ANNEXE 1
L'EAU ET LES CENTRALES NUCLÉAIRES

1. De l'eau en abondance indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires

Disposer d'eau en abondance est l'une des conditions du bon fonctionnement de la plupart des centrales thermiques, en particulier des centrales nucléaires, principalement pour évacuer la part d'énergie thermique non transformée en énergie mécanique.

Une petite part de l'eau prélevée par les centrales nucléaires sert aussi à alimenter les différents circuits auxiliaires et de sauvegarde, à fabriquer l'eau déminéralisée pour les circuits primaire et secondaire (besoin de 180 000 m 3 par réacteur par an), à alimenter le réseau incendie, ou encore le réseau interne d'eau potable pour les centrales non raccordées aux réseaux communaux.

Il existe deux systèmes de refroidissement : le refroidissement en circuit ouvert et le refroidissement en circuit fermé .

• Lorsque le réacteur est refroidi en circuit ouvert, le prélèvement en eau est très important, de l'ordre de 55 à 200 m 3 par seconde, soit un besoin moyen de l'ordre de 1,5 milliards de m 3 par an 100 ( * ) . En aval du système de refroidissement, l'eau est restituée en quasi-totalité au milieu, à une température supérieure à la température de l'eau lors de son prélèvement (l'échauffement de l'eau est de l'ordre de 10 à 15 degrés, ramenée à quelques degrés après mélange avec l'eau prélevée en aval).

• Lorsque le réacteur est refroidi en circuit fermé, le prélèvement en eau est beaucoup plus modeste, de l'ordre de quelques m 3 par seconde, soit un besoin de l'ordre de 50 millions de m 3 par an (30 fois moins que les réacteurs en circuit ouvert). En revanche, l'eau prélevée n'est que partiellement restituée au milieu, puisque de 20 à 40 % des quantités prélevées s'évaporent dans les tours aéroréfrigérantes. Le reste est rejeté en aval dans les cours d'eau à une température quasi identique à la température de l'eau au niveau de son prélèvement (moins de 1 degré d'écart, car 96 à 98 % de l'énergie thermique est évacuée dans l'air).

La part des réacteurs en circuit ouvert et en circuit fermé dans le parc installé en France est quasi-équivalente.

Ces besoins importants en eau expliquent pourquoi les centrales nucléaires sont construites soit sur des cours d'eau à débit important, avec construction en amont d'ouvrages hydrauliques destinés à réguler les débits (retenues fournissant de l'eau en cas de débit insuffisant, ou à l'inverse stockant l'eau excédentaire pour éviter les inondations), soit en bord de mer ou dans les estuaires.

2. La réglementation applicable aux prélèvements et rejets d'eau des centrales nucléaires

À côté des normes relatives aux rejets radioactifs ou de substances chimiques, les centrales nucléaires sont soumises à des règles strictes encadrant à la fois les prélèvements d'eau que leur exploitant (EDF) peut effectuer, et les modalités de rejets de celle-ci, notamment la température maximale des rejets en aval.

C'est l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui définit les modalités de prélèvement et de consommation d'eau des centrales et fixe les températures maximales de rejet. La décision de l'ASN doit être homologuée par un arrêté ministériel.

L'ASN définit pour chaque centrale un volume maximal annuel, un volume maximal journalier et un débit maximal exprimé en m 3 par seconde, que l'exploitant est autorisé à prélever.

L'ASN définit aussi pour chaque centrale les températures maximales des rejets après mélange, à l'aval de la centrale. Le niveau fixé doit être conforme aux normes européennes, soit 28°C maximum et un écart de 3°C maximum (échauffement amont/aval) par rapport à la température du cours d'eau en amont. Mais ces normes peuvent faire l'objet d'adaptations selon les situations locales. Par ailleurs, des dépassements sont possibles dans la limite de 2 % du temps d'exploitation annuel des centrales (soit un peu plus de 7 jours). Des normes différentes peuvent être fixées pour les différentes périodes de l'année, avec un régime de prélèvement et de rejets applicable aux périodes d'étiage et un autre pour la période hivernale.

Les autorisations administratives sont accordées suite à une étude d'impact environnemental que l'exploitant a l'obligation de réaliser. Une surveillance environnementale doit également être mise en place par l'exploitant.

Pour ne pas dépasser ces normes, les centrales doivent réduire voire stopper leur production électrique. D'après EDF, la baisse de production des centrales pour respecter la règlementation relative à la température ou au débit des fleuves n'a représenté entre 2000 et 2021 qu'à peine 0,27 % de la production nucléaire (près de 1 TWh par an), la centrale de Chooz comptant à elle-seule pour un bon tiers des pertes de production.

3. Les centrales capables de faire face au défi de l'eau et à la gestion des crises

L'article R.593-40 du code de l'environnement prévoit d'ores et déjà la possibilité de modifier les normes relatives à l'utilisation de l'eau par les centrales nucléaires, lorsque c'est nécessaire pour garantir la poursuite du fonctionnement d'une centrale, en situation exceptionnelle, comme une canicule ou une sécheresse. Ces dérogations répondent à un impératif d'intérêt général : continuer à assurer l'approvisionnement en électricité du pays.

C'est sur cette base juridique que des dérogations ont été accordées par l'ASN pour maintenir la production dans le contexte de l'épisode caniculaire de début juillet 2022 des centrales du Blayais, de Golfech et de Saint-Alban, ainsi que de la centrale du Bugey.

La fréquence d'épisodes caniculaires pourrait augmenter les cas d'application de l'article R.593-40 du code de l'environnement. Se poserait alors la question de conséquences environnementales sur la faune et la flore d'une situation exceptionnelle devenant plus habituelle.

À moyen terme, on peut s'interroger sur la pérennité des centrales consommant beaucoup d'eau et rejetant une eau plus chaude que celle prélevée, c'est-à-dire des centrales fonctionnant en circuit ouvert. Celles situées sur le littoral (Gravelines, Penly, Paluel, Flamanville) ne posent pas de problème, du fait de la capacité de dilution considérable de la chaleur dans la mer. En revanche, la situation de celles situées sur des cours d'eau (Blayais, Saint-Alban, Tricastin, 2 réacteurs sur les 4 du Bugey) interroge.

Or, en complément de l'étude RTE sur les futurs énergétiques 2050, publiée fin 2021, EDF conduit une étude (encore en cours) dont les conclusions préliminaires laissent penser que la fréquence de l'indisponibilité climatique de ses centrales nucléaires pourrait être multipliée par 2 ou 3, et resterait donc faible par rapport à la production totale d'énergie (la perte étant aujourd'hui de 0,27 %). La rentabilité des sites n'est donc pas remise en cause à moyen terme.

Par ailleurs, la transformation d'une unité refroidie en circuit ouvert en unité à circuit fermé est très difficile et coûterait, d'après EDF, des centaines de millions d'euros, ce qui rend cette option inenvisageable.

Les dérogations aux normes de température de rejet de l'eau utilisée par les centrales nucléaires : le cas de la centrale du Bugey en juillet 2022

La décision n° 2014-DC-0443 de l'ASN du 15 juillet 2014 101 ( * ) , homologuée par un arrêté ministériel du 6 août 2014, fixe ainsi les normes ordinaires d'échauffement de l'eau du Rhône rejetée par la centrale du Bugey :

- Du 16 septembre au 30 avril : l'échauffement moyen journalier après mélange des effluents dans le Rhône est fixé à 7°C et la température moyenne journalière du Rhône en aval de la centrale est plafonnée à 24°C.

- Du 1er mai au 15 septembre : l'échauffement moyen journalier maximal est réduit à 5°C et la température maximale à l'aval portée à 26°C.

- En cas de conditions climatiques exceptionnelles ne permettant pas de respecter ces plafonds, il est permis d'avoir une température moyenne journalière du Rhône après mélange de 27°C, mais avec un échauffement moyen journalier entre l'amont et l'aval ne dépassant pas 1°C.

Devant la difficulté à respecter ces normes ordinaires, compte tenu de l'échauffement du Rhône en amont de la centrale, due aux conditions météorologiques extrêmement chaudes, EDF a sollicité l'ASN pour obtenir une dérogation, qui a été accordée. La décision n° 2022-DC-0729 de l'Autorité de sûreté nucléaire du 15 juillet 2022, homologuée par un arrêté ministériel du même jour, fixe ainsi jusqu'au 24 juillet à 3°C l'échauffement maximum des eaux rejetées dans le Rhône par la centrale.


* 100 Chiffres EDF.

* 101 https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/bulletin-officiel-de-l-asn/installations-nucleaires/decisions-individuelles/decision-n-2014-dc-0443-de-l-asn-du-15-juillet-2014

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