinancements dont ils peuvent espérer disposer.

Recommandation n° 8 : articuler les initiatives contractuelles impulsées par l'État, les régions et les départements, en les regroupant autant que possible dans des contrats-cadres globaux ou a minima en alignant leurs calendriers (préfectures, conseils régionaux, conseils départementaux).

La diversité des procédures de demande de subvention et des pièces à fournir est également pointée comme une source de complexité majeure pour les élus.

L'Association des maires de France a notamment souligné devant les rapporteurs spéciaux la nécessité de mieux accompagner les communes à cet égard, en proposant notamment la désignation d'un interlocuteur en préfecture pour les aider dans la constitution de leurs dossiers et d'allonger les délais de façon à permettre un dépôt des dossiers après le vote de leur budget 47 ( * ) .

Dans l'Aude , les rapporteurs spéciaux ont pu constater qu'une plateforme commune de dépôt des demandes a été mise en place par la préfecture de département et par le conseil départemental. L'initiative n'associe cependant pas à ce stade le conseil régional et ne s'étend pas aux autres départements. Les rapporteurs spéciaux préconisent de favoriser la mise en place de telles initiatives.

Recommandation n° 9 : favoriser localement la mise en place de plateformes et de procédures de constitution de dossier communes pour les demandes de subventions adressées à l'État, à la région et au département (préfectures, conseils régionaux, conseils départementaux).

II. LA MOBILISATION CROISSANTE DES DOTATIONS EN FAVEUR DE CES DÉMARCHES CONTRACTUELLES ET PARTENARIALES : LE RISQUE D'UNE CAPTATION ?

Les démarches contractuelles et partenariales traduisent le souci de l'État de mettre en cohérence ses dispositifs avec ceux de l'ensemble des acteurs de l'action publique territoriale.

Il n'est, dans ce contexte, pas surprenant que les instructions annuelles relatives à la composition et aux règles d'emploi des dotations d'investissement insistent sur le nécessaire lien qui doit exister entre ces dotations et les démarches contractuelles mais également les programmes partenariaux portés par les programmes d'appui interministériels ou pilotés par le ministère de la cohésion des territoires et sur la priorité qui doit être donnée aux projets entrant dans ce cadre.

Il en résulte, en conséquence, une tendance au fléchage de ces dotations, qui n'est pas exempte de risques.

A. LE FLÉCHAGE SUR LES PROGRAMMES PARTENARIAUX ET CONTRACTUELS : UNE INTENTION MARQUÉE DE L'ÉTAT

1. Une priorité rappelée dans les instructions annuelles...

En sus du respect des priorités thématiques définies par le Gouvernement et listées dans les différentes instructions régissant l'emploi des dotations d'investissement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (DTER, DSIL et DSID), les instructions adressées aux préfets prévoient explicitement que les projets financés par les dotations d'investissement doivent être prioritairement affectés à la mise en oeuvre des projets inscrits dans des démarches contractuelles entre l'État et les collectivités territoriales, qu'il s'agisse des CPER ou des CRTE.

L''instruction annuelle précise, en outre, que la sélection des projets financés par les dotations d'investissement doit tenir compte et poursuivre les actions entreprises en soutien aux politiques et programmes suivants : « action coeur de ville », « petites villes de demain », « territoires d'industrie », « avenir montagnes », « agenda rural », France services...

Cette intention de l'État de flécher ses dotations est particulièrement marquée ces dernières années.

En témoigne le fléchage affiché et inédit de l'enveloppe supplémentaire de DSIL prévue en LFI 2022 (303 millions d'euros) sur les actions en faveur des centralités prévues dans le cadre des CRTE et du programme « action coeur de ville ». La possibilité nouvelle, évoquée supra , de mobiliser la DSIL dans le cadre des CPER est également révélatrice de cette tendance.

2. ... qui traduit la volonté de l'État central d'exercer une influence croissante sur les politiques locales

La volonté de l'État de flécher ses dotations en faveur d'actions contractualisées s'explique aisément.

En effet, dès lors que les programmes partenariaux ont vocation à être partiellement financés par les dotations d'investissement de l'État à destination des collectivités et qu'une cohérence est recherchée dans le financement des opérations d'investissement s'inscrivant dans des labels nationaux, un rôle central a été accordé aux préfets dans la gouvernance de ces contrats et programmes partenariaux.

À titre d'exemple, le programme « action coeur de ville » est mis en oeuvre par les collectivités territoriales mais dans le cadre d'une gouvernance partagée au sein de laquelle les représentants de l'État ont une place importante . Ainsi,

- le maire, en lien avec le président de l'intercommunalité, pilote la réalisation des actions et préside le comité de projet installé dans sa commune ;

- le préfet de département coordonne les services et mobilise les moyens de l'État pour le projet. Il assiste au comité de projet au sein de chaque commune et signe la convention pluriannuelle ;

- le préfet de région, les représentants régionaux des partenaires et le représentant du conseil régional forment le comité régional d'engagement ;

- l'ANCT coordonne l'ensemble du dispositif. Elle anime le comité technique national (ministères et partenaires) et le centre de ressources.

Concernant le programme « petites villes de demain » (PVD), dans les territoires où une gouvernance aurait déjà été mise en place dans le cadre de dispositifs d'accompagnement locaux (« action coeur de ville » ou contrats de transition écologique par exemple), il sera alors privilégié une articulation voire une unification avec les instances existantes afin de ne pas multiplier la comitologie. Dans tous les cas, le préfet de département, délégué territorial de l'ANCT, est l'interlocuteur privilégié des communes concernées par le programme, tout au long de la durée de la convention-cadre et centralise les demandes de financement. Il assure le suivi des dossiers présentés au comité régional des financeurs. Après une validation par ce dernier, le préfet de département est signataire de la convention-cadre pour le compte de l'État et de ses agences dont il est le délégué local (ANAH, ANCT). Le préfet désigne auprès de la direction du programme un référent PVD, qui sera également le point de contact privilégié pour les villes dans la phase de sélection et de mise en oeuvre. Dans la mesure du possible, ce référent sera le même que celui désigné pour le programme « action coeur de ville ».

Enfin, concernant le programme « territoires d'industrie » un élu intercommunal et un acteur industriel reconnu par ses pairs président un comité de projet , qui se transforme en comité de suivi une fois la démarche contractualisée. Si la composition de cette instance de pilotage est laissée à la discrétion des acteurs locaux, en fonction des enjeux territoriaux, dans tous les cas, des représentants du conseil régional et de l'État y siègent , ainsi que le président de l'intercommunalité concernée.

De manière générale, et malgré leurs promesses de meilleure efficacité des politiques publiques locales, il est ainsi à craindre que ces initiatives contractuelles participent d'une forme de « recentralisation invisible » , selon la formule des députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine 48 ( * ) . La doctrine de l'État en la matière est d'ailleurs clairement exprimée au point n° 12 de la Charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales publiée en 2019, selon lequel « les volets thématiques des contrats correspondent à la fois aux enjeux identifiés par les acteurs et à la déclinaison locale des politiques territorialisées du Gouvernement » .

3. Des élus locaux élus sur un programme et jugés sur celui de l'État ?

Si l'orientation des dotations vers des opérations entrant dans le cadre d'une démarche partenariale ou contractuelle peut être saluée en ce qu'elle représente une tentative de rationalisation et de mise en cohérence des nombreux dispositifs existants, elle est également révélatrice d'une volonté du Gouvernement d'orienter les investissements des collectivités territoriales sur des priorités et politiques définies au niveau national.

Cette situation génère plusieurs inquiétudes.

En premier lieu, les rapporteurs spéciaux alertent sur le risque d'une centralisation de la doctrine d'octroi des dotations d'investissement . En effet, ces dotations initialement décentralisées ont peu à peu été déconcentrées. Il ne faudrait pas que ce mouvement aboutisse à une centralisation masquée via les différents programmes et contrats impulsés au niveau des administrations centrales.

De surcroît, il conviendra de veiller à ce que la nécessité de financer les actions prévues dans le cadre de ces démarches ne pénalise pas les collectivités ne s'y inscrivant pas, dont les projets seraient alors en pratique exclus d'un financement par ces dotations d'investissement de l'État. À l'inverse, la contractualisation par les collectivités ne doit pas être considérée comme un « droit de tirage » automatique et aboutir à une sélection plus systématique des dossiers portés par les collectivités contractantes.

L'ensemble des représentants de l'administration auditionnés (ministres chargés des collectivités territoriales, direction générale des collectivités locales, préfets de région et de département) ont assuré les rapporteurs spéciaux qu'un tel fléchage automatique des dotations d'investissement était formellement exclu.

Les différentes conventions CRTE, « action coeur de ville » et « petites villes de demain » qu'ont pu se procurer les rapporteurs spéciaux dans le cadre de leurs travaux contiennent certes à cet égard des formulations prudentes, selon lesquelles l'engagement de l'État se limite à « étudier le possible cofinancement des actions inscrites dans le contrat qui seraient éligibles aux dotations et crédits de l'État disponibles » .

Il n'en reste pas moins que, dans le même temps, la charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités prévoit explicitement que :

- le contrat donne une vision pluriannuelle des engagements de l'État et des collectivités territoriales à travers l'élaboration d'une maquette financière annexée au contrat (point n° 25) ;

- les signataires s'engagent à mobiliser, le moment venu, les financements nécessaires à la mise en oeuvre des projets dans les avenants d'application annuels (point n° 26).

En pratique, le risque d'une forme de « captation » croissante des dotations d'investissement par ce type de démarches contractuelles et partenariales doit être surveillé dans la mesure où, d'une part, le contexte budgétaire actuel est marqué - comme cela a été exposé en première partie - par une diminution relative des dotations d'investissement et où, d'autre part, ces initiatives contractuelles et partenariales formalisent tout de même un certain engagement financier pluriannuel de l'État.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que, pour légitimes que soient ces initiatives, celles-ci ne sauraient couvrir l'ensemble des défis qui se posent aux territoires , que les élus de terrain restent les mieux à même de diagnostiquer.

Un tel fléchage fait ainsi l'objet de réelles appréhensions de la part des élus auditionnés, qui pourraient craindre d'être jugés en fin de mandat sur un programme d'investissement largement défini par l'État en lieu et place du programme pour lequel ils ont été démocratiquement élus.

Recommandation n° 10 : affirmer clairement le principe selon lequel une collectivité territoriale ne peut se voir exclue du bénéfice d'une dotation d'investissement au seul motif qu'elle ne s'inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l'État ( direction générale des collectivités locales, préfectures) .

Sur un plan plus pratique, afin d'éviter un phénomène de mobilisation systématique des dotations sur les démarches partenariales et contractuelles, les rapporteurs spéciaux recommandent en outre de permettre aux commissions DETR de déterminer dans leurs règlements annuels une part indicative de dotations d'investissement qui serait expressément consacrée à des projets lancés en dehors de toute contractualisation avec l'État.

Recommandation n° 11 : permettre aux commissions DETR de fixer un quota indicatif de subventions qui seraient réservées au financement d'opérations ne s'inscrivant pas dans un cadre contractuel ou partenarial (direction générale des collectivités locales, préfectures) .

B. LA PART DES PROJETS FINANCÉS INSCRITS DANS UN CADRE CONTRACTUEL OU PARTENARIAL : UNE TENTATIVE D'ÉTAT DES LIEUX

Compte tenu du risque identifié d'une « captation » des dotations d'investissement par les initiatives contractuelles et partenariales impulsées par l'État, les rapporteurs spéciaux ont tenté d'effectuer un premier état des lieux. Faute de pouvoir disposer des données pertinentes pour l'ensemble des dotations au niveau national, les rapporteurs spéciaux ont pu étudier le cas de quatre départements à partir des informations qui leur ont été transmises par les préfectures.

1. Des données consolidées concernant la DSIL

Le ministère chargé des collectivités territoriales n'effectue pas d'analyse et de suivi croisés entre les dotations d'investissement d'une part et les démarches contractuelles et partenariales d'autre part. Il en résulte que les informations sur ce point sont parcellaires et incomplètes.

Concernant la DSIL, le compte rendu annuel d'exécution pour 2020 présente le nombre de dossiers financés par la DSIL fléchés sur un contrat ou un programme partenarial.

Nombre de dossiers financés par la DSIL inscrits dans une démarche contractuelle ou partenariale au niveau national en 2020

Source : commission des finances du Sénat à partir du compte rendu d'exécution annuel de la DSIL pour l'année 2020

Ainsi, en 2020, la DSIL a financé 3 568 projets contre 4 137 projets en 2019 pour un montant total engagé de 541,8 millions d'euros sur les 570 millions d'euros ouverts en LFI. Cette dotation a permis le financement d'un montant total de projets de 2,4 milliards d'euros soit un effet levier de 4,39 et un taux de subventionnement moyen de 22,75 %.

Selon les données renseignées par les préfectures, parmi les 3 568 projets financés, 1 118 entraient dans le champ d'une démarche contractuelle ou partenariale soit 31 %, tous contrats confondus.

Plus spécifiquement, les opérations inscrites dans les contrats de ruralité représentent, en 2020, 21 % du montant total des subventions allouées, soit 119 millions d'euros et 23 % des projets soutenus, soit 824 projets.

Répartition des dossiers financés par la DSIL inscrits dans une démarche contractuelle ou partenariale au niveau national en 2020

Source : compte rendu d'exécution annuel de la DSIL pour l'année 2020

2. Des données beaucoup plus lacunaires pour les autres dotations

De manière globale, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, la DGCL estime qu'en 2021, près du tiers de l'enveloppe DSIL et 18 % de l'enveloppe de DETR sont consacrés au financement de projets liés à un contrat État-collectivités.

S'agissant spécifiquement des CRTE, ont ainsi été mobilisés en 2021 :

- 66,1 millions d'euros au titre de la DSIL, en soutien à 516 projets (soit 12,7 % des AE consommées en 2021) ;

- 122,4 millions d'euros au titre de la DETR, en soutien à 1480 projets (soit 12,1 % des AE consommées en 2021).

Toutefois, hors DSIL, l'emploi des dotations d'investissement dans le cadre de démarches partenariales et contractuelles ne fait, à ce jour, pas l'objet d'un suivi détaillé et n'est pas retracé dans les bilans annuels de chacune des dotations.

Pour autant, l'analyse des projets financés dans quatre départements étudiés par les rapporteurs spéciaux permet de dégager une tendance.

Nombre de dossiers financés par des dotations d'investissement inscrits
dans une démarche contractuelle ou partenariale

Source : commission des finances du Sénat à partir des éléments transmis par les préfectures

Ainsi, sur la totalité des 1 424 projets financés en 2020 pour ces quatre départements, 182 ont été inscrits dans le cadre de contrats ou de démarches partenariales soit 12,8 %. En 2021, ce pourcentage s'élève à 22 % attestant d'une tendance accrue à mobiliser les dotations d'investissement pour financer des opérations déjà inscrites dans le cadre de contrats et démarches partenariales.

Dans un contexte de multiplication des contrats État-collectivités et de démarches partenariales suivies par l'ANCT d'une part et de raréfaction des ressources d'autre part, la tendance constatée entre 2020 et 2021 devrait encore s'accentuer à compter de 2022.

Dès lors, le suivi de cette mobilisation des dotations dans le cadre d'opérations s'inscrivant dans une démarche contractuelle ou partenariale revêt une importance particulière. Or, ce suivi est actuellement lacunaire au niveau de la DGCL.

En effet, il ne permet :

- ni de mesurer précisément la part des dotations mobilisées dans les contrats/programmes sur l'ensemble des dotations ;

- ni de mesurer la part des dotations dans le financement global des programmes partenariaux.

Le suivi des dotations d'investissement par la DGCL est aujourd'hui trop centré sur l'exécution budgétaire et insuffisamment axé sur les aspects transversaux des crédits.

De surcroit, l'information devrait également être rendue plus transparente dans les commissions DETR afin que les élus puissent vérifier l'absence de corrélations systématiques entre sélection des projets et contractualisation des collectivités.

Recommandation n° 12 : renforcer le suivi des dotations d'investissement par l'administration centrale, notamment concernant leur mobilisation dans le cadre de démarches contractuelles ou partenariales (direction générale des collectivités locales) .

Recommandation n° 13 : communiquer aux commissions DETR la part des projets subventionnés au titre de la DETR et de la DSIL s'inscrivant dans une démarche contractuelle ou partenariale (direction générale des collectivités locales) .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi20 juillet 2022 sous la présidence de M. Bernard Delcros, vice-président, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur les dotations d'investissement aux collectivités territoriales.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous avons décidé de mener cette année, avec Claude Raynal, un travail de contrôle sur les dotations d'investissement de l'État aux collectivités territoriales. Commençons par quelques rappels, même si je ne doute pas que ces dispositifs vous sont bien connus.

L'État attribue quatre dotations budgétaires aux collectivités territoriales et à leurs groupements afin de cofinancer leurs projets d'investissement. Les deux principales dotations sont la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), qui s'adressent toutes deux aux collectivités du bloc communal. Viennent ensuite la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville qui s'adresse spécifiquement aux communes abritant des quartiers de la politique de la ville (QPV).

Sur le plan budgétaire, on constate une montée en puissance de ces dotations, dont le montant global passe de 920 millions d'euros en 2014 à 2,3 milliards d'euros en 2022, avec un pic à 3,6 milliards d'euros en 2021 lié au plan de relance.

Cette hausse des crédits est cependant à relativiser pour deux raisons.

En premier lieu, si l'on exclut les dispositifs ponctuels du plan de relance et un abondement exceptionnel de la DSIL en 2022, le niveau « socle » de l'effort budgétaire de l'État est stabilisé depuis 2016 à près de 2 milliards d'euros.

En outre, les dépenses d'investissement des collectivités ont connu dans le même temps une progression de plus de 9 % pour s'établir à 57,4 milliards d'euros. On constate en effet un très fort dynamisme actuel des projets d'investissement dans le contexte de la relance, ce dont témoigne la bonne consommation des enveloppes.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Ce cadre posé, et avant de décliner nos principales observations et recommandations, je souhaite ajouter quelques mots d'explications sur l'état d'esprit dans lequel nous avons conduit nos travaux sur ce vaste sujet.

Notre but n'était pas de « passer en revue » chaque dispositif, sa mécanique propre et ses résultats. Les rapports récents de nos collègues députés François Jolivet et Christine Pires Beaune relatifs à la DETR et la DSIL ont en effet déjà accompli un important travail à cet égard.

Pour notre part, nous avons entendu adopter un point de vue transversal sur la doctrine d'emploi des dotations d'investissement et sur la façon dont celles-ci s'inscrivent dans le cadre global des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

Or, ces relations sont elles-mêmes déterminées par le contexte budgétaire, fortement contraint sur la dernière décennie. Une bonne illustration de ce phénomène est la création de la DSIL comme modeste contrepartie à la baisse massive et unilatérale de la DGF intervenue entre 2014 et 2018, qui a fortement pesé sur l'épargne des collectivités et, partant, sur leurs capacités à investir.

La parenthèse du plan de relance refermée, la prochaine loi de programmation reflétera vraisemblablement le retour de la contrainte budgétaire s'imposant aux administrations publiques.

Nous identifions en particulier deux points de vigilance s'agissant de l'investissement public local.

Premièrement, bien que les éventuelles modalités futures d'encadrement des finances locales ne soient pas connues à ce jour - leur opportunité même est d'ailleurs très largement discutée - la perspective d'une contrainte accrue sur l'endettement des collectivités territoriales au regard de la soutenabilité de la dette publique, et donc sur le financement de leurs investissements, n'est pas à exclure.

Deuxièmement, nous assisterons probablement à une baisse relative des dotations de l'État sous le double effet de l'extinction du plan de relance et de la diminution des enveloppes en termes réels dans le contexte inflationniste actuel.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Outre la contrainte budgétaire, une autre tendance de fond caractérise l'octroi des dotations d'investissement : celle d'un fléchage accru des dotations sur les priorités thématiques fixées par l'État.

Les dotations d'investissement ont en effet changé de nature par rapport aux premières décennies de la décentralisation. Nous sommes passés d'un système de dotations globales d'équipement libres d'emploi à des dotations fonctionnant suivant une logique de subventions sur projets sélectionnés par le préfet.

Si elle peut exister localement au gré des relations entre les préfets et les élus, les textes ne prévoient en principe pas d'association de ces derniers aux décisions d'attribution. Seule la procédure d'octroi de la DETR prévoit l'intervention d'une commission consultative d'élus, qui fixe les catégories d'opérations prioritaires à soutenir, et qui est informée des projets auxquels le préfet souhaite accorder une subvention et consultée lorsque le montant de celle-ci dépasse 100 000 euros.

Au travers différentes instructions relatives aux dotations d'investissement adressées aux préfets, l'État définit chaque année les priorités thématiques qui serviront de base à la sélection des projets. Le fléchage des dotations sur certaines thématiques s'est d'ailleurs avéré particulièrement strict dans le contexte du plan de relance. En effet, l'octroi de la DSIL exceptionnelle était resserré sur trois priorités seulement (transition écologique, résilience sanitaire et rénovation du patrimoine) et celui de la dotation régionale d'investissement (DRI) sur deux (rénovation thermique et mobilités du quotidien).

Nos travaux ont à cet égard mis en évidence certains obstacles à la bonne appréhension par les élus locaux de la doctrine d'emploi des dotations.

Premièrement, les critères nationaux manquent parfois de précision, en particulier s'agissant du critère de maturité des projets. Si celui-ci se justifie aisément par la nécessité d'engager rapidement des opérations, notamment dans le cadre du plan de relance, afin de générer un effet levier et un impact sur la croissance à brève échéance, il ne saurait servir les seuls objectifs de communication de l'État quant à la consommation des crédits du plan de relance.

Il arrive également que des critères de sélection soient ajoutés localement par les préfets et manquent de transparence. Ils sont même parfois, contre l'esprit de la loi, présentés comme de véritables critères d'éligibilité, comme les travaux de notre commission l'ont mis en évidence lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey relative à l'octroi de la DETR.

Il en découle le sentiment partagé par de nombreux élus d'une insuffisante prise en compte des spécificités et des besoins locaux.

Nos recommandations visent ainsi un renforcement du pouvoir consultatif des élus, en prévoyant notamment une saisine obligatoire du président de conseil départemental sur les subventions allouées au titre de la DSID et en enrichissant l'information transmise aux commissions des élus pour la DETR. Pour être en mesure d'analyser précisément la politique d'octroi menée par le préfet, il nous paraît légitime que les commissions soient informées de l'ensemble des projets candidats et non des seuls projets retenus.

Dans le même souci de meilleure prise en compte des besoins locaux, nous invitons en outre les préfets, lorsque c'est pertinent, à renforcer le subventionnement des dépenses d'études préalables pour les projets éligibles à la DETR, ce qui répond à un besoin exprimé par de nombreuses collectivités, notamment les communes de petite taille ne disposant que de faibles moyens d'ingénierie.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - La troisième grande tendance que nous avons observée est l'inscription croissante des dotations d'investissement dans les diverses initiatives contractuelles et partenariales lancées localement mais impulsées par l'État central.

On peut notamment citer les différents programmes partenariaux pilotés par l'ANCT, tels qu'« action coeur de ville » ou encore « petites villes de demain ».

Ces dispositifs visent avant tout à orienter, ordonner et valoriser des financements préexistants et émanant de différents acteurs. Cette logique de labellisation n'est pas inintéressante en soi, et permet bien souvent de créer ou d'amplifier des dynamiques locales, mais il reste important de souligner que ces dispositifs ne s'accompagnent, pour l'essentiel, pas de crédits budgétaires nouveaux.

Nous avons en premier lieu relevé que ces initiatives s'ajoutent à des programmes similaires lancés par les départements et les régions, qui déploient leurs propres dispositifs de soutien à l'investissement du bloc communal. Il en résulte un paysage saturé par les contractualisations, au sein duquel nombre d'élus avouent se perdre.

Dans ce contexte, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui sont signés à l'échelle des intercommunalités, poursuivent notamment l'objectif de simplifier ce paysage, en adoptant une approche transversale et en regroupant l'ensemble des conventions thématiques signées sur un même territoire.

Nous appelons ainsi à poursuivre les efforts engagés pour mieux articuler les différentes initiatives contractuelles impulsées par l'État ou par les conseils départementaux et régionaux. Une telle démarche est indispensable pour donner aux porteurs de projets la visibilité nécessaire sur les cofinancements dont ils peuvent espérer disposer. Cela vaut tout particulièrement pour les plus petites communes, qui sont les plus pénalisées par la complexité du système.

Le développement de ces démarches contractuelles et partenariales nous inspire par ailleurs une certaine inquiétude : celle d'une forme de « captation » croissante des dotations d'investissement. Ce risque nous paraît en effet sérieusement à considérer dans la mesure où, d'une part, le contexte budgétaire actuel est marqué par une diminution relative des dotations d'investissement et où, d'autre part, ces initiatives contractuelles et partenariales formalisent un certain engagement financier pluriannuel de l'État. Les différentes instructions annuelles relatives à l'octroi des dotations affichent d'ailleurs explicitement le souci de les mobiliser en priorité en appui de ces différentes démarches.

Cette situation est d'autant plus problématique que, pour légitimes que soient ces initiatives, celles-ci ne sauraient couvrir l'ensemble des défis qui se posent aux territoires, que les élus de terrain restent les mieux à même de diagnostiquer.

Ce phénomène est à ce jour difficile à objectiver finement, les informations disponibles étant parcellaires et incomplètes. Les données que nous avons recueillies indiquent cependant bel et bien une tendance au fléchage croissant des dotations sur des projets s'inscrivant dans le cadre d'une contractualisation avec l'État. Nous vous renvoyons au rapport pour davantage de détails, avec notamment l'étude détaillée de la situation de quatre départements que nous avons visités dans le cadre de nos travaux.

Face à ce constat, la principale recommandation de notre rapport est une position de principe. Nous souhaitons que soit affirmé clairement qu'une collectivité ne saurait se voir exclue du bénéfice d'une dotation d'investissement au seul motif qu'elle ne s'inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l'État. À l'inverse, la participation à de telles démarches ne saurait conférer à une collectivité un « droit de tirage » sur les dotations.

Sur un plan plus pratique, nous proposons en outre que les commissions DETR puissent fixer un quota indicatif de subventions qui seraient mobilisées pour le financement d'opérations ne s'inscrivant pas dans ces démarches. Il n'est pas question évidemment de fixer une règle nationale mais, département par département, ces commissions pourraient décider de préserver une enveloppe pour les projets lancés en dehors de toute contractualisation.

Pour le dire schématiquement, il ne faudrait pas que les élus locaux, demain, soient élus sur un programme et jugés en fin de mandat sur celui de l'État. Nous espérons faire oeuvre utile en soulevant préventivement ce point d'alerte. Nous vous remercions.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - J'ai du mal à comprendre ou à tout le moins accepter que les décisions d'attribution soient à la seule main de l'État dans une république décentralisée. Dans les recommandations, vous demandez la communication de tous les éléments d'information relatifs à ces dotations. Il faut effectivement avoir accès à tous ces éléments sur les attributions mais le mieux encore serait de trouver un moyen d'améliorer la participation des élus au dispositif. Cela me semble indispensable. Je voudrais en outre faire deux commentaires. Pour un certain nombre de collectivités, communes de petite taille ou syndicats scolaires, les frais d'études préalables sont parfois très élevés et ces petites collectivités n'ont pas toujours les moyens d'y faire face. Je souscris donc à votre recommandation relative au subventionnement des frais d'études préalables. Par ailleurs, il faut améliorer la coordination des procédures pour les projets qui font l'objet de financements croisés avec plusieurs acteurs : régions, départements... A cet égard, il faudrait mettre en place un document de suivi qui permettrait de faciliter les attributions.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Je partage l'essentiel des recommandations que vous formulez à la fin du rapport qui permettent d'éviter au maximum le caractère parfois trop discrétionnaire du préfet dans les choix qu'il est amené à opérer ou dans les critères qu'il serait amené à fixer en tournant le dos, à la fois à l'esprit du législateur mais également à l'association nécessaire des élus. Vous n'allez certes pas jusqu'à proposer une départementalisation de la DSIL. Cependant, dans vos recommandations, vous renforcez les prérogatives des membres de la commission DETR et vous invitez le préfet à être plus transparent et plus communiquant vis-à-vis de cette commission d'élus, ce qui ne peut que renforcer les liens entre les préfets de département et cette commission DETR. Je partage également vos recommandations sur la dimension contractuelle des projets afin de la renforcer mais aussi afin qu'elle ne soit pas le seul cadre d'intervention de l'État en matière de subventions d'investissement d'autant que ces politiques contractuelles recyclent des crédits déjà existants, sans dotation supplémentaire. Je tenais à vous faire part de ma totale disponibilité pour travailler et avancer avec vous sur ces sujets.

M. Bernard Delcros , président . - On constate effectivement une évolution de la nature des dotations, qui étaient libres l'emploi et qui aujourd'hui sont absorbées par des programmes nationaux et des politiques contractuelles, ce qui pénalise principalement les petites communes. À cet égard, y a-t-il des différences entre départements ou cette tendance est-elle généralisée ? Je suis très favorable à vos recommandations qui visent à éviter ce phénomène. Il y a même un risque, à terme, que la totalité de la DETR soit absorbée par les CRTE et les politiques partenariales. Concernant la DSIL, il serait intéressant de disposer d'éléments sur les critères qui sont retenus pour la redistribution de cette enveloppe entre les départements et plus généralement de se poser la question du bon niveau de la décision d'octroi de cette dotation : régional ou départemental.

M. Michel Canévet . - Je voudrais savoir si l'inventaire fait par les rapporteurs spéciaux est exhaustif concernant les dotations d'investissement ou s'il existe encore de la réserve ministérielle ou bien des crédits au titre du Fonds National d'Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT). Par ailleurs, effectivement, les actions partenariales, comme « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain » se font dans le cadre des crédits qui sont alloués à la DETR et à la DSIL sans enveloppe spécifique. Aussi, la recommandation n° 11 prévoit un quota indicatif de subventions qui seraient réservées à des opérations hors cadre contractuel. Les rapporteurs envisagent-ils une part majoritaire ou ne souhaitent-ils pas préciser ce quota à ce stade ?

Par ailleurs, les commissions DETR doivent aujourd'hui donner un avis sur les propositions d'attribution de subventions supérieures à 100 000 euros. Ne serait-il pas souhaitable d'abaisser ce seuil à 50 000 euros, afin d'éviter que les commissions ne soient que informées des opérations financées sans que les élus aient leur mot à dire sur les attributions décidées par le corps préfectoral ?

De surcroit, le dispositif est-il réellement simple pour les collectivités, sans trop de formalités administratives pesant sur les demandes de financement ?

Enfin, le dernier point que je souhaiterais aborder est celui de la nomination des membres de la commission DETR, notamment des parlementaires. Le système pourrait-il être simplifié afin que les commissions soient plus rapidement opérationnelles ?

M. Thierry Cozic . - Ce travail témoigne de ce qui se passe aujourd'hui dans les territoires en matière d'attribution de ces crédits, qui est donc discrétionnaire. Le niveau d'information des commissions DETR est très différent en fonction des préfets, ce qui me parait pénalisant pour les élus.

Aussi, je me demande si les commissions ne devraient pas être sollicitées pour tous les demandes de subventionnement de projet, et ce dès le premier euro et non pas uniquement pour les opérations de plus de 100 000 euros. Par ailleurs, ne faudrait-il pas étendre les compétences de ces commissions à l'ensemble des dotations d'investissement, notamment la DSIL, sur laquelle les élus n'ont actuellement aucun regard, ou alors trouver une alternative qui consisterait à renforcer le rôle de ces commissions afin de rendre plus transparentes les attributions ?

M. Antoine Lefèvre . - Merci à nos deux rapporteurs spéciaux pour la présentation de ce rapport, particulièrement éclairant dans une période à risque pour nos collectivités territoriales. Il est vrai que leur relative bonne santé financière a été soulignée récemment par le Cour des comptes. Mais on peut aussi s'attendre à ce qu'elles soient fortement affectées par la spirale inflationniste actuelle et ses conséquences, avec notamment l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires qui représente un coût prévisionnel d'environ 1,1 milliard d'euros en 2022.

Je voulais également évoquer la dégradation de l'épargne brute des collectivités qui va porter un coup assez rude à leurs investissements, alors qu'ils avaient connu une certaine reprise depuis 2021.

Je rejoins les rapporteurs sur leur proposition concernant la DETR. Et quand on évoque la DETR, je n'oublie pas non plus que lorsque l'on avait supprimé la réserve parlementaire il y a cinq ans, l'État s'était engagé à ce que les crédits soient intégralement préservés pour les collectivités, notamment en abondant de façon équivalente la DETR. Je voulais donc savoir si l'on avait une étude ou si l'on savait, soit par département, soit au niveau global, ce qui était autrefois réservé à cette dotation d'action parlementaire et si cela a bien été redonné aux collectivités via la DETR ou la DSIL.

Mme Sylvie Vermeillet . - Je souhaiterais aborder trois points.

Le premier porte sur la répartition nationale de la DETR entre les départements. J'ai compris que celle-ci s'effectuait sur la base de quatre critères d'égale importance : la population des EPCI éligibles, le potentiel fiscal des EPCI éligibles, la densité départementale et le potentiel financier des communes éligibles. Ne croyez-vous pas que cette répartition de l'enveloppe nationale dévoie la DETR ? Je souscris à ce que Bernard Delcros a évoqué : la DETR doit viser les territoires ruraux.

Par ailleurs, concernant l'attribution de la DETR, je vous rejoins parfaitement sur le fait qu'il ne devrait pas y avoir de fléchage automatique sur les politiques nationales. Les besoins des territoires doivent rester la seule priorité. Mais une autre forme de fléchage est à craindre : dans mon département, l'attribution de la DETR bénéficie désormais dans sa quasi-totalité aux EPCI. Je voudrais donc connaître votre point de vue sur cette évolution, qui m'inquiète. Disposez-vous d'éléments sur la répartition de la DETR entre EPCI et communes ?

Enfin, le dernier point que je souhaite évoquer concerne la conjoncture marquée par la hausse du coût des matières premières et de l'énergie et les charges exceptionnelles que celle-ci entraîne pour les collectivités. Une fois que la DETR a été notifiée, le préfet n'a pas la possibilité de réviser le montant attribué, même si les communes font finalement face à des surcoûts élevés. Avec éventuellement une DETR supérieure, pensez-vous que l'on pourrait permettre au préfet d'accompagner davantage, par la DETR, les projets impliquant les marchés les plus affectés par la hausse des prix ? À défaut, les collectivités risquent d'abandonner purement et simplement le projet et ne plus réaliser l'opération prévue.

M. Patrice Joly . - Merci aux rapporteurs spéciaux pour la liste précise qu'ils ont dressée de ces interventions de l'État.

Nous sommes très loin de l'esprit de la décentralisation et de l'esprit du dispositif à l'origine de la DETR, la dotation globale d'équipement (DGE), qui s'est elle-même inspirée de l'initiative prise par Maurice Faure dans le Lot, Philippe Madrelle en Gironde et François Mitterrand dans la Nièvre, qui consistait à extraire une enveloppe du budget qui était géré dans les années 1970 par le préfet pour la remettre aux conseillers généraux à l'époque.

On en est très loin aujourd'hui, avec une DETR orientée vers les dispositifs contractuels et qui est même parfois dévoyée. Je ne sais pas si c'est le cas dans tous les départements mais dans le mien, par exemple, les rénovations de gendarmerie sont portées par les communes, soucieuses de garder des moyens de sécurité en rapport avec les besoins. Aujourd'hui, entre 500 000 et 1 million d'euros sur une enveloppe de 12 millions d'euros sont ainsi attribués à des projets d'investissement qui relèvent pourtant très clairement de la compétence de l'État.

Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, l'évolution des crédits n'est pas en rapport avec la dynamique des investissements, notamment parce qu'il y a des besoins nouveaux qui s'imposent aux collectivités. Je pense en particulier aux investissements en matière de réseau d'eau ou de stockage d'eau qui sont liés aux problématiques climatiques que vous connaissez.

S'agissant de la DSIL, je serais curieux également de connaître les modalités de répartition des crédits entre les départements ainsi que votre analyse quant à leur caractère péréquateur. Ma crainte est, en effet, que ce dispositif soit plutôt anti-péréquateur, comme c'est le cas des dispositifs de soutien aux collectivités prévus par le plan de relance. En effet, si les enveloppes du plan de relance avaient été attribuées en fonction du nombre d'habitants, 330 millions d'euros auraient dû être attribués à mon département. Or celui-ci n'a bénéficié in fine que de 200 millions d'euros.

M. Bernard Delcros , président . - Pour mémoire, en effet, la DETR est née de la fusion de la DGE et de la dotation de développement rural (DDR).

M. Jean-Claude Requier . - Patrice Joly a rappelé les origines de la DETR avec la DGE, qui permettait l'attribution d'enveloppes cantonales. C'était un moyen de ne pas trop impliquer le préfet dans la répartition des crédits et de déléguer une enveloppe à chaque conseiller général, quelle que soit sa couleur politique. Ainsi, le conseiller général était maître d'une partie de la voirie et des investissements. C'était un très bon système qui a été en effet inspiré de celui mis en place par François Mitterrand dans la Nièvre et par Philippe Madrelle en Gironde.

Je voulais quand même saluer l'augmentation des dotations de l'État puisque, dans mon département, la DETR a beaucoup augmenté. Des projets sont subventionnés à 80 %, ce qui était auparavant inenvisageable.

Par ailleurs, je relève qu'on demande davantage de transparence à l'État. Ne faudrait-il pas exiger la même transparence des conseillers régionaux et départementaux ? La pratique varie, en effet, peut-être suivant les régions et les départements.

Enfin, je souhaite exprimer mon regret de la disparition de la réserve parlementaire. Au-delà des moyens financiers qu'elle apportait, ce dispositif avait l'avantage d'informer les parlementaires des projets d'investissements portés par les communes de nos départements, que les maires nous faisaient remonter.

M. Bernard Delcros , président . - Merci à chacun d'entre vous pour l'ensemble de ces questions et observations sur ce sujet qui, évidemment, nous concerne particulièrement.

Je voudrais simplement faire deux remarques avant de donner la parole à nos deux rapporteurs spéciaux. La DSIL a été créée essentiellement pour accompagner les contrats de ruralité qui ont été institués au même moment. Ce qui amène au questionnement suivant : ne faudrait-il pas que la DSIL soit prioritairement orientée vers les CRTE et que la DETR reste fidèle à son esprit d'origine, à savoir tournée vers le soutien des projets des territoires les plus ruraux ?

Par ailleurs, pour rebondir sur l'observation de Sylvie Vermeillet, j'observe qu'aujourd'hui certaines intercommunalités perçoivent la DETR afin de réaliser des projets situés dans des communes qui ne sont pas éligibles à la DETR.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Plusieurs collègues ont abordé la question d'une départementalisation de la DSIL. Nous sommes, pour notre part, attachés à préserver la complémentarité qui existe entre la DETR et la DSIL. On observe en effet que la première permet le financement de plus petits projets, avec des taux de subvention plus élevés, tandis que la seconde subventionne des projets plus importants, avec la possibilité de réaliser des arbitrages au niveau régional pour cibler les projets supposés les plus structurants.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons visité quatre départements qui présentaient des caractéristiques très différentes. Nous avons pu nous apercevoir que les pratiques pouvaient effectivement varier en fonction des territoires, mais aussi des préfets ou encore des conseils départementaux et régionaux. J'observe, par exemple, qu'un territoire comme le mien, la Haute-Marne, bénéficie d'une enveloppe de DETR relativement importante si on la rapporte à sa population, puisque celle-ci est presque égale à celle attribuée au Bas-Rhin, ce qui traduit une forme de péréquation.

Il est ainsi relativement plus simple de distribuer l'enveloppe de DETR entre les différents projets dans un département comme le mien. En outre, en Haute-Marne, le préfet se montre particulièrement soucieux de financer, par la DETR, une partie des études préalables, ce qui est favorable aux plus petites communes disposant de peu de moyens d'ingénierie. Nous pensons que cette pratique pourrait être développée dans d'autres départements.

Je ne partage pas l'analyse de Sylvie Vermeillet selon laquelle la DETR serait dévoyée lorsqu'elle est attribuée à un EPCI. Les intercommunalités se sont en effet saisies de nombreuses compétences ces dernières années, même dans les départements ruraux. Il est normal qu'elles bénéficient des attributions de DETR en lien avec les projets d'investissement qui correspondent à l'exercice de ces compétences.

Plusieurs collègues ont également exprimé le souhait d'abaisser ou de supprimer le seuil au-delà duquel la commission DETR est consultée par le préfet pour l'attribution des projets, aujourd'hui fixé à 100 000 euros. Une telle proposition engendrerait selon nous un engorgement des travaux de ces commissions, préjudiciable à leur bon fonctionnement.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Concernant les critères départementaux de répartition de la DSIL, celle-ci est, dans les faits, souvent corrélée à la densité de population du département. Il nous a paru important de ne pas fixer une règle trop précise pour conserver la souplesse d'attribution de la dotation. Par exemple, un département qui bénéficie généralement d'enveloppes limitées peut mener un projet de grande ampleur nécessitant une DSIL plus importante : il faut laisser cette capacité d'arbitrage au préfet. Nous demandons, en revanche, que le résultat de cet arbitrage soit formulé assez tôt, de manière à ce que le préfet de département puisse disposer d'une visibilité suffisante sur les projets qui pourront être soutenus. Plus les attributions de la DSIL sont tardives, comme c'est le cas dans certaines régions, plus les préfets de département, et en aval les collectivités et les projets, demeurent dans l'attente. Nous vous proposons donc de fixer une procédure d'arbitrage incluant une date limite.

Pour répondre à Michel Canévet, la réserve ministérielle n'existe plus. Le FNADT, qui quant à lui existe heureusement toujours, finance entre autres la participation de l'État à certaines politiques contractuelles.

S'agissant du périmètre d'examen des projets dans les commissions DETR, je pense que dans l'hypothèse où nous devrions examiner tous les projets, nous serions amenés à nous pencher sur des sujets d'intérêt moindre. Il faut donc un seuil. Il y avait eu au Sénat une proposition d'abaissement de celui-ci à 80 000 euros. Il est certain que la situation est variable selon les territoires. Dans des départements comme le Rhône ou la Haute-Garonne, les gros projets sont nombreux. Dans d'autres, comme la Haute-Marne, les projets de plus de 100 000 euros ne sont pas si fréquents, alors même que les enveloppes DETR sont globalement les mêmes dans les territoires ruraux et urbains - ce qui favorise les territoires ruraux. Dans les départements métropolitains, un petit nombre de projets mobilisent l'essentiel des crédits DETR et il est compliqué pour des communes d'obtenir des financements destinés à des projets de plus faible ampleur. À l'inverse, dans les départements très ruraux, il reste des marges pour des études financières anticipées. Les pratiques sont cependant très variables selon les départements et les préfets, qui n'ont ni les mêmes orientations ni les mêmes modes de discussion avec les élus locaux. La dimension personnelle joue donc en pratique un rôle important.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Cette dimension personnelle peut également faciliter ou à l'inverse rendre plus complexe la mise en place de « guichets uniques » pour l'attribution des différentes subventions et répondre ainsi à la demande clairement exprimée par les élus d'une meilleure articulation des interventions des différents financeurs. Dans les départements où les préfets ont l'expérience du terrain, les échanges sont plus fluides avec les préfectures de régions et les élus locaux.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - En effet. Michel Canévet a abordé à cet égard la question de la complexité des formalités administratives nécessaires au montage des dossiers. On a parfois l'impression que le rejet de certains projets, au motif que le dossier serait incomplet, est parfois utilisé comme un moyen de tenir dans l'enveloppe attribuée, qui est toujours entièrement consommée. À moins bien sûr que le montant des enveloppes ne corresponde exactement, par extraordinaire, au montant total des projets capables de présenter un dossier complet dans le département...

Dans certains départements, des plateformes communes de demande ont été mises en place pour harmoniser les pièces demandées par les différents financeurs, mais c'est encore assez rare. L'État, les conseils départementaux ou selon les cas les conseils régionaux invoquent l'incompatibilité de leurs systèmes d'information. Nous recommandons qu'à tout le moins les différents partenaires puissent harmoniser leurs délais limites. Dans la mesure où les dispositifs peuvent être mobilisés conjointement sur un même dossier, le désalignement des calendriers administratifs complexifie parfois fortement le démarrage des projets.

On observe en effet certaines réticences à s'engager dans ce type de démarche, car chaque financeur tient à préserver l'identité de son dispositif. C'est même parfois à se demander s'ils ne se livrent pas le concours de celui qui apposera sur le chantier le plus gros panneau avec le logo de son dispositif. Il y a de réels progrès à faire en la matière, pour mieux aider les collectivités.

Comme Charles Guené, je ne crois pas à la suppression du seuil déclenchant la saisine consultative de la commission DETR, même si son niveau peut bien sûr être discuté.

Plusieurs d'entre vous nous ont également interrogés sur les modalités de répartition des enveloppes entre les départements et les régions. Dans le cadre du présent rapport, nous ne nous sommes pas penchés sur cette question, qui a été très largement traitée par les rapports récents de nos collègues députés François Jolivet et Christine Pires Beaune. Nous vous y renvoyons.

En réponse à l'observation de Sylvie Vermeillet, je pense que les préfets ont bien à l'esprit, dans leurs décisions d'octroi des dotations, les problématiques liées à l'impact de l'inflation, ne serait-ce que parce que la capacité effective des collectivités à mener le projet jusqu'à son terme est pour eux un critère important de sélection. Une instruction du ministère pourrait éventuellement les inviter à se montrer vigilant sur cette question, mais j'imagine mal comment l'on pourrait édicter une règle générale en la matière. Toutes les collectivités n'ont pas la même capacité à puiser dans leur épargne pour absorber le choc inflationniste.

S'agissant de la question de la répartition des attributions de subventions entre EPCI et communes, la situation peut fortement varier d'un département à l'autre : en Lozère par exemple, les EPCI ont perçu 5,6 millions d'euros contre 8,8 millions d'euros pour les communes, tandis que dans l'Oise les EPCI ont perçu 2,3 millions d'euros contre 12 millions d'euros pour les communes. J'ajouterais que les CRTE ont été conclus au niveau des intercommunalités. Il est possible que les communes puissent ainsi moins facilement demain émarger aux dotations d'investissement et que le développement de la logique contractuelle entraîne une augmentation de la part des intercommunalités.

Je rejoins par ailleurs l'analyse de Patrice Joly : la rénovation des gendarmeries devrait être financée par l'État et non par la DETR.

M. Bernard Delcros , président . - Je vous remercie.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministres

- Mme Jacqueline GOURAULT, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;

- M. Joël GIRAUD, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales chargé de la ruralité.

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

- M. Stanislas BOURRON, directeur général ;

- Mme Adélie RAYNAGUET, adjointe au chef du bureau des concours financiers ;

- M. Arnaud MENGUY, sous-directeur des finances locales et de l'action économique.

Conseil régional Grand Est

- M. Jean ROTTNER, président ;

- M. François CHARLIER, directeur général de la prospective financière.

Conseil régional d'Occitanie

- Mme Élisabeth LASKAWIEC, directrice des finances ;

- M. Stéphane RUAULT, conseiller technique du directeur général des services.

Préfecture du Bas-Rhin

- M. Mathieu DUHAMEL, secrétaire général ;

- M. Nicolas DOMANGE, secrétaire général adjoint.

Préfecture de Haute-Marne

- Mme Anne CORNET, préfète ;

- M. François l'HOTE, directeur de la citoyenneté et de la légalité ;

- M. Romain GAUDIN, chef du bureau des collectivités locales et de l'intercommunalité.

Préfecture de la région Occitanie

- M. Étienne GUYOT, préfet.

Préfecture de l'Aude

- M. Thierry BONNIER, préfet ;

- M. Philippe RAGGINI, directeur des politiques publiques territoriales.

Collectivité européenne d'Alsace

- M. Frédéric BIERRY, président ;

- M. Emmanuel BASTIAN, directeur de cabinet adjoint.

Conseil départemental de la Haute-Marne

- M. Nicolas LACROIX, président ;

- M. Adrien GUENÉ, directeur de cabinet.

Conseil départemental de l'Aude

- Mme Hélène SANDRAGNÉ, présidente.

Conseil départemental de la Haute-Garonne

- M. Georges MÉRIC, président.

Association des maires du Bas-Rhin

- M. Vincent DEBES, président ;

- M. Philippe SPECHT, maire de Schweighouse sur Moder ;

- M. Jean ADAM, maire d'Erkartswiller ;

- M. Jacques CORNEC, maire de Bourgheim et président de l'association des maires ruraux du Bas-Rhin.

Association des maires de la Haute-Marne

- Mme Anne-Marie NÉDÉLEC, présidente.

Association des maires ruraux de l'Aude

- M. Jean-Jacques MARTY, président.

Association des maires de l'Aude

- M. Éric MENASSI, président.

Association des maires ruraux de la Haute-Garonne

- M. Patrick LEFEBVRE, président.

Table ronde

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

- M. Antoine HOMÉ, premier vice-président, maire de Wittenheim et co-président de la commission des finances de l'AMF ;

- Mme Nathalie BRODIN, responsable du département finances ;

- M. Aurélien PHILIPPOT, conseiller technique fiscalité locale ;

- Mme Charlotte de FONTAINES, chargée des relations avec le Parlement.

Assemblée des départements de France

- Mme Valérie SIMONET, présidente du département de la Creuse ;

- Mme Carine RIOU, conseillère Finances ;

- Mme Marylène JOUVIEN, chargée des relations avec le Parlement.

Intercommunalités de France (AdCF)

- M. Fabien VERDIER, président du Grand Châteaudun ;

- Mme Floriane BOULAY, directrice générale ;

- M. Antoine SCHWOERER, conseiller ;

- Mme Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

France urbaine

- M. Franck CLAEYS, délégué adjoint.

Association des petites villes de France (APVF)

- M. Antoine HOMÉ, premier vice-président et maire de Wittenheim ;

- Mme Emma CHENILLAT, conseiller finances et fiscalité locale, relance, réforme territoriale, logement et fonction publique territoriale.

Association des maires ruraux de France (AMRF)

- M. Bertrand HAUCHECORNE, maire de Mareau-aux-Prés.


* 1 Dépenses d'équipement, subventions d'équipement versées et autres dépenses d'investissement.

* 2 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 3 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 4 Tableau annexé à l'arrêté du 29 avril 2015 relatif à la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) « présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants et visés en priorité par le nouveau programme national de renouvellement urbain ».

* 5 Loi n° 2017-1837 du 28 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 6 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 7 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 8 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 9 Le fonds européen de développement régional (FEDER) intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Il a pour vocation de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions. En France, pour la période 2014-2020, le FEDER représente 8,4 milliards d'euros consacrés à l'objectif « investissement pour la croissance et l'emploi », en vue de consolider le marché du travail et les économies régionales. Il faut ajouter à cela 1,1 milliard d'euros sont consacrés à l'objectif « coopération territoriale européenne », qui vise à soutenir la cohésion dans l'Union européenne grâce à la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.

* 10 Lors de la première Conférence nationale des territoires en juillet 2017, le Président de la République avait exprimé la nécessité de lancer un programme de grande ampleur pour le développement des villes moyennes. Le programme « action coeur de ville » a été annoncé par le Premier ministre en décembre 2017 et a été lancé en avril 2018 après sélection de 222 villes éligibles. Il vise à accompagner les villes moyennes notamment afin de rénover l'habitat, favoriser le retour des commerces et services, améliorer l'accessibilité et la mobilité ou encore valoriser les espaces urbains. Le programme s'attache aussi à favoriser l'innovation et les démarches smart city (villes intelligentes). Le 8 juillet, le premier ministre a annoncé la prolongation jusqu'en 2026 du programme « action coeur de ville » qui devait prendre fin en 2022, pour permettre aux équipes élues l'année dernière de porter les projets jusqu'à la fin de la mandature.

* 11 Hors subventions d'équipement

* 12 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 13 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2021 - Fascicule 2, novembre 2021.

* 14 Mission « flash » sur l'investissement des collectivités territoriales, communication de M. Rémy Rebeyrotte et Mme Christine Pires Beaune à la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale.

* 15 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 16 Commission pour l'avenir des finances publiques, « Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », mars 2021.

* 17 Article 103 de la loi n° n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 18 Articles 102 et suivants de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

* 19 Article 179 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 20 Article 33 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996.

* 21 Article 259 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 22 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 23 Projet annuel de performances de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 24 Pour chacun de ces départements, la part calculée est égale au produit :

- du rapport entre le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des départements et son potentiel fiscal par habitant, ce rapport ne pouvant excéder 2 ;

- du rapport entre le potentiel fiscal moyen par kilomètre carré de l'ensemble des départements et son potentiel fiscal par kilomètre carré, sans que ce rapport puisse excéder 10.

* 25 Loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 26 Ce programme est piloté par le Cerema dans le cadre de l'appui en ingénierie proposé par l'Agence nationale de Cohésion des territoires. Il s'inscrit en réponse au rapport d'information sur la situation des ponts en France rendu en juin 2019 par la commission d'enquête du Sénat. Les conclusions du rapport alertent sur les risques liés à un manque de surveillance et d'entretien, et met l'accent sur la méconnaissance des ponts des communes et de leurs groupements. Ainsi, un programme de recensement et d'évaluation des ouvrages sera proposé à près de 28 000 communes dès janvier 2021.

* 27 Ces pactes capacitaires consistent à conventionner, dans chaque département, entre l'État, les collectivités territoriales et le service d'incendie et de secours, pour la prise en charge financière de certains moyens spécialisés, identifiés dans la démarche d'analyse et de couverture des risques coordonnée à l'échelon zonal. Cette démarche relative à la mise en place d'un pacte capacitaire doit permettre aux moyens d'intervention des services d'incendie et de secours d'offrir une visibilité pluriannuelle sur les investissements et les budgets de ces services au regard de leurs enjeux capacitaires.

* 28 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 29 Intercommunalités de France, Focus cohésion, « DETR, DSIL et DSIL exceptionnelle : quelle répartition de 2018 à 2020 au sein du bloc communal ? », décembre 2021.

* 30 Proposition de loi visant à réformer la procédure d'octroi de la Dotation d'équipement des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey, enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2020.

* 31 Rapport n° 35 (2020-2021) de M. Bernard Delcros, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 octobre 2020.

* 32 Loi n°° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 33 Haute-Marne, Bas-Rhin, Aude et Haute-Garonne

* 34 Rapport d'information n° 3484 de M. François Jolivet et Mme Christine Pires Beaune déposé par la commission des finances, de l'économie générale et d contrôle budgétaire en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les dotations de soutien à l'investissement du bloc communal, Tome II : « La dotation de soutien à l'investissement local », mars 2022.

* 35 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

* 36 Article 158 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 37 Proposition de loi pour le plein exercice des libertés locales de MM. Philippe Bas, Jean-Marie Bockel, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Philippe Adnot, Philippe Dallier, Mathieu Darnaud, Mme Françoise Gatel, MM. Michel Magras, Alain Milon et Mme Catherine Troendlé, enregistré à la présidence du Sénat le 29 juillet 2020.

* 38 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale

* 39 Article 155 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 40 op. cit.

* 41 Mission « flash » sur la contractualisation, communication des députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, 2020.

* 42 Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

* 43 Loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 44 Instruction du Premier ministre n°6231/SG du 20 novembre 2020 relative à l'élaboration des contrats de relance et de transition écologique.

* 45 OFGL, Cap sur... n° 15, « Les flux financiers entre les budgets des collectivités territoriales : 37 milliards d'euros en 2020 », décembre 2021.

* 46 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2021 - Fascicule 2, novembre 2021.

* 47 Dans le cadre de l'enquête précitée menée auprès de 384 collectivités territoriales membres de l'AMF, près de la moitié des élus considérait que les délais impartis pour constituer les dossiers étaient trop courts.

* 48 Mission « flash » sur la contractualisation, communication des députées Stella Dupont et Bénédicte Taurine devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale, 2020.

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