B. LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME EN CAS DE CONFLIT

1. Les violences sexuelles liées au conflit
a) L'intervention de M. Alain Milon

Merci, Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

Je remercie tout d'abord notre collègue rapporteure pour son rapport qui nous rappelle que les violences sexuelles constituent l'une des pires atrocités de la guerre.

Ces violences ont pour objectif d'humilier et de détruire la vie des victimes. Celles-ci sont le plus souvent laissées en vie pour qu'elles puissent raconter leur calvaire et ainsi saper toute forme de résistance à l'envahisseur.

Ces violences doivent d'autant plus nous préoccuper aujourd'hui que la Fédération de Russie, dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine, développe une stratégie d'humiliation et de terreur.

Je pense qu'il est possible de mettre en place des mesures pour les prévenir. Le recrutement inclusif au sein des forces armées et de la police permettant de garantir un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes et la mise en place de formations sont des éléments qui peuvent permettre de lutter contre les violences sexuelles dans le cadre des conflits armés. Mais cela n'est possible que lorsque la guerre n'a pas pour objectif d'éradiquer une population ou une culture, ni de terroriser les populations civiles.

Dès lors, il est nécessaire de s'assurer que de tels crimes ne demeureront pas impunis, les violences sexuelles étant dès à présent considérées comme des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Nous devons encourager la justice de nos pays à ouvrir des enquêtes sur ces crimes lorsque cela est possible, notamment lorsque des citoyens/citoyennes ou des ressortissants de nos pays sont concernés.

Pour ce qui est de la situation en Ukraine, notre Assemblée doit continuer de soutenir la création d'un tribunal international spécial en mesure de juger les crimes commis dans le cadre de l'agression russe contre l'Ukraine.

Enfin, nous devons apporter tout notre soutien aux victimes. Celles-ci doivent pouvoir témoigner en toute sécurité des violences qu'elles ont subies. Elles doivent également pouvoir bénéficier des différents soins médicaux dont elles ont besoin et d'un suivi psychologique, voire psychiatrique. Pour répondre à ces besoins, je soutiens la création d'un fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale que les États parties au Statut de Rome devront abonder. Ce fonds pourra bénéficier aux victimes de violences sexuelles dans le cadre de conflits armés.

Chers collègues, inutile de vous dire que je voterai ce projet de résolution.

b) L'intervention de Mme Marietta Karamanli

Merci, Monsieur le Président.

Chers collègues,

Je voulais tout d'abord remercier notre collègue rapporteure Mme Petra Bayr pour ses constats et propositions, s'agissant d'un sujet à la fois important et sensible, celui des violences sexuelles liées aux conflits.

Elle inscrit ses recommandations dans une quadruple perspective : la définition de ces crimes par le droit international, mais aussi par le champ du genre et des âges concernés à titre principal par ces crimes ; les formes diverses qu'ils prennent à l'égard des populations agressées ou victimes par des forces armées ou émanant de forces de maintien de la paix ; les normes d'ores et déjà applicables pour les dissuader et poursuivre les criminels ; et les mesures à prendre pour aider les victimes.

Je partage cette quadruple préoccupation. Je ferai deux observations complémentaires.

D'une part, la visibilité des crimes et la punition des auteurs peuvent et doivent s'accompagner de la reconnaissance de la parole donnée aux victimes au travers des processus de dialogue, de médiation, de justice réparatrice, de responsabilités nouvelles et pleines des différents genres. Je pense en particulier aux femmes dans les organes de police, de justice et d'aide aux victimes.

Par ailleurs, le droit à l'indemnisation doit être effectif, ce qui suppose qu'au plan international et dans chaque État des crédits soient budgétés, disponibles et que leur affectation soit suivie et évaluée.

Il faut aussi garantir aux victimes le droit au rapatriement et à la réinstallation lorsque les violences dont elles ont été victimes les ont conduites à devoir quitter leur lieu de vie ou à être exilées.

La rapporteure l'a mentionné : nous devons avoir un suivi statistique des victimes et des violences. J'ajouterai, mes chers collègues, que nous devons parallèlement mieux connaître la suite donnée à leur droit à une vie protégée et aidée.

Il y a donc une expérience humaine, voire intime, de la violence sexuelle. Celle-ci doit être combattue à la fois par la répression, mais aussi prévenue par l'éducation et accompagnée par la solidarité.

Voilà ce que je voulais partager avec vous ce matin. Merci encore pour ce rapport. Il serait intéressant de pouvoir poursuivre avec ces éléments complémentaires qui ont été apportés.

Merci, Mme Bayr.

2. Impact environnemental et conflits armés
a) L'intervention de M. Alain Milon

Merci, Monsieur le Président.

Merci à notre collègue M. John Howell pour ce rapport qui met en lumière les sévères dommages que les guerres peuvent causer à l'environnement et, par conséquent, à l'homme et à sa santé.

À l'heure où notre Assemblée se mobilise en faveur d'un droit à un environnement sain afin qu'il constitue un droit fondamental, il était particulièrement opportun de s'intéresser à la manière dont pourraient être caractérisés et sanctionnés les dommages causés à l'environnement dans le cadre de conflits armés. La guerre qui fait rage aujourd'hui nous rappelle cruellement les enjeux de cette question.

Au regard du rapport de notre collègue, le cadre juridique international me semble insuffisant. Les conventions du Conseil de l'Europe ayant pour objectif de protéger l'environnement ne visent pas explicitement les dommages causés par un acte de guerre et parfois même excluent explicitement ces contextes.

Certes, des mesures de protection directes et indirectes de l'environnement en périodes de conflits armés sont prévues par la Convention des Nations Unies relative à l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, ainsi que par le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, mais il m'apparaît nécessaire que le Conseil de l'Europe et ses États membres s'impliquent davantage.

Je me réjouis donc que le Comité des Ministres se soit saisi de cette question dans sa recommandation adoptée le 27 septembre dernier. Les États membres de notre Organisation doivent à mon sens ratifier la Convention des Nations Unies sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, ainsi que le Protocole I aux Conventions de Genève.

En tant que parlementaires, nous avons le devoir de jouer un rôle en la matière.

Enfin, il sera nécessaire de veiller à ce que la version révisée de la Convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal du Conseil de l'Europe s'applique aussi dans le contexte de conflits armés en temps de guerre ou en cas d'occupation. Notre Assemblée doit évidemment soutenir et prendre part à cette mobilisation et je voterai ce projet de résolution sans réserve.

Merci.

b) L'intervention de Mme Mireille Clapot

Monsieur le président, mes chers collègues,

La guerre en Ukraine nous l'a malheureusement rappelé depuis le 24 février dernier. Les dommages environnementaux frappent, de façon parfois irrémédiable la nature, les écosystèmes et la biodiversité. Or la protection de l'environnement est nécessaire à la protection des habitants dont la santé, les ressources vitales et parfois la vie dépendent.

En Ukraine comme dans d'autres zones de conflits armés, la terre, l'eau et l'air ont subi de très fortes pollutions. Près de la moitié du territoire ukrainien, soit 300 000 km2, aurait été polluée par les combats et les bombardements russes. Trois millions d'hectares de forêts auraient été endommagés et une immense surface minée.

Selon Yuliya Ovchynnykova, députée membre de la commission de la Verkhovna Rada et de notre assemblée, que je salue, il s'agit de « la plus grande catastrophe anthropique du XXIème siècle ».

La pollution générée par les destructions d'infrastructures pourrait prendre des années à être nettoyée, multipliant les risques de cancers, de maladies respiratoires et de retards de développement chez les enfants, alerte l'Organisation des Nations-Unies.

Toujours en Ukraine, l'accès à l'énergie a fait l'objet de restrictions considérables et la Russie a instrumentalisé certaines infrastructures énergétiques civiles, tels que le barrage de Kakhovka près de Kherson, ou la centrale nucléaire de Zaporijjia, laissant planer des menaces de catastrophes humaines et environnementales dévastatrices.

Vous rappelez dans votre excellent rapport, cher collègue John Howell, que les précédents d'atteinte à l'environnement, du Vietnam à la Yougoslavie et au Caucase, sont nombreux.

Le cadre juridique international existe mais est imparfait. Or la nature ne peut attendre : les pertes d'écosystème et de biodiversité sont irréversibles.

À l'instar de la protection des droits humanitaires et des droits de l'Homme, il nous faut reconnaitre aux populations civiles un droit à un environnement sain. Cela doit passer par la ratification des conventions existantes mais aussi par le renforcement du cadre juridique international.

La reconnaissance du crime international d'écocide en fait partie. La France a déjà fait une étape dans cette voie en créant en 2021 un délit d'écocide dans son Code de l'environnement.

Emparons-nous de ce sujet, encourageons la mise en place du cadre juridique adéquat. Rendons les instruments juridiques plus larges et plus universels. Invitons les États-membres à ratifier la convention ENMOD. Cartographions les zones à risque. Déployons un suivi des engagements contractés.

Traitons enfin cette victime silencieuse qu'est l'environnement dans les conflits armés.

3. Émergence des systèmes d'armes létales autonomes et leur nécessaire appréhension par le droit européen des droits de l'Homme
a) L'intervention de M. André Gattolin, au nom du groupe ADLE

Merci, Madame la Présidente.

Mes chers collègues,

Je tiens tout d'abord, au nom du groupe ADLE, à remercier notre collègue M. Damien Cottier pour la qualité de son rapport et le fait aussi d'avoir pris la suite, presque séance tenante, de notre ancien collègue M. Fabien Gouttefarde, fin expert de ces questions.

Selon la définition du Comité international de la Croix-Rouge à laquelle ce rapport se réfère, les systèmes d'armes létales autonomes seraient définis comme « tout système d'armes autonome dans ses fonctions critiques, capable de sélectionner et d'attaquer des cibles sans intervention humaine ».

La question morale est alors évidente. Alors que l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme affirme le droit à la vie, peut-on accepter, et si oui jusqu'à quel point, qu'un système d'armes puisse donner la mort sans intervention humaine dans cette phase critique ? Des garanties peuvent-elles être apportées en maintenant un contrôle humain approprié et la nécessité de rendre des comptes ?

En se référant à l'approche proposée par certains États européens dans le cadre des discussions en cours sur le sujet, la résolution qui nous est soumise propose une approche en deux volets. Elle me paraît équilibrée.

D'une part, nous affirmerions que des systèmes d'armes létales entièrement autonomes, sans le moindre contrôle humain significatif, ne pourraient jamais être conformes au droit international humanitaire et aux droits humains. Elles seraient donc purement et simplement interdites.

D'autre part, nous appellerions à élaborer un cadre juridique pour les autres systèmes d'armes létales à autonomie partielle, en mettant en place des règles adaptées aux défis particuliers posés par ce type d'armes, afin d'assurer le respect du droit de la guerre.

Le point 13.2 de la résolution précise le champ de ce contrôle humain approprié pendant tout le cycle de vie du système et affirme la nécessité de maintenir la responsabilité humaine.

Le point 16, enfin, dans l'attente de ce nouvel instrument international juridiquement contraignant qui pourrait voir le jour, met au point un code de conduite, certes non contraignant, mais qui pourrait servir de guide aux négociateurs de la future convention que nous appelons de nos voeux.

J'ai pu mesurer en commission des questions juridiques et des droits de l'Homme la sensibilité du sujet sur ces deux aspects et nous y reviendrons au moment de la discussion des amendements.

Pour ma part, je soutiens pleinement l'approche qui nous est proposée. Elle m'apparaît pragmatique et, de fait, plus efficace, en particulier - il faut bien le dire - dans le contexte géopolitique que nous connaissons, où certains pays se dispensent de tout respect des règles du droit international.

L'essentiel me paraît être de bien affirmer que la responsabilité humaine doit continuer à s'exercer, la responsabilité de l'État et de l'individu ne pouvant jamais être transférée à des machines. C'est bien le cas avec le texte présenté.

Le groupe ADLE soutient la résolution qui nous est proposée.

Je vous remercie.

b) L'intervention de M. Claude Kern

Merci, Madame la Présidente.

Mes chers collègues,

Je veux remercier notre collègue M. Damien Cottier et, avant lui, notre ancien collègue M. Fabien Gouttefarde pour ce travail important sur l'émergence des systèmes d'armes létales autonomes et leur appréhension par le droit européen des droits humains.

La conduite de la guerre en Ukraine, après les atrocités commises en Syrie ou sur d'autres théâtres d'opération, nous rappelle combien certains États ont peu de respect pour le droit international, et en particulier pour le droit international humanitaire. C'est à cette aune que l'on doit apprécier ce débat et la proposition qui nous est faite sur les systèmes d'armes létales autonomes. Quoi qu'on en pense, elles ne manqueront pas de se développer.

Une interdiction pure et simple de toute forme de ces systèmes ne me paraît pas opérationnelle : un certain nombre de pays ne la suivraient pas. En revanche, il m'apparaît essentiel de définir une voie de régulation permettant de poser des limites claires au regard du droit international humanitaire et, en particulier pour nous, du droit à la vie affirmé par la Convention européenne des droits de l'Homme.

Enlever tout contrôle humain et supprimer toute responsabilité humaine dans la conduite de l'acte de tuer m'apparaît totalement impossible sur le plan moral. Ce serait absolument contraire à nos valeurs. La résolution qui nous est proposée par notre collègue M. Damien Cottier est très claire sur ce point, puisque le point 13-1 affirme que « les SALA fonctionnant complètement en dehors du contrôle humain et d'une chaîne de commandement responsable sont illégaux. »

La résolution propose ensuite la mise en place d'un cadre juridique approprié pour les autres systèmes d'armes létales à autonomie partielle et, dans l'attente, prône l'élaboration d'un code de conduite qui donnerait d'ores et déjà une direction claire. Je soutiens cette approche, qui me paraît à la fois conforme aux valeurs que nous défendons au sein de cette Assemblée et lucide au regard des enjeux et des pratiques d'un certain nombre d'États.

Nous ne pouvons pas accepter le développement de robots tueurs hors de tout contrôle humain. Nous devons donc affirmer des principes clairs pour remettre les droits humains au coeur des réflexions.

Je remercie M. Damien Cottier de l'avoir fait dans le cadre de ce travail. Je souhaite que les États membres du Conseil de l'Europe soient réellement moteurs sur ce dossier sensible.

Je vous remercie.

4. Traiter la question des combattants étrangers de Daech et de leurs familles qui rentrent de Syrie et d'ailleurs dans les États membres du Conseil de l'Europe
a) L'intervention de M. Emmanuel Fernandes, au nom du groupe GUE

Merci, Madame la Présidente.

Merci, mes chers collègues.

Nous tenons à nous féliciter que le sujet du traitement des combattants étrangers de Daech et leurs familles qui sont ressortissants de nos États membres soit enfin traité.

Je tiens tout d'abord à saluer les forces armées kurdes pour leur contribution décisive dans la lutte concrète contre les forces de Daech : le courage et la détermination exemplaire de ces hommes et femmes nous obligent à les défendre et à assurer leur sécurité, mais ils nous obligent aussi à trouver une solution pour juger et condamner les membres de Daech aujourd'hui détenus dans des camps ou des prisons en Syrie et en Irak. Les conditions indignes de détention qui règnent doivent nous pousser à agir avec mesure et précision, mais sans tarder.

Nous soutenons la demande d'incrimination des combattants de Daech pour génocide et crimes contre l'humanité, en plus des accusations de crimes de guerre et de terrorisme. Il convient donc que l'ensemble des États membres déploie l'arsenal judiciaire qui convient pour répondre à ces crimes. Nous soutenons par ailleurs la demande de création d'un tribunal international pour juger ces crimes : en effet, ce conflit et ces crimes regardent l'ensemble des pays du monde, tant par la présence importante de combattants étrangers que par la nature même des crimes qui ont été commis.

De plus, nous ne pouvons-nous contenter de la situation actuelle et nous partageons de vives inquiétudes quant aux garanties qui doivent entourer les procès qui ont déjà lieu : le droit à la défense et à un procès juste et équitable n'est pas négociable, y compris pour les crimes les plus odieux. Nous rappelons également notre opposition ferme à la peine de mort.

Dans l'hypothèse où la création d'un tribunal international pour juger ces crimes ne soit pas possible, il conviendra alors de tout faire pour mettre en place ces tribunaux hybrides. Cependant, le temps manque et le rapport souligne bien qu'il est intenable de faire perdurer encore des années le fonctionnement actuel des camps d'emprisonnement, dans lesquels sont détenus les combattants de Daech avec leurs familles et leurs enfants. Le peuple kurde a donné 12 000 vies pour défaire Daech et maintenant, nous ne pouvons-nous résoudre à ce que Daech puisse renaître au sein même de ces camps. Alors, nos États membres doivent se résoudre à juger eux-mêmes leurs propres ressortissants.

Je conclus en abordant également la question des enfants par rapport au paragraphe 11, qui demandait la rupture automatique de l'ensemble des liens familiaux. En effet, alors que le rapporteur parlait très justement de la nécessité du travail de réinsertion pour les délinquants et criminels qui ne seraient pas condamnés à de longues peines, il nous semblait que cette demande y contrevenait, mais il me semble que nous pourrons aller dans le sens d'un compromis dans quelques minutes.

Merci à vous.

b) L'intervention de M. André Vallini

Merci, Madame la Présidente.

Aujourd'hui, en Irak et en Syrie, des enfants vivent dans des conditions atroces. Certains sont ressortissants européens. Ils n'ont qu'un seul tort : celui d'être nés de parents djihadistes. Ces enfants vivent entourés de barbelés, sous des tentes, mal nourris. Ils subissent le froid extrême de l'hiver et les chaleurs écrasantes de l'été. Désoeuvrés, livrés à eux-mêmes, témoins et otages de la cruauté de la vie dans les camps, ils peuvent à tout moment faire l'objet de prédation physique et sexuelle. Sans soins ni nourriture digne de ce nom, sans école souvent ni soutien psychologique, ils sont maltraités physiquement et psychiquement parce que leurs parents ont fait le choix évidemment condamnable du djihadisme. Mais depuis quand, dans nos États de droit, punit-on des enfants pour les crimes de leurs parents ?

Je suis allé personnellement dans l'un de ces camps en Irak et j'ai interpellé, au Sénat français, à deux reprises, le gouvernement de mon pays pour que la France procède enfin au rapatriement de tous les enfants qu'elle laisse toujours dans ces camps sordides depuis maintenant quatre ans.

Nombre d'États ont fait prévaloir la justice et la raison sur la vengeance. La crainte inavouable d'une opinion publique dont on suppose à tort qu'elle serait inaccessible à une mesure de justice et d'humanité ne doit pas nous détourner de nos valeurs humanistes fondamentales. Même si notre collègue M. Stefan Schennach interprète d'une manière extensive l'arrêt de la CEDH du 14 septembre 2022, je souscris pleinement à son analyse selon laquelle l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours être notre boussole. Il restera ensuite à traiter la question des ressortissants européens majeurs aujourd'hui détenus en Irak ou en Syrie : je reste persuadé que compte tenu des crimes qu'ils ont commis, ils devraient être jugés par une juridiction internationale.

En tout état de cause, il faut recueillir et conserver l'ensemble des preuves et des témoignages relatifs à ces crimes. En 2021, la France et la Suède ont mis sur pied une équipe commune d'enquête en appui aux procédures relatives aux principaux crimes internationaux commis par des combattants terroristes étrangers, notamment contre la population yézidie en Syrie et en Irak. De telles initiatives sont bien sûr à encourager.

Je vous remercie.

c) L'intervention de M. Jacques Le Nay

Les combattants de Daech représentent toujours une menace. Plusieurs équipes d'enquête ont conclu que Daech avait commis un génocide contre les Yézidis, ainsi que divers crimes contre l'humanité ou crimes de guerre.

Ces crimes sont indiscutables et ne doivent pas rester impunis. Il s'agit alors d'organiser le procès des criminels de Daech.

Ceux-ci sont actuellement détenus en Syrie ou en Irak. Les conditions dans lesquelles la justice est rendue dans ces pays ne garantissent pas la tenue d'un procès équitable permettant de révéler les responsabilités de chacun et de prendre en compte les victimes. En Irak, Human Rights Watch affirme que les autorités engagent des poursuites contre tous les membres présumés de Daech sur la base de leur appartenance à cette organisation sans s'attacher à déterminer les crimes spécifiques qui ont pu être commis. En Syrie, la situation est encore plus compliquée compte tenu de la multiplicité des acteurs. En effet, la plupart des criminels de Daech sont détenus par les combattants kurdes dans des régions qui pour le moment échappent à l'autorité du pouvoir central de Bachar al-Assad.

En parallèle, nous constatons les difficultés à créer une juridiction internationale qui serait en mesure de juger les crimes commis par les membres de Daech. Il faudrait pour cela que l'Irak et la Syrie acceptent le principe d'une telle juridiction ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

En outre, la Cour pénale internationale a indiqué que Daech est avant tout dirigée par des ressortissants irakiens et syriens, de sorte que les perspectives d'enquête et de poursuites à l'encontre des dirigeants les plus responsables semblent limitées, du fait que ces deux pays ne sont pas parties au Statut de Rome.

La question se pose alors de savoir si nous devons organiser leur rapatriement vers leur pays d'origine afin qu'ils y soient jugés.

À mon sens, tout rapatriement qui pourrait présenter un risque quelconque pour la sécurité du pays d'origine et de ses citoyens ne devrait pas être envisagé. En effet, ces individus restent dangereux et toute décision de rapatriement ne doit être prise qu'au cas par cas, comme l'indique la CEDH. Si l'on peut regretter les conditions de détention de ces criminels, il appartient aux autorités irakiennes et syriennes de prendre les mesures nécessaires pour les améliorer. En outre, nous devons travailler avec ces mêmes autorités pour trouver des solutions pour l'organisation de procès équitables permettant véritablement de rendre justice aux victimes.

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