B. UNE OFFRE DE SOINS CARACTÉRISÉE PAR UN FAIBLE NOMBRE DE LITS

1. Une offre de soins essentiellement publique

Les régions assurent, en propre ou par délégation à des opérateurs privés, la gestion des centres de soins primaires, des centres spécialisés, mais aussi des hôpitaux, y compris universitaires.

· La Suède compte 1 150 centres de soins primaires et une soixante d'hôpitaux régionaux dont sept sont des centres hospitaliers universitaires. Six hôpitaux sont des établissements privés.

L'hôpital universitaire de Karolinska, situé à Stockholm, compte 1 180 lits et accueille 1,35 million de visites par an.

Les professionnels de santé jouissent théoriquement d'une liberté d'installation mais se tournent en réalité quasi exclusivement vers un exercice salarié.

L'offre de soins primaires s'articule autour de centres de soins pluridisciplinaires qui comptent souvent entre 10 et 20 médecins mais peuvent parfois atteindre plusieurs dizaines de professionnels. Le centre de soins d'Ålidhem comptait ainsi 93 collaborateurs. L'exercice individuel de professionnels de santé est très rare.

Ces centres peuvent se concentrer sur une prise en charge primaire ou être orientés sur une spécialité médicale. Les centres pluridisciplinaires sont parfois équipés de salles d'examens spécialisés, pour l'ORL par exemple, ou d'une salle de prélèvements pour des examens biologiques sur place.

Les structures ou les régions sont les employeurs des professionnels médicaux et paramédicaux. Les régions fixent leurs salaires, parfois par le biais de négociations menées avec les syndicats à l'échelle de l'association des régions, avec la possibilité ainsi de davantage valoriser l'expérience que la seule réalisation d'un nombre d'actes. En outre, la région peut imposer des objectifs qui modulent les ressources des structures. Par exemple, elles peuvent être plus ou moins bien rétribuées selon les délais d'attente qu'elles sont capables d'assurer.

Dans la région de Stockholm, la majorité de droite qui a longtemps été au pouvoir a fait le choix de très larges délégations au secteur privé pour gérer en son nom des centres de soins et même un hôpital, délégué par contrat au groupe Ramsay (Capio). Cet hôpital demeure un hôpital public, avec une délégation attribuée par un marché public. Cette modalité n'est pas sans poser question, notamment sur les risques de tels contrats en cas de changement de prestataire à leur échéance.

Alors que leurs ressources sont uniquement issues du financement public et donc de l'impôt, les bénéfices parfois constatés de certaines structures privées, non réinvestis dans le système de soins, passent mal et sont devenus un sujet politique important.

2. Un nombre de lits hospitaliers particulièrement réduit

À la suite d'un « virage ambulatoire » particulièrement marqué, la Suède dispose aujourd'hui d'un nombre de lits particulièrement faible par habitant, avec un ratio de l'ordre de 2 pour 1 000 habitants contre 5,7 en France.

· Les besoins de santé constatés aujourd'hui au-delà de l'ambulatoire et les perspectives liées au vieillissement de la population amènent les responsables locaux à considérer ces ratios aujourd'hui insuffisants pour répondre aux besoins.

En outre, comme l'a souligné le syndicat Kommunal, les faiblesses du secteur médico-social se répercutent, en Suède également, sur l'hôpital. Ainsi, l'insuffisance des services soins aux personnes âgées se reporte sur l'hôpital et ses urgences.

 
 

Lits pour 1 000 habitants
en Suède

Lits pour 1 000 habitants,
en moyenne dans l'Union européenne

Une révision de la carte hospitalière a été menée par les régions, avec une baisse du nombre d'hôpitaux mais aussi du nombre de services d'urgences ou une rationalisation des activités de maternité.

Une gradation de l'offre selon les établissements se constate : dans la région du Norrland se sont structurés sept « pavillons sanitaires », que l'on peut assimiler à des hôpitaux de proximité, avec principalement des lits de médecine, de prévention, de suivi de maladies chroniques ou des services d'urgence de proximité.

L'hôpital universitaire de Karolinska est un hôpital de pointe de rang international. Il compte 1 180 lits et accueille 1,35 million de visites par an. L'hôpital emploie 15 400 personnes.

L'objectif revendiqué par la direction de l'hôpital est de « soigner et soulager demain ce que personne ne soigne ou soulage aujourd'hui » et devenir demain le premier hôpital universitaire du pays sans liste d'attente.

Le nouveau directeur a engagé il y a quelques années un important tournant dans la gestion de l'hôpital avec une réduction drastique du nombre de personnels administratifs pour un renforcement du nombre de postes cliniques.

Face aux enjeux d'activité non réalisée faute d'une organisation performante, la direction a souligné l'enjeu important de la planification avec une surveillance particulière quant à l'occupation des blocs, qui permet notamment d'orienter des urgences sur les créneaux du matin.

En outre, le périmètre des activités autorisées dans chaque établissement a été revu et les opérations les plus lourdes sont réservées à un nombre restreint d'établissements agréés. Certaines activités de soins très spécialisés, comme les greffes, la prise en charge des grands brûlés ou encore la chirurgie cardiaque infantile, sont organisées au niveau national.

Financement des établissements de santé

Certains établissements répondent à un système de financement essentiellement basé sur l'activité. C'est le cas notamment de l'hôpital Sankt Görans avec des ressources réparties entre une tarification à l'activité (96,5 %), à la qualité (3 %) et, marginalement, sur des objectifs environnementaux (0,5 %). Ces ressources sont fixées par une convention négociée avec la région, laquelle prévoit un objectif d'amélioration de la performance de l'établissement de 2 % par an.

Le panier de ressources de l'hôpital universitaire de Karolinska diffère sensiblement. , avec 54 % issu d'une dotation, 6 % d'un financement à la qualité et la performance (sur la base de 84 critères) et la part restante sur une tarification à l'activité (42 %).

La tarification à l'activité est assise sur des groupes homogènes de patients. Les tarifs peuvent être modulés selon les établissements.

Comme cela a pu être souligné lors du déplacement à Umeå, la question de l'offre de soins dans les régions vastes et peu denses est particulièrement sensible avec des petits hôpitaux dont l'activité faible sur certaines spécialités ne correspond pas toujours aux standards de qualité et de sécurité des soins. L'inspection des soins, Inspektionen för vård och omsorg, est particulièrement vigilante sur ce point.

En outre, les difficultés de recrutement, constatées plus largement dans le pays mais particulièrement dans le Nord, conduisent en Suède également à une réduction du capacitaire - ou « fermetures de lits », faute de personnels.

L'inspection des soins et de la santé - Inspektionen för vård och omsorg (IVO)

L'inspection des soins et de la santé assure une surveillance et des missions d'inspection des services sanitaires et médico-sociaux et veille à la qualité et de la sécurité.

En 2021, l'IVO a notamment réalisé des contrôles :

- 2 263 au titre de la Lex Maria, qui concerne les dommages médicaux évitables lors de soins reçus dans des établissements ;

- 1 193 au titre de la Lex Sarah, sur les conduites répréhensibles, particulièrement dans le cadre de soins aux personnes âgées ou handicapées.

Elle a en outre traité 6 443 signalements concernant les établissements de santé et 7 170 pour des établissements médico-sociaux.

En 2022, IVO a mené une inspection nationale qui a mis en lumière certaines failles au sein d'établissements parfois importants, avec notamment un capacitaire insuffisant pour garantir la sécurité des patients. L'inspection a notamment enjoint les hôpitaux de Sundsvall, Uppsala et Sunderby d'augmenter leur nombre de lits sous un délai de quelques mois.

· À la fin de l'année 2021, le Gouvernement suédois a inscrit dans son budget 2022 une aide de 5 milliards de couronnes (450 millions d'euros) à destination du système de santé, afin notamment d'investir sur la prise en charge de la maternité et faire face aux retards de prise en charge du fait de la pandémie de covid-19.

3. Une priorité donnée aux soins primaires

L'ensemble des acteurs du système de santé, tant régulateurs au niveau national que gestionnaires locaux ont mis en avant, dans la conception de leurs politiques, la déclination des principes de l'OMS et notamment celui d'une « santé intégrée » et complémentarité entre santé publique et santé primaire.

Il a également été souligné un changement dans l'approche du système de soins ces dernières années, avec, d'une part,une évolution d'un système basé principalement sur les hôpitaux à un système basé sur les soins primaires et, d'autre part, un passage d'une attention portée essentiellement sur les urgences à une réorientation aujourd'hui sur les soins primaires, les maladies chroniques et la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC).