Échanges avec la salle animés par Marie-Pierre Monier

MARIE-PIERRE MONIER

Puisque nous ne parvenons pas encore à nous connecter avec notre autre intervenante, je vous propose un premier échange.

Je propose à Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy, d'intervenir sur le sujet du parcours scolaire des jeunes filles dans les outre-mer.

MICHELINE JACQUES,
SÉNATRICE DE SAINT-BARTHÉLEMY

Merci. C'est toujours un plaisir de participer aux travaux de la délégation aux droits des femmes.

Je rejoins tous les propos entendus ce matin. Effectivement, nous retrouvons les filles dans ces petits territoires isolés, mais elles ont tendance à s'émanciper. J'ai été enseignante et directrice d'école pendant de nombreuses années. Il nous était important de montrer qu'il n'existait pas de fonctions pour les garçons, et d'autres pour les filles, mais que tout le monde était égal. Chez nous, les premiers font de la danse, et les secondes, du foot. Ils font preuve d'un respect mutuel. Nous essayons de sortir de ces clichés.

Il y a quelques années, parce que les jeunes n'avaient pas les moyens de partir - nous n'avons pas de lycée à Saint-Barthélemy, juste un collège - nous avions créé un centre de métiers du bâtiment pour les jeunes hommes. Leurs homologues féminines étaient réservées aux tâches ménagères ou au crochet. Les choses ont beaucoup évolué, mais l'isolement reste prégnant.

Je laisse la parole à ma première vice-présidente, qui a beaucoup oeuvré pour l'environnement et les problématiques sociales.

MARIE-HÉLÈNE BERNIER, PREMIÈRE VICE-PRÉSIDENTE
DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-BARTHÉLEMY

Merci. Je suis émue d'être là. Le discours de Mme Lambert m'a beaucoup touchée. Dans ce genre de réunion, les propos échangés sont souvent très techniques et globaux. Entendre quelqu'un parler de soi nous touche toutes, car bon nombre d'entre nous sont des femmes. Nous sommes toutes un peu concernées.

Pour autant, je suis un peu moins optimiste que Micheline Jacques. Il est vrai que l'égalité femmes-hommes a avancé, mais il nous reste encore énormément de travail pour que les femmes soient considérées pour ce qu'elles sont, pour leurs compétences ou leur position.

Je suis première vice-présidente, depuis un an, à la collectivité de Saint-Barthélemy. Je viens du milieu associatif. En 2009, j'ai fondé une association oeuvrant pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine environnemental, historique et culturel. Je l'ai présidée jusqu'en 2022.

J'étais la seule femme à mener une liste aux élections en 2017. Toutes les autres têtes de liste étaient des hommes. À l'époque, on m'a dit que j'étais une femme, homosexuelle, qu'il ne me restait plus qu'à être noire pour combler les caricatures.

Nous devons lutter pour ce que nous sommes, avec nos convictions. Les femmes disposent d'une force exceptionnelle.

Merci pour l'invitation. Je suis heureuse d'être là.

MARIE-PIERRE MONIER

Merci pour ce témoignage fort. Il est important que nous assumions, que nous nous libérions. Lors de mon arrivée au sein de la délégation, nous avons tenu une table ronde à l'occasion de laquelle on m'a demandé de m'exprimer sur ma carrière. Je me suis alors rendu compte que nous nous imposions nous-mêmes des barrières. Nous devons nous en libérer.

Avez-vous des questions pour Mme Pérez, ou des retours d'expérience à nous exprimer ?

AUDE SEREIN,
MAIRE D'ÉVIGNY (ARDENNES)

Je suis maire d'un petit village de 200 habitants, première femme à occuper ce poste. Je suis maire et mère. Mon deuxième enfant est né en 2021, moins d'un an après mon élection. Au sein du conseil municipal, je n'ai eu que des félicitations, tant de la part d'hommes que de femmes. Au niveau de l'intercommunalité - composée à 80 % d'hommes, a minima, souvent retraités - en revanche, j'ai été confrontée à une incompréhension totale. À leurs yeux, le fait d'avoir un deuxième enfant revenait à abandonner mes fonctions. On m'a reproché mon absence pendant mon congé maternité. Pourtant, une semaine après mon accouchement, je reprenais mes responsabilités de maire.

Je tiens à préciser que je suis entièrement épanouie dans ma vie personnelle, dans ma vie d'élue et dans ma vie professionnelle. En effet, j'ai également une activité professionnelle.

Je pense que les mentalités évoluent. Dans les villages, le fait qu'une femme jeune ait envie de s'impliquer est souvent salué. Ce n'est d'ailleurs pas une question de sexe, mais de compétences et d'envie. Il me semble positif qu'on ne s'arrête pas toujours à la question du genre. Pour autant, certains propos ne devraient même pas être tenus de la part de certains élus.

Ainsi, je voulais prendre la parole pour témoigner que nos épanouissements professionnels et personnels ne sont pas contradictoires, et qu'ils peuvent se rejoindre.

MARIE-PIERRE MONIER

Seuls les conseils départementaux sont de vraies instances paritaires. Seuls 20 % des présidents de départements ou des intercommunalités sont des femmes. Je rejoins votre propos sur les intercommunalités rurales. Il faut que les femmes soient maires. En effet, pour des équilibres territoriaux, on nomme souvent les maires des communes à l'exécutif de ces intercommunalités. Se pose ici la question de la constitution des listes pour les communes de moins de 1 000 habitants. Nous avions réfléchi à la mise en place d'un binôme pour que les femmes soient plus présentes.

LAURENCE BUSSIERE,
MAIRE DE DAUBEUF-LA-CAMPAGNE (EURE)

Je suis présidente de l'Union des maires ruraux de l'Eure, maire d'une petite commune de 241 habitants, et vice-présidente du syndicat de l'eau. Lorsque j'ai proposé ma candidature au président pour occuper cette fonction, il m'a dit qu'il la prenait, mais que sa liste était déjà pleine. Je n'ai pas eu de nouvelles de lui. Le jour J, il m'a contactée pour m'annoncer que je n'aurais pas la fonction demandée, mais qu'il m'avait désignée membre du bureau. Ce n'est pas ce que je voulais.

J'ai longtemps hésité à prendre la parole pour me faire entendre. Lorsque le président a énoncé sa liste, j'ai décidé de me lever pour expliquer que j'avais proposé ma candidature, qui avait été refusée. Plusieurs hommes m'ont suivie et ont dit qu'eux aussi avaient vu leur candidature retoquée. L'un d'eux a indiqué « Nous ne sommes pas en Russie ici. Si nous souhaitons nous présenter, nous pouvons le faire ». Je me suis présentée, et j'ai récolté le plus de voix.

Ensuite, ça n'a pas été simple. Récemment, j'ai demandé des informations concernant un dossier. On m'a répondu : « Tu te tais, ou je t'enlève tes indemnités ». J'ai répondu que j'étais prête. J'en passe. Parfois, quand j'arrive, il me demande « Tu as vu comment tu es habillée ? » Personnellement, j'estime que je suis bien vêtue. Un jour, en présence d'un préfet, il a dit « Tu as vu, maintenant c'est une blonde qui va devenir grise ». Le préfet a répondu que je pouvais faire ce que je voulais et qu'il n'interviendrait pas. C'était une parenthèse.

En écoutant vos propos, je pense que la femme a besoin, pour être mise en valeur, d'outils et de formation. Je suis devenue maire par hasard, moi aussi.

J'étais la première femme maire de mon village. J'en ai bavé. J'ai pleuré à plusieurs reprises - mais jamais devant les personnes concernées, uniquement en arrivant chez moi. Nous ne sommes pas suffisamment soutenues. Nous avons besoin d'outils pour intervenir, d'éléments de langage. Avec une association, nous mettons en place des ateliers d'autodéfense pour le dialogue, pour apprendre à riposter. Ils nous ont énormément servi. Un psychologue intervient. Nous ne sommes pas suffisamment formés, femmes comme hommes. Nous sommes maires, l'avons choisi, mais n'y connaissons rien.

Vous parlez de compétences. Je ne pense pas que ce soit réellement le sujet. De nombreuses femmes veulent s'investir mais craignent de ne pas y parvenir. Je suis dans le syndicat d'eau, alors que je n'y connaissais pas grand-chose. Pour autant, certains de mes collègues vice-présidents m'ont posé de nombreuses questions à mon arrivée. J'ai été en mesure d'y répondre. Lorsque je les ai interrogés, ils ne connaissaient en revanche pas les informations recherchées.

Ainsi, des compétences sont nécessaires, mais même si on ne dispose pas de toutes celles qui sont demandées, il faut se faire confiance, puis se doter d'outils pour pouvoir avancer.

À titre d'exemple, je ne suis pas à l'aise pour prendre la parole en public. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, parce que je m'exprime devant une majorité de femmes. Lorsque vous parlez devant une multitude d'hommes, vous savez que vous êtes jugée. Ici, c'est différent. Dans l'Eure, je sais que je vais bafouiller, parce que je suis jugée.

Les femmes, mais aussi les hommes, ont besoin d'outils. Je m'arrête là.

MARIE-PIERRE MONIER

Je pense que vos propos reflètent la réalité de beaucoup. Vous savez combien le regard porté par d'autres sur nous peut-être difficile.

Nous allons essayer de nous reconnecter avec Mme Berlioux.