C. L'ALGÉRIE REVENDIQUE UN RÔLE D'ACTEUR RÉGIONAL EN MÉDITERRANÉE EN S'APPUYANT SUR LA DIVERSIFICATION DE SES ALLIANCES STRATÉGIQUES

1. Le rapprochement de l'Algérie avec la Chine est un contrepoids à l'alliance traditionnelle entre l'Algérie et la Russie sur le plan capacitaire

Si l'Algérie revendiquait à l'époque de la guerre froide une stratégie de non-alignement, le rapprochement effectué avec l'Union soviétique pendant la présidence de H. Boumédiène (1965-1978), ainsi que la rupture temporaire des relations diplomatiques avec les États-Unis dans le sillage de la guerre des Six Jours (1967) a contribué à la mise en place d'un partenariat stratégique entre l'Algérie et l'URSS puis, depuis 1991, avec la Russie.

Ce partenariat se traduit notamment par une coopération dans le domaine capacitaire, dans un contexte où les dépenses militaires constituent le premier budget de l'État en Algérie avec 9,7 Md$, soit 6,5% du PIB. La Russie bénéficie dans ce cadre des principaux contrats d'armement et a construit pour l'armée nationale populaire depuis la fin des années 1980 six sous-marins de classe « Kilo » équipés de missiles de croisière navale « Kalibr » d'une portée théorique de 1 500 km, mais limitée pour les versions exportées. Cette collaboration stratégique explique également l'abstention de l'Algérie lors du vote à l'Assemblée générale des Nations unies le 2 mars 2022 sur la résolution condamnant l'agression russe en Ukraine.

En parallèle de ce partenariat stratégique avec la Russie, l'Algérie entretient depuis son indépendance une relation privilégiée avec la République populaire de Chine qui a établi des relations diplomatiques avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) dès 1958 et qui a soutenu les combattants algériens entre 1958 et 1962.

Dans la période récente, l'Algérie et la Chine ont renforcé leurs liens à la fois en matière stratégique et économique. Sur le plan économique, la Chine a dépassé depuis 2012 la France au rang de premier partenaire commercial de l'Algérie. Les entreprises chinoises sont par ailleurs très impliquées dans le secteur de la construction en Algérie depuis le début des années 2000 et elles ont contribué à édifier de nombreux projets d'infrastructures, dont notamment le nouvel aéroport d'Alger, la grande mosquée d'Alger, le stade olympique d'Oran ou encore l'opéra d'Ouled Fayet 160 ( * ) . Alors que l'Algérie a adhéré en 2018 au projet des nouvelles routes de la soie (BRI), la Chine a également signé un accord avec l'Algérie en 2016 sur la construction du port en eau profonde d'El Hamdania d'une capacité de 6,5 M d'EVP et financée par un crédit chinois de long terme 161 ( * ) .

Sur le plan stratégique, l'Algérie a diversifié ses fournisseurs d'armement en s'équipant de manière croissante auprès d'industriels chinois comme en témoigne le fait que l'Algérie a représenté entre 2014 et 2018 11% des exportations chinoises d'armement tandis que la Chine constitue désormais, avec 15% des importations, le deuxième fournisseur de l'armée nationale populaire (ANP).

2. La volonté de l'Algérie de jouer un rôle stabilisateur dans son environnement régional est obérée par la dégradation persistante de ses relations avec le Maroc

Après un relatif effacement sur la scène internationale lié à la déstabilisation de sa situation intérieure pendant la décennie noire (1992-2002), le premier mandat du président A. Bouteflika (1999-2004) a correspondu à un renouveau de l'action extérieure de l'Algérie qui s'appuie traditionnellement sur une diplomatie des bons offices 162 ( * ) illustrée par exemple par la signature à Alger d'un accord de paix entre l'Érythrée et l'Éthiopie le 12 décembre 2000.

Dans la période récente, l'Algérie entend continuer à jouer un rôle de médiateur pour contribuer à la stabilisation du pourtour méditerranéen, en s'impliquant notamment dans le règlement politique de la crise libyenne, Alger ayant accueilli une réunion des ministres des affaires étrangères des pays voisins de la Libye en août 2021, et dans le comité de suivi de l'accord de juin 2015 entre le gouvernement malien et les groupes du Nord, qu'elle copréside avec les Nations unies.

Il est toutefois à relever que la volonté affichée par l'Algérie de jouer un rôle stabilisateur en Méditerranée est fragilisée par la dégradation persistante de ses relations bilatérales avec le Maroc du fait de leur conflit relatif au statut du Sahara occidental, dont le territoire est contrôlé à 80% par le Maroc, mais où l'Algérie soutient les indépendantistes du Front Polisario.

Les frontières terrestres sont fermées depuis 1994 entre le Maroc et l'Algérie du fait de leur opposition sur la question sahraouie, et les relations bilatérales ont connu un regain de tensions à l'été 2021 avec la décision des autorités algériennes de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021 et de fermer son espace aérien aux avions civils et militaires marocains à partir de septembre 2021.

Enfin, alors qu'en novembre 2021 l'Algérie a accusé le Maroc d'être responsable de la mort de trois ressortissants algériens au Sahara occidental, l'hypothèse d'une escalade militaire présente un risque important dont les effets seraient très déstabilisateurs pour la région.

Source : FMES, 2022, Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient, (c) P. Orcier


* 160 Y. H. Zoubir, été 2019, « Les relations de la Chine avec les pays du Maghreb : la place prépondérante de l'Algérie » in Confluences Méditerranée, n°109.

* 161 ISEMAR, P. Tourret, décembre 2021, « Le Maghreb, état des lieux maritime et portuaire ».

* 162 K. A. Abderrahim, 2022, « L'Algérie à la recherche d'une diplomatie égarée » in Politique étrangère, n°2022/2.

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